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24/04/2025 | FRANCE | N°25TL00312

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, Juge des référés, 24 avril 2025, 25TL00312


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse suivante :



Mme A... B..., représentée par Me Lévi, a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulouse de prescrire, sur le fondement des dispositions de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, une mesure d'expertise aux fins de se prononcer sur les circonstances dans lesquelles elle a fait une chute sur une voie publique située à Castelsarrasin (Tarn-et-Garonne) et sur les préjudices qui en ont résulté.

Par une ordonnance n° 2302825 du 28 j

anvier 2025, la juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse suivante :

Mme A... B..., représentée par Me Lévi, a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulouse de prescrire, sur le fondement des dispositions de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, une mesure d'expertise aux fins de se prononcer sur les circonstances dans lesquelles elle a fait une chute sur une voie publique située à Castelsarrasin (Tarn-et-Garonne) et sur les préjudices qui en ont résulté.

Par une ordonnance n° 2302825 du 28 janvier 2025, la juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 13 février 2025, Mme B..., représentée par Me Lévi, demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance en date du 28 janvier 2025 du tribunal administratif de Toulouse ;

2°) de désigner un expert sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative chargé, au contradictoire du syndicat mixte Eaux Confluences, de la commune de Castelsarrasin et de la Mutualité sociale agricole Midi-Pyrénées Nord de :

- prendre contact avec les parties et leurs conseils pour recueillir leurs disponibilités en vue de la détermination d'une date pour le déroulement des opérations d'expertise, et rappeler aux parties qu'elles peuvent se faire assister par un médecin-conseil et un avocat ;

- fixer la date et convoquer les parties et leurs conseils à une réunion contradictoire en les invitant à adresser à l'expert et aux parties, à l'avance, tous documents médicaux utiles ;

- se faire communiquer, avec son accord, tous documents médicaux utiles détenus par des tiers ;

- prendre connaissance de son identité, de sa profession, de ses qualifications et de son niveau scolaire ;

- l'entendre ainsi que son entourage ; à partir de ces déclarations et des documents produits, décrire précisément les circonstances de l'accident, les lésions initiales, leur évolution, les séquelles, les soins, traitements et prises en charges apportés à la victime depuis l'accident jusqu'au jour de l'expertise ;

- recueillir et retranscrire ou annexer ses doléances, et le cas échéant, celles de son entourage, l'interroger et interroger son entourage sur les douleurs subies, la qualité de vie ressentie, son autonomie pour effectuer les tâches de la vie quotidienne, son autonomie dans le logement qu'elle occupe, la pénibilité de son poste, son ressenti quant à l'image qu'elle a d'elle-même, les activités de sport ou de loisirs qu'elle ne peut plus exercer, sa vie sexuelle ;

- l'interroger sur ses seuls antécédents médicaux susceptibles de constituer un état antérieur séquellaire ; les rapporter et évaluer l'état antérieur ;

- en présence des médecins mandatés par les parties et de son avocat si elle le demande à moins que l'expert estime que cela trouble les opérations, procéder à un examen clinique détaillé en fonction des lésions initiales et de ses doléances ;

- après avoir au besoin recueilli l'avis d'un ou plusieurs sapiteurs, exposer ses lésions initiales et séquellaires, leurs répercussions selon les points ci-après ; se prononcer sur l'imputabilité des lésions séquellaires aux lésions initiales d'une part, et sur l'imputabilité de l'ensemble des lésions à l'accident ; exprimer l'incidence de l'état antérieur ;

- fixer la date de consolidation, en l'absence de consolidation, dire à quelle date il conviendra de la revoir ; estimer les répercussions définitives des atteintes, en indiquant le degré de certitude de cette estimation ;

- indiquer quels évènements susceptibles d'intervenir dans sa vie (arrivée d'un enfant, départ ou décès d'un conjoint) seraient, au regard de son tableau clinique, susceptibles d'aggraver sa situation de telle sorte qu'il serait opportun de réexaminer sa situation ;

- si son état de santé n'est pas consolidé et que sa pathologie est susceptible d'évoluer de manière péjorative jusqu'à son décès, sans espoir de stabilisation, décrire l'évolution prévisible de cette pathologie ;

