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07/05/2024 | FRANCE | N°23TL01220

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 1ère chambre, 07 mai 2024, 23TL01220


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... G... D... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 20 janvier 2023 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, d'enjoindre, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer le titre de séjour sollicité et enfin de mettre à la charge de l'Etat u

ne somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrat...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... G... D... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 20 janvier 2023 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, d'enjoindre, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer le titre de séjour sollicité et enfin de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 2300786 du 25 avril 2023, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté, enjoint au préfet de la Haute-Garonne de délivrer à Mme D..., dans un délai d'un mois, un titre de séjour en qualité d'étranger malade et de la munir, dans l'attente, d'une autorisation provisoire de séjour, mis à la charge de l'Etat la somme de 1 250 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la cour :

I - Par une requête, enregistrée le 24 mai 2023 sous le n° 23TL01220, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour d'annuler ce jugement, en tant qu'il a annulé l'arrêté du 20 janvier 2023, enjoint la délivrance à Mme D..., dans un délai d'un mois, d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade et de la munir, dans l'attente, d'une autorisation provisoire de séjour et mis à la charge de l'Etat la somme de 1 250 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le tribunal ne pouvait annuler l'arrêté attaqué sans la production du dossier médical transmis à l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;

- l'arrêté attaqué ne méconnaît pas les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- Mme D... peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 août 2023, Mme D..., représentée par Me Soulas, conclut :

1°) à son admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

2°) au rejet de la requête ;

3°) à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable, dès lors que sa signataire ne justifie pas avoir valablement reçu une délégation de signature ;

- les moyens soulevés par le préfet de la Haute-Garonne ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 24 août 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 21 septembre 2023.

Mme D... a bénéficié du maintien de plein droit de l'aide juridictionnelle totale par décision du 8 novembre 2023.

II. Par une requête, enregistrée le 24 mai 2023 sous le n° 23TL01221, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour de prononcer le sursis à exécution du jugement n° 2300786 du 25 avril 2023 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse, sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, en tant qu'il a fait droit à la demande de Mme D....

Il soutient que les moyens d'annulation soulevés dans sa requête au fond présentent un caractère sérieux.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 août 2023, Mme D..., représentée par Me Soulas, conclut :

1°) à son admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

2°) au rejet de la requête ;

3°) à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable, dès lors que sa signataire ne justifie pas avoir valablement reçu une délégation de signature ;

- les moyens soulevés par le préfet de la Haute-Garonne ne présentent pas un caractère sérieux.

Par ordonnance du 24 août 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 21 septembre 2023.

Mme D... a bénéficié du maintien de plein droit de l'aide juridictionnelle totale par décision du 8 novembre 2023.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Lafon a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D..., ressortissante nigériane, a présenté, le 28 octobre 2019, une demande d'asile qui a été rejetée par une décision du 23 décembre 2021 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par une décision du 1er juin 2022 de la Cour nationale du droit d'asile. L'intéressée a ensuite sollicité, le 9 août 2022, son admission au séjour en raison de son état de santé. Mme D... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 20 janvier 2023 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par la requête n° 23TL01220, le préfet de la Haute-Garonne fait appel du jugement du 25 avril 2023, en tant que le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté, lui a enjoint de délivrer dans le délai d'un mois à Mme D... un titre de séjour en qualité d'étranger malade et, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 250 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Par la requête n° 23TL01221, il demande à la cour, sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, de prononcer le sursis à exécution de ce jugement dans cette mesure.

2. Les requêtes n° 23TL01220 et n° 23TL01221 présentées par le préfet de la Haute-Garonne étant dirigées contre un même jugement, il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur les conclusions tendant à l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

3. Mme D... a bénéficié, par deux décisions du 8 novembre 2023, du maintien de plein droit de l'aide juridictionnelle totale. Ses conclusions tendant à ce qu'elle soit admise à titre provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle sont devenues sans objet et il n'y a donc pas lieu de statuer.

Sur la requête n° 23TL01220 :

En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée par Mme D... :

4. La requête du préfet de la Haute-Garonne a été signée par Mme B... E..., cheffe du bureau de l'éloignement et du contentieux de la préfecture, qui a reçu délégation du préfet par arrêté n° 31-2023-03-13-00006 du 13 mars 2023, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, accessible tant au juge qu'aux parties, à fin de signer notamment les " requêtes en appel, relatives au contentieux de toutes décisions prises en matière de droit des étrangers, devant les juridictions administratives et judiciaires ". Par suite, la fin de non-recevoir tirée de l'incompétence du signataire de la requête doit être écartée.

