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18/06/2025 | FRANCE | N°24TL02207

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, Juge des référés, 18 juin 2025, 24TL02207


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montpellier de condamner le centre hospitalier de Thuir (Pyrénées-Orientales) à lui verser la somme de 30 382,87 euros à titre de provision, en réparation des préjudices résultant de l'accident sur la voie publique dont il a été victime le 18 avril 2018.



Par une ordonnance n° 2402295 du 2 août 2024, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a condamné le c

entre hospitalier de Thuir à verser, d'une part, à M. B... une provision de 13 883 euros, d'autre part, à...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montpellier de condamner le centre hospitalier de Thuir (Pyrénées-Orientales) à lui verser la somme de 30 382,87 euros à titre de provision, en réparation des préjudices résultant de l'accident sur la voie publique dont il a été victime le 18 avril 2018.

Par une ordonnance n° 2402295 du 2 août 2024, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a condamné le centre hospitalier de Thuir à verser, d'une part, à M. B... une provision de 13 883 euros, d'autre part, à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne une provision de 75 708,39 euros à valoir sur l'indemnisation définitive de ses débours, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 17 juin 2024 et a rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 16 août 2024 et le 9 décembre 2024, le centre hospitalier de Thuir spécialisé Léon-Jean Grégory, représenté par Me Zandotti, de la société d'avocats Abeille et associés, demande au juge des référés de la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé de rejeter les demandes de M. B... et de la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne.

Il soutient que :

- c'est à tort que le juge des référés a retenu que la circonstance que M. B... avait bénéficié, le 18 avril 2018, d'une autorisation de sortie de courte durée, sans accompagnement, sans que sa mère en fût informée, était constitutif d'une faute commise par l'établissement ; en effet, l'hospitalisation à la demande d'un tiers ne fait pas obstacle à la délivrance d'autorisations de sortie de courte durée dont la pertinence est appréciée par un psychiatre ; de même, la circonstance que, par ordonnance du 27 mars 2018, le juge de la liberté et de la détention du tribunal de grande instance de Perpignan avait débouté M. B... de sa demande de mainlevée de l'hospitalisation n'y faisait pas obstacle ; la faute de l'établissement n'est donc pas démontrée ;

- il n'est pas non plus démontré que si sa mère avait été prévenue, M. B... n'aurait pas pu prendre possession de son véhicule ; en outre, sa compagne, qu'il devait accompagner à une échographie, avait été prévenue ;

- il y avait une contestation sérieuse de l'obligation ;

- en outre l'existence de préjudices qui n'auraient pas déjà été indemnisés n'était pas établie, s'agissant d'un accident de la circulation, alors d'ailleurs qu'une demande d'expertise était en cours d'instruction ;

- il n'est pas établi que les débours de la caisse soient imputables au seul accident de la route.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 septembre 2024, M. A... B..., assisté de son curateur, l'UDAF des Pyrénées-Orientales, représenté par Me Rouillard, conclut à la confirmation de l'ordonnance contestée et à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier de Thuir la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ainsi que les entiers dépens.

Il fait valoir que :

- en le laissant partir sous le régime d'une autorisation de sortie de moins de douze heures sans être accompagné soit d'un membre du personnel soit d'un membre de sa famille, et sans recueillir l'accord de sa mère, le centre hospitalier de Thuir, qui a méconnu les dispositions de l'article L. 3211-11-1 du code de la santé publique, a commis une faute dans l'organisation et le fonctionnement du service de nature à engager sa responsabilité ;

- le lien entre l'accident de la circulation et ses conséquences dommageables est établi ;

- en l'absence de consolidation au jour de l'expertise, seuls les préjudices déjà actés par l'expert judiciaire peuvent être indemnisés ;

- il s'en remet aux évaluations retenues par l'ordonnance contestée et sollicitera une expertise complémentaire après sa consolidation.

Par des mémoires enregistrés le 6 novembre 2024 et le 12 février 2025, la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne, agissant pour le compte de la caisse primaire d'assurance maladie des Pyrénées-Orientales, représentée par Me Roland, de la société d'avocats VPNG, conclut à la confirmation de l'ordonnance contestée et à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier de Thuir la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que son recours subrogatoire à l'encontre du centre hospitalier de Thuir était fondé tant dans son principe que dans son montant.

Par une ordonnance du 20 janvier 2025, la date de clôture de l'instruction de l'affaire a été fixée au 19 février 2025.

Par une décision en date du 11 avril 2025, le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale a été maintenu au profit de M. B....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., né le 3 août 1987, a fait l'objet, le 17 mars 2018, d'une hospitalisation complète en soins psychiatriques au centre hospitalier de Thuir (Pyrénées-Orientales), à la demande de sa mère. Par ordonnance du 27 mars 2018, le juge de la liberté et de la détention du tribunal de grande instance de Perpignan a débouté M. B... de sa demande de mainlevée de l'hospitalisation. M. B... a bénéficié, le 18 avril 2018, d'une autorisation de sortie de courte durée, sans accompagnement, sans que sa mère en fût informée et a utilisé le véhicule automobile de celle-ci avec lequel, lors d'un dépassement, il a heurté de face une camionnette roulant en sens inverse. Il a obtenu, par une ordonnance de la présidente de la cour administrative d'appel de Marseille du 4 septembre 2019, la désignation d'un expert aux fins d'évaluer les préjudices résultant de cet accident en lien avec la faute du centre hospitalier de Thuir dont la responsabilité était susceptible d'être engagée. Par une ordonnance du 2 août 2024, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier, saisi sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, a condamné le centre hospitalier de Thuir à verser, d'une part, à M. B... une provision de 13 883 euros, d'autre part, à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne une provision de 75 708,39 euros à valoir sur l'indemnisation définitive de ses débours, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 17 juin 2024. Le centre hospitalier de Thuir relève appel de cette ordonnance.

