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20/06/2024 | FRANCE | N°22TL21632

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 1ère chambre, 20 juin 2024, 22TL21632


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Par une première demande, M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre des années 2015, 2016 et 2017, ainsi que des pénalités correspondantes. Par une seconde demande, il a demandé au même tribunal de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels il a été assujetti au titre de la

période du 1er janvier 2015 au 31 mai 2018, ainsi que des pénalités correspondantes.



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une première demande, M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre des années 2015, 2016 et 2017, ainsi que des pénalités correspondantes. Par une seconde demande, il a demandé au même tribunal de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels il a été assujetti au titre de la période du 1er janvier 2015 au 31 mai 2018, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement nos 2004670, 2004680 du 8 juin 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 juillet 2022, M. B..., représenté par Me Divisia, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels il a été assujetti au titre, respectivement, des années 2015, 2016 et 2017 et de la période du 1er janvier 2015 au 31 mai 2018 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- à titre principal, la procédure est irrégulière au regard des dispositions de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales dès lors que l'administration n'établit pas lui avoir notifié régulièrement les propositions de rectification ;

- à titre subsidiaire, la reconstitution du chiffre d'affaires est exagérée dès lors que les charges sont sous-évaluées du fait de la non prise en compte des rappels de cotisations de l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (Urssaf) ;

- l'application de la majoration de 80 % prévue par le c l'article 1729 du code général des impôts n'est pas fondée, en l'absence de toute manœuvre frauduleuse de sa part.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 janvier 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés ;

- dans le cas où le bien-fondé de la majoration de 80 % du c de l'article 1729 du code général des impôts ne serait pas retenu, il conviendrait d'y substituer la majoration de 40 % du b du 1 de l'article 1728 du même code.

Une ordonnance du 5 décembre 2023 a prononcé la clôture de l'instruction à la même date en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Chalbos,

- les conclusions de M. Clen, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur son activité de vente de fruits et légumes aux Halles Castellane de Montpellier (Hérault), ainsi que d'un contrôle sur pièces portant sur son activité de location d'un appartement meublé à Agde (Hérault). A l'issue de ces contrôles, il a fait l'objet d'une taxation d'office à la taxe sur la valeur ajoutée pour ses deux activités. Des rectifications en matière de bénéfices industriels et commerciaux lui ont également été notifiées, suivant la procédure d'évaluation d'office pour son activité de vente de fruits et légumes, et suivant la procédure contradictoire pour son activité de location meublée. Les conséquences des rectifications en matière d'impôt sur le revenu ont été tirées au niveau de l'impôt sur le revenu du foyer fiscal de M. B... et de son épouse, suivant la procédure de taxation d'office, et ont été assorties de la majoration de 80 % pour manœuvres frauduleuses. Ses réclamations ayant été rejetées par deux décisions du 27 août 2019, M. B... a saisi le tribunal administratif de Montpellier de demandes en décharge. Par un jugement du 8 juin 2022, dont il est fait appel devant la cour, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté les demandes de décharge de M. B....

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

2. Aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " Les bases ou éléments servant au calcul des impositions d'office et leurs modalités de détermination sont portées à la connaissance du contribuable trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions (...) ". Aux termes de l'article L. 57 du même livre : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) ".

3. Si le contribuable conteste qu'une décision lui a bien été notifiée, il incombe à l'administration fiscale d'établir qu'une telle notification lui a été régulièrement adressée et, lorsque le pli contenant cette notification a été renvoyé par le service postal au service expéditeur, de justifier de la régularité des opérations de présentation à l'adresse du destinataire. La preuve qui lui incombe ainsi peut résulter soit des mentions précises, claires et concordantes figurant sur les documents, le cas échéant électroniques, remis à l'expéditeur conformément à la règlementation postale soit, à défaut, d'une attestation de l'administration postale ou d'autres éléments de preuve établissant la délivrance par le préposé du service postal d'un avis de passage prévenant le destinataire de ce que le pli est à sa disposition au bureau de poste. Compte tenu des modalités de présentation des plis recommandés prévues par la réglementation postale, doit être regardé comme portant des mentions précises, claires et concordantes suffisant à constituer la preuve d'une notification régulière le pli recommandé retourné à l'administration auquel est rattaché un volet "avis de réception" sur lequel a été apposée la date de vaine présentation du courrier et qui porte, sur l'enveloppe ou l'avis de réception, l'indication du motif pour lequel il n'a pu être remis.

