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07/05/2024 | FRANCE | N°22TL20788

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 1ère chambre, 07 mai 2024, 22TL20788


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société C..., représentée par M. A..., l'un de ses anciens co-gérants, a demandé au tribunal administratif de Nîmes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en mars 2012, décembre 2012 et décembre 2013, e

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société C..., représentée par M. A..., l'un de ses anciens co-gérants, a demandé au tribunal administratif de Nîmes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en mars 2012, décembre 2012 et décembre 2013, et des amendes qui lui ont été infligées sur le fondement des articles 1759 et 1788 A du code général des impôts.

Par un jugement n° 2000175 du 4 février 2022, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 15 mars 2022, la société C..., représentée par Me Zelteni, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en mars 2012, en décembre 2012 et en décembre 2013, et de l'amende qui lui a été infligée sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 500 euros sur au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- M. A... n'était pas impliqué dans la poursuite de son activité après sa mise en sommeil ;

- le taux de marge de 1,30 retenu par l'administration pour reconstituer son chiffre d'affaires est excessif ;

- l'application de la majoration de 80 % pour activité occulte n'est pas justifiée dès lors qu'elle était immatriculée au registre du commerce et des sociétés et que le commerce de fruits et légumes ne constitue pas une activité illicite ;

- l'application de l'amende pour distribution occulte n'est pas justifiée dès lors que M. B... a été désigné seul bénéficiaire des revenus distribués.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 novembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet du la requête de la société C....

Il soutient que les moyens soulevés par la société C... ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 10 novembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 4 décembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Restino,

- et les conclusions de M. Clen, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société C..., qui avait pour associés à parts égales et co-gérants MM. A... et B..., exerçait une activité de commerce de fruits et légumes. Elle a été mise en sommeil le 31 mars 2012, puis a été radiée du registre du commerce et des sociétés le 29 avril 2016. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013, dont les interventions ont été menées par le vérificateur de manière parallèle avec chaque co-gérant compte tenu d'une procédure judiciaire en cours leur interdisant tout contact. La société C... a saisi le tribunal administratif de Nîmes d'une demande de décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en mars 2012, décembre 2012 et décembre 2013 et de l'amende qui lui a été infligée sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts. La société C... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

2. En premier lieu, en vertu du dernier alinéa de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, la charge de la preuve " incombe également au contribuable à défaut de comptabilité ou de pièces en tenant lieu, comme en cas de taxation d'office à l'issue d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle en application des dispositions des articles L. 16 et L. 69 ". Il résulte de l'instruction, notamment de la proposition de rectification du 29 juillet 2015, que la société C... n'a présenté aucun document comptable portant sur la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013. Le vérificateur a dressé un procès-verbal de défaut de présentation de comptabilité le 7 avril 2015. Dans ces conditions, il incombe à la société C... de rapporter la preuve du caractère exagéré des bases d'imposition arrêtées par l'administration.

3. Le contribuable à qui incombe la charge de prouver l'exagération de ses recettes reconstituées peut, s'il n'est pas en mesure d'établir le montant exact de ses résultats en s'appuyant sur une comptabilité régulière et probante, soit critiquer la méthode d'évaluation que l'administration a suivie et qu'elle doit faire connaître au contribuable, en vue de démontrer que cette méthode aboutit, au moins sur certains points et pour un certain montant, à une exagération des bases d'imposition, soit encore, aux mêmes fins, soumettre à l'appréciation du juge une nouvelle méthode d'évaluation permettant de déterminer les bases d'imposition avec une précision meilleure que celle qui pouvait être atteinte par la méthode primitivement utilisée par l'administration. A l'appui de sa démonstration, il peut, non seulement apporter tous les éléments de preuve comptables ou extracomptables, mais aussi se fonder sur des faits reconnus exacts par l'administration, ou dont le juge serait amené, en cas de contestation, à reconnaître l'exactitude.

