Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2015, 2016 et 2017, ainsi que des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 2004862 du 20 juin 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 5 juillet 2022 et le 26 avril 2023, M. et Mme A..., représentés par Me Divisia, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2015, 2016 et 2017, ainsi que des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la proposition de rectification est insuffisamment motivée en ce qui concerne la remise en cause des charges de propriété afférentes aux lots de l'ensemble immobilier donnés en location en 2013 ;
- les sommes réintégrées dans leurs revenus fonciers par l'administration fiscale correspondent à des charges de propriété déductibles au titre de 2013, année de leur paiement, en application du I de l'article 31 du code général des impôts, dès lors qu'elles concernent des locaux destinés à être loués et qu'elles ont été engagées pour l'acquisition et la conservation du revenu foncier d'années antérieures ;
- à titre subsidiaire, la déduction des sommes litigieuses doit être admise au prorata des lots de l'ensemble immobilier qui étaient donnés en location en 2013.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 7 novembre 2022 et le 11 mai 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme A... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 27 avril 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 30 juin 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Chalbos,
- les conclusions de M. Clen, rapporteur public,
- et les observations de Me Divisia, représentant M. et Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme A... sont associés de la société civile immobilière D..., constituée en 2004. Leur société a acquis, le 7 novembre 2005, un ensemble immobilier situé à Montpellier (Hérault), composé de quatre locaux commerciaux et de trois réserves. Le 20 septembre 2013 et le 25 septembre 2013, la société D... a cédé la totalité des lots composant l'ensemble immobilier. Elle a, au titre de l'année 2013, enregistré un déficit foncier d'un montant global de 169 920 euros correspondant au paiement d'arriérés de taxe foncière et de frais de syndic. Ce déficit a été imputé par M. et Mme A... sur leur revenus fonciers des années 2013 à 2017. A l'occasion d'un contrôle sur pièces, l'administration fiscale a, par propositions de rectification du 26 octobre 2018 adressées à la société et à ses associés, remis en cause la déduction des charges de propriété comptabilisées par la société au titre de l'année 2013 et rectifié en conséquence le déficit correspondant, imputé sur l'impôt sur le revenu de ses associés, au titre des années non prescrites. Les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux, mises en recouvrement le 30 juin 2020, ont été contestées par M. et Mme A... le 31 juillet 2020. Leur réclamation a été rejetée par l'administration fiscale le 29 septembre 2020. Par leur requête, ils demandent à la cour d'annuler le jugement du 20 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande de décharge.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. En premier lieu, M. et Mme A... reprennent en appel le moyen soulevé en première instance, tiré de la méconnaissance de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales relatif à la motivation de la proposition de rectification. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges aux points 2 et 3 de leur jugement.
3. En second lieu, aux termes de l'article 13 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice ou revenu imposable est constitué par l'excédent du produit brut (...) sur les dépenses effectuées en vue de l'acquisition et de la conservation du revenu (...) ". L'article 28 du même code dispose que : " Le revenu net foncier est égal à la différence entre le montant du revenu brut et le total des charges de la propriété ". Aux termes de l'article 31 du même code, applicable au présent litige : " I. - Les charges de la propriété déductibles pour la détermination du revenu net comprennent : / 1° Pour les propriétés urbaines : / (...) a quater) Les provisions pour dépenses, comprises ou non dans le budget prévisionnel de la copropriété, prévues aux articles 14-1 et 14-2 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, supportées par le propriétaire, diminuées du montant des provisions déduites l'année précédente qui correspond à des charges non déductibles ; / (...) c) Les impositions, autres que celles incombant normalement à l'occupant, perçues, à raison desdites propriétés, au profit des collectivités territoriales, de certains établissements publics ou d'organismes divers (...) ".
4. D'une part, après avoir constaté que les biens correspondant aux lots 1393 et 1400 sont restés vacants depuis 2007 et que ceux correspondants aux lots 1395, 1399 et 1401 le sont restés depuis 2010, l'administration a estimé que les charges comptabilisées par la société D..., à raison d'immeubles dont elle ne retirait aucun revenu, n'avaient pas été engagées en vue de l'acquisition ou de la conservation d'un revenu et n'étaient par suite pas déductibles.
