La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/06/2024 | FRANCE | N°22TL21765

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 1ère chambre, 06 juin 2024, 22TL21765


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 31 décembre 2013 et 2014.



Par un jugement n° 2001921, 2001925 du 8 juin 2022

, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande après l'avoir jointe avec une autre.



...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 31 décembre 2013 et 2014.

Par un jugement n° 2001921, 2001925 du 8 juin 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande après l'avoir jointe avec une autre.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 août 2022, et un mémoire complémentaire enregistré le 15 mars 2023, la société A..., représentée par Me Deleu, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement, en tant qu'il a rejeté sa demande ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 31 décembre 2013 et 2014 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal a omis de se prononcer sur le moyen tiré de ce que la procédure d'imposition est irrégulière, dès lors que le service a implicitement mis en œuvre la procédure de répression des abus de droit, sans la faire bénéficier des garanties attachées à la procédure prévue à l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ;

- il a également omis de statuer sur le moyen tiré de ce que les produits perçus de la société B... ont déjà été imposés ;

- il a omis de se prononcer sur le moyen tiré du défaut de motivation en fait de l'amende pour facturation fictive prévue au 2 du I de l'article 1737 du code général des impôts ;

- elle n'a pas réceptionné de réponse aux observations du contribuable avant la mise en recouvrement ;

- les pièces obtenues de tiers par l'administration ne lui ont pas été communiquées, alors qu'elle en avait fait la demande ;

- l'avis de mise en recouvrement est irrégulier, dès lors qu'il fait référence à une proposition de rectification annulée et à une réponse aux observations du contribuable qu'elle n'a pas reçue et dont la date est erronée ;

- la procédure d'imposition est irrégulière, dès lors que le service a implicitement mis en œuvre la procédure de répression des abus de droit, sans la faire bénéficier des garanties attachées à la procédure prévue à l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ;

- s'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée collectée, la méthode de reconstitution des recettes retenue, qui est fondée sur les encaissements mentionnés sur les comptes bancaires, corrigés de la variation des factures à établir, des avances ou acomptes et des comptes clients entre l'ouverture et la clôture de la période, est viciée ;

- il existe une incohérence à procéder à un rappel de taxe sur la valeur ajoutée sur un écart de sommes encaissées et à considérer que les commissions encaissées et facturées ne correspondent pas à une activité réelle ;

- elle était fondée à déduire la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur les factures établies par les sociétés Atelier Français de l'Agenda et Force Majeure et celle relative à un événement du 13 juillet 2015 ;

- la doctrine référencée BOI-BNC-BASE-40-60-60 n° 10 précise que les repas d'affaires sont engagés dans l'intérêts direct de l'exploitation ;

- s'agissant de l'impôt sur les sociétés, elle exerce effectivement une activité d'agent commercial ;

- dans l'hypothèse où elle n'exercerait qu'une activité de trésorerie, les produits perçus de la société B... ont déjà été imposés ;

- les dépenses correspondant à la location d'une salle et à un buffet, à des dépenses de cadeaux et d'agendas, à des frais de voyages et de déplacements ont été engagées dans l'intérêt de l'entreprise ;

- la réponse ministérielle n° 13483 publiée le 20 août 1974 permet le remboursement des frais de péage ;

- la majoration pour manquement délibéré n'est pas justifiée ;

- l'application de l'amende pour facturation fictive prévue au 2 du I de l'article 1737 du code général des impôts n'est pas motivée en fait et les bases de calcul ne sont pas explicitées ;

- elle n'est pas justifiée, dès lors que son activité était réelle.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 2 janvier 2023 et le 6 avril 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 7 avril 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 28 avril 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Lafon,

- et les conclusions de M. Clen, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société A..., qui a pour objet, directement ou indirectement, l'achat et la vente de matériels et fournitures dans le domaine médical, fait appel du jugement du 8 juin 2022 du tribunal administratif de Montpellier en tant qu'il a rejeté sa demande, après l'avoir jointe avec une autre, tendant à la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 31 décembre 2013 et 2014.

