Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 18 juin 2022 du préfet des Alpes-Maritimes portant exécution d'une obligation de quitter le territoire français et lui interdisant de retourner sur le territoire français pendant un an.
Par un jugement n° 2201865 du 17 août 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nîmes a admis Mme B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 17 septembre 2022 sous le n° 22MA02489 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille et ensuite sous le n° 22TL22031 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, et trois mémoires enregistrés le 29 octobre 2023, le 3 décembre 2023 et le 3 janvier 2024, Mme B..., représentée par Me Ajil, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 18 juin 2022 du préfet des Alpes-Maritimes en tant qu'il porte exécution d'une obligation de quitter le territoire français et lui interdit de retourner sur le territoire français pendant un an ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que les premiers juges ont omis de répondre au moyen tiré de ce que l'arrêté du 11 août 2021 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes l'a obligée à quitter le territoire français n'était pas joint à l'arrêté critiqué du 18 juin 2022 ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français du 11 août 2021 n'est pas jointe à l'arrêté critiqué du 18 juin 2022, faisant obstacle à la vérification de l'accomplissement des formalités de notification ;
- cette décision est entachée d'un vice de procédure dès lors que le préfet n'a pas recueilli préalablement l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration alors que, compte tenu des graves troubles psychiatriques dont elle souffre, elle ne pouvait pas faire l'objet d'une mesure d'éloignement ;
- cette décision méconnaît les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle souffre de troubles psychiatriques et a été hospitalisée à plusieurs reprises pour ce motif ;
- cette décision est entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle compte tenu de son état de santé ;
- cette décision porte atteinte à son droit au respect de la vie privée, en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle a été violée au centre de rétention administrative ;
- le préfet des Alpes-Maritimes ne se trouvait pas en situation de compétence liée pour prononcer une interdiction de retourner sur le territoire français.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 octobre 2023, le préfet des Alpes-Maritimes conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 4 janvier 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 29 janvier 2024.
Par lettre du 21 mars 2024, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour était susceptible de se fonder sur les moyens relevés d'office tirés, d'une part, de l'incompétence de la juridiction administrative pour connaître de conclusions à fin d'annulation d'une décision de placement et de maintien en rétention administrative et, d'autre part, de l'irrecevabilité des conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français en raison de l'absence d'une telle décision dans l'arrêté préfectoral du 18 juin 2022.
Une réponse à ces deux moyens d'ordre public, présentée pour Mme B..., par Me Ajil, a été enregistrée le 27 mars 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Restino a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante marocaine née le 5 juillet 1996 et qui déclare être entrée en France le 1er septembre 2015, relève appel du jugement du 17 août 2022 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 juin 2022 du préfet des Alpes-Maritimes.
Sur la recevabilité des conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français :
2. Mme B... demande à la cour d'annuler l'arrêté du 18 juin 2022 en tant qu'il porte exécution d'une obligation de quitter le territoire français. Toutefois, il ressort des termes mêmes de cet arrêté qu'il ne comporte pas de décision portant obligation de quitter le territoire français. La circonstance que cet arrêté soit intitulé " arrêté portant exécution d'une obligation de quitter le territoire, interdiction de retour et placement en rétention " est sans incidence à cet égard. Dès lors, les conclusions tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français, que ne contient pas l'arrêté du 18 juin 2022 critiqué, sont irrecevables.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable au litige : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français " et aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".
4. Il ressort des pièces du dossier que Mme B..., qui déclare être entrée en France en 2015 et ne démontre pas y avoir habituellement résidé depuis lors, ne justifie pas de l'existence de circonstances humanitaires qui feraient obstacle au prononcé d'une interdiction de retour sur le territoire français en faisant valoir qu'elle souffre de troubles psychiatriques. Il en va de même de la circonstance, au demeurant non établie, qu'elle aurait été, postérieurement à l'édiction de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français, victime de viol et de violences physiques lors de son placement en centre de rétention administrative. Par ailleurs, l'intéressée ne justifie pas avoir établi en France le centre de ses intérêts privés ou d'y avoir noué des liens personnels d'une particulière intensité compte-tenu notamment de la présence des membres de sa famille au Maroc et de la circonstance qu'elle est célibataire et sans enfant. Enfin, elle n'a pas exécuté spontanément la mesure d'éloignement prise à son encontre le 11 août 2021. Par suite, le préfet des Alpes-Maritimes pouvait légalement lui interdire de retourner sur le territoire français pendant un an.
5. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme à verser à Mme B....
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 25 avril 2024, où siégeaient :
- M. Barthez, président,
- M. Lafon, président assesseur,
- Mme Restino, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 mai 2024.
La rapporteure,
V. Restino
Le président,
A. Barthez
Le greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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