La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/06/2025 | FRANCE | N°25TL00537

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, Juge des référés, 19 juin 2025, 25TL00537


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse suivante :



M. D... C..., représenté par Me Favarel Eychenne, a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulouse de prescrire sur le fondement des dispositions de l'article R. 532-1 du code de justice administrative une mesure d'expertise aux fins de déterminer la nature et l'étendue des préjudices qu'il a subis, consécutivement à une chute en trottinette électrique sur la voie publique.

Par une ordonnance n° 2307758 du 3 mars 2025, la juge des référé

s du tribunal administratif de Toulouse a rejeté cette demande.



Procédure devant la c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse suivante :

M. D... C..., représenté par Me Favarel Eychenne, a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulouse de prescrire sur le fondement des dispositions de l'article R. 532-1 du code de justice administrative une mesure d'expertise aux fins de déterminer la nature et l'étendue des préjudices qu'il a subis, consécutivement à une chute en trottinette électrique sur la voie publique.

Par une ordonnance n° 2307758 du 3 mars 2025, la juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 14 mars 2025, M. C..., représenté par Me Favarel Eychenne, demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance en date du 3 mars 2025 du tribunal administratif de Toulouse ;

2°) de désigner un expert sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative chargé de :

- prendre connaissance du dossier ;

- l'examiner et convier les parties à participer aux opérations d'expertise ;

- se faire communiquer par la victime ou tout tiers détenteur tout document médical relatif au fait dommageable, y compris le dossier médical s'il y a lieu, en vue d'évaluer le préjudice corporel de la victime ;

- recueillir les doléances de la victime ;

- décrire l'évolution de l'état séquellaire ainsi que les modalités de prise en charge médicale (examen, soins, hospitalisations, interventions, rééducation, et autre traitement), fixer la date à laquelle ils ont pris fin et préciser leur imputabilité à l'accident du 25 août 2022 ;

- fixer une date de consolidation correspondant à la date à laquelle les lésions directement liées au préjudice corporel se sont stabilisées et ont pris un caractère permanent tel qu'un traitement n'est plus nécessaire, si ce n'est pour éviter une aggravation ; à défaut, indiquer dans quel délai il devra être à nouveau examiné et évaluer, si possible, l'importance prévisible du préjudice ;

- rechercher si un état pathologique antérieur a eu une incidence sur l'apparition ou l'évolution des lésions et des séquelles, préciser si cet état est déjà révélé ou simplement latent ;

- donner un avis sur la durée et le taux de déficit fonctionnel temporaire qu'il subit dans ses activités habituelles autres que professionnelle jusqu'à la date de consolidation, indiquer si une aide temporaire a été nécessaire pendant tout ou partie de cette période et préciser sa nature et son importance ;

- indiquer les périodes pendant lesquelles il a été, du fait des lésions et affections constatées, dans l'impossibilité d'exercer sa profession jusqu'à la date de consolidation, préciser pour chacune de ses périodes, si l'indisponibilité professionnelle a été totale (arrêt d'activité) ou partielle (réduction d'activité) ; rechercher pendant combien de temps il a été en arrêt maladie au regard des organismes sociaux et, dans le cas où la durée de ses arrêts maladies seraient supérieure à celle de l'indisponibilité professionnelle retenue, dire s'ils sont en relation avec le fait dommageable ou ont pour cause une autre affection ;

- donner son avis sur le taux de déficit fonctionnel permanent lié aux séquelles constatées,

préciser la nature et l'importance de l'atteinte aux fonctions concernées, ainsi que les actions, gestes et mouvements rendus difficiles ou impossibles ; indiquer si les séquelles sont accompagnées de douleurs permanentes, d'une perte de qualité de vie ou de troubles dans les conditions d'existence de la victime au quotidien, l'ensemble devant être pris en compte dans l'évaluation du taux de déficit fonctionnel permanent ;

- dans l'hypothèse ou un état antérieur aurait déjà entraîné un déficit fonctionnel, fixer la part du déficit fonctionnel permanent actuel imputable à l'état antérieur et celle imputable au fait dommageable ; par ailleurs, dire si le traumatisme a été la cause déclencheuse du déficit fonctionnel actuel ou si celui-ci se serait de toute façon manifesté dans l'avenir et fixer à la date à laquelle ce déficit serait apparu de manière certaine ;

-fournir tout élément permettant d'apprécier la nature, l'intensité et la durée des souffrances

endurées jusqu'à la consolidation ; en estimer l'importance sur une échelle de 1 à 7 ;

- procéder de même pour le préjudice esthétique temporaire et le définir ;

- donner son avis sur la gêne ou l'impossibilité pour lui de se livrer, du fait des séquelles constatées à ses activités spécifiques de sport et de loisirs ;

- indiquer le cas échéant si l'assistance d'une tierce personne constante ou occasionnelle est, ou a été nécessaire, en décrivant avec précision les besoins et sur quelle période ; indiquer aussi si des appareillages, des fournitures complémentaires et des soins postérieurs à la consolidation sont à prévoir ;

- fournir toute autre précision sur les suites dommageables ;

- dire que l'expert désigné devra procéder par la méthode du pré-rapport.