Sur la régularité du jugement :

2. Devant le tribunal administratif de Montpellier, la société A... a notamment soulevé les moyens tirés de l'irrégularité de la procédure d'imposition, au motif que le service aurait implicitement mis en œuvre la procédure de répression des abus de droit, sans la faire bénéficier des garanties attachées à la procédure prévue à l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, de la double imposition des produits perçus de la société B... et du défaut de motivation en fait de l'amende pour facturation fictive prévue au 2 du I de l'article 1737 du code général des impôts. Le tribunal administratif a omis de statuer sur ces moyens, qui n'étaient pas inopérants. Dès lors, le jugement attaqué doit être annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de la société A....

3. Il y a lieu d'évoquer dans cette mesure et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société A... devant le tribunal administratif de Montpellier.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

4. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. / (...) / Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée ". Le dernier alinéa de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales oblige l'administration à aviser le contribuable qui a présenté des observations sur une proposition de rectification de la persistance d'un désaccord, en lui en faisant connaître les motifs.

5. D'autre part, aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ". Lorsque le contribuable lui en fait la demande, l'administration est, en principe, tenue de lui communiquer, alors même qu'il en aurait eu connaissance, les renseignements, documents ou copies de documents obtenus auprès de tiers qui lui sont opposés, afin de lui permettre d'en vérifier l'authenticité ou d'en discuter la teneur ou la portée.

6. Lorsque le contribuable soutient que l'avis d'accusé de réception d'un pli recommandé n'a pas été signé par lui, il lui appartient d'établir que le signataire de l'avis n'avait pas qualité pour recevoir le pli dont il s'agit. Dans le cas où le contribuable n'apporte aucune précision sur l'identité de la personne signataire des avis litigieux et s'abstient de dresser la liste des personnes qui, en l'absence de toute habilitation, auraient néanmoins eu qualité pour signer de tels avis, il ne peut être regardé comme ayant démontré que le signataire de l'avis de réception n'était pas habilité à réceptionner ce pli.

7. Il résulte de l'instruction que les plis contenant les réponses aux observations du contribuable, datées du 7 mars 2017 et du 6 avril 2017, ont été distribués à l'adresse de la société requérante, respectivement, le 9 mars 2017 et le 8 avril 2017. Par ailleurs, le pli contenant un CD-Rom regroupant les renseignements fournis par des établissements bancaires et des fournisseurs, sur lesquels l'administration s'est fondée pour établir les impositions contestées et dont la communication avait été sollicitée par la société A..., a été distribué le 7 juin 2017, après avoir été présenté à la même adresse le 24 mai 2017. A ce titre, ni la date du 6 juin 2016 mentionnée sur le courrier accompagnant le CD-Rom, qui constitue une simple erreur de plume, ni l'absence de référence dans ce courrier à un numéro d'envoi recommandé ne sauraient remettre en cause le rattachement du pli à l'avis de réception produit par l'administration fiscale. Il résulte également de l'instruction que les trois accusés de réception ont été retournés au service revêtus d'une signature manuscrite identique. Dès lors que la société requérante, qui se borne à alléguer que cette signature n'est pas celle de son gérant ou d'un mandataire bénéficiant d'une procuration et qu'elle est probablement celle d'une employée du magasin dans lequel elle avait établi son siège, ne fournit aucune précision sur l'identité de la personne signataire des accusés de réception, les réponses aux observations du contribuable et les renseignements obtenus de tiers doivent être regardés comme lui ayant été régulièrement notifiés.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : " Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. / En cas de désaccord sur les rectifications notifiées sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité de l'abus de droit fiscal. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité. / Si l'administration ne s'est pas conformée à l'avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé de la rectification (...) ".

