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09/07/2024 | FRANCE | N°22TL21270

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 09 juillet 2024, 22TL21270


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse suivante :



M. B... A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulouse de condamner l'Office français de l'immigration et de l'intégration à lui verser la somme de 4 634,34 euros à titre de provision, assortie des intérêts au taux légal à compter du 23 février 2022 en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité de la décision du 30 juin 2021 portant suspension des conditions matérielles d'accueil et de l'illégalité de la décision du 15 septembre

2021 portant refus de rétablissement des conditions matérielles d'accueil.

Par une ordo...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse suivante :

M. B... A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulouse de condamner l'Office français de l'immigration et de l'intégration à lui verser la somme de 4 634,34 euros à titre de provision, assortie des intérêts au taux légal à compter du 23 février 2022 en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité de la décision du 30 juin 2021 portant suspension des conditions matérielles d'accueil et de l'illégalité de la décision du 15 septembre 2021 portant refus de rétablissement des conditions matérielles d'accueil.

Par une ordonnance n° 2201205 du 18 mai 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 3 juin 2022 et un mémoire enregistré le 12 janvier 2023, M. A..., représenté par Me Pougault, demande à la cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire ;

2°) d'annuler l'ordonnance du 18 mai 2022 du juge des référés du tribunal administratif de Toulouse ;

3°) de lui accorder une provision d'un montant de 4 634,34 euros, assortie des intérêts aux taux légal et leur capitalisation à compter du 23 février 2022 ;

4°) de mettre à la charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration la somme de 2 000 euros à verser à son conseil sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ou dans l'hypothèse où il ne serait pas admis à l'aide juridictionnelle, de mettre cette somme à la charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration sur le seul fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le premier juge a rejeté sa demande au motif que les raisons ayant conduit à la décision mettant fin aux conditions matérielles d'accueil n'ont pas cessé alors que cette circonstance est sans incidence sur l'appréciation de l'existence d'une obligation sérieusement contestable au sens des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative ;

- l'obligation est non sérieusement contestable dès lors, d'une part, que la décision du 30 juin 2021 portant suspension des conditions matérielles d'accueil est illégale en raison d'un vice de procédure, d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation, d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 551-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences que cette décision emporte sur sa situation et, d'autre part, que la décision du 15 septembre 2021 portant refus de rétablissement des conditions matérielles d'accueil est illégale en raison d'un défaut de motivation, du défaut d'examen réel et sérieux de sa situation et de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 551-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il a subi des préjudices matériels et immatériels en raison de l'absence de versement de l'allocation pour demandeur d'asile.

Par un mémoire en défense enregistré le 21 décembre 2022 et un mémoire enregistré le 31 janvier 2023, l'Office français de l'immigration et de l'intégration, représenté par Me de Froment, conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- il n'a rétabli les conditions matérielles d'accueil de M. A... qu'à compter du 23 décembre 2021 sans commettre de faute dès lors notamment que M. A... n'a pas informé l'Office français de l'immigration et de l'intégration de sa situation familiale et de l'état de grossesse de sa conjointe dans le délai de quinze jours à compter de la décision portant suspension des conditions matérielles d'accueil et qu'il était parfaitement informé des conséquences liées à l'abandon du lieu d'hébergement ;

- la décision implicite de suspension n'ayant pas été contestée dans les délais, M. A... ne peut se prévaloir de son illégalité ;

- il pèse sur l'Office français de l'immigration et de l'intégration une obligation de moyens et non de résultat dans le cadre du dispositif national d'accueil ;