3°) mettre à la charge de la commune de Goulier, de la commune de Val-de-Sos et de la communauté de communes de la Haute-Ariège la somme de 3 000 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la chaussée sur laquelle a eu lieu l'accident était endommagée ; le constat d'huissier réalisé le 29 août 2022 par Me Riougol établit une profondeur exacte de 5,7 centimètres ;

- il a dû se déporter dès lors qu'il a croisé un piéton ; le trou est situé dans un virage ; l'irrégularité présente une homogénéité de couleur avec la chaussée et est recouverte de petits gravillons ce qui rend sa détection difficile ; son regard devait être dirigé vers l'arrivée d'autres usagers à contre-sens et non sur la chaussée, pour des questions de sécurité ; aucun panneau ou marquage n'indiquait la présence de l'irrégularité ;

- c'est à tort que le tribunal a estimé que le renfoncement ne devait pas être regardé comme excédant, en l'état de l'instruction, les inconvénients ou obstacles contre lesquels l'usager de la voie publique doit, par un comportement attentif, se prémunir ;

- il avait déjà fait part à la mairie, à plusieurs reprises, des irrégularités qu'il avait pu constater sur la chaussée et plus particulièrement autour de son domicile ;

- la commune a procédé au rebouchage du trou et a ordonné la mise en alignement de ladite " bouche à clé " au niveau de la chaussée ;

- la trottinette n'est pas un moyen de transport par nature instable ;

- dans l'hypothèse où un doute existerait quant à un éventuel partage de responsabilité, cette circonstance ne fait pas obstacle à ce qu'une expertise soit ordonnée ;

- il existe un lien de causalité entre l'ouvrage public et la chute ;

- l'existence d'un défaut d'entretien normal est caractérisé ;

- c'est à tort que le tribunal a estimé que l'expertise du docteur B... exonère la commune de sa responsabilité.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 mai 2025, la commune de Val-de-Sos et la communauté de communes de la Haute-Ariège, représentées par Me Chen, concluent au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge du requérant respectivement la somme de 2 000 euros à verser à la commune de Val-de-Sos et de 800 euros à verser à la communauté de communes de la Haute-Ariège, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- la voirie de la commune de Val-de-Sos n'a pas été transférée à la communauté de communes de la Haute-Ariège ; les pouvoirs de police sur la circulation et le stationnement n'ont pas été transférés au profit du président de la communauté de communes ; la présence de la communauté de communes de la Haute-Ariège est donc dépourvue d'utilité ;

- la mesure ne présente pas de caractère utile en l'absence manifeste de fait générateur, de préjudice ou de lien de causalité entre celui-ci et le fait générateur ;

- le défaut d'entretien de l'ouvrage public n'est pas acquis et la chute de l'intéressé a été causée par son insouciance et son imprudence ; sa chute est intervenue alors qu'il circulait en trottinette électrique sur une route étroite et en pente d'un village de montagne situé à plus de 1000 mètres d'altitude ;

- l'intéressé n'a pas mis en cause le centre hospitalier Ariège Couserans et le docteur A... ; la mesure sollicitée ne présente ainsi aucune utilité ;

- la commune de Val-de-Sos a transféré ses compétences eau potable et assainissement au syndicat mixte départemental de l'eau et de l'assainissement de l'Ariège ; ce syndicat n'est pas mis en cause alors que le mauvais entretien de la bouche à clé serait la cause de son préjudice.

Par un mémoire en défense enregistré le 11 juin 2025, l'assurance mutuelle agricole Groupama d'Oc, représentée par Me Lanéelle, conclut, à titre principal, au rejet de la requête et, à titre subsidiaire, à ce que l'expertise soit ordonnée à son contradictoire, en sa qualité d'assureur de la commune de Val-de-Sos, sous les plus expresses réserves de garantie.