9. Il résulte de l'instruction qu'à l'issue des opérations de vérification, le service vérificateur a estimé que la société A... n'avait pas exercé auprès de la société B... l'activité d'agent commercial ou de courtier dont elle se prévaut, mais celle de facturation et de trésorerie. Ce faisant, l'administration n'a pas entendu, même de manière implicite, écarter un quelconque acte constitutif d'un abus de droit, y compris les différents contrats d'agent commercial conclus avec la société B.... Elle n'invoque d'ailleurs ni leur caractère fictif, mais seulement celui des prestations facturées, ni la circonstance qu'ils auraient eu pour seul motif d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que les intéressées auraient normalement supportées. Il en résulte que l'administration n'a pas établi les rectifications litigieuses sur l'existence d'un acte constitutif d'un abus de droit. Par suite, la société A... n'est pas fondée à soutenir que la procédure d'imposition serait irrégulière, faute pour l'administration d'avoir mis en œuvre les garanties prévues par les dispositions de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales.

10. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales : " L'avis de mise en recouvrement (...) indique pour chaque impôt ou taxe le montant global des droits, des pénalités et des intérêts de retard qui font l'objet de cet avis. / (...) / Lorsque l'avis de mise en recouvrement est consécutif à une procédure de rectification, il fait référence à la proposition prévue à l'article L. 57 ou à la notification prévue à l'article L. 76 et, le cas échéant, au document adressé au contribuable l'informant d'une modification des droits, taxes et pénalités résultant des rectifications (...) ".

11. Il résulte de l'instruction que l'avis de mise en recouvrement du 4 septembre 2017 fait référence à une proposition de rectification du 28 novembre 2016 et aux réponses aux observations du contribuable du 7 mars 2017 et du 6 avril 2017. La référence des dates de ces réponses, lesquelles doivent être regardées, ainsi qu'il a été dit au point 7, comme ayant été régulièrement notifiées à la société A..., n'est pas erronée. En revanche, la proposition de rectification du 28 novembre 2016 a été annulée et remplacée par une nouvelle proposition du 9 décembre 2016, qui n'est pas mentionnée dans l'avis de mise en recouvrement. Toutefois, cette erreur matérielle n'a, compte tenu des circonstances particulières de l'affaire, pas privé la société de la possibilité de contester utilement les montants mis en recouvrement, qui correspondent d'ailleurs à ceux qui sont mentionnés dans les réponses aux observations du contribuable. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales doit être écarté.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée :

12. En premier lieu, aux termes de l'article 269 du code général des impôts : " (...) 2. La taxe est exigible : / (...) / c) Pour les prestations de services autres que celles visées au b bis, lors de l'encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération ou, sur option du redevable, d'après les débits (...) ".

13. Il résulte de l'instruction que la société A... n'a pas été en mesure de produire des documents comptables ou toute autre pièce permettant de corroborer le chiffre d'affaires retenu dans ses déclarations de taxe sur la valeur ajoutée. Pour reconstituer les produits imposables, le service a, dans la proposition de rectification, pris en compte les encaissements bancaires corrigés des factures à établir, des avances reçues et des créances clients. Il s'en est tenu, à l'issue de la réponse aux observations du contribuable, aux seuls encaissements effectivement perçus par la société. Il en résulte que la société A... n'est pas fondée à soutenir que, du fait de l'absence de remise en cause du caractère régulier, sincère et probant de sa comptabilité, l'administration ne pouvait pas, pour reconstituer le montant des recettes encaissées, utiliser une méthode qui conduit à des résultats nécessairement moins précis que ceux qui auraient été obtenus en se fondant sur les encaissements effectivement réalisés. Par ailleurs, en se bornant à se prévaloir de la position de l'administration fiscale relative au caractère fictif des prestations facturées, la société requérante ne remet pas en cause la circonstance que, au moment du versement des avances ou acomptes, les éléments pertinents du fait générateur étaient déjà connus et que la réalisation des prestations n'était pas incertaine. La taxe sur la valeur ajoutée était donc exigible, en vertu du c) du 2 de l'article 269 du code général des impôts, lors de l'encaissement de ces avances ou acomptes. C'est donc à bon droit que l'administration, qui a retenu une méthode qui n'est pas viciée, a taxé l'ensemble des encaissements réalisés par la société A....

