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23/09/2010 | FRANCE | N°10VE00963

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, Juges des reconduites à la frontière, 23 septembre 2010, 10VE00963


Vu la requête enregistrée le 22 mars 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour M. Abderrahim A demeurant ..., par Me Skander ; il demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1001489 du 8 mars 2010 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 février 2010 par lequel le préfet du Val-d'Oise a décidé sa reconduite à la frontière et de la décision du même jour fixant le pays de destination de la reconduite ;

2°)

d'annuler cet arrêté et cette décision ;

3°) d'enjoindre au préfet du Val-d'Oise,...

Vu la requête enregistrée le 22 mars 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour M. Abderrahim A demeurant ..., par Me Skander ; il demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1001489 du 8 mars 2010 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 février 2010 par lequel le préfet du Val-d'Oise a décidé sa reconduite à la frontière et de la décision du même jour fixant le pays de destination de la reconduite ;

2°) d'annuler cet arrêté et cette décision ;

3°) d'enjoindre au préfet du Val-d'Oise, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte du versement de la somme de 100 euros par jour de retard, à titre subsidiaire, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de sa situation et de procéder à cet examen dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte du versement de la somme 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que, dès lors qu'il pouvait bénéficier de la délivrance d'un titre de séjour de plein droit en application du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet, en ne saisissant pas la commission du titre de séjour préalablement à la décision de refus de délivrance d'un titre, a entaché sa décision d'un vice de procédure ; que l'arrêté attaqué méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il justifie d'une présence en France depuis cinq ans et qu'il a pu tisser des liens sociaux, familiaux et humains et qu'il est hébergé par sa soeur, de nationalité française ; que le préfet du Val-d'Oise a commis une erreur manifeste dans son appréciation des conséquences de la décision d'éloignement sur sa situation personnelle ; que la décision fixant le pays de renvoi méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales car il risque de subir des traitements inhumains en l'absence de traitements appropriés dans son pays d'origine ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Royaume du Maroc ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 septembre 2010 :

- le rapport de M. Martin, magistrat désigné,

- et les conclusions de M. Davesne, rapporteur public ;

Sur la légalité de la décision prononçant la reconduite à la frontière :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : II. - L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3)° Si l'étranger fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français exécutoire prise depuis au moins un an ; (...) ;

Considérant que M. A, ressortissant marocain, né le 20 décembre 1977, soutient être entré en France au cours de l'année 2003 ; que, par un arrêté du 22 février 2010, le préfet du Val-d'Oise a pris à son encontre un arrêté de reconduite à la frontière au motif qu'ayant fait l'objet le 31 mars 2008 d'un refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français notifié le 1er avril 2008, il ne s'est pas soumis à cette mesure exécutoire prise depuis plus d'un an ; que M. A entrait ainsi dans le champ d'application des dispositions du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui permettent au préfet d'édicter un arrêté de reconduite à la frontière ;

Considérant, en premier lieu, que si M. A soutient que le préfet du Val-d'Oise était tenu de saisir la commission du titre de séjour, il ne saurait se prévaloir utilement d'un tel moyen à l'encontre d'un arrêté de reconduite à la frontière dès lors que ce moyen n'est opérant qu'à l'encontre d'une décision de refus de titre de séjour ; qu'il ressort, en outre, des pièces du dossier que la demande de M. A tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 mars 2008 refusant de renouveler son titre de séjour en qualité d'étranger malade ayant été rejetée par une décision définitive de la Cour administrative d'appel de Versailles en date du 3 décembre 2009, M. A est, en tout état de cause, ni recevable ni fondé à exciper de l'illégalité de l'arrêté du 30 mars 2008 refusant le renouvellement d'un titre de séjour qui ne constitue pas le fondement de l'arrêté attaqué ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'en invoquant son état de santé qui s'opposerait au prononcé d'une mesure d'éloignement, M. A doit être regardé comme invoquant la méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers en vertu desquelles l'étranger résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, ne peut faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l' état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin inspecteur de santé publique compétent au regard du lieu de résidence de l'intéressé ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police (...) ; qu'aux termes de l'article L. 511-4 du même code : Ne peuvent faire l'objet (...) d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi (...) ; qu'aux termes de l'article R. 511-1 du même code : L'état de santé défini au 10° de l'article L. 511-4 est constaté dans les mêmes conditions que celles qui sont prévues aux deux premiers alinéas de l'article R. 313-22 ; qu'aux termes de l'article R. 313-22 du même code : (...) le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin inspecteur de santé publique compétent au regard du lieu de résidence de l'intéressé (...) ;

Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment, des différents certificats médicaux des 3 avril 2008 et 10 septembre 2008, qui établissent que l'intéressé a fait l'objet d'un traitement pour une maladie infectieuse pulmonaire et du compte rendu de l'examen radiologique réalisé le 4 avril 2009, qui se borne à rappeler les séquelles de tuberculose, qu'à la date de l'arrêté attaqué, le défaut de prise en charge de l'état de santé de M. A, qui avait, comme il a été rappelé ci-dessus, fait l'objet d'un refus définitif de titre de séjour en qualité d'étranger malade le 30 mars 2008, entraînerait des conséquences d'une exceptionnelle gravité, dès lors que le requérant reconnait, lui-même, que son état s'est amélioré ; qu'en tout état de cause, si la pathologie dont souffre le requérant nécessite un suivi, il n'est pas établi que M. A ne puisse bénéficier d'un traitement approprié au Maroc ; que, dès lors, M. A n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté attaqué est intervenu en violation du 10° précité de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ou qu'il avait droit à la délivrance, de plein droit, d'une carte de séjour temporaire en application du 11° de l'article L. 313-11 du même code qui s'opposerait à l'édiction d'un arrêté de reconduite à la frontière ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;

Considérant que si M. A fait état de la durée de son séjour en France depuis 2003, de ses attaches familiales sur le territoire français, notamment celles qui le lient à sa soeur de nationalité française qui l'héberge, il ressort des pièces du dossier qu'il ne justifie pas de sa présence habituelle en France avant l'année 2006, alors qu'il était âgé de vingt-neuf ans ; qu'étant célibataire et sans charge de familles, l'arrêté de reconduite à la frontière du préfet du Val-d'Oise en date du 22 février 2010 n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'ainsi le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne saurait être accueilli ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ;

Considérant que l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une mesure de reconduite à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour ; que lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière ; que toutefois, pour les mêmes motifs que ceux qui viennent d'être exposés lors de l'examen du moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, M. A ne peut prétendre à l'obtention de plein droit d'un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, M. A pouvait légalement faire l'objet de la mesure de reconduite à la frontière prononcée à son encontre ;

Considérant, enfin, que si le requérant fait état de son intégration dans la société française et d'une promesse d'embauche par une société du secteur du bâtiment et des travaux publics, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Val-d'Oise aurait commis une erreur manifeste dans son appréciation des conséquences de la décision d'éloignement sur la situation personnelle de M. A ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ; qu'aux termes de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Nul ne peut être soumis à la torture ni à des traitements inhumains et dégradants ;

Considérant que ces dispositions combinées font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement un État pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne soit du fait des autorités de cet État, soit même du fait de personnes ou groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'État de destination ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée ;

Considérant que, pour contester la décision fixant le pays de renvoi à destination duquel la mesure d'éloignement doit être exécutée, M. A n'apporte aucun élément au soutien de ses allégations selon lesquelles son état de santé l'exposerait au Maroc à un risque réel de subir des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, dès lors, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

D E C I D E

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

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N° 10VE009632


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : Juges des reconduites à la frontière
Numéro d'arrêt : 10VE00963
Date de la décision : 23/09/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Frédéric MARTIN
Rapporteur public ?: M. DAVESNE
Avocat(s) : SKANDER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2010-09-23;10ve00963 ?
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