4. Il résulte de l'instruction que la proposition de rectification l'informant des bases des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des suppléments de bénéfices industriels et commerciaux, taxés et évalués d'office dans le cadre de la vérification de comptabilité dont a fait l'objet M. B... à raison de son activité de vente de fruits et légumes, a été notifiée par une lettre du 18 décembre 2018, envoyée à l'adresse " Rue de la loge, Halles Castellane n°4, 34000 Montpellier " et retournée à l'expéditeur avec la mention " destinataire inconnu à l'adresse ". Il résulte néanmoins de l'instruction qu'une copie de cette lettre a été jointe à celle également datée du 18 décembre 2018 et tirant les conséquences, au niveau de l'impôt sur le revenu du foyer fiscal de M. B..., des rectifications en matière de bénéfices industriels et commerciaux. Il ressort des mentions figurant sur l'enveloppe que ce pli, envoyé au " 20 rue Palais des Guilhem, 34000 Montpellier ", adresse personnelle de M. B..., a été avisé le 22 décembre 2018, déposé pour retrait au bureau de poste le surlendemain, puis retourné à l'expéditeur le 8 janvier 2019 avec la mention " pli avisé et non réclamé ". Il résulte également de l'instruction que la proposition de rectification du 18 décembre 2018 consécutive au contrôle sur pièces de l'activité de location meublée de M. B... a été avisée le 24 décembre 2018 à l'adresse de l'immeuble concerné, " 162 route de Rochelongue, Résidence Nakara, 34300 Agde ", et a été retournée à l'expéditeur le 10 janvier 2019 avec la mention " pli avisé et non réclamé ". Une copie de cette lettre était également jointe au pli adressé le 22 décembre 2018 au domicile personnel de M. B.... Dans ces conditions, l'administration justifie de la notification régulière des trois lettres du 18 décembre 2018 portant notification à M. B... des impositions supplémentaires mises à sa charge et en tirant les conséquences au niveau de son foyer fiscal. Le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure doit donc être écarté.

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions supplémentaires :

5. Aux termes du 2 de l'article 38 du code général des impôts : " Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés ". Aux termes de l'article 39 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature (...) ". Il résulte de ces dispositions que les charges doivent être déduites des résultats de l'exercice au cours duquel elles peuvent être considérées comme engagées par l'existence d'une dette certaine dans son principe et dans son montant.

6. Il résulte de l'instruction que M. B..., qui exerçait une activité professionnelle sans être immatriculé auprès du régime social des indépendants, ne s'est acquitté d'aucune charge sociale au cours des années 2015, 2016 et 2017. Ce n'est que le 17 mai 2019 qu'il a été informé par l'Urssaf de ce qu'un rappel de cotisations lui serait ultérieurement infligé. Il résulte d'ailleurs de l'instruction que les charges correspondantes n'avaient toujours pas été payées par M. B... le 8 février 2022, date à laquelle il a fait l'objet d'une mise en demeure de payer. Dans ces conditions, et alors d'ailleurs que la dette de M. B... auprès de l'Urssaf ne pouvait, faute de toute tenue de comptabilité, être connue de manière certaine dans son principe et son montant avant la procédure de contrôle par les organismes sociaux, M. B... n'est pas fondé à demander à ce que les rappels de cotisations et de contributions sociales dont il a fait l'objet soient admis en tant que charges à payer en déduction des bénéfices reconstitués au titre des années 2015, 2016 et 2017.

En ce qui concerne les pénalités :

7. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; / (...) c. 80 % en cas de manœuvres frauduleuses (...) ".

8. L'administration a assorti d'une pénalité de 80 % les rappels d'impôt sur le revenu relatifs aux bénéfices industriels et commerciaux réalisés par M. B... et non déclarés. L'administration fait valoir, à juste titre, que M. B... ne s'est jamais conformé à ses obligations déclaratives à raison de ses divers revenus, qu'il s'agisse de son activité professionnelle de vente de fruits et légumes ou de celle de location meublée. Il n'a pas davantage signalé son activité professionnelle auprès des organismes compétents, l'intéressé n'étant plus immatriculé au régime social des indépendants depuis 1990 et son numéro SIREN étant invalide. Par ailleurs, l'administration a relevé qu'alors que M. B... et son épouse sont mariés sous le régime de la communauté de biens réduite aux acquêts et vivent sous le même toit, Mme B... a, depuis de nombreuses années, systématiquement déposé, en se déclarant divorcée, des déclarations de revenus faisant seulement apparaître ses pensions de retraite et excluant les revenus de son époux dont elle ne pouvait ignorer l'activité professionnelle à laquelle il lui arrivait de participer. Il en est résulté, pour le couple, un non assujettissement à l'impôt sur le revenu. Enfin, l'administration indique que M. B... se domicilie à de multiples adresses, dont certaines donnent lieu au retour des plis adressés par l'administration avec la mention " destinataire inconnu à l'adresse ". Dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, de l'intention délibérée de M. B... et de son épouse d'égarer l'administration dans son pouvoir de contrôle et, par suite, du bien-fondé de l'application de cette majoration.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de quelque somme que ce soit sur leur fondement.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Pyrénées.

Délibéré après l'audience du 6 juin 2024, à laquelle siégeaient :

M. Barthez, président,

Mme Restino, première conseillère,

Mme Chalbos, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juin 2024.

La rapporteure,

C. Chalbos

Le président,

A. BarthezLe greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 22TL21632


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