En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif :

5. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. (...) / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ".

6. Pour refuser de délivrer un titre de séjour à Mme D... en qualité d'étranger malade, le préfet de la Haute-Garonne s'est notamment fondé sur l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 7 novembre 2022 selon lequel, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale, le défaut de prise en charge ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité et son état de santé lui permet de voyager sans risque à destination de son pays d'origine. Afin de contester les mentions de cet avis, Mme D..., qui a levé le secret médical, produit une attestation de suivi psychologique, ainsi que deux certificats médicaux établissant l'existence d'une hypertension artérielle et d'un syndrome d'apnée obstructif du sommeil. Toutefois, cette attestation, par laquelle une psychologue clinicienne se borne à indiquer que " au regard de sa souffrance psychique, il est important que Mme D... puisse poursuivre sa psychothérapie de soutien au lieu où elle a pu l'initier ", ne suffit pas à remettre en cause les conclusions du collège des médecins relatives à l'absence de conséquences d'une exceptionnelle gravité en cas de défaut de prise en charge de cette pathologie. En revanche, il résulte des certificats établis par les médecins cardiologue et généraliste qui suivent Mme D... que l'état de santé de cette dernière nécessite notamment le port, tous les soirs, d'un appareillage à pression positive continue et qu'à défaut elle encourt notamment un risque de récidive de l'accident vasculaire cérébral dont elle a fait l'objet en janvier 2022. Il s'en déduit, ainsi que l'a jugé le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse, que le défaut de prise en charge médicale de Mme D... pourrait avoir pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité.

7. Toutefois, l'arrêté contesté repose également sur le motif tiré de ce que Mme D... pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié à son état de santé au Nigéria. L'intéressée, qui se prévaut essentiellement d'une difficulté d'accès aux soins dans son pays d'origine, ne conteste pas sérieusement la possibilité d'une prise en charge du syndrome d'apnée obstructif du sommeil et de l'hypertension artérielle. Les certificats médicaux versés au dossier n'excluent d'ailleurs pas de façon catégorique la disponibilité au Nigéria d'un appareillage à pression positive continue. Enfin, Mme D..., qui se borne à invoquer des documents d'ordre général, n'établit pas qu'elle ne pourrait bénéficier effectivement d'un tel appareillage en cas de retour dans son pays d'origine, notamment grâce à une prise en charge dans le cadre du régime de sécurité sociale existant au Nigéria. Par suite, Mme D... doit être regardée comme pouvant effectivement bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine.

8. Il résulte de l'instruction que le préfet de la Haute-Garonne aurait pris la même décision s'il ne s'était fondé que sur le motif tiré de ce que Mme D... dispose, s'agissant notamment du syndrome d'apnée obstructif du sommeil dont elle souffre, d'un accès aux soins dans son pays d'origine. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

9. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Haute-Garonne est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a accueilli le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour annuler l'arrêté du 20 janvier 2023. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme D... devant le tribunal administratif.

En ce qui concerne les autres moyens :

S'agissant du moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué :

10. Par arrêté n° 31-2022-10-18-00001 du 18 octobre 2022, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, accessible tant au juge qu'aux parties, le préfet de la Haute-Garonne a donné délégation à Mme F... C..., directrice des migrations et de l'intégration de la préfecture, à fin de signer notamment les décisions contestées. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué manque en fait et doit être écarté.

S'agissant des moyens communs aux décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français :

11. En premier lieu, l'arrêté attaqué, qui comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui le fondent, notamment des éléments précis concernant la situation de Mme D..., est suffisamment motivé.

12. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Haute-Garonne ne s'est pas livré à un examen particulier de l'ensemble de la situation de Mme D....

13. En troisième lieu, le préfet de la Haute-Garonne a versé au dossier l'avis du 7 novembre 2022 par lequel le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration s'est prononcé sur l'état de santé de Mme D.... Le moyen tiré de l'irrégularité de cet avis n'est pas assorti de précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé.

