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02/12/2008 | FRANCE | N°08VE01757

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, Juges des reconduites à la frontière, 02 décembre 2008, 08VE01757


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 11 juin 2008, présentée pour M. Saïbou X, demeurant ..., par Me Tchaha-Monthe ; M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0803981 du 24 avril 2008 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 avril 2008 par lequel le préfet de l'Essonne a décidé sa reconduite à la frontière ;

2°) d'annuler cet arrêté pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre au pr

éfet du Val de Marne de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, sous une astrei...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 11 juin 2008, présentée pour M. Saïbou X, demeurant ..., par Me Tchaha-Monthe ; M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0803981 du 24 avril 2008 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 avril 2008 par lequel le préfet de l'Essonne a décidé sa reconduite à la frontière ;

2°) d'annuler cet arrêté pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre au préfet du Val de Marne de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, sous une astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ou, à défaut, de le convoquer en vue du réexamen de sa situation, sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient, en premier lieu, que l'arrêté attaqué a été pris par une autorité incompétente, M. Moisselin, préfet de l'Essonne ayant été nommé préfet de la région Champagne-Ardennes par décret du 11 avril 2008, ce qui a rendu caduques les délégations de signature qu'il avait consenties ; qu'en application de l'article 45 du décret du 29 avril 2004, seul le préfet délégué à l'égalité des chances était compétent à la date d'édiction de l'arrêté attaqué ; que cet arrêté, signé par le secrétaire général, a dès lors été pris par une autorité incompétente ; en deuxième lieu, que la décision attaquée est entachée de détournement de procédure dès lors qu'il résulte de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que les étrangers ayant été admis à séjourner provisoirement en France au titre de l'asile, et dont la demande a été définitivement rejetée, quelle que soit la date de ce rejet, ne sont susceptibles de faire l'objet d'une mesure d'éloignement que selon la procédure de l'obligation de quitter le territoire français prévue à l'article L. 511-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et non dans le cadre de la procédure de reconduite à la frontière ; qu'ainsi, l'exposant, qui a été admis provisoirement à séjourner en France au titre de l'asile et dont la demande a été définitivement rejetée en 2002, ne pouvait être reconduit à la frontière ; en troisième lieu, que la décision attaquée méconnait l'article L. 313-11-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il est entré en France en 2001 et y a tissé des liens intenses, notamment lors de son mariage en octobre 2007 avec une ressortissante française ; que son épouse a entrepris des démarches, en vue de résoudre leur problème d'infertilité, qu'elle ne peut interrompre ; en quatrième lieu, que le principe de la primauté du droit communautaire sur la législation nationale, même postérieure, a été méconnu dès lors que la loi du 24 juillet 2006 en tant qu'elle exige des conjoints de français, ressortissants d'un Etat tiers, un visa de long séjour n'est pas compatible avec la directive européenne du 29 avril 2004 ; qu'en qualité de conjoint d'un ressortissant communautaire, il bénéficie du droit de circuler et séjourner librement dans l'Union ; qu'en refusant de lui appliquer les dispositions plus favorables de la directive, le préfet a commis une erreur de droit ; en cinquième lieu, que la décision attaquée a été prise en méconnaissance du principe constitutionnel d'égalité et de non-discrimination ; qu'un ressortissant d'un Etat tiers, conjoint d'un ressortissant communautaire résidant en France, bénéficie d'un statut plus favorable que le ressortissant d'un Etat tiers conjoint d'un français alors qu'une telle différence de traitement ne repose sur aucune justification, qui serait liée à une différence de situation ou à l'intérêt général ; que la décision attaquée a été prise en méconnaissance de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, combiné avec l'article 8 de cette convention, qui prohibent toute discrimination fondée sur l'origine nationale dans l'exercice du droit de mener une vie privée et familiale normale ; qu'enfin, la décision attaquée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle et familiale de l'exposant ; que sa présence auprès de son épouse demeure nécessaire compte tenu des démarches médicales entreprises ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son Préambule ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le décret n°2004-374 du 29 avril 2004 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 novembre 2008 :

- le rapport de Mme Signerin-Icre, magistrat désigné,

- les observations de Me Tchaha-Monthe, pour M. X,

- et les conclusions de Mme Jarreau, commissaire du gouvernement ;