4. Pour reconstituer les recettes de la société C..., le vérificateur a, dans un premier temps, reconstitué le montant des achats de marchandises en se basant sur le montant des acquisitions intracommunautaires effectuées par elle auprès de fournisseurs étrangers, dont il a eu connaissance grâce aux réponses obtenues dans le cadre de l'assistance administrative internationale et aux déclarations d'échanges de biens. Le vérificateur a ainsi estimé que la société C... avait procédé à des achats pour des montants de 71 856 euros au titre de la période du 1er janvier au 31 mars 2012, de 167 774 euros au titre de la période du 1er avril au 31 décembre 2012, et de 7 296 euros au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2013. Le vérificateur a, dans un second temps, déterminé un coefficient multiplicateur à appliquer au montant de ces achats pour aboutir au chiffre d'affaires. Pour cela, il s'est basé sur le taux de marge de 1,30 ressortant des déclarations souscrites par la société C... au titre des exercices clos en 2011 et le 31 mars 2012. Il a, par ailleurs, déterminé un taux de marge de 1,33 par comparaison avec trois entreprises relevant du même secteur d'activité, exerçant à Avignon et ayant un chiffre d'affaires équivalent à celui de la société C.... En définitive, il a retenu un taux de marge de 1,30, aboutissant à des montants de recettes de 93 413 euros au titre de l'exercice clos le 31 mars 2012, de 218 106 euros au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2012 et de 9 485 euros au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2013.

5. En se bornant à faire valoir que le taux de de marge brute du commerce de détail alimentaire sur les éventaires et marchés en France n'était que de 1,11 au titre des années 2011 et 2012, la société requérante ne conteste pas utilement le taux de marge retenu par l'administration, déterminé à partir des données propres de l'entreprise au titre de l'un des exercices contrôlés, d'ailleurs corroboré par la comparaison avec des entreprises du secteur de la vente de fruits et légumes exerçant dans la même zone géographique et ayant un chiffre d'affaires comparable. Par suite, le moyen doit être écarté.

6. En second lieu, le moyen tiré de ce que M. A... pensait que la société requérante avait été radiée du registre du commerce et des sociétés à la fin de l'année 2011 ou au début de l'année 2012 est sans incidence pour apprécier le bien-fondé des impositions en litige. Il en va de même du moyen tiré de ce que M. A... n'était pas en charge des achats des fruits et légumes. Ces moyens doivent être écartés comme inopérants.

En ce qui concerne les pénalités :

S'agissant de la majoration prévue en cas d'exercice d'une activité occulte :

7. Aux termes de l'article 1728 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : (...) / c. 80 % en cas de découverte d'une activité occulte (...) ". Il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires qui ont précédé l'adoption de la loi dont elles sont issues, que dans le cas où un contribuable n'a ni déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire, ni fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, l'administration doit être réputée apporter la preuve, qui lui incombe, de l'exercice occulte de l'activité professionnelle si le contribuable n'est pas lui-même en mesure d'établir qu'il a commis une erreur justifiant qu'il ne se soit acquitté d'aucune de ces obligations déclaratives.

8. Aux termes de l'article R. 123-1 du code de commerce, dans sa rédaction applicable au litige : " I. - Les centres de formalités des entreprises permettent aux entreprises de souscrire en un même lieu l'ensemble des formalités et procédures nécessaires à l'accès et à l'exercice de leur activité. / Ils reçoivent à cet effet le dossier unique prévu à l'article 2 de la loi n° 94-126 du 11 février 1994 relative à l'initiative et à l'entreprise individuelle. Ce dossier comporte : / 1° Les déclarations relatives à la création, aux modifications de la situation ou à la cessation d'activité, que les entreprises sont tenues de remettre aux administrations, personnes ou organismes mentionnés à l'annexe 1-1 à l'article R. 123-30 (...) ". Aux termes de l'article R. 123-30 du même code, alors en vigueur : " Les annexes 1-1 et 1-2 au présent livre précisent les déclarations visées au 1° du I de l'article R. 123-1 devant être déposées aux centres de formalités des entreprises et les administrations, personnes ou organismes destinataires de ces formalités selon leur compétence (...) ". Aux termes de l'annexe 1-2 au livre Ier du même code, alors en vigueur : " Principales formalités des entreprises déposées aux centres de formalités des entreprises. / Chaque centre est compétent pour recevoir les déclarations ci-dessous énumérées et les actes et pièces dont la remise est exigée par l'un des organismes destinataires. / (...) II. - Personnes morales / (...) 3. Modifications : / (...) Cessation temporaire d'activité et reprise d'activité après cette cessation ".

