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23/09/2010 | FRANCE | N°09VE04220

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, Juges des reconduites à la frontière, 23 septembre 2010, 09VE04220


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, le 12 décembre 2008, présentée par le PREFET DU VAL-D'OISE ; le PREFET DU VAL-D' OISE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0800496 du 30 octobre 2008 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé l'arrêté du 19 janvier 2008 par lequel il a ordonné la reconduite à la frontière de M. Abdoul Aziz A ;

2°) de confirmer l'arrêté du 19 janvier 2008 ;

Il soutient que c'est à tort que le premier juge a esti

mé que la décision attaquée violait les stipulations de l'article 8 de la convention e...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, le 12 décembre 2008, présentée par le PREFET DU VAL-D'OISE ; le PREFET DU VAL-D' OISE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0800496 du 30 octobre 2008 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé l'arrêté du 19 janvier 2008 par lequel il a ordonné la reconduite à la frontière de M. Abdoul Aziz A ;

2°) de confirmer l'arrêté du 19 janvier 2008 ;

Il soutient que c'est à tort que le premier juge a estimé que la décision attaquée violait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l 'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que l'existence de collatéraux de nationalité française ne peut être prise en compte, qu'il n'est pas démontré qu'il n'a plus d'attaches dans son pays d'origine ; que sa compagne, qui est aussi la mère de son enfant, ne vit plus avec lui ; qu'il n'est pas démontré que son enfant de six ans serait à sa charge ; qu'en édictant sa décision, il ne l'a entachée d'aucune erreur manifeste dans son appréciation des conséquences de celle-ci sur la situation personnelle de l'intéressé ;

.............................................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience :

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 septembre 2010 :

- le rapport de M. Martin, magistrat désigné,

- les conclusions de M. Davesne, rapporteur public,

- et les observations de Me Goralczyk, pour M. A ;

Connaissance ayant été prise de la note en délibéré enregistrée le 10 septembre 2010 ;

Considérant que par la requête susvisée, le PREFET DU VAL-D'OISE fait appel du jugement du 30 octobre 2008 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé son arrêté du 19 janvier 2008 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Abdoul Aziz A ;

Considérant que, pour annuler l'arrêté en date du 19 janvier 2008 ordonnant la reconduite à la frontière de M. A, ressortissant malien, né le 6 mars 1963 à Bamako, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise s'est fondé sur les circonstances que l'intéressé vivait et travaillait en France depuis 2001, résidait avec sa concubine titulaire d'une carte de résident et avec son fils né en France, de cette union, le 31 janvier 2002, qu'une partie de sa famille vivait en France en situation régulière, que l'intéressé n'avait plus d'attaches dans son pays d'origine et que, dans ces conditions, la mesure de reconduite à la frontière prise à son encontre avait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle avait été prise et, par suite, avait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, toutefois, si M. A est entré en France, pour la dernière fois le 5 juin 2005, il ne pouvait séjourner régulièrement dans un Etat de l'espace Schengen que durant une période de 90 jours durant la validité de son visa ; que

M. A était en situation irrégulière à la date d'édiction de l'arrêté de reconduite à la frontière prononcé à son encontre ; que s'il est le père d'un enfant âgé de six ans vivant en France avec sa mère, titulaire d'une carte de séjour temporaire dont la durée de validité expirait le 14 décembre 2007 et s'il fait état de liens affectifs et matériels avec ces derniers, M. A ne vivait pas avec la mère de l'enfant, à la date de l'arrêté attaqué dès lors qu'il avait déclaré à l'officier de police judiciaire au cours de l'audition du 19 janvier 2008 que sa compagne et son fils l'avaient quitté depuis quelques mois pour aller vivre à Paris ; que M. A n'établit pas, par la production de quelques relevés bancaires et l'attestation de la mère de son enfant, participer à l'entretien de son fils ; que les liens familiaux dont M. A peut se prévaloir en France furent toujours épisodiques, au vu des séjours en France de l'intéressé sous couvert de visas à entrées multiples pour l'exercice, par ce dernier, de son activité d'antiquaire en art africain ; que M. A n'établit pas, au seul motif du décès, en République de Guinée, de ses parents qu'il n'aurait plus d'attaches familiales dans son pays d'origine ; qu'ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et notamment des conditions de séjour en France de l'intéressé, qui ne vit de façon habituelle en France que depuis 2005, l'arrêté prononçant la reconduite à la frontière de M. A n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a été pris, nonobstant la circonstance que son frère et ses soeurs, dont la filiation avec les parents décédés de M. A, pour une de ses soeurs et pour son frère, ne ressort pas manifestement des pièces du dossier, seraient soit en situation régulière soit de nationalité française ; que, par suite, le PREFET DU VAL-D'OISE est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise s'est fondé sur la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour prononcer l'annulation de l'arrêté du 19 janvier 2008 ordonnant la reconduite à la frontière de M. A ;

Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise et devant la Cour ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré (...) ;