S'agissant de la décision de refus de titre de séjour :

14. En premier lieu, Mme D..., qui est née le 15 mars 1972, déclare résider en France depuis le 14 octobre 2019. Elle ne se prévaut pas de la présence de membres de sa famille sur le territoire national et ne justifie pas être dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine, où résident notamment ses six enfants, dont un est mineur. Enfin et en tout état de cause, il résulte de ce qui a été dit aux points 6 et 7 que le défaut de prise en charge de sa souffrance psychique ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'elle pourrait bénéficier effectivement au Nigéria d'un traitement approprié au syndrome d'apnée obstructif du sommeil dont elle souffre. Dans ces conditions, alors même que Mme D... a exprimé une volonté d'intégration et bénéficie d'un accompagnement social en France, la décision portant refus de titre de séjour n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

15. En second lieu, aucune des circonstances évoquées précédemment n'est de nature à faire regarder la décision attaquée comme entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de Mme D....

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

16. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que le moyen, dirigé contre la décision portant obligation de quitter le territoire français, tiré de l'illégalité, par voie d'exception, de la décision de refus de titre de séjour doit être écarté.

17. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) / 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ". Compte tenu de ce qui a été dit aux points 6 à 8 du présent arrêt, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaîtrait ces dispositions doit être écarté.

18. En troisième lieu, compte tenu de ce qui a été dit aux points 14 et 15 du présent arrêt, les moyens selon lesquels la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de Mme D... doivent être écartés.

S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :

19. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que le moyen, dirigé contre la décision fixant le pays de renvoi, tiré de l'illégalité, par voie d'exception, de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

20. En deuxième lieu, l'arrêté attaqué, qui retrace la procédure de demande d'asile engagée par Mme D... et mentionne que l'état de santé de cette dernière ne justifie pas une admission au séjour en qualité d'étranger malade, vise l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et précise que l'intéressée n'établit pas être exposée à des peines ou traitements contraires à cette convention en cas de retour dans son pays d'origine. Ainsi, la décision fixant le pays de renvoi est suffisamment motivée.

21. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment de la motivation de l'arrêté du 20 janvier 2023, qu'en prenant la décision fixant le pays de renvoi, le préfet de la Haute-Garonne se serait estimé lié par les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile rejetant les demandes présentées par Mme D....

22. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Le dernier alinéa de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".

23. Mme D... soutient qu'elle encourt des risques pour sa sécurité en cas de retour au Nigéria et se prévaut à ce titre, d'une part, d'un conflit opposant son époux à un groupe criminel, d'autre part, de ce qu'elle a été victime d'un réseau de traite d'êtres humains. Elle n'apporte toutefois aucun élément permettant de confirmer son récit et d'établir le risque de subir personnellement des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine, alors d'ailleurs que sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile. Par suite, et pour les motifs déjà mentionnés aux points 6 et 7, le moyen tiré de ce que la décision par laquelle le préfet de la Haute-Garonne a fixé le pays de renvoi serait intervenue en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions précitées de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

24. En dernier lieu, aucune des circonstances évoquées précédemment n'est de nature à faire regarder la décision attaquée comme entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de Mme D....

25. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Haute-Garonne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 20 janvier 2023, lui a enjoint de délivrer dans le délai d'un mois à Mme D... un titre de séjour en qualité d'étranger malade et, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 250 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Sur la requête n° 23TL01221 :

26. Le présent arrêt statuant sur la demande d'annulation partielle du jugement n° 2300786 du 25 avril 2023 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse, les conclusions de la requête n° 23TL01221 tendant au sursis à exécution de ce jugement, dans cette mesure, sont devenues sans objet.

Sur les frais liés au litige :

27. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de quelque somme que ce soit sur leur fondement.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de Mme D... tendant à son admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Article 2 : Les articles 2, 3 et 4 du jugement n° 2300786 du 25 avril 2023 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse sont annulés.

Article 3 : La demande présentée par Mme D... devant le tribunal administratif de Toulouse est rejetée.

Article 4 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 23TL01221 du préfet de la Haute-Garonne tendant au sursis à exécution du jugement du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse du 25 avril 2023.

Article 5 : Les conclusions présentées par Mme D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer, à Mme A... G... D... et à Me Stéphane Soulas.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 25 avril 2024, où siégeaient :

- M. Barthez, président,

- M. Lafon, président assesseur,

- Mme Restino, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 mai 2024.

Le rapporteur,

N. Lafon

Le président,

A. Barthez

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23TL01220, 23TL01221 2


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23TL01220
Date de la décision : 07/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Barthez
Rapporteur ?: M. Nicolas Lafon
Rapporteur public ?: M. Clen
Avocat(s) : DIALEKTIK AVOCATS AARPI;DIALEKTIK AVOCATS AARPI;DIALEKTIK AVOCATS AARPI

Origine de la décision
Date de l'import : 12/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2024-05-07;23tl01220 ?
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