Considérant que par un arrêté du 21 avril 2008, le préfet de l'Essonne a décidé la reconduite à la frontière de M. X, ressortissant malien ; que M. X fait appel du jugement du 24 avril 2008 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « II. L'autorité administrative peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité » ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. X ne justifie pas être entré régulièrement en France ou avoir disposé, à la date de la décision attaquée, d'un titre de séjour en cours de validité ; qu'ainsi, il se trouvait dans le cas où, en application des dispositions précitées, le préfet pouvait ordonner sa reconduite à la frontière ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du I de l'article 45 du décret du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et départements : « (...) En cas de vacance momentanée du poste de préfet, l'intérim est assuré par le secrétaire général de la préfecture » ; qu'en vertu de cette disposition, le secrétaire général exerce de plein droit, dans les cas de vacance, l'ensemble des pouvoirs dévolus au préfet ; qu'il ressort des pièces du dossier que, par un décret du 10 avril 2008 publié au Journal officiel de la République française du 11 avril, M. Gérard Moisselin, préfet de l'Essonne, a été nommé préfet de la région Champagne-Ardenne, préfet de la Marne ; que, par un décret du 16 mai 2008 publié au Journal officiel du 17 mai, M. Jacques Reiller, préfet de la Charente-Maritime, a été nommé préfet de l'Essonne ; qu'ainsi, à la date à laquelle l'arrêté attaqué a été pris, le secrétaire général de la préfecture de l'Essonne était compétent pour le signer ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « L'étranger admis à séjourner en France bénéficie du droit de s'y maintenir jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. Le I de l'article L. 511-1 est alors applicable » ; que ces dispositions, qui permettent à l'administration de prendre une décision de refus de séjour assortie d'une obligation de quitter le territoire français à la suite du rejet de la demande d'asile d'un étranger qui avait été admis au séjour, ne font nullement obstacle à ce que l'autorité administrative prenne une mesure de reconduite à la frontière à l'égard d'un étranger qui, après avoir fait l'objet d'un refus de titre de séjour en conséquence du refus de lui reconnaître la qualité de réfugié, s'est maintenu sur le territoire français et qui entre dans les catégories énoncées aux 1°, 2° ou 4° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant qu'en l'espèce, il ressort des pièces du dossier que M. X s'est vu refuser la qualité de réfugié par décision du directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 23 juillet 2002 et que le préfet de police l'a invité à quitter le territoire français par décision du 7 novembre 2002 ; qu'il suit de là que, n'étant plus admis à séjourner en France, l'intéressé n'entrait pas dans le champ d'application des dispositions précitées de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers ; que, dès lors que M. X ne justifie pas, ainsi qu'il a été dit, être entré régulièrement en France, il a pu légalement faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière sur le fondement du 1° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le moyen tiré d'un détournement de procédure doit dès lors être écarté ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui » ;

Considérant que M. X, âgé de 33 ans à la date de la décision attaquée, soutient qu'il réside en France depuis 2001, qu'il a tissé des liens importants dans ce pays et qu'il a épousé une ressortissante de nationalité française avec laquelle il a entrepris des démarches pour avoir un enfant ; que, toutefois, le requérant n'établit pas l'ancienneté d'une vie commune avec sa compagne, qu'il a épousée le 20 octobre 2007 ; que, dans ces conditions, eu égard notamment au caractère récent du mariage de M. X et aux conditions de son séjour en France, et compte tenu et de la possibilité pour lui de solliciter dans son pays d'origine un visa de long séjour en tant que conjoint d'une ressortissante française, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision attaquée ait porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; que cette décision n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés, ni celles de l'article 14 de la même convention ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée » ; qu'il résulte de ce qui précède que les liens personnels et familiaux de M. X en France ne sont pas tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; que le requérant n'est, dès lors, pas fondé à soutenir qu'il est en droit de se voir délivrer une carte de séjour temporaire au titre du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de sorte que l'arrêté contesté serait, pour ce motif, entaché d'excès de pouvoir ;

Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » est délivrée de plein droit : (...) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français » et qu'aux termes de l'article L. 311-7 du même code : « Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, l'octroi de la carte de séjour temporaire et celui de la carte de séjour compétences et talents sont subordonnés à la production par l'étranger d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois » ; que M. X n'est, en tout état de cause, pas fondé à soutenir que les dispositions législatives précitées, en ce qu'elles exigent un visa de long séjour pour la délivrance d'une carte de séjour au ressortissant d'un Etat tiers en sa qualité de conjoint d'un ressortissant français, ne seraient pas compatibles avec les objectifs de la directive européenne du 29 avril 2004, laquelle ne prévoit un droit au séjour qu'au profit des seuls ressortissants de pays tiers, membres de la famille d'un ressortissant communautaire, qui séjournaient légalement dans un Etat membre lors de leur déplacement dans un autre Etat membre ; que, pour le même motif, ces dispositions ne méconnaissent pas l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, relatif à l'interdiction des discriminations ; que si M. X soutient, enfin, que lesdites dispositions seraient contraires au principe d'égalité affirmé dans le préambule de la Constitution, ce moyen ne peut, en tout état de cause, être utilement invoqué devant le juge administratif, auquel il n'appartient pas de contrôler la constitutionalité des lois ; qu'il suit de là que M. X n'est pas fondé à soutenir qu'il devait se voir délivrer un titre de séjour de plein droit de sorte que la mesure de reconduite attaquée serait pour ce motif entachée d'illégalité ;

Considérant, en sixième lieu, que les moyens tirés de ce que l'arrêté attaqué aurait été pris en méconnaissance du principe d'égalité et en violation des stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne sont pas assortis de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé ;

Considérant, enfin, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Essonne aurait commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. X ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être également rejetées ;

D E C I D E

Article 1er : La requête de M. X est rejetée.

N° 08VE01757

5


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : Juges des reconduites à la frontière
Numéro d'arrêt : 08VE01757
Date de la décision : 02/12/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Corinne SIGNERIN-ICRE
Rapporteur public ?: Mme JARREAU
Avocat(s) : TCHAHA-MONTHE

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2008-12-02;08ve01757 ?
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