- M. A... ne démontre pas avoir subi un quelconque préjudice moral ou trouble dans ses conditions d'existence durant les cinq mois où il n'a pas perçu l'allocation pour demandeur d'asile.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 avril 2023 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Toulouse.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., né le 24 décembre 1999, de nationalité nigériane, est entré en France le 24 janvier 2021 aux fins de solliciter son admission au séjour au titre de l'asile. Le 6 mai 2021, sa demande, initialement classée en procédure " Dublin ", a été enregistrée en procédure normale. Le 16 juin 2021, après avoir accepté la place qui lui était proposée par l'Office français de l'immigration et de l'intégration, il est entré au centre d'accueil des demandeurs d'asile de Toulouse. Ayant été informé le 23 juin 2021 que M. A... avait quitté son lieu d'hébergement, l'Office français de l'immigration et de l'intégration l'a invité à présenter dans un délai de quinze jours des observations sur la décision de sortie d'hébergement et de cessation des conditions matérielles d'accueil. M. A... n'a pas contesté cette décision, notifiée à la dernière adresse connue. Ses conditions matérielles d'accueil ont été suspendues et il en a été informé par lettre du 29 juin 2021. Le 6 septembre 2021, M. A... a demandé le rétablissement de ses conditions matérielles d'accueil. Par décision du 15 septembre 2021, l'Office français de l'immigration et de l'intégration a refusé de faire droit à cette demande. M. A... a contesté cette décision devant le tribunal administratif de Toulouse, ainsi que devant le juge des référés, qui a suspendu la décision du 15 septembre 2021 par ordonnance du 23 décembre 2021. L'Office français de l'immigration et de l'intégration a rétabli les conditions matérielles d'accueil pour M. A... à compter du 23 décembre 2021. Par courrier en date du 23 février 2022, l'intéressé a sollicité auprès de l'Office français de l'immigration et de l'intégration l'indemnisation des préjudices résultant de l'illégalité des décisions des 29 juin 2021 et 15 septembre 2021. Il relève appel de l'ordonnance du 18 mai 2022 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande de provision.

2. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie ". Il résulte de ces dispositions que, pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude. Dans ce cas, le montant de la provision que peut allouer le juge des référés n'a d'autre limite que celle résultant du caractère non sérieusement contestable de l'obligation dont les parties font état.

3. D'une part, l'article L. 551-8 du code de de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Les conditions matérielles d'accueil du demandeur d'asile, au sens de la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant des normes pour l'accueil des personnes demandant la protection internationale, comprennent les prestations et l'allocation prévues aux chapitres II et III ". Aux termes de l'article L. 553-1 du même code : " Le demandeur d'asile qui a accepté les conditions matérielles d'accueil proposées en application de l'article L. 551-9 bénéficie d'une allocation pour demandeur d'asile s'il satisfait à des conditions d'âge et de ressources (...) ". L'article D. 553-8 du même code dispose que : " L'allocation pour demandeur d'asile est composée d'un montant forfaitaire, dont le niveau varie en fonction du nombre de personnes composant le foyer, et, le cas échéant, d'un montant additionnel destiné à couvrir les frais d'hébergement ou de logement du demandeur. (...) ". Enfin, aux termes de l'article D. 553-9 du même code : " Le montant additionnel n'est pas versé au demandeur qui n'a pas manifesté de besoin d'hébergement ou qui a accès gratuitement à un hébergement ou un logement à quelque titre que ce soit ".

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 551-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Il peut être mis fin, partiellement ou totalement, aux conditions matérielles d'accueil dont bénéficie le demandeur dans les cas suivants : / (...) 2° Il quitte le lieu d'hébergement dans lequel il a été admis en application de l'article L. 552-9 ; (...) La décision mettant fin aux conditions matérielles d'accueil prise en application du présent article est écrite et motivée. Elle prend en compte la vulnérabilité du demandeur. Elle est prise après que l'intéressé a été mis en mesure de présenter ses observations écrites selon des modalités définies par décret. / Lorsque la décision mettant fin aux conditions matérielles d'accueil a été prise en application des 1°, 2° ou 3° du présent article et que les raisons ayant conduit à cette décision ont cessé, le demandeur peut solliciter de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le rétablissement des conditions matérielles d'accueil. L'office statue sur la demande en prenant notamment en compte la vulnérabilité du demandeur ainsi que, le cas échéant, les raisons pour lesquelles il n'a pas respecté les obligations auxquelles il avait consenti au moment de l'acceptation initiale des conditions matérielles d'accueil ". Aux termes de l'article D. 551-18 du même code : " La décision mettant fin aux conditions matérielles d'accueil prise en application de l'article L. 551-16 est écrite, motivée et prise après que le demandeur a été mis en mesure de présenter à l'Office français de l'immigration et de l'intégration ses observations écrites dans un délai de quinze jours. Elle prend en compte la vulnérabilité du demandeur. Cette décision prend effet à compter de sa signature (...) ".