Sur le bien-fondé de l'ordonnance :

2. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie ". Il appartient au juge des référés, dans le cadre de cette procédure, de rechercher si, en l'état du dossier qui lui est soumis, l'obligation du débiteur éventuel de la provision est ou n'est pas sérieusement contestable sans avoir à trancher, ni de questions de droit se rapportant au bien-fondé de cette obligation, ni de questions de fait soulevant des difficultés sérieuses et qui ne pourraient être tranchées que par le juge du fond éventuellement saisi.

3. Aux termes du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " (...) les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. (...) ". Aux termes de l'article L. 3211-11-1 du même code : " Afin de favoriser leur guérison, leur réadaptation ou leur réinsertion sociale ou si des démarches extérieures sont nécessaires, les personnes faisant l'objet de soins psychiatriques en application des chapitres II et III du présent titre ou de l'article 706-135 du code de procédure pénale sous la forme d'une hospitalisation complète peuvent bénéficier d'autorisations de sortie de courte durée : 1° Sous la forme de sorties accompagnées n'excédant pas douze heures. Les personnes malades sont accompagnées par un ou plusieurs membres du personnel de l'établissement d'accueil, par un membre de leur famille ou par la personne de confiance qu'elles ont désignée en application de l'article L. 1111-6 du présent code, pendant toute la durée de la sortie ; (...) Lorsque la mesure de soins psychiatriques fait suite à la demande d'un tiers, le directeur de l'établissement d'accueil informe celui-ci, préalablement, de l'autorisation de sortie non accompagnée et de sa durée. ".

4. Pour estimer que l'obligation du centre hospitalier de Thuir n'était pas sérieusement contestable, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a retenu qu'en autorisant M. B... à sortir pour une courte durée, le centre hospitalier de Thuir avait commis une faute de nature à engager sa responsabilité en se fondant sur la circonstance que l'intéressé il n'avait pas bénéficié d'un accompagnement et que sa mère n'en avait pas été informée, en méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 3211-11-1 du code de la santé publique. En appel, le centre hospitalier de Thuir ne conteste pas ces éléments, mais se borne à indiquer que la compagne de M. B... était informée de cette autorisation de sortie à la suite d'un échange téléphonique tenu avec un infirmier. Cet élément ne remet pas en cause le principe même de sa responsabilité, tel que retenu par le premier juge alors qu'il est constant que la compagne de M. B... n'était pas le tiers à la demande duquel il avait été hospitalisé et qu'il n'est pas établi ni même allégué qu'elle aurait été désignée comme " personne de confiance ".

5. Le centre hospitalier de Thuir ne remet pas en cause le montant de la provision de 13 883 euros allouée à M. B... sur la base du rapport d'expertise du 15 janvier 2020. En revanche, s'il conteste le montant des débours exposés par la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne agissant pour le compte de la caisse primaire d'assurance maladie des Pyrénées-Orientales, il ressort de l'attestation établie par le médecin conseil de la caisse, le 27 décembre 2024, que ceux-ci sont bien strictement en lien avec les suites de l'accident.

6. Par ailleurs, aucun élément ne permet, à ce stade, d'établir que les conséquences dommageables de l'accident auraient déjà donné lieu à indemnisation.

7. Il résulte de ce qui précède que l'ordonnance doit donc être confirmée et que la requête du centre hospitalier de Thuir doit être rejetée.

Sur les frais liés au litige :

8. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par M. B... sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 et de la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

9. Par ailleurs, en l'absence de dépens au sens de l'article R. 761-1 du même code, les conclusions de M. B... relatives à l'attribution de leur charge sont dépourvues d'objet et doivent être rejetées.

ORDONNE :

Article 1er : La requête du centre hospitalier de Thuir est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de M. B... présentées au titre de l'article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ainsi qu'au titre de l'article R. 761-1 du code de justice administrative et celles de la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne au titre de l'article L. 761-1 du même code sont rejetées.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée au centre hospitalier de Thuir spécialisé Léon-Jean Grégory, à M. A... B..., à l'UDAF des Pyrénées-Orientales, à Me Rouillard et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne.

Fait à Toulouse, le 18 juin 2025.

La juge des référés,

A. GESLAN-DEMARET

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles en ce qui la concerne ou à tous les commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°24TL02207 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 24TL02207
Date de la décision : 18/06/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

54-03-015 Procédure. - Procédures de référé autres que celles instituées par la loi du 30 juin 2000. - Référé-provision.


Composition du Tribunal
Avocat(s) : ROUILLARD

Origine de la décision
Date de l'import : 22/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-18;24tl02207 ?
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