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10/04/2025 | FRANCE | N°24TL01904

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, Juge des référés, 10 avril 2025, 24TL01904


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montpellier de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, à lui verser la somme de 100 854,84 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnisation totale de ses préjudices imputables à la vaccination obligatoire contre l'hépatite B et d

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montpellier de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, à lui verser la somme de 100 854,84 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnisation totale de ses préjudices imputables à la vaccination obligatoire contre l'hépatite B et de mettre à sa charge la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de la justice administrative ainsi que les entiers dépens.

Par une ordonnance n° 2402689 du 8 juillet 2024, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a condamné l'ONIAM à verser à Mme B... une somme de 16 157,97 euros, à titre de provision et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 17 juillet 2024 et le 14 novembre 2024, Mme B..., représentée par Me Duquesne-Clerc, demande à la cour :

1°) de réformer cette ordonnance en tant qu'elle a limité le montant de la provision à la somme de 16 157,97 euros et rejeté le surplus de ses conclusions ;

2°) statuant en référé de condamner l'ONIAM à lui verser la somme de 100 854,84 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnisation totale de ses préjudices ;

3°) de mettre à la charge de l'ONIAM, d'une part la somme de 2 000 euros au titre des frais de la première instance, d'autre part, la somme de 4 000 euros au titre des frais de l'instance d'appel, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

Elle soutient que :

- l'obligation de l'ONIAM de l'indemniser de l'intégralité des préjudices résultant de l'aggravation de son état de santé n'est pas sérieusement contestable puisqu'il a reconnu le lien entre sa sclérose en plaques et sa vaccination obligatoire contre l'hépatite B ;

- son droit à indemnisation n'est pas contestable à hauteur de l'offre de 100 854,84 euros formulée par l'ONIAM le 14 mars 2024 ;

- en relevant que " les devis n'étaient pas assortis de factures " le juge des référés a violé le principe de la réparation intégrale ;

- l'ONIAM n'avait pas remis en cause les justificatifs produits ; outre les devis déjà produits, elle verse au dossier les factures acquittées ;

- le juge des référés ne pouvait pas se fonder sur " l'importance des sommes en cause " et " l'existence d'une requête au fond " pour refuser de lui accorder la provision sollicitée calculée par l'ONIAM lui-même ;

- bien que l'ONIAM se soit trompé dans le calcul de sa perte de gains actuels, elle se limite à la somme qu'il a admise ;

- la provision sollicitée ne correspond qu'à 10% du montant sollicité au fond ;

- elle sollicite en outre la réformation de l'ordonnance en tant qu'elle a rejeté sa demande de remboursement des frais exposés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 octobre 2024, l'ONIAM conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- il ne conteste pas le caractère obligatoire des vaccinations contre l'hépatite B dont la requérante a bénéficié en sa qualité de laborantine, ni le lien avec la sclérose en plaques dont elle est affectée ;

- la jurisprudence admet l'inopposabilité des offres amiables formulées par l'ONIAM, dans le cadre de procédures contentieuses ;

- c'est à bon droit que le juge des référés a limité au montant de 16 157,97 euros la provision qui correspond à la prise en charge du préjudice au titre des frais de logement adapté, qui n'est pas sérieusement contestable ;

- sa demande de remboursement des frais exposés sera rejetée dès lors qu'elle a refusé l'offre amiable de l'ONIAM alors qu'elle se borne à s'en prévaloir devant le juge des référés.

Par une ordonnance du 8 janvier 2025, la date de clôture d'instruction de l'affaire a été fixée au 10 février 2025.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., née le 17 février 1968, qui exerçait l'emploi de laborantine à l'hôpital Broussais à Paris, a été vaccinée contre l'hépatite B par trois injections, le 15 janvier et le 15 mars 1988 et deux rappels, intervenus le 10 mars 1989 et le 19 octobre 1994. En novembre 1994, Mme B... a présenté les symptômes d'une sclérose en plaques. L'ONIAM a formulé, le 18 février 2009, le 9 mars 2010, le 10 juin 2011, le 18 juillet 2013, le 11 août 2016 et le 16 février 2023, des offres d'indemnisation transactionnelle que Mme B... a acceptées pour un montant total de 694 520,65 euros. A la suite de l'aggravation de son état de santé, Mme B... a présenté à l'ONIAM une nouvelle demande d'indemnisation à la suite de laquelle l'ONIAM a proposé, le 14 mars 2024, une nouvelle offre d'indemnisation d'un montant de 100 854,84 euros que l'intéressée n'a pas acceptée. Elle a alors saisi le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier qui, par une ordonnance du 8 juillet 2024, a condamné l'ONIAM à lui verser une provision de 16 157,97 euros, correspondant à la prise en charge du préjudice au titre des frais de logement adapté, seule regardée comme n'étant pas sérieusement contestable, et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Mme B... relève régulièrement appel de cette ordonnance, en tant qu'elle n'a pas fait intégralement droit à sa demande et a rejeté sa demande de remboursement des frais exposés.