- décrire les atteintes à l'intégrité physique et psychique imputables à la maladie ou à l'accident, les évaluer, et en cas d'incapacités multiples ou de prise en compte d'un état antérieur, exposer les modalités de calcul ;

- décrire les souffrances physiques et psychiques subies, en précisant leur fréquence, leur durée et leur intensité, et en cotant cette intensité sur une échelle de sept degrés ;

- indiquer les activités et participations qui n'ont pu ou ne peuvent être réalisées et celles qui n'ont pu ou ne peuvent plus être réalisées qu'avec une aide technique ou humaine, ou avec difficulté ;

- décrire les troubles dans les conditions d'existence ;

- décrire, quantifier et évaluer les aides dont elle a besoin pour son autonomie et sa dignité ;

- préciser les périodes d'hospitalisation ou d'institutionnalisation ;

- évaluer les dépenses de santé liées à l'accident ou à la maladie ; indiquer les dates exactes d'hospitalisation déjà intervenues et pour chaque période la nature et le nom de l'établissement, le ou les services concernés ;

- dire si, avant ou après sa consolidation, la maladie emporte pour elle un besoin temporaire ou définitif d'adaptation de son logement ou de son véhicule ; décrire les adaptations nécessaires et indiquer si elles sont réalisables dans le logement ou dans le véhicule dont elle dispose au jour de l'expertise ;

- décrire précisément les altérations esthétiques subies ;

- décrire toute impossibilité ou gêne imputable à l'accident ou à la maladie, d'origine fonctionnelle ou psychologique, de nature temporaire ou permanente, dans l'exercice d'une activité de sport ou de loisirs qu'elle indique avoir pratiqué avant l'accident ou la maladie ; préciser les aménagements qui rendraient possible une telle activité ;

- évaluer les possibilités de pouvoir pratiquer de nouvelles activités de sport ou de loisirs ;

- indiquer si elle a subi une diminution ou une disparition de libido, une impossibilité ou une gêne y compris purement positionnelle pour accomplir certains actes sexuels ;

- décrire toutes les autres conséquences imputables à l'accident ou à la maladie, affectant la vie de la victime dans toutes ses dimensions ;

3°) de mettre à la charge du syndicat mixte Eaux Confluences la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a heurté avec son pied droit un regard métallique circulaire qui ne se trouvait pas à la même hauteur que le sol ; elle a trébuché et s'est cognée la tête la première sur le sol goudronné ; le régime de responsabilité sans faute de l'administration trouve à s'appliquer ; elle justifie d'une prise en charge médicale importante ;

- si elle a présenté par le passé un syndrome dépressif, l'existence d'un état antérieur ne constitue pas un obstacle à la prise en compte de l'aggravation de celui-ci ; la persistance de l'ecchymose faciale permet de comprendre que cette situation affectait son état psychologique ; elle présente un stress post traumatique suite à sa chute ;

- la mesure est utile dès lors qu'elle ne peut elle-même évaluer son propre préjudice corporel.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er avril 2025, la commune de Castelsarrasin et le syndicat mixte Eaux Confluences, représentés par Me Izembard, concluent au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'appelante la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à verser tant à la commune qu'au syndicat mixte.

Ils soutiennent que :

- la requête d'appel est tardive ;

- elle est insuffisamment motivée dès lors qu'elle ne comporte aucune motivation relative à la contestation de l'ordonnance rendue par le juge de première instance ;

- la mesure sollicitée n'est pas utile ; aucun élément ne permet d'établir que la mesure envisagée serait utile à une demande susceptible de se rattacher à un litige intéressant d'une manière ou d'une autre la commune de Castelsarrasin ou le syndicat mixte Eaux et confluences ; aucun élément ne permet d'établir que la chute serait effectivement liée au regard en question ; la mesure d'expertise n'est pas utile dès lors que l'expertise médicale serait prescrite plusieurs années après les faits.

