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23/09/2010 | FRANCE | N°09VE02072

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, Juges des reconduites à la frontière, 23 septembre 2010, 09VE02072


Vu la requête, enregistrée le 22 juin 2009, présentée par le PREFET DE L'ESSONNE ; le PREFET DE L'ESSONNE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0904507 du 26 mai 2009 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Versailles a annulé son arrêté du 15 mai 2009 décidant la reconduite à la frontière de M. Liévin A et la décision du même jour fixant le pays à destination duquel l'intéressé sera reconduit ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Versailles ;

3°) de mett

re à la charge de M. A la somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l'article L. 76...

Vu la requête, enregistrée le 22 juin 2009, présentée par le PREFET DE L'ESSONNE ; le PREFET DE L'ESSONNE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0904507 du 26 mai 2009 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Versailles a annulé son arrêté du 15 mai 2009 décidant la reconduite à la frontière de M. Liévin A et la décision du même jour fixant le pays à destination duquel l'intéressé sera reconduit ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Versailles ;

3°) de mettre à la charge de M. A la somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que l'arrêté du 15 mai 2009 est suffisamment motivé même s'il ne mentionne pas explicitement qu'il est pris sur le fondement du 1° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que M. A ne peut justifier d'une entrée régulière sur le territoire national ; que, célibataire et sans charge de famille, M. A, qui n'établit pas que sa présence auprès de son père soit indispensable, qui ne peut soutenir qu'il est bien intégré au motif qu'il poursuit ses études sur le territoire national et qui n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, ne peut prétendre à la délivrance d'une carte de séjour temporaire en application des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il n'a pas commis d'erreur manifeste dans son appréciation des conséquences de la mesure de reconduite sur la situation personnelle de l'intéressé ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 septembre 2010 :

- le rapport de M. Martin, magistrat désigné,

- et les conclusions de M. Davesne, rapporteur public ;

Considérant qu'aux termes des dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, ressortissant de la République démocratique du Congo, ne justifie pas être entré en France régulièrement ; qu'il entrait ainsi dans le champ d'application de la disposition précitée où le préfet peut prononcer la reconduite à la frontière d'un étranger ;

Considérant que pour prononcer, par le jugement du 26 mai 2009 dont le PREFET DE L'ESSONNE relève appel, l'annulation de l'arrêté du 15 mai 2009 ordonnant la reconduite à la frontière de M. A, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Versailles a estimé que l'intéressé, arrivé en France au plus tard le 26 septembre 2003, est venu rejoindre son père, titulaire d'une carte de résident, qu'il suit en France de solides études qui témoignent d'une parfaite intégration dans la société française dans laquelle il a tissé de nombreux liens et qu'il n'a plus de relations avec sa mère, restée en République démocratique du Congo, qui l'avait envoyé en France à l'âge de dix-sept ans pour rejoindre son père sans se préoccuper de son sort et qu'ainsi, l'arrêté litigieux était intervenu en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;

Considérant que si M. A, né le 4 septembre 1986, fait valoir qu'il est arrivé en France en 2003 et qu'il y réside depuis son arrivée, que son père, qui réside en France depuis 1992, est titulaire d'une carte de résident, qu'un oncle, qui a acquis la nationalité française, l'héberge et qu'il a fait preuve, depuis son arrivée sur le territoire français, d'une volonté et de capacités réelles d'insertion sociale, de sérieux et de motivation dans les études qu'il a poursuivies, comme l'attestent différentes lettres des professeurs des établissements où il a suivi ces études, il ressort des pièces du dossier que le requérant est célibataire et sans enfant ; qu'il s'est maintenu en situation irrégulière depuis le refus de délivrance d'un titre de séjour par le préfet du Val-de-Marne le 7 juillet 2005 ; que la mère du requérant est restée vivre en République démocratique du Congo où le requérant a vécu lui-même jusqu'à l'âge de dix-sept ans ; qu'ainsi, compte tenu des circonstances de l'espèce, et notamment des conditions de séjour en France de l'intéressé, le PREFET DE L'ESSONNE est fondé à soutenir que l'arrêté du 15 mai 2009 par lequel il a prononcé la reconduite à la frontière de M. A n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels l'arrêté a été pris, ni, par suite, que cette mesure aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant que, par suite, c'est à tort que le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Versailles s'est fondé sur ce moyen pour en prononcer l'annulation ;

Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A devant le Tribunal administratif de Versailles et devant la Cour ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A était, à la date de l'arrêté, inscrit en troisième année de licence de mathématiques et poursuivait de solides études au sein du département de mathématiques de l'Université d'Evry Val d'Essonne où, d'ailleurs, il devait se présenter aux épreuves de licence de mathématiques au cours du mois de mai 2009 ; que, dans les circonstances de l'espèce, la décision en date du 15 mai 2009 ordonnant la reconduite à la frontière de M. A est entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure d'éloignement sur la situation personnelle de l'intéressé ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la demande, que le PREFET DE L'ESSONNE n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Versailles a annulé son arrêté en date du 15 mai 2009 prononçant la reconduite à la frontière de M. A ;

Sur la demande incidente de M. A aux fins d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé ; que l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : Si l'arrêté de reconduite à la frontière est annulé (...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas ;

Considérant qu'à la suite de la confirmation du jugement annulant un arrêté de reconduite à la frontière, il incombe à l'autorité administrative, en application des dispositions précitées de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, non seulement de munir l'intéressé d'une autorisation provisoire de séjour mais aussi, qu'il ait été ou non saisi d'une demande en ce sens, de se prononcer sur son droit à un titre de séjour ; que, dès lors, il appartient au juge administratif, lorsqu'il prononce, comme en l'espèce, la confirmation de l'annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière et qu'il est saisi de conclusions en ce sens, d'user des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 911-2 du code de justice administrative pour fixer le délai dans lequel la situation de l'intéressé doit être réexaminée ;

Considérant que le présent arrêt qui confirme l'annulation de l'arrêté du 15 mai 2009 prononcée par le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Versailles implique, en application des dispositions précitées, que le PREFET DE L'ESSONNE délivre à M. A une autorisation provisoire de séjour, mais aussi se prononce sur le droit de l'intéressé à la délivrance d'un titre de séjour ; que, dès lors, il y a lieu d'enjoindre à cette autorité de délivrer à M. A une telle autorisation et de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. A, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais exposés par l'Etat et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, M. A ayant obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles

L. 761-1 du code de justice administrative et 37, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Lipietz, avocat de M. A, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Lipietz de la somme de 1 500 euros ;

D E C I D E

Article 1er : La requête du PREFET DE L'ESSONNE est rejetée.

Article 2 : Il est enjoint au PREFET DE L'ESSONNE de délivrer à M. A une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, la situation de l'intéressé.

Article 3 : L'Etat versera à Me Lipietz, avocat de M. A, la somme de

1 500 euros (mille cinq cents euros) en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Lipietz renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le surplus des conclusions incidentes de M. A est rejeté.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : Juges des reconduites à la frontière
Numéro d'arrêt : 09VE02072
Date de la décision : 23/09/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Frédéric MARTIN
Rapporteur public ?: M. DAVESNE
Avocat(s) : LIPIETZ

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2010-09-23;09ve02072 ?
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