9. Il résulte de l'instruction que la société C... s'est abstenue de souscrire les déclarations de chiffre d'affaires et de résultats auxquelles elle était tenue au titre de la période du 1er avril 2012 au 31 décembre 2013. Par ailleurs, elle a poursuivi son activité, alors même qu'elle avait fait l'objet d'une mention, au registre du commerce et des sociétés, d'une cessation temporaire d'activité à compter du 31 mars 2012, de sorte qu'elle ne peut être regardée comme ayant fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce. Dans ces conditions et alors que la société C... n'établit pas qu'elle a commis une erreur justifiant qu'elle ne se soit acquittée d'aucune de ces obligations déclaratives, le ministre démontre le caractère occulte de l'activité au cours de la période du 1er avril 2012 au 31 décembre 2013. Dès lors, la société C... n'est pas fondée à demander la décharge de la majoration qui lui a été appliquée pour l'exercice d'une activité occulte.

S'agissant de l'amende pour distribution occulte :

10. Aux termes de l'article 1759 du code général des impôts : " Les sociétés et les autres personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés qui versent ou distribuent, directement ou par l'intermédiaire de tiers, des revenus à des personnes dont, contrairement aux dispositions des articles 117 et 240, elles ne révèlent pas l'identité, sont soumises à une amende égale à 100 % des sommes versées ou distribuées (...) " et aux termes de l'article 117 du même code : " Au cas où la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu'il résulte des déclarations de la personne morale visées à l'article 116, celle-ci est invitée à fournir à l'administration, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution. / En cas de refus ou à défaut de réponse dans ce délai, les sommes correspondantes donnent lieu à l'application de la pénalité prévue à l'article 1759 ".

11. L'administration a estimé que les recettes non déclarées de la société C... au titre des exercices clos en mars 2012, en décembre 2012 et en décembre 2013 devaient être regardées comme des revenus distribués au sens des dispositions du 1° et du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts. En application des dispositions précitées de l'article 117 du même code, elle a invité la société requérante, par la proposition de rectification du 29 juillet 2015, à désigner les bénéficiaires de ces distributions et l'a informée qu'en cas de défaut de réponse ou de réponse insuffisante dans un délai de trente jours, l'amende de 100 % prévue à l'article 1759 du même code lui serait appliquée. Cette proposition de rectification a été notifiée à M. A... et à M. B..., chacun en leur qualité de représentant légal de la société C.... Dans sa réponse du 7 octobre 2015, la société requérante a désigné M. B... comme étant le seul et unique bénéficiaire de ces distributions. Toutefois, en l'absence de tout élément permettant de corroborer cette désignation, faite uniquement par M. A... contre son ancien associé et co-gérant et qui ne contenait aucune précision quant aux montants distribués et aux dates des distributions, l'administration était fondée à regarder cette désignation comme un défaut de réponse. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a infligé à la société C... l'amende prévue par l'article 1759 du code général des impôts.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la société C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme quelconque au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société C... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée la direction de contrôle fiscal Sud-Pyrénées.

Délibéré après l'audience du 25 avril 2024, où siégeaient :

- M. Barthez, président,

- M. Lafon, président assesseur,

- Mme Restino, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 mai 2024.

La rapporteure,

V. RestinoLe président,

A. Barthez

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22TL20788
Date de la décision : 07/05/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-04 Contributions et taxes. - Généralités. - Amendes, pénalités, majorations.


Composition du Tribunal
Président : M. Barthez
Rapporteur ?: Mme Virginie Restino
Rapporteur public ?: M. Clen
Avocat(s) : KELTEN FISCAL AVIGNON

Origine de la décision
Date de l'import : 12/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2024-05-07;22tl20788 ?
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