5. Ainsi qu'il a été dit au point 1 de la présente ordonnance, alors que la demande d'asile de M. A..., initialement classée en procédure " Dublin " a été enregistrée en procédure normale le 6 mai 2021, le requérant a accepté l'offre de prise en charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le 1er février 2021 et est entré au centre d'accueil de demandeurs d'asile de Toulouse le 16 juin 2021. Par une lettre du 29 juin 2021, le directeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a, d'une part, notifié au requérant la décision de sortie d'hébergement du centre de demandeurs d'asile et d'autre part l'a informé de la suspension des conditions matérielles d'accueil de M. A... en se fondant sur le fait qu'il avait, sans motif légitime, abandonné son lieu d'hébergement. Le 6 septembre 2021, M. A... a demandé le rétablissement de ses conditions matérielles d'accueil. Par décision du 15 septembre 2021, l'Office français de l'immigration et de l'intégration a refusé de faire droit à cette demande. La décisions DU 15 septembre 2021 a été suspendue par le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse le 23 décembre 2021 au motif que le moyen tiré du défaut d'examen réel et sérieux de la situation particulière de l'intéressé est de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée en ce que M. A... justifiait d'un motif légitime tenant à l'évolution de sa situation familiale entre la date de sa demande d'hébergement et la date à laquelle un logement lui a été proposé.

6. La lettre du 29 juin 2021, que l'intéressé a reçue l'informant de la suspension des conditions matérielles d'accueil, vise les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont il est fait application et précise qu'il dispose d'un délai de quinze jours pour faire valoir ses observations et exposer les motifs pour lesquels il s'est absenté de son lieu d'hébergement et qu'à défaut de réponse la suspension prend effet. Alors que la vulnérabilité du demandeur avait été appréciée peu avant, l'Office a ainsi respecté les conditions de forme et de procédure posées par l'article D. 551-18 précité. La décision du 15 septembre 2021 de refus de rétablissement des conditions matérielles d'accueil comporte un énoncé suffisamment précis des considérations de droit et de fait la fondant. Cette motivation révèle un examen de la situation du requérant.

7. Il résulte de l'instruction, et notamment des courriels échangés entre le centre d'accueil des demandeurs d'asile et l'Office français de l'immigration et de l'intégration que l'Office a été informé le 23 juin 2021 que la compagne de M. A... était en état de grossesse et accompagnée de sa fille âgée de trois ans. Il est constant que la compagne de M. A... avait, à la date des décisions attaquées, été déboutée de sa demande d'asile et faisait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, de sorte qu'elle ne pouvait bénéficier d'un logement commun avec M. A... dans le cadre des conditions matérielles d'accueil octroyées à ce dernier. Par ailleurs, M. A... ne conteste pas avoir accepté la proposition d'hébergement qui lui a été faite le 16 juin 2021, alors que sa situation familiale avait évolué, qu'il n'en avait pas encore informé l'Office français de l'immigration et de l'intégration et qu'il avait été averti, les 1er février et 16 juin 2021, que le manquement aux obligations du dispositif des conditions matérielles d'accueil était susceptible d'entraîner leur cessation. En outre, le recours gracieux formé par le requérant le 9 septembre 2021, qui indique qu'il vit auprès de sa compagne enceinte et de sa fille, ne permet pas d'établir que les raisons ayant conduit à abandonner son logement ont cessé, de sorte qu'il n'était pas fondé à solliciter de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le rétablissement des conditions matérielles d'accueil. Il ne résulte donc pas de l'instruction que l'office, en prenant les décisions attaquées, ait ainsi commis une erreur de droit au regard des dispositions citées au point 4 ni, malgré la situation invoquée du couple, une erreur manifeste d'appréciation. Dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à soutenir que les décisions portant suspension des conditions matérielles d'accueil et refus de leur rétablissement seraient entachées d'une illégalité révélant une faute de l'administration et ouvrant droit à réparation de ses préjudices par la condamnation au versement de la provision demandée. En conséquence, la créance que M. A... estime détenir à l'encontre de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ne peut être regardée comme non sérieusement contestable.

8. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par l'ordonnance attaquée le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande aux fins de condamnation de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à lui verser une provision de 4 634,34 euros, assortie des intérêts aux taux légal et leur capitalisation à compter du 23 février 2022.

Sur les frais liés au litige :

9. L'Office français de l'immigration et de l'intégration n'étant pas partie perdante dans la présente instance, les conclusions de M. A... tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

O R D O N N E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B... A... et à l'Office français de l'immigration et l'intégration.

Fait à Toulouse, le 9 juillet 2024.

Le président,

signé

J-F. MOUTTE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

N°22TL21270 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Numéro d'arrêt : 22TL21270
Date de la décision : 09/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Avocat(s) : DE FROMENT

Origine de la décision
Date de l'import : 14/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-09;22tl21270 ?
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