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06/06/2024 | FRANCE | N°22TL21035

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 1ère chambre, 06 juin 2024, 22TL21035


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Par une première requête, enregistrée sous le n° 2102692, la société civile immobilière Lotimmo a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer, d'une part, l'annulation du titre de perception émis le 25 avril 2014 en vue du recouvrement de la cotisation de taxe d'aménagement à laquelle elle a été assujettie à raison d'un permis de construire délivré le 10 avril 2013 et, d'autre part, la décharge de l'obligation de payer la somme correspondante qui lui

a été réclamée par une mise en demeure tenant lieu de commandement de payer du 24 novembre ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une première requête, enregistrée sous le n° 2102692, la société civile immobilière Lotimmo a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer, d'une part, l'annulation du titre de perception émis le 25 avril 2014 en vue du recouvrement de la cotisation de taxe d'aménagement à laquelle elle a été assujettie à raison d'un permis de construire délivré le 10 avril 2013 et, d'autre part, la décharge de l'obligation de payer la somme correspondante qui lui a été réclamée par une mise en demeure tenant lieu de commandement de payer du 24 novembre 2020. Par une seconde requête, enregistrée sous le n° 2102693, cette société a demandé au même tribunal de prononcer, d'une part, l'annulation du titre de perception émis le 25 avril 2014 en vue du recouvrement de la cotisation de redevance d'archéologie préventive à laquelle elle a été assujettie au même titre et, d'autre part, la décharge de l'obligation de payer la somme correspondante qui lui a été réclamée par une mise en demeure tenant lieu de commandement de payer du 24 novembre 2020.

Par un jugement no 2102692, 2102693 du 21 février 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 avril 2022, la société Lotimmo, représentée par Me Pons-Serradeil, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler les titres de perception émis le 25 avril 2014 en vue du recouvrement des cotisations de taxe d'aménagement et de redevance d'archéologie préventive auxquelles elle a été assujettie à raison d'un permis de construire délivré le 10 avril 2013 ;

3°) de prononcer la décharge de l'obligation de payer, d'une part, la somme de 11 966 euros correspondant à la taxe d'aménagement et aux pénalités y afférentes qui lui a été réclamée par une mise en demeure tenant lieu de commandement de payer émise le 24 novembre 2020 et, d'autre part, la somme de 1 367 euros correspondant à la redevance d'archéologie préventive et aux pénalités y afférentes qui lui a été réclamée par une mise en demeure tenant lieu de commandement de payer émise le 24 novembre 2020 ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges se sont déclarés incompétents pour connaître des moyens de régularité en la forme de la mise en demeure du 24 novembre 2020 ;

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé dès lors que les premiers juges n'ont pas répondu à l'argument tiré de ce que le titre de perception ne lui avait pas été notifié ;

- les premiers juges ont omis de répondre à un moyen tiré de l'irrégularité du recouvrement de la redevance d'archéologie préventive ;

- la créance était prescrite dès lors, d'une part, qu'elle n'a jamais reçu notification du titre de recettes et, d'autre part, que sa demande gracieuse du 22 septembre 2014 ne peut être regardée comme comportant reconnaissance de la créance ;

- l'action en recouvrement était prescrite lorsque la mise en demeure du 24 novembre 2020 lui a été adressée.

Par une ordonnance du 18 mai 2022, le président de la cour administrative d'appel de Toulouse a transmis au Conseil d'Etat, sur le fondement des dispositions de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi, enregistré le 21 avril 2022 au greffe de la cour, formé contre ce jugement en tant qu'il se prononce sur la taxe d'aménagement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 mai 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par la société Lotimmo n'est fondé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 février 2024, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par la société Lotimmo n'est fondé.

Par ordonnance du 13 février 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 22 mars 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code du patrimoine ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Restino,

- les conclusions de M. Clen, rapporteur public,

- et les observations de Me Pons-Serradeil, représentant la société Lotimmo.