Par un mémoire, enregistré le 18 avril 2025, la Mutualité sociale agricole Midi-Pyrénées Nord, qui indique ne pas être à même de chiffrer sa créance éventuelle, conclut ne pas s'opposer à l'expertise.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. Alors que Mme B... circulait sur la voie publique le 1er juillet 2021 en compagnie de son époux, sur le territoire de la commune de Castelsarrasin, rue de la République, elle déclare avoir heurté un regard métallique situé à une hauteur anormalement élevée par rapport au sol. Elle a trébuché et sa tête a heurté le goudron. Le 13 juillet 2021, une main courante a été déposée auprès des services de police par le mari de l'intéressée. Par un courrier en date du 19 octobre 2021, Mme B... a demandé au directeur du syndicat mixte Eaux Confluences de l'indemniser des préjudices qu'elle a subis en raison de sa chute. Mme B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulouse de prescrire, sur le fondement des dispositions de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, une mesure d'expertise aux fins de se prononcer sur les circonstances dans lesquelles elle a fait une chute sur la voie publique et sur les préjudices qui en ont résulté. Elle fait appel de l'ordonnance du 28 janvier 2025 par laquelle la juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Sur l'utilité de la mesure sollicitée :

2. Aux termes de l'article R. 532-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, sur simple requête et même en l'absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction. Il peut notamment charger un expert de procéder, lors de l'exécution de travaux publics, à toutes constatations relatives à l'état des immeubles susceptibles d'être affectés par des dommages ainsi qu'aux causes et à l'étendue des dommages qui surviendraient effectivement pendant la durée de sa mission (...) ".

3. L'utilité d'une mesure d'instruction ou d'expertise qu'il est demandé au juge des référés d'ordonner sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative doit être appréciée, d'une part, au regard des éléments dont le demandeur dispose ou peut disposer par d'autres moyens et, d'autre part, bien que ce juge ne soit pas saisi du principal, au regard de l'intérêt que la mesure présente dans la perspective d'un litige principal, actuel ou éventuel, auquel elle est susceptible de se rattacher. A ce dernier titre, il ne peut faire droit à une demande d'expertise permettant d'évaluer un préjudice, en vue d'engager la responsabilité d'une personne publique, en l'absence manifeste, en l'état de l'instruction, de fait générateur, de préjudice ou de lien de causalité entre celui-ci et le fait générateur.

4. Par ailleurs, la responsabilité de la personne publique, propriétaire d'un ouvrage public, est engagée de plein droit à l'égard de l'usager victime d'un dommage, sans que l'intéressé ait à établir l'existence d'une faute à la charge de cette personne publique, si le dommage est effectivement imputable à un défaut d'entretien normal de l'ouvrage et non à l'inattention de la victime à l'égard d'un obstacle ou d'une altération qui n'excèdent pas, par leur nature et leur importance, ceux auxquels un usager peut normalement s'attendre.

5. Il résulte de l'instruction, notamment des photographies et témoignages produits par l'appelante, que celle-ci a chuté au niveau d'un regard métallique circulaire situé sur un sol goudronné, rue de la République. Toutefois, la photographie du regard prise par son époux permet de constater que la différence de hauteur entre la plaque métallique et le sol est très limitée. Il ne résulte donc pas de l'examen des documents produits que cette différence de niveau aurait excédé, par ses caractéristiques ou ses dimensions, celles que les usagers de la voie publique peuvent normalement s'attendre à rencontrer sur leur trajet et dont il leur appartient de se prémunir par un comportement normalement prudent. Ainsi, il est manifeste que la chute dont a été victime l'appelante ne résulte pas d'un défaut d'entretien normal de l'ouvrage public. Par suite, l'expertise demandée, en tant qu'elle viendrait au soutien d'une demande indemnitaire liée à des dommages causés par cet ouvrage public, est dépourvue d'utilité.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir soulevées en défense, que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par l'ordonnance attaquée, la juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de l'appelante présentées contre le syndicat mixte Eaux Confluences, qui n'est pas partie perdante à la présente instance. Il n'y a pas lieu non plus, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... une somme au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à verser à la commune de Castelsarrasin et à au syndicat mixte Eaux Confluences.

ORDONNE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Castelsarrasin et du syndicat mixte Eaux Confluences présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme A... B..., au syndicat mixte Eaux Confluences, à la commune de Castelsarrasin et à la Mutualité sociale agricole Midi-Pyrénées Nord.

Fait à Toulouse, le 24 avril 2025

Le président,

signé

J-F. MOUTTE

La République mande et ordonne au préfet de Tarn-et-Garonne en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

N°25TL00312 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 25TL00312
Date de la décision : 24/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SELARL LEVI -EGEA - LEVI

Origine de la décision
Date de l'import : 27/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-24;25tl00312 ?
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