La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/09/2010 | FRANCE | N°09VE02028

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, Juges des reconduites à la frontière, 23 septembre 2010, 09VE02028


Vu la requête enregistrée le 19 juin 2009, présentée par le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS ; le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0905063 du 19 mai 2009 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé l'arrêté du 5 mai 2009 décidant la reconduite à la frontière de M. Yacouba Cisse A et la décision du même jour fixant le pays de destination de la reconduite ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;
>Il soutient que c'est à tort que le premier juge a considéré que l'arrêté du 5 mai 20...

Vu la requête enregistrée le 19 juin 2009, présentée par le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS ; le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0905063 du 19 mai 2009 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé l'arrêté du 5 mai 2009 décidant la reconduite à la frontière de M. Yacouba Cisse A et la décision du même jour fixant le pays de destination de la reconduite ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;

Il soutient que c'est à tort que le premier juge a considéré que l'arrêté du 5 mai 2009 prononçant la reconduite à la frontière de M. A aurait violé les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que le certificat médical en date du 15 mai 2009, produit par l'intéressé, postérieurement à l'intervention de la décision attaquée, est sans incidence sur la légalité de celle-ci et que l'intéressé n'a jamais sollicité la délivrance d'une carte de séjour en qualité d'étranger malade ; que M. A ne produit aucun document attestant de la pathologie dont il est atteint, ni du suivi médical effectué postérieurement aux interventions chirurgicales subies, ni de la prescription médicamenteuse ou de l'impossibilité pour celui-ci d'effectuer dans son pays d'origine le contrôle clinique, biologique et radiologique auquel il devrait se soumettre ; que l'arrêté du 5 mai 2009 ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales car M. A, célibataire, n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine et ne participe pas à la charge et à l'entretien de l'enfant dont il est le père et qui réside avec sa mère ;

.............................................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 septembre 2010 :

- le rapport de M. Martin, magistrat désigné,

- et les conclusions de M. Davesne, rapporteur public ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ou d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; (...) ;

Considérant que, pour annuler, par le jugement attaqué, l'arrêté du PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS du 5 mai 2009 prononçant la reconduite à la frontière de M. A, ressortissant de la Côte d'Ivoire, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise s'est fondé sur l'impossibilité pour M. A de bénéficier d'un contrôle clinique, biologique et radiologique de son état de santé dans son pays d'origine alors que ce contrôle est rendu nécessaire, en raison des risques importants de récidive que pourrait entraîner, à la suite des deux interventions chirurgicales qu'il a subies, la bilharziose vésicale dont il souffre ;

Considérant, toutefois, que les certificats médicaux rédigés, pour l'essentiel, par le même praticien hospitalier du service de chirurgie urologique du centre hospitalier André Grégoire de Montreuil en 2004, 2005, 2006 et, en dernier lieu, en 2009, ne permettent pas d'établir suffisamment qu'à la date de l'arrêté du 5 mai 2009, l'état de santé de M. A, qui avait été opéré en 2004 et 2006 de la bilharziose vésicale, nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité ou des soins qui ne pourraient être assurés dans son pays d'origine ; que, par suite, le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé, pour méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'arrêté prononçant la reconduite à la frontière de l'intéressé ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;

Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, né le 31 mai 1978, est entré en France en 2003 en étant dépourvu de document transfrontière ; qu'il ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français ; qu'il entrait, ainsi, dans le champ d'application de la disposition précitée permettant au préfet de prononcer un arrêté de reconduite à la frontière à l'encontre d'un étranger en situation irrégulière ;

Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière :

En ce qui concerne la légalité externe de l'arrêté attaqué :

Considérant, en premier lieu, que M. Jean-Louis Cambedouzou, qui a signé l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué, bénéficiait d'une délégation de signature du PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS en date du 19 janvier 2009, régulièrement publiée au recueil des actes administratifs de la préfecture, à l'effet de signer les arrêtés de reconduite à la frontière ; que, dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté attaqué manque en fait ;

Considérant, en deuxième lieu, que l'arrêté par lequel le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS a prononcé, le 5 mai 2009, la reconduite à la frontière de M. A comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; qu'il est, dès lors, suffisamment motivé ; que, par suite, M. A n'est pas fondé à soutenir que cette décision serait insuffisamment motivée ;

En ce qui concerne la légalité interne de l'arrêté attaqué :

Considérant que si, au soutien de sa demande d'annulation de la décision d'éloignement, M. A, entré en France irrégulièrement en 2003, fait valoir que celle-ci méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il ne ressort pas des pièces du dossier, eu égard aux conditions de séjour en France de M. A, qui est célibataire et père d'un enfant de trois ans dont il a reconnu ne pas assurer la charge et l'entretien et qui n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine ainsi qu'aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, que l'arrêté attaqué ait porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris ; que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne saurait être accueilli ;

Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS ait commis une erreur manifeste dans son appréciation des conséquences de son arrêté sur la situation personnelle de M. A ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

Considérant qu'aux termes de l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi (...) et qu'aux termes de l'article 3 de la même convention : Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ; qu'en décidant par l'article 2 de l'arrêté de reconduite à la frontière que l'intéressé serait reconduit à destination du pays dont il a la nationalité ou qui lui a délivré un titre de voyage en cours ou encore de tout autre pays dans lequel il serait légalement admissible, le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS doit être regardé, dans les circonstances de l'espèce, comme ayant décidé que M. A devrait être reconduit dans le pays dont il a la nationalité ;

Considérant que si M. A soutient que l'exécution de l'arrêté prononçant la reconduite à la frontière à son encontre lui ferait courir des risques méconnaissant les dispositions des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, cette circonstance qui, au demeurant, n'est pas établie par les pièces du dossier, est sans incidence sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi ; que par suite, M. A n'est pas fondé à en demander l'annulation ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé l'arrêté prononçant la reconduite à la frontière de M. A ;

Sur les conclusions de M. A tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

Considérant que les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à Me Pierrot, avocat de M. A, de la somme demandée au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E

Article 1er : Le jugement n° 0905063 du 19 mai 2009 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé.

Article 2 : La demande présentée devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise par

M. A et ses conclusions d'appel tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

''

''

''

''

N° 09VE02028 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : Juges des reconduites à la frontière
Numéro d'arrêt : 09VE02028
Date de la décision : 23/09/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Frédéric MARTIN
Rapporteur public ?: M. DAVESNE
Avocat(s) : PIERROT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2010-09-23;09ve02028 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award