Considérant ce qui suit :

1. L'administration fiscale a émis, le 25 avril 2014, un titre de perception en vue du recouvrement de la redevance d'archéologie préventive à laquelle la société Lotimmo a été assujettie, pour un montant de 1 243 euros, à raison d'un permis de construire délivré le 10 avril 2013. Le 24 novembre 2020, le comptable public de la direction départementale des finances publiques des Pyrénées-Orientales a mis cette société en demeure de payer cette redevance et la majoration pour défaut de paiement correspondante, pour un montant total de 1 367 euros. La société Lotimmo relève appel du jugement du tribunal administratif de Montpellier du 21 février 2022 en tant que celui-ci a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation du titre de perception du 25 avril 2014 et, d'autre part, à la décharge de l'obligation de payer la somme mentionnée par la mise en demeure du 24 novembre 2020.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 524-10 du code du patrimoine, alors en vigueur : " (...) Le recouvrement de la redevance [d'archéologie préventive] est assuré par les comptables publics compétents dans les conditions fixées au titre IV du livre des procédures fiscales (...) ". Aux termes du 3 de l'article L. 257-0 A du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable au litige : " La mise en demeure de payer interrompt la prescription de l'action en recouvrement. Elle peut être contestée dans les conditions prévues à l'article L. 281 " et aux termes de l'article L. 281 du même livre : " (...) Les contestations relatives au recouvrement ne peuvent pas remettre en cause le bien-fondé de la créance. Elles peuvent porter : / 1° Sur la régularité en la forme de l'acte ; / 2° A l'exclusion des amendes et condamnations pécuniaires, sur l'obligation au paiement, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués et sur l'exigibilité de la somme réclamée. / Les recours contre les décisions prises par l'administration sur ces contestations sont portés dans le cas prévu au 1° devant le juge de l'exécution (...) ".

3. Ainsi, en écartant la contestation de la régularité en la forme de la mise en demeure du 24 novembre 2020 comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître, le tribunal administratif de Montpellier n'a pas, contrairement à ce que soutient la société Lotimmo, décliné à tort sa compétence. Par suite, le moyen doit être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Contrairement à ce que soutient la société Lotimmo, les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments soulevés dans sa demande, ont répondu et de manière suffisante, au point 6 du jugement attaqué, au moyen tiré de ce que la prescription du délai de reprise de l'administration était acquise. Par suite, le moyen doit être écarté.

5. En dernier lieu, la société Lotimmo soutient que les premiers juges ont omis de répondre à " un moyen tiré de l'irrégularité du recouvrement de la redevance d'archéologie préventive ", sans indiquer lequel. Par suite, ce moyen, qui n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier la portée, doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la prescription de la créance :

6. Aux termes de l'article L. 524-2 du code du patrimoine, dans sa rédaction applicable au litige : " Il est institué une redevance d'archéologie préventive due par les personnes, y compris membres d'une indivision, projetant d'exécuter des travaux affectant le sous-sol et qui : / a) Sont soumis à une autorisation ou à une déclaration préalable en application du code de l'urbanisme (...) ", aux termes de l'article L. 524-4 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " Le fait générateur de la redevance d'archéologie préventive est : / a) Pour les travaux soumis à autorisation ou à déclaration préalable en application du code de l'urbanisme, la délivrance de l'autorisation de construire ou d'aménager (...) " et aux termes du I de l'article L. 524-8 du même code : " Lorsqu'elle est perçue sur les travaux mentionnés au a de l'article L. 524-2, la redevance est établie dans les conditions prévues aux articles L. 331-19 et L. 331-20 du code de l'urbanisme. Les règles de contrôle et les sanctions sont celles prévues aux articles L. 331-21 à L. 331-23 du même code ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 331-21 du code de l'urbanisme, alors en vigueur : " Le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'au 31 décembre de la quatrième année qui suit, selon les cas, celle de la délivrance de l'autorisation de construire ou d'aménager, celle de la décision de non-opposition ou celle à laquelle l'autorisation est réputée avoir été accordée ".

