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23/05/2024 | FRANCE | N°23TL02127

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 1ère chambre, 23 mai 2024, 23TL02127


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 22 avril 2022 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2203532 du 13 octobre 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 18 août 2023, M. C..., représenté par Me Mazas, demande à la cour :



1...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 22 avril 2022 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2203532 du 13 octobre 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 18 août 2023, M. C..., représenté par Me Mazas, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 22 avril 2022 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de deux mois suivant la notification de la décision de la cour ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, sous les mêmes conditions et, en tout état de cause, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours à compter de la décision à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le tribunal administratif a insuffisamment motivé en fait et en droit sa réponse au moyen tiré du vice de procédure en raison de l'absence de saisine de la commission du titre de séjour et à celui tiré de la méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français sont insuffisamment motivées ;

- elles sont entachées d'un vice de procédure en l'absence de saisine de la commission du titre de séjour, en méconnaissance des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elles méconnaissent l'étendue du pouvoir discrétionnaire de régularisation dont dispose le préfet et celui-ci aurait dû statuer sur l'autorisation de travail dont il était saisi ;

- elles méconnaissent les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elles méconnaissent les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elles méconnaissent les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation de leurs conséquences sur sa situation personnelle et dans l'exercice, par le préfet de l'Hérault, de son pouvoir discrétionnaire de régularisation.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 juillet 2023.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 février 2024, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 6 mars 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 27 mars 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Barthez a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant arménien né le 6 octobre 1975, qui a vécu en France sous l'identité de M. A... D... sous laquelle il a fait l'objet de plusieurs arrêtés portant obligation de quitter le territoire français, a sollicité le 5 avril 2022 son admission exceptionnelle au séjour en tant que salarié ou au titre de la vie privée et familiale. Par un arrêté du 22 avril 2022, le préfet de l'Hérault a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. C... fait appel du jugement du 13 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, a écarté, avec une motivation suffisante, respectivement au point 4 et au point 8 du jugement attaqué, les moyens tirés de ce que le préfet de l'Hérault aurait méconnu les dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que celles du premier alinéa du même article. Le moyen tiré d'une insuffisante motivation du jugement doit donc être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. En premier lieu, le moyen tiré de l'insuffisance de la motivation des décisions de refus de séjour et d'éloignement doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif de Montpellier au point 3 du jugement attaqué.

4. En deuxième lieu, aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14 ". M. C..., qui soutient être entré en France en juin 2009, produit un certain nombre des pièces relatives à son séjour en France sous l'identité de M. D... à compter de cette date. Toutefois, ces pièces sont insuffisamment nombreuses pour plusieurs années consécutives, notamment les années de 2014 à 2016. Ainsi, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. C... réside habituellement en France depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté contesté. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que le préfet de l'Hérault aurait dû saisir la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. En troisième lieu, le préfet de l'Hérault a indiqué, dans l'arrêté contesté, que M. C... ne pouvait bénéficier d'un titre de séjour portant la mention " salarié " en application des dispositions des articles L. 421-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il était dépourvu du visa de long séjour. Il ne ressort ni de cette mention ni des autres pièces du dossier que le préfet de l'Hérault aurait ainsi exclu d'examiner la possibilité de régulariser la situation de M. C... en faisant usage de son pouvoir discrétionnaire, au regard de la situation professionnelle ou de la situation personnelle et familiale. En outre et en tout état de cause, en l'absence de visa de long séjour, le préfet de l'Hérault n'était pas tenu d'examiner la demande d'autorisation de travail que M. C... aurait présentée avant de statuer sur sa demande de titre de séjour.

6. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

7. Il ressort des pièces du dossier que M. C... est marié depuis le 3 octobre 2019 avec une ressortissante arménienne titulaire d'une carte de séjour pluriannuelle valable jusqu'au 2 novembre 2023. Ils ont eu ensemble un enfant né avant le mariage le 4 juillet 2018, ainsi que l'établit l'ordonnance du procureur de la République du 18 mai 2020 rectifiant l'acte de naissance dressé le 5 juillet 2018. Toutefois, M. C... a indiqué être célibataire et sans enfant lors de la déclaration de revenus de l'année 2021 ainsi que lors de son audition par un officier de police judiciaire du 25 septembre 2020. L'épouse de M. C... a également déclaré occuper son logement en tant que célibataire avec ses deux enfants et être célibataire lors de sa demande de renouvellement de titre de séjour le 12 octobre 2021. Ainsi, nonobstant la production de photographies familiales et de quelques attestations d'amis peu circonstanciées, la communauté de vie entre les époux, contestée par le préfet de l'Hérault, ne ressort pas des pièces du dossier. En outre, le requérant a fait l'objet précédemment de plusieurs mesures d'éloignement que, selon ses propres indications relatives à la continuité de son séjour en France depuis l'année 2009, il n'aurait pas exécuté ou, en tout état de cause, qu'il n'a pas exécuté dans les délais prévus. Ainsi, eu égard aux conditions du séjour de l'intéressé en France, bien qu'il bénéficie d'un contrat à durée indéterminée pour un emploi d'ouvrier d'exécution, le préfet de l'Hérault n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale par rapport aux buts en vue desquels les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ont été prises. Il n'a, dès lors, méconnu ni les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en lui refusant un titre de séjour et en l'obligeant à quitter le territoire français.

8. En cinquième lieu, aux termes des stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

9. Ainsi qu'a été indiqué au point 7, la communauté de vie entre M. C... et son épouse ne ressort pas des pièces du dossier, l'enfant commun résidant avec sa mère. Au surplus, l'épouse de M. C... est également arménienne et ainsi, en tout état de cause, la vie familiale alléguée pourrait se reconstituer dans le pays d'origine. Dans ces conditions, les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ne peuvent être regardées comme ayant été prises en méconnaissance de l'intérêt supérieur de son enfant et de celui de l'enfant de son épouse.

10. En sixième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ". En présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement du premier alinéa de l'article L. 435-1, l'autorité administrative doit d'abord vérifier si des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels justifient la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale ", ensuite, en cas de motifs exceptionnels, si la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire " est envisageable. Il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.

11. Les circonstances que M. C... soit marié avec une compatriote, mère d'un premier enfant et avec laquelle il a eu un enfant, et alors que la vie commune contestée par le préfet de l'Hérault ne ressort pas des pièces du dossier, et qu'il soit titulaire d'un contrat à durée indéterminée signé au mois d'avril 2022 pour un emploi d'ouvrier d'exécution ne caractérisent pas des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels au sens des dispositions du premier alinéa de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ainsi, le requérant n'est pas fondé à soutenir le préfet de l'Hérault aurait méconnu ces dispositions en refusant de l'admettre exceptionnellement au séjour soit au titre de la vie privée et familiale soit au titre du travail et, en tout état de cause, en l'obligeant à quitter le territoire français.

12. En dernier lieu, aucune des circonstances évoquées précédemment ne permet de regarder les décisions contestées comme entachées d'une erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur la situation personnelle de M. C.... C'est donc également sans erreur manifeste d'appréciation que le préfet de l'Hérault n'a pas fait usage de son pouvoir discrétionnaire pour régulariser la situation de M. C... au regard du droit au séjour en France.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction doivent également être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme à verser au conseil de M. C... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : La présent arrêt sera notifié à M. B... C..., à Me Sophie Mazas et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 7 mai 2024, à laquelle siégeaient :

M. Barthez, président,

M. Lafon, président assesseur,

Mme Restino, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 mai 2024.

Le président rapporteur,

A. Barthez

L'assesseur le plus ancien

dans l'ordre du tableau,

N. Lafon

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°23TL02127 2


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23TL02127
Date de la décision : 23/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Barthez
Rapporteur ?: M. Alain Barthez
Rapporteur public ?: M. Clen
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS MAZAS

Origine de la décision
Date de l'import : 26/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2024-05-23;23tl02127 ?
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