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07/05/2024 | FRANCE | N°22TL00705

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 1ère chambre, 07 mai 2024, 22TL00705


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 5 août 2021 par lequel le préfet de Vaucluse a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de soixante jours et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2103456 du 31 janvier 2022, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 28 février 2022 sous le n° 22MA00705 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseill...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 5 août 2021 par lequel le préfet de Vaucluse a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de soixante jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2103456 du 31 janvier 2022, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 28 février 2022 sous le n° 22MA00705 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille et ensuite sous le n° 22TL00705 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, M. C..., représenté par Me Marcel, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 5 août 2021 par lequel le préfet de Vaucluse a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de soixante jours et a fixé le pays de destination ;

3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet de Vaucluse de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ;

4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de Vaucluse de réexaminer sa situation ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les premiers juges ont insuffisamment motivé la réponse au moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant refus de séjour est entachée d'erreur de fait dès lors qu'elle retient une entrée en France en septembre 2019 alors qu'il est entré en France à la fin de l'année 2014 ;

- cette décision méconnaît l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il ne peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié au Niger et qu'un retour au Niger serait un facteur de réactivation traumatique avec un risque majeur de passage à l'acte suicidaire ;

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le préfet de Vaucluse a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en n'usant pas du pouvoir de régularisation qu'il tient de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cette décision est également entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est privée de base légale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ;

- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par une décision du 25 janvier 2023, le président du bureau d'aide juridictionnelle a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle présentée par M. C....

Par ordonnance du 24 mai 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 31 juillet 2023.

Des pièces ont été produites par l'Office français de l'immigration et de l'intégration, le 14 décembre 2023, en vue de compléter l'instruction, et communiquées au titre des dispositions de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Virginie Restino a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant nigérien né le 15 juillet 1988, a sollicité le 9 novembre 2020, le renouvellement de son titre de séjour en tant qu'étranger malade. Par arrêté du 5 août 2021, le préfet de Vaucluse a refusé de lui délivrer le titre demandé, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de soixante jours et a fixé le pays de destination. M. C... relève appel du jugement du 31 janvier 2022 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 5 août 2021.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments invoqués par M. C..., ont répondu et de manière suffisante, au point 6 du jugement attaqué, au moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le moyen tiré du défaut de motivation du jugement attaqué doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :

3. En premier lieu, il ressort des termes mêmes de la décision critiquée que le préfet de Vaucluse a pris en considération les éléments relatifs à la présence alléguée de M. C... sur le territoire français depuis la fin de l'année 2014. Par suite, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que cette décision est entachée d'erreur de fait au seul motif que le préfet de Vaucluse a commis une erreur de plume en indiquant qu'il est entré en France le 17 septembre 2019. Le moyen tiré de l'erreur de fait doit être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) " et l'article R. 425-11 du même code dispose que : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ".

5. S'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus, d'un moyen relatif à l'état de santé du demandeur, aux conséquences de l'interruption de sa prise en charge médicale ou à la possibilité pour lui d'en bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire, il appartient au juge administratif de prendre en considération l'avis médical rendu par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Si le demandeur entend contester le sens de cet avis, il appartient à lui seul de lever le secret relatif aux informations médicales qui le concernent, afin de permettre au juge de se prononcer en prenant en considération l'ensemble des éléments pertinents, notamment l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé le collège des médecins de l'office, en sollicitant sa communication, ainsi que les éléments versés par le demandeur au débat contradictoire.