Sur la demande de provision :

2. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie ". Il appartient au juge des référés, dans le cadre de cette procédure, de rechercher si, en l'état du dossier qui lui est soumis, l'obligation du débiteur éventuel de la provision est ou n'est pas sérieusement contestable sans avoir à trancher, ni de questions de droit se rapportant au bien-fondé de cette obligation, ni de questions de fait soulevant des difficultés sérieuses et qui ne pourraient être tranchées que par le juge du fond éventuellement saisi.

3. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 3111-4 du code de la santé publique : " Une personne qui, dans un établissement ou organisme public ou privé de prévention de soins ou hébergeant des personnes âgées, exerce une activité professionnelle l'exposant ou exposant les personnes dont elle est chargée à des risques de contamination doit être immunisée contre l'hépatite B, (...) ". L'article L. 3111-9 du même code dispose que : " Sans préjudice des actions qui pourraient être exercées conformément au droit commun, la réparation intégrale des préjudices directement imputables à une vaccination obligatoire pratiquée dans les conditions mentionnées au présent titre, est assurée par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales institué à l'article L. 1142-22, au titre de la solidarité nationale. (...) ".

4. En l'espèce, l'ONIAM ne conteste pas son obligation de prendre en charge l'indemnisation des préjudices de Mme B... au titre des conséquences de sa vaccination obligatoire. Si l'ONIAM n'est pas lié par la proposition amiable qu'il avait faite, le 14 mars 2024, il appartient au juge des référés d'examiner les différents postes de préjudice invoqués, restant en litige, au regard des justificatifs fournis.

5. En premier lieu, s'agissant des frais de véhicule adapté, dont la nécessité résulte tant du rapport d'expertise déposé le 28 décembre 2021 que du bilan d'ergothérapie qu'il a validé, si Mme B... sollicite la somme de 56 387,81 euros admise par l'ONIAM, elle justifie avoir effectivement réglé la somme 48 924,36 euros figurant sur la facture du fournisseur ACA Grand Sud en date du 3 novembre 2023, ainsi que celle de 7163,45 euros figurant sur la facture du même fournisseur en date du 5 juillet 2024, soit un total de 56 087,81 euros.

6. En deuxième lieu, s'agissant des dépenses de santé actuelles, Mme B... justifie qu'il est resté à sa charge d'une part, une somme de 2 675 euros sur la somme de 3 765 euros facturée le 23 octobre 2023 par le fournisseur Sélection médicale correspondant à l'acquisition d'un lit médicalisé, d'autre part, une somme 11 867,98 euros sur la somme de 12 749 euros facturée le 6 juillet 2023 par le fournisseur ACA Grand Sud correspondant à l'acquisition d'un fauteuil électrique, le reste étant pris en charge par sa mutuelle, soit la somme totale de 14 542,98 réclamée à ce titre.

7. S'agissant des pertes de gains professionnels sur les années 2018 à 2020, il résulte de l'instruction, notamment des avis d'imposition et bulletins de salaires versés au dossier, que Mme B... aurait dû percevoir la somme de 69 310 euros et n'a effectivement perçu que la somme de 33 617,85 euros, ainsi que le relevait l'ONIAM dans sa proposition amiable. Si elle justifie par ailleurs n'avoir perçu de sa mutuelle que la somme de 20 970 euros d'indemnités compensatrices au lieu des 21 870 euros retenus par l'ONIAM, soit une perte ressortant à 14 722,15 euros, elle ne sollicite à titre de provision que la somme de 13 766,08 euros ressortant des calculs de l'ONIAM.

8. Eu égard à l'ensemble de ce qui précède, le montant total des chefs de préjudice au titre des frais de véhicule adapté, des dépenses de santé actuelles et des pertes de gains professionnels ressort à la somme de 84 396,87 euros, qui n'est pas sérieusement contestable. Par suite, c'est à tort que le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a limité le montant de la provision à la somme de 16 157,97 euros. Il y a lieu, en conséquence, de porter le montant de la provision à accorder à Mme B... à la somme de 100 554,84 euros et de réformer en ce sens l'ordonnance contestée du 8 juillet 2024.

Sur les frais liés à l'instance :

9. D'une part, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à la demande de Mme B... tendant à ce que lui soit accordée une somme au titre des frais exposés en première instance. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de l'ONIAM une somme de 1 500 euros à verser à Mme B... au titre des frais exposés par elle en appel et non compris dans les dépens en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

10. D'autre part, en l'absence de dépens au sens de l'article R. 761-1 du même code, dans la présente instance, ses conclusions relatives à l'attribution de leur charge sont dépourvues d'objet et doivent être rejetées.

O R D O N N E :

Article 1er : La somme de 16 157,97 euros que l'ONIAM a été condamné à verser à Mme B... par l'ordonnance n° 2402689 du 8 juillet 2024 du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier est portée à 100 554, 84 euros.

Article 2 : L'ordonnance n° 2402689 du 8 juillet 2024 du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier est réformée en ce qu'elle a de contraire à la présente ordonnance.

Article 3 : L'Etat versera à Mme B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme A... B..., à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris.

Fait à Toulouse, le 10 avril 2025.

La juge d'appel des référés,

A. Geslan-Demaret

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles, en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

N°24TL01904 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 24TL01904
Date de la décision : 10/04/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Avocat(s) : DUQUESNE CLERC

Origine de la décision
Date de l'import : 13/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-10;24tl01904 ?
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