Elle soutient que la requête d'appel n'apporte pas d'éléments de nature à remettre en cause la motivation du tribunal administratif.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. Alors qu'il circulait en trottinette électrique sur le territoire de la commune de Val-de-Sos (Ariège), le 25 août 2022, le véhicule de M. C... aurait été déséquilibré par un renfoncement localisé sur la voie publique située à l'intersection de la rue du Carraziel et de la place de Berny. Après avoir chuté, l'intéressé a été hospitalisé jusqu'au 1er septembre 2022, en raison d'une fracture complexe du plateau tibial droit et a entrepris, par la suite, une rééducation de plusieurs mois. Les 26 août 2022, 18 janvier 2023, 26 avril 2023 et 15 novembre 2023, M. C... a subi des interventions chirurgicales du membre inférieur droit. L'intéressé a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulouse qu'une expertise soit ordonnée, sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, en vue de déterminer la nature et l'étendue de ses préjudices, dès lors qu'il entend rechercher la responsabilité de la commune de Val-de-Sos et de la communauté de communes de la Haute-Ariège pour défaut d'entretien de la voie publique. Il fait appel de l'ordonnance du 3 mars 2025 par laquelle la juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Sur l'utilité de la mesure demandée :

2. Aux termes de l'article R. 532-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, sur simple requête et même en l'absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction. Il peut notamment charger un expert de procéder, lors de l'exécution de travaux publics, à toutes constatations relatives à l'état des immeubles susceptibles d'être affectés par des dommages ainsi qu'aux causes et à l'étendue des dommages qui surviendraient effectivement pendant la durée de sa mission. (...) ".

3. L'utilité d'une mesure d'instruction ou d'expertise qu'il est demandé au juge des référés d'ordonner sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative doit être appréciée, d'une part, au regard des éléments dont le demandeur dispose ou peut disposer par d'autres moyens et, d'autre part, bien que ce juge ne soit pas saisi du principal, au regard de l'intérêt que la mesure présente dans la perspective d'un litige principal, actuel ou éventuel, auquel elle est susceptible de se rattacher. A ce dernier titre, il ne peut faire droit à une demande d'expertise permettant d'évaluer un préjudice, en vue d'engager la responsabilité d'une personne publique, en l'absence manifeste, en l'état de l'instruction, de fait générateur, de préjudice ou de lien de causalité entre celui-ci et le fait générateur.

4. Par ailleurs, la responsabilité de la personne publique, propriétaire d'un ouvrage public, est engagée de plein droit à l'égard de l'usager victime d'un dommage, sans que l'intéressé ait à établir l'existence d'une faute à la charge de cette personne publique, si le dommage est effectivement imputable à un défaut d'entretien normal de l'ouvrage et non à l'inattention de la victime à l'égard d'un obstacle ou d'une altération qui n'excèdent pas, par leur nature et leur importance, ceux auxquels un usager peut normalement s'attendre.

5. Il résulte de l'instruction, et notamment des constats de commissaire de justice produits par l'appelant, que ce dernier s'est trouvé déséquilibré en circulant sur une bouche à clé du réseau d'eau public, de forme circulaire, implantée dans un renfoncement de la chaussée, au niveau de l'intersection de la rue du Carraziel et de la place de Berny. Les procès-verbaux en date des 29 août 2022 et 24 octobre 2022 établissent que la chaussée présente un creux dont la profondeur est comprise entre 5 et 5,7 centimètres, situé à 1,90 mètre de l'extrémité droite et à 70 centimètres de l'extrémité gauche de la chaussée. Il résulte également des photographies versées au dossier que la disposition des lieux, caractérisée par une rue étroite d'environ 2,60 mètres de largeur, impose aux usagers une vigilance accrue. A cet égard, il n'est pas démontré que la configuration de la voie, dont l'appelant avait connaissance en tant que résident de la commune, n'était pas parfaitement visible en pleine journée. Enfin, si M. C... établit avoir dénoncé, en 2012, l'état de la chaussée jouxtant son domicile, cette circonstance ne saurait, à elle seule, démontrer que le renfoncement litigieux, distinct, tant par sa localisation que par sa configuration, de la situation signalée au Défenseur des droits plusieurs années auparavant, présenterait des caractéristiques ou une gravité excédant celles auxquelles les usagers de la voie publique sont normalement exposés et contre lesquelles il leur appartient de se prémunir par un comportement attentif et prudent. Ainsi, il est manifeste que la chute dont a été victime l'appelant ne résulte pas d'un défaut d'entretien normal de l'ouvrage public. Par suite, l'expertise demandée, en tant qu'elle viendrait au soutien d'une demande indemnitaire liée à des dommages causés par cet ouvrage public, est dépourvue d'utilité.

6. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par l'ordonnance attaquée la juge des référés du tribunal administratif a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

7. Les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par M. C... ne peuvent qu'être rejetées. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions des personnes publiques intimées présentées sur le même fondement.

ORDONNE :

Article 1er : : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Val-de-Sos et de la communauté de communes de la Haute-Ariège tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à M. D... C..., à la commune de Val-de-Sos, à la communauté de communes de la Haute-Ariège, à la société Groupama d'Oc et à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ariège.

Fait à Toulouse, le 19 juin 2025.

Le président,

signé

J-F. MOUTTE

La République mande et ordonne au préfet de l'Ariège en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

N°25TL00537 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 25TL00537
Date de la décision : 19/06/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Avocat(s) : CLAMENS CONSEIL

Origine de la décision
Date de l'import : 22/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-19;25tl00537 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award