6. Il ressort des pièces du dossier que, pour refuser de renouveler le titre de séjour de M. C... en qualité d'étranger malade, le préfet de Vaucluse s'est notamment fondé sur l'avis émis par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le 5 janvier 2021, selon lequel l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays dont il est originaire, il peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié et que son état de santé lui permet de voyager sans risque vers son pays d'origine. Il ressort des pièces du dossier que M. C..., qui a levé le secret médical, souffre, d'une part, de diabète sucré de type 2 non insulinotraité sans complication et, d'autre part, d'un état de stress post-traumatique. Il ressort, en particulier, du rapport médical confidentiel établi par le médecin instructeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration que l'état de stress post-traumatique de l'intéressé nécessite un suivi psychiatrique et psychologique ainsi qu'un traitement médicamenteux (haldol, valium, paroxetine, lepticur, noctamide, tercian). Pour remettre en cause l'appréciation portée par l'autorité administrative, M. C... produit de nombreux certificats médicaux, relatifs à l'état de stress post traumatique aigu dont il souffre depuis 2016. Ces documents corroborent la nécessité d'une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Toutefois, M. C... ne justifie pas de l'impossibilité de bénéficier effectivement d'un traitement approprié au Niger par la seule production d'un compte-rendu médical établi le 3 septembre 2021 par le Docteur B..., psychiatre, se bornant à affirmer que ni les thérapeutiques de type " EMDR " et de remédiation cognitive ni le traitement médicamenteux prescrit pour traiter l'état de stress post-traumatique ne sont accessibles dans son pays d'origine, et d'articles sur la situation générale du système de santé au Niger et sur la prise en charge des maladies mentales dans ce pays. Par ailleurs et alors même qu'il vit seul en France sans aucune présence familiale, il ne conteste pas non plus sérieusement la possibilité de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine en faisant valoir que la prise en charge des maladies mentales chroniques nécessite un soutien familial dont il est privé depuis son départ du Niger, n'ayant plus de relations avec ses parents qui y sont demeurés. Enfin et en tout état de cause, le risque allégué de réactivation traumatique en cas de retour au Niger, qui rendrait impossible tout traitement dans ce pays, ne ressort pas des pièces du dossier en l'absence d'élément permettant d'établir que l'état de stress post-traumatique de l'intéressé trouverait son origine dans des événements survenus dans ce pays. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. M. C..., qui est célibataire et sans enfant, n'établit pas la réalité de son allégation selon laquelle il serait entré sur le territoire français depuis novembre 2014 et s'y serait maintenu habituellement depuis cette date. Les circonstances que l'intéressé a exercé une activité bénévole en France au cours des années 2016 et 2017 et effectué une formation professionnelle rémunérée par l'organisme Pôle emploi sont insuffisantes pour justifier de l'intensité des relations personnelles qu'il a nouées en France. Par ailleurs, la circonstance qu'il bénéficie de l'allocation aux adultes handicapés depuis le 1er janvier 2021 est sans incidence à cet égard. Enfin, il n'établit pas être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de 26 ans. Ainsi, eu égard à l'ensemble de ces éléments, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée porterait à son droit au respect de la vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

9. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 (...) ".

10. Aucun des éléments invoqués ci-dessus relatifs aux conditions de séjour en France et à la situation personnelle et familiale de M. C... ne permettent de justifier de motifs exceptionnels ou de considérations humanitaires au sens de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de cet article doit être écarté.

11. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus, la décision n'est pas entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. C.... C'est donc sans erreur manifeste d'appréciation que le préfet de Vaucluse n'a pas fait usage de son pouvoir discrétionnaire pour régulariser la situation de M. C....

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

12. Il résulte de ce qui a été exposé précédemment que M. C... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait privée de base légale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de séjour.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

13. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

14. D'une part, comme il a été exposé au point 6, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. C... ne pourrait pas bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé au Niger et qu'il y serait exposé, de ce fait, à des traitements inhumains ou dégradants. D'autre part, la circonstance, au demeurant non établie, que l'état de stress post-traumatique dont il souffre serait causé par des événements survenus au Niger ne permet pas, à elle-seule, de considérer qu'il y serait exposé à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions aux fins d'injonction doivent également être rejetées, ainsi que ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., à Me Véronique Marcel et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de Vaucluse.

Délibéré après l'audience du 25 avril 2024, où siégeaient :

- M. Barthez, président,

- M. Lafon, président assesseur,

- Mme Restino, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 mai 2024.

La rapporteure,

V. Restino

Le président,

A. Barthez

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°22TL00705 2


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22TL00705
Date de la décision : 07/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Famille - Regroupement familial (voir : Etrangers).


Composition du Tribunal
Président : M. Barthez
Rapporteur ?: Mme Virginie Restino
Rapporteur public ?: M. Clen
Avocat(s) : PYXIS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2024-05-07;22tl00705 ?
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