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25/04/2024 | FRANCE | N°22TL21933

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 1ère chambre, 25 avril 2024, 22TL21933


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 21 juillet 2020 par laquelle la directrice générale de l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) a rejeté sa demande d'aide au titre du dispositif " Repeuplement du cheptel apicole " dans le cadre du plan apicole européen 2020-2022, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux.



Par un jugement n° 2005521 du

7 juillet 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.



Procéd...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 21 juillet 2020 par laquelle la directrice générale de l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) a rejeté sa demande d'aide au titre du dispositif " Repeuplement du cheptel apicole " dans le cadre du plan apicole européen 2020-2022, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux.

Par un jugement n° 2005521 du 7 juillet 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 septembre 2022, et trois mémoires complémentaires enregistrés le 26 juin 2023, le 29 août 2023 et le 25 septembre 2023, M. A..., représenté par Me Roca, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du 21 juillet 2020, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux ;

3°) de mettre à la charge de FranceAgriMer une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier, dès lors que le mémoire de FranceAgriMer du 27 janvier 2022 ne lui a pas été communiqué ;

- FranceAgriMer ne pouvait rejeter sa demande d'aide comme irrecevable, au motif qu'elle n'a pas été déposée de façon dématérialisée sur la plateforme d'acquisition de données, dès lors qu'il ne dispose pas d'une connexion internet ;

- sa demande d'aide était éligible.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 12 mai 2023 et le 15 septembre 2023, FranceAgriMer, représenté par Me Alibert, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de M. A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le moyen tiré de ce que la demande n'a pas fait l'objet d'un examen particulier, qui est soulevé pour la première fois en appel, est irrecevable ;

- les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 18 septembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 2 octobre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 ;

- le règlement d'exécution (UE) n° 2015/1368 de la Commission du 6 août 2015 ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- la décision INTV-SANAEI-2019-17 de la directrice générale de FranceAgriMer du 3 octobre 2019 ;

- la décision INTV-SANAEI-2020-05 de la directrice générale de FranceAgriMer du 27 mars 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Lafon,

- les conclusions de M. Clen, rapporteur public,

- les observations de M. A...,

- et les observations de Me Corazza pour FranceAgriMer.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., qui est apiculteur à Perpignan, fait appel du jugement du 7 juillet 2022 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 21 juillet 2020 par laquelle la directrice générale de FranceAgriMer a rejeté sa demande d