Considérant que les mentions et cachets portés sur le passeport malien de M. Abdoul Aziz A indiquent qu'il est entré en France, en dernier lieu, le 5 juin 2005, sous couvert d'un visa délivré par l'ambassade de Belgique à Abidjan (Côte d'Ivoire) de type C d'une durée de validité de 90 jours à entrées multiples valable du 19 mai 2005 au 18 mai 2006 ; que l'intéressé s'est maintenu sur le territoire français postérieurement à l'expiration de la durée de validité de son visa ; qu'ainsi, à la date de la mesure d'éloignement, il était dans le cas prévu par les dispositions précitées du 2° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut décider la reconduite à la frontière d'un étranger ; qu'il entrait ainsi dans le champ d'application des dispositions 2° du même article qu'il y a lieu de substituer d'office à celles du 1°, dès lors que cette substitution de base légale ne prive

M. A d'aucune garantie et que le préfet disposait du même pouvoir d'appréciation ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que par arrêté

n° 07-204 du 10 septembre 2007 publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du Val d'Oise du même jour, M. Paul-Henri Trollé, PREFET DU VAL-D'OISE, a donné à M. Henri d'Abzac, sous-préfet de l'arrondissement de Sarcelles délégation permanente (...) à l'effet de signer pour l'ensemble du département, lorsqu'il assure les permanences du corps préfectoral en fin de semaine ou les jours fériés, ou encore, en ce qui concerne les quatre premiers alinéas mentionnés ci-dessous, en l'absence du préfet, du secrétaire général et du préfet délégué pour l'égalité des chances, pour les décisions suivantes : (...) tout arrêté de refus de délivrance de titre de séjour aux ressortissants étrangers et d'obligation de quitter le territoire (OQTF) et tout arrêté de reconduite à la frontière (APRF) prévus aux articles L.511-1 à 3 ; L.512-1 et 2 ; L.513-2 à 4 du CESEDA, ainsi que toute décision fixant le pays de renvoi ;

Considérant que l'arrêté en date du 19 janvier 2008 par lequel le PREFET DU VAL-D'OISE a décidé la reconduite à la frontière de M. A a été signé, pour cette autorité, par M. Henri d'Abzac, sous-préfet de l'arrondissement de Sarcelles, qui disposait d'une délégation de signature à cet effet ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que cette mesure aurait été signée par une autorité incompétente manque en fait ;

Considérant, en troisième lieu, que si, parmi les motifs de l'arrêté attaqué, c'est à tort que le PREFET DU VAL-D'OISE a retenu que M. A n'avait pas accompli des démarches en vue d'obtenir un premier titre de séjour alors que le 16 janvier 2008 son conseil adressait aux services de la préfecture du Val-d'Oise, qui l'ont réceptionné le 18 janvier 2008, la veille de l'édiction de l'arrêté attaqué, une demande de titre de séjour et si le PREFET DU VAL-D'OISE ne conteste pas le caractère erroné de cette mention, il ressort des pièces du dossier que, compte tenu notamment de ce qui a été dit ci-dessus, le préfet aurait pris la même décision s'il n'avait pas retenu ce motif ; que, dès lors, le moyen tiré de l'erreur de fait doit être écarté ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ;

Considérant que l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une mesure de reconduite à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour ; que, lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière ; que toutefois, pour les mêmes motifs que ceux qui viennent d'être exposés lors de l'examen du moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, M. A ne peut prétendre à l'obtention de plein droit d'un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, M. A pouvait légalement faire l'objet de la mesure de reconduite à la frontière prononcée à son encontre, nonobstant la circonstance, sans influence sur la légalité de l'arrêté attaqué, qu'il avait présenté une demande de titre de séjour la veille de la mesure d'éloignement, laquelle trouve son fondement légal dans les dispositions précitées du 2° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant, enfin, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le PREFET DU VAL-D'OISE aurait commis une erreur manifeste dans son appréciation des conséquences de la mesure d'éloignement qu'il a prononcée sur la situation individuelle de M. A ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DU VAL-D'OISE est fondé à demander l'annulation du jugement du 30 octobre 2008 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé son arrêté du 19 janvier 2008 décidant la reconduite à la frontière de M. A ;

Sur les conclusions de M. A aux fins d'injonction et d'astreinte :

Considérant que le présent arrêt, par lequel la Cour annule le jugement du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise et rejette les conclusions d'annulation de M. A présentées devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise n'implique aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte de M. A doivent être rejetées ;

Sur les conclusions de M. A tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. A demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E

Article 1er : Le jugement n° 0800496 du 30 octobre 2008 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise et ses conclusions d'appel sont rejetées.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : Juges des reconduites à la frontière
Numéro d'arrêt : 09VE04220
Date de la décision : 23/09/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Frédéric MARTIN
Rapporteur public ?: M. DAVESNE
Avocat(s) : GORALZYCK

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2010-09-23;09ve04220 ?
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