5. Pour justifier de leurs diligences pour mettre en location les locaux de la société D... correspondant aux lots 1393, 1400, 1395, 1399 et 1401, les requérants se bornent à produire un mandat de location avec exclusivité, daté du 2 juin 2008 pour une durée d'un an, ainsi qu'une attestation du mandataire faisant état d'éléments nuisant à l'attractivité de l'ensemble immobilier. Ils ne produisent toutefois aucun élément permettant d'apprécier le caractère suffisant des mesures de publicité et de toutes autres diligences accomplies par leur mandataire pour faire louer leurs biens. Ils ne justifient par ailleurs nullement avoir adapté les loyers à la situation économique dégradée du secteur dans lequel se trouvent les locaux et dont ils font état. Enfin, il résulte de la désignation des lots dans les actes de vente de l'ensemble immobilier en 2013 que le projet de division de lots, envisagé en 2011 pour tenir compte de la trop grande superficie des locaux dissuasive pour les locataires, n'a pas été concrétisé. Dans ces conditions, les requérants ne justifient pas que la société D... dont ils étaient actionnaires aurait accompli des diligences suffisantes pour donner en location les locaux en cause. C'est donc à bon droit que l'administration a considéré que ces locaux n'étaient pas destinés à la location, les charges de propriété afférentes n'ayant ainsi pas été engagées pour l'acquisition et la conservation d'un revenu.
6. D'autre part, il est constant que les locaux correspondants aux lots 1011 et 1307 sont restés loués jusqu'à la vente de l'ensemble immobilier en 2013. Le service a néanmoins dénié, à l'exception de la taxe foncière de l'année 2013, le caractère de charges de propriété comptabilisées par la société D..., y compris à proportion des immeubles loués, en considérant que les arriérés de taxe foncière et de frais de syndic avaient été réglés par la société en 2013 dans le seul but de concrétiser la vente et avaient ainsi été engagés en vue de la constitution d'un capital et non en vue de l'acquisition et la conservation d'un revenu. Il résulte toutefois de l'instruction que les sommes portées en charges par la société D..., qui correspondent à des arriérés de taxe foncière et d'honoraires de syndic, constituent, en tant qu'elles concernent les lots 1011 et 1303 loués jusqu'en 2013 et en application de l'article 31 du code général des impôts, des charges de propriété déductibles des revenus fonciers. La circonstance, invoquée par l'administration, selon laquelle les sommes n'ont été acquittées par la société D... que concomitamment à la cession de ses biens, afin de permettre la vente, s'explique principalement par l'insuffisance des recettes de la société, la perception du prix de vente lui ayant permis de régler ses dettes. Eu égard à la nature et à la date d'engagement des dépenses, ainsi qu'à la location effective d'une partie de ses locaux par la société sur la période correspondante, la circonstance que les sommes n'aient été réglées que lors de la vente des biens par la société n'est pas de nature à révéler, à concurrence des charges relatives aux lots 1011 et 1303, qu'elles auraient eu pour finalité la constitution d'un capital. Enfin, si les sommes ont été prélevées par le notaire sur le prix de vente de l'immeuble afin de solder les dettes, elles doivent néanmoins être regardées comme ayant été effectivement supportées par la société civile immobilière en sa qualité de propriétaire. Par suite, M. et Mme A... sont fondés à soutenir que c'est à tort que l'administration fiscale a remis en cause, à l'exception de la taxe foncière de l'année 2013, la déduction par la société D... des charges de propriété correspondant aux lots 1011 et 1303 et a corrigé, dans cette mesure, le déficit imputé au titre de leurs revenus fonciers.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier ne leur a pas accordé une réduction, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2015 et 2017 à raison de l'imputation, sur leurs revenus fonciers, du montant, proratisé aux lots 1011 et 1303, du déficit foncier déclaré par la société civile immobilière D... au titre de l'année 2013.
Sur les frais liés au litige :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante pour l'essentiel dans la présente instance, le versement de quelque somme que ce soit sur leur fondement.
D E C I D E :
Article 1er : Pour le calcul de l'impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux auxquels M. et Mme A... ont été assujettis au titre des années 2015 à 2017, la base de leurs revenus fonciers est réduite à concurrence de la somme correspondant à la part du déficit foncier déclaré par la société civile immobilière D... au titre de l'année 2013 relative aux dépenses imputables aux seuls lots 1011 et 1303.
Article 2 : M. et Mme A... sont déchargés des droits et pénalités correspondant à la réduction des bases d'imposition définie à l'article 1er.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 20 juin 2022 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme A... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., à Mme B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Pyrénées.
Délibéré après l'audience du 23 mai 2024, à laquelle siégeaient :
M. Barthez, président,
M. Lafon, président assesseur,
Mme Chalbos, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juin 2024.
La rapporteure,
C. Chalbos
Le président,
A. BarthezLe greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22TL21518