14. En deuxième lieu, aux termes de l'article 283 du code général des impôts : " (...) 3. Toute personne qui mentionne la taxe sur la valeur ajoutée sur une facture est redevable de la taxe du seul fait de sa facturation. / 4. Lorsque la facture ne correspond pas à la livraison d'une marchandise ou à l'exécution d'une prestation de services, ou fait état d'un prix qui ne doit pas être acquitté effectivement par l'acheteur, la taxe est due par la personne qui l'a facturée (...) ". L'administration fiscale a pu, sans aucune contradiction, taxer, sur le fondement de ces dispositions, les prestations facturées et encaissées par la société A..., retenir le caractère fictif de ces prestations et infliger à la société une amende pour facturation fictive.

15. En troisième lieu, aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. / (...) / II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : / a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures (...) ". Le 2 du IV de l'article 206 de l'annexe II au même code dispose que : " Le coefficient d'admission est nul dans les cas suivants : / 1° Lorsque le bien ou le service est utilisé par l'assujetti à plus de 90 % à des fins étrangères à son entreprise (...) ".

16. D'une part, l'administration fiscale n'a pas admis la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur des factures d'achat d'agendas émises par la société Atelier Français de l'Agenda, au motif qu'elles étaient libellées au nom de la société B.... La seule production par la société requérante de factures modifiées, désormais libellées à son nom, ne permet pas d'établir que les premières étaient entachées d'erreurs matérielles, alors que l'administration relève notamment que les autres éléments d'identification portés sur les factures confirment que la société B... apparaissait comme le client livré.

17. D'autre part, l'administration n'a pas davantage admis la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé des frais de réception, correspondant à une facture établie le 27 juin 2014 par la société Force Majeure et à un évènement daté du 13 juillet 2015. La société requérante n'apporte aucun justificatif de la tenue de la première réception, qui aurait d'ailleurs réuni des fournisseurs ou clients de la société B..., et aucun élément permettant d'admettre que l'évènement du 13 juillet 2015, organisé à l'occasion du mariage de l'un de ses deux associés, fils de son gérant, aurait été réalisé pour les besoins de ses propres opérations imposables.

18. Enfin et pour les mêmes motifs, c'est à bon droit que l'administration a remis en cause la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur une facture de travaux émise le 7 juillet 2014 par la société Trévelec, qui ne comporte aucune adresse et porte seulement comme intitulé " Pose VMC dans un appartement ".

19. En dernier lieu, la société A... n'est pas fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, du paragraphe n° 250 de la doctrine référencée BOI-BIC-CHG-40-20-40 et du paragraphe n° 10 de la doctrine référencée BOI-BNC-BASE-40-60-60, qui se bornent à préciser que les dépenses liées à la distribution d'objets de caractère publicitaire et les frais de restaurant correspondant à des repas d'affaires constituent normalement des charges déductibles pour la détermination du résultat fiscal et qui ne comportent en tout état de cause aucune interprétation différente de celle qui résulte de la loi fiscale dont il a été fait application.

En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés :

20. En premier lieu, les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à la charge de la société A... ne procèdent pas, en tant que telles, du caractère fictif des prestations facturées. Il en résulte qu'elle ne peut utilement se prévaloir, pour obtenir la décharge de ces impositions, de ce qu'elle exerce effectivement une activité d'agent commercial.

21. En deuxième lieu, aux termes du 1 de l'article 38 du code général des impôts, rendu applicable à l'impôt sur les sociétés par l'article 209 du même code : " 1. (...) le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises (...) ". La réintégration du montant des factures émises par la société A... dans les résultats imposables de la société B..., en raison de leur caractère fictif, et la prise en compte de ce montant, effectivement encaissé, dans la détermination du bénéfice imposable de la première, conformément à la loi fiscale, ne sauraient conduire à une double imposition.