7. La société Lotimmo soutient que le titre de perception du 25 avril 2014 émis pour avoir paiement de la redevance d'archéologie préventive à raison du permis de construire qui lui a été délivré le 10 avril 2013 ne lui a pas été notifié. Elle en déduit que le droit de reprise de l'administration était prescrit. Toutefois, il résulte de l'instruction que, dans sa demande de remise gracieuse de la taxe d'aménagement dont le paiement lui était réclamé par un titre de perception également émis le 25 avril 2014, la société Lotimmo a mentionné la redevance d'archéologie préventive, de sorte que cette demande gracieuse constitue un acte comportant reconnaissance de l'existence de la créance de redevance d'archéologie préventive, à une date à laquelle le droit de reprise de l'administration n'était pas prescrit. Par suite, le moyen doit être écarté.

En ce qui concerne la prescription de l'action en recouvrement :

8. Aux termes de l'article L. 524-8 du code du patrimoine, dans sa rédaction applicable au litige : " (...) L'action en recouvrement se prescrit par cinq ans à compter de l'émission du titre de perception (...) ". L'article R. 281-3-1 du livre des procédures fiscales dispose que les contestations relatives au recouvrement adressées à l'administration dont dépend le comptable qui exerce les poursuites doivent être présentées dans un délai de deux mois à partir de la notification de " tout acte de poursuite si le motif invoqué porte sur l'obligation de payer ou le montant de la dette " ou du premier acte de poursuite permettant de contester l'exigibilité de la somme réclamée. Lorsque le redevable d'une créance se prévaut de la prescription de l'action en recouvrement, il soulève une contestation qui ne porte pas sur l'obligation de payer mais qui a trait à l'exigibilité de la créance. Un tel moyen doit donc être soulevé dès le premier acte de poursuite permettant de s'en prévaloir.

9. Il résulte de l'instruction, comme exposé au point 1, que le titre de perception de la redevance d'archéologie préventive a été émis le 25 avril 2014, date à compter de laquelle le délai de prescription de l'action en recouvrement a commencé à courir. Le 25 mars 2019, le comptable public de la direction départementale des finances publiques des Pyrénées-Orientales a émis à l'encontre de la société Lotimmo une première mise en demeure tenant lieu de commandement de payer une somme de 1 367 euros, correspondant au montant de la redevance litigieuse, augmenté de la majoration de 10 % pour défaut de paiement. Le 24 novembre 2020, il a émis une seconde mise en demeure tenant lieu de commandement de payer cette même somme. La société Lotimmo soutient que la prescription de l'action en recouvrement était acquise. Toutefois, d'une part, à la date de notification de cette seconde mise en demeure, le délai de prescription de l'action en recouvrement avait été valablement interrompu par la notification de la première mise en demeure. D'autre part et à supposer même que la prescription de l'action en recouvrement ait été acquise à la date de notification de la première mise en demeure, la société Lotimmo ne s'en est pas prévalue dans la réclamation qu'elle a formée, le 16 mai 2019, contre ce premier acte de poursuite. Par suite, le moyen tiré de la prescription de l'action en recouvrement, invoqué pour la première fois dans la présente instance à l'encontre de la seconde mise en demeure du 24 novembre 2020 doit être écarté.

10. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité des conclusions tendant à l'annulation du titre de recettes du 25 avril 2014, que la société Lotimmo n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande enregistrée sous le n° 2102693.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme quelconque au titre des frais exposés par la société requérante et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société Lotimmo est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière Lotimmo, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée la direction départementale des finances publiques des Pyrénées-Orientales.

Délibéré après l'audience du 23 mai 2024, où siégeaient :

- M. Barthez, président,

- M. Lafon, président assesseur,

- Mme Restino, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juin 2024.

La rapporteure,

V. RestinoLe président,

A. Barthez

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°22TL21035 2

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Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22TL21035
Date de la décision : 06/06/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-08-02 Contributions et taxes. - Parafiscalité, redevances et taxes diverses. - Redevances.


Composition du Tribunal
Président : M. Barthez
Rapporteur ?: Mme Virginie Restino
Rapporteur public ?: M. Clen
Avocat(s) : PONS-SERRADEIL

Origine de la décision
Date de l'import : 09/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2024-06-06;22tl21035 ?
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