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06/06/2024 | FRANCE | N°22TL22366

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 1ère chambre, 06 juin 2024, 22TL22366


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 10 novembre 2021 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, ensemble la décision de rejet de son recours gracieux formé le 17 décembre 2021.

Par un jugement n° 2200767 du 19 mai 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

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Procédure devant la cour :



Par une requête et deux mémoires, enregistrés le 24 novembre...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 10 novembre 2021 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, ensemble la décision de rejet de son recours gracieux formé le 17 décembre 2021.

Par un jugement n° 2200767 du 19 mai 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés le 24 novembre 2022, le 27 octobre 2023 et le 7 novembre 2023, Mme C..., représentée par Me Ruffel, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 10 novembre 2021, ensemble la décision de rejet de son recours gracieux formé le 17 décembre 2021 ;

3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un certificat de résidence dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de l'Hérault de réexaminer sa situation, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros à verser à son conseil au titre des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, ce règlement emportant renonciation au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

- les premiers juges ont omis de répondre au moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation soulevé à l'appui de ses conclusions d'annulation de la décision implicite de rejet de son recours gracieux ;

- l'arrêté critiqué est entaché d'un vice d'incompétence compte tenu du caractère trop général de délégation de signature consentie à M. B... ;

- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation ;

- cette décision est entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences au regard de la viabilité de son entreprise en ne prenant en compte que la période antérieure au démarrage de son activité ;

- elle justifie d'une bonne insertion dans la société française, compte tenu de son engagement associatif à titre bénévole.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 octobre 2023, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par Mme C... n'est fondé.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridique totale par une décision du 21 octobre 2022.

Par ordonnance du 30 octobre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 4 décembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Restino a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., ressortissante algérienne née en 1983, relève appel du jugement du 19 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 novembre 2021 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " visiteur - profession libérale " et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, ensemble la décision de rejet de son recours gracieux formé le 17 décembre 2021.

Sur la régularité du jugement :

2. Mme C... soutient que les premiers juges ont omis de répondre au moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation soulevé à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le préfet de l'Hérault a rejeté son recours gracieux. Toutefois, dès lors que, dans son mémoire du 1er mars 2022, Mme C... a soulevé ce moyen en se bornant à indiquer qu'elle entendait " reprendre à l'encontre du rejet de son recours gracieux l'argumentaire développé contre la décision initiale ", les premiers juges n'étaient pas tenus d'analyser ce moyen spécifiquement en tant qu'il était soulevé à l'appui des conclusions aux fins d'annulation de la décision implicite de rejet de son recours gracieux. Par ailleurs, au point 5 du jugement attaqué, les premiers juges ont répondu, et de manière suffisante, à ce moyen en tant qu'il était dirigé contre la décision portant refus de séjour. Par suite, le moyen tiré de l'omission de répondre à un moyen doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. En premier lieu, l'arrêté critiqué a été signé par M. Thierry Laurent, secrétaire général de la préfecture de l'Hérault en vertu d'une délégation qui lui a été consentie à cet effet par l'arrêté du préfet de l'Hérault n° 2021-I-809 du 19 juillet 2021, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture. Cet arrêté lui donne délégation à l'effet de signer tous actes, arrêtés, décisions et circulaires relevant des attributions de l'Etat dans le département de l'Hérault et notamment en ce qui concerne les affaires intéressant plusieurs services départementaux des administrations civiles de l'Etat, à l'exception des réquisitions prises en application de la loi du 11 juillet 1938 relative à l'organisation générale de la nation pour temps de guerre et de la réquisition des comptables publics. Compte tenu des exceptions qu'elle prévoit, cette délégation n'est pas d'une portée trop générale. Le moyen tiré du vice d'incompétence du signataire de l'acte doit être écarté.

4. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier, en particulier des termes de l'arrêté critiqué, que le préfet de l'Hérault a pris en compte la demande de changement de statut présentée par Mme C... en relevant la régularité de son séjour en tant qu'étudiante à compter du 1er septembre 2018 et la création, le 1er septembre 2020, de son entreprise dans le domaine des activités spécialisées, scientifiques et techniques diverses. Pour apprécier le caractère suffisant des ressources de Mme C..., le préfet s'est fondé sur les résultats de l'activité de cette entreprise au cours des 3e et 4e trimestres de l'année 2020 et du 1er trimestre de l'année 2021, qui lui avaient été communiqués. Dès lors qu'il ne ressort pas du dossier que l'intéressée avait, antérieurement au 10 novembre 2021, communiqué au préfet les résultats de son activité au cours du 2ème trimestre de l'année 2021, elle n'est pas fondée à soutenir que l'absence de prise en compte de ces éléments serait révélatrice d'un défaut d'examen réel et sérieux. Peu importe, à cet égard, que les factures émises par l'intéressée en septembre, octobre et novembre 2021 soient antérieures à la décision critiquée du 10 novembre 2021. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen réel et sérieux de la situation de Mme C... doit être écarté.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles : " Les ressortissants algériens s'établissant en France pour exercer une activité professionnelle autre que salariée reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur justification, selon le cas, qu'ils sont inscrits au registre du commerce ou au registre des métiers ou à un ordre professionnel, un certificat de résidence dans les conditions fixées aux articles 7 et 7 bis " et aux termes de l'article 7 du même accord : " Les dispositions du présent article et celles de l'article 7 bis fixent les conditions de délivrance du certificat de résidence aux ressortissants algériens autres que ceux visés à l'article 6 nouveau ainsi qu'à ceux qui s'établissent en France après la signature du premier avenant à l'accord ; / a) Les ressortissants algériens qui justifient de moyens d'existence suffisants et qui prennent l'engagement de n'exercer, en France, aucune activité professionnelle soumise à autorisation reçoivent après le contrôle médical d'usage un certificat valable un an renouvelable et portant la mention " visiteur" (...) ".

6. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... a créé le 1er septembre 2020 une entreprise individuelle ayant pour activité principale les " activités spécialisées scientifiques et techniques diverses ". Une modification de cette entreprise a été enregistrée le 9 septembre 2020 pour une activité de " consultant en développement durable et problématiques environnementales ", l'intéressée exerçant alors une activité de " conseil domaine agricole ". Il ressort également des pièces du dossier qu'à l'appui de sa demande de changement de statut, l'intéressée a produit les déclarations trimestrielles de chiffres d'affaires de son entreprise pour les 3ème et 4ème trimestres de l'année 2020 mentionnant chacune un chiffre d'affaires nul, ainsi que la déclaration de chiffre d'affaires du 1er trimestre de l'année 2021 faisant également apparaître un chiffre d'affaires nul. Alors que le préfet de l'Hérault s'est prononcé le 10 novembre 2021 sur la base des éléments communiqués par la requérante, celle-ci a versé aux débats deux factures émises les 30 septembre et 30 octobre 2021 pour un montant total de 2 400 euros. Dans ces conditions, alors que le préfet a relevé dans sa décision que les seuls revenus salariés déclarés pour l'année 2020 s'élevaient à la somme de 2 458 euros, il ne ressort pas des pièces du dossier, en ce compris les éléments supplémentaires dont se prévaut Mme C..., que ses ressources étaient suffisantes pour obtenir un certificat de résidence " visite - profession libérale ". Par ailleurs, elle n'est pas fondée à se prévaloir de factures émises postérieurement à la décision critiquée. Par suite et même si l'intéressée a bénéficié, dans le cadre de l'aide à la création ou à la reprise d'une entreprise, de l'exonération de cotisations sociales pour sa première année d'activité, le préfet de l'Hérault a pu légalement rejeter sa demande de certificat de résidence portant la mention " visiteur ".

7. En dernier lieu, si elle se prévaut d'une parfaite intégration sur le territoire français, il ressort des pièces du dossier que Mme C..., célibataire et sans enfant, est entrée en France à l'âge de trente-cinq ans en tant qu'étudiante. En outre, l'engagement bénévole au sein de plusieurs associations dont elle se prévaut ne suffit pas à démontrer qu'elle a établi de manière stable et durable le centre de ses intérêts privés en France. Par suite, la décision portant refus de séjour n'est pas entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée.

8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte doivent également être rejetées, ainsi que ses conclusions présentées au titre des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à Mme A... C..., à Me Christophe Ruffel et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 23 mai 2024, à laquelle siégeaient :

M. Barthez, président,

M. Lafon, président assesseur,

Mme Restino, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juin 2024.

La rapporteure,

V. Restino

Le président,

A. Barthez

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°22TL22366


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22TL22366
Date de la décision : 06/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Barthez
Rapporteur ?: Mme Virginie Restino
Rapporteur public ?: M. Clen
Avocat(s) : RUFFEL

Origine de la décision
Date de l'import : 09/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2024-06-06;22tl22366 ?
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