22. En troisième lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 12 à 19 que la société A... n'est pas fondée à remettre en cause le profit sur le Trésor procédant des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge.

23. En quatrième lieu, aux termes du 2 de l'article 38 du code général des impôts : " (...) 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt (...) ". L'article 39 du même code dispose que : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature (...) / (...) / 5. Sont également déductibles les dépenses suivantes : / a. Les rémunérations directes et indirectes, y compris les remboursements de frais versés aux personnes les mieux rémunérées ; / b. Les frais de voyage et de déplacements exposés par ces personnes ; / c. Les dépenses et charges afférentes aux véhicules et autres biens dont elles peuvent disposer en dehors des locaux professionnels ; / (...) / e. Les cadeaux de toute nature, à l'exception des objets de faible valeur conçus spécialement pour la publicité ; / f. Les frais de réception, y compris les frais de restaurant et de spectacles. / (...) / Les dépenses ci-dessus énumérées peuvent également être réintégrées dans les bénéfices imposables dans la mesure où elles sont excessives et où la preuve n'a pas été apportée qu'elles ont été engagées dans l'intérêt direct de l'entreprise (...) ".

24. Si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.

25. L'administration a réintégré dans les résultats des exercices en litige le montant de dépenses de réception et de cadeaux engagées par la société A..., ainsi que des frais de voyages et de déplacements remboursés à son dirigeant, qui n'ont pas été regardés comme ayant été exposés dans l'intérêt direct de l'entreprise. Il résulte de ce qui a été dit aux points 16 à 18 que les charges d'agendas, de réception et de travaux doivent être regardées comme n'ayant pas été engagées dans un tel intérêt. Par ailleurs, le service a relevé que les dépenses de chocolats, de vins et de corridas avaient été effectuées au profit du personnel, des clients ou des fournisseurs de la société B.... En se bornant à se prévaloir de ce que de telles dépenses sont inhérentes à la fonction d'agent commercial, dans le but d'obtenir la signature de contrats de commande de matériel médical, la société requérante n'apporte, de la sorte, aucun élément probant de nature à établir que ces charges répondent à son intérêt direct. Il en est de même des frais de voyages et de déplacements, dès lors que la société A..., qui n'a d'ailleurs été en mesure de ne justifier que d'une faible partie des sommes portées en déduction, se borne à produire des états ne précisant pas les motifs de ces déplacements et ne permettant donc pas d'établir qu'ils auraient été effectués dans l'intérêt direct de la société. Enfin, la société requérante ne démontre pas son intérêt à avoir pris en charge des frais de télépéage relevant d'un contrat d'abonné ouvert au nom de son dirigeant par la société B..., ainsi que des dépenses d'entretien d'un véhicule non-inscrit à son actif. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration a refusé la déduction des frais correspondants pour la détermination du bénéfice net imposable à l'impôt sur les sociétés.

26. En dernier lieu, la société A... n'est pas fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la réponse ministérielle n° 13483 publiée le 20 août 1974, en ce qu'elle permet le remboursement de frais de péage engagés dans le cadre de déplacements professionnels et de frais liés à l'utilisation personnelle de la voiture d'un dirigeant, qui ne comporte aucune interprétation différente de celle qui résulte de la loi fiscale dont il a été fait application.

Sur les pénalités :

27. En premier lieu, aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".

28. L'administration a relevé que la société A... avait consenti, sur l'ensemble de la période vérifiée, des avances sans comptabilisation d'intérêts au profit d'une société dont le gérant a des liens familiaux avec ses propres dirigeants et déduit de façon répétitive des dépenses, ainsi que la taxe sur la valeur ajoutée correspondante, non engagées dans l'intérêt de l'entreprise, parfois fictives, et bénéficiant, au moins pour partie, à son gérant de fait puis de droit. Dans ces conditions, l'administration établit, eu égard d'ailleurs à l'importance des sommes en cause et à la répétition des impositions éludées, le manquement délibéré de la société A.... Par suite, le moyen tiré de ce que l'application de la majoration prévue au a de l'article 1729 du code général des impôts n'est pas fondée doit être écarté.

29. En second lieu, aux termes de l'article 1737 du code général des impôts : " I. - Entraîne l'application d'une amende égale à 50 % du montant : / (...) / 2. De la facture, le fait de délivrer une facture ne correspondant pas à une livraison ou à une prestation de service réelle (...) ". L'article L. 80 D du livre des procédures fiscales dispose que : " Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées au sens des articles L. 211-2 à L. 211-7 du code des relations entre le public et l'administration, quand un document ou une décision adressés au plus tard lors de la notification du titre exécutoire ou de son extrait en a porté la motivation à la connaissance du contribuable (...) ".

30. D'une part, il résulte de l'instruction que la proposition de rectification adressée le 9 décembre 2016 à la société A... mentionne les circonstances de droit et de fait ayant conduit à l'application de l'amende de 50 % pour facturation fictive prévue au 2 du I de l'article 1737 du code général des impôts. A ce titre, elle indique notamment les raisons pour lesquelles la vérificatrice a estimé que les factures libellées au nom de la société B... présentaient un caractère fictif et, en pages 25 et 26, le montant total des commissions perçues de cette société en 2013 et en 2014, déterminé à partir du solde créditeur du compte 708200 et repris en page 52 dans l'assiette de l'amende pour facturation fictive. Par suite, le moyen tiré de ce que son application n'est pas motivée en fait et les bases de calcul ne sont pas explicitées doit être écarté.

31. D'autre part, il résulte de l'instruction que la société A... a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 1er février 2003 avec une activité déclarée de " commerce de détail d'articles médicaux et orthopédiques en magasin spécialisé " et non au registre spécial des agents commerciaux. Au cours des années en litige, la société A... ne disposait d'aucun salarié et d'aucun moyen d'exploitation pour réaliser des prestations d'agent commercial dans le domaine des articles médicaux et orthopédiques, à l'exception de son gérant de fait, devenu gérant de droit à compter du 5 février 2014, qui occupait également des fonctions commerciales à temps complet au sein de la société B..., principal client de la société A.... Cette dernière ne produit d'ailleurs aucune pièce de nature à identifier les références d'articles vendus par l'entremise de la société A..., à préciser les prestations qu'elle aurait réalisées ou à établir les dates des visites organisées auprès des clients. L'ensemble des circonstances relevées par l'administration, et alors que la société requérante ne produit aucun commencement de preuve de la réalité des prestations, constituent des éléments suffisants permettant d'établir que les factures émises au nom de la société B... ne correspondent pas à des opérations réelles. Par suite, l'administration doit être regardée comme rapportant la preuve du caractère fictif de ces factures. Il en résulte que le moyen tiré de ce que l'application de l'amende prévue au 2 du I de l'article 1737 du code général des impôts n'est pas justifiée doit être écarté.

32. Il résulte de ce qui précède que la société A... n'est pas fondée à demander la décharge des impositions et pénalités contestées.

Sur les frais liés au litige :

33. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de quelque somme que ce soit sur leur fondement.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2001921, 2001925 du 8 juin 2022 du tribunal administratif de Montpellier est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de la société A....

Article 2 : La demande présentée par la société A... devant le tribunal administratif de Montpellier et le surplus des conclusions de la requête sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Pyrénées.

Délibéré après l'audience du 23 mai 2024, où siégeaient :

- M. Barthez, président,

- M. Lafon, président assesseur,

- Mme Restino, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juin 2024.

Le rapporteur,

N. Lafon

Le président,

A. Barthez

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°22TL21765 2


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22TL21765
Date de la décision : 06/06/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Amendes - pénalités - majorations.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée.


Composition du Tribunal
Président : M. Barthez
Rapporteur ?: M. Nicolas Lafon
Rapporteur public ?: M. Clen
Avocat(s) : SCP ALCADE ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 09/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2024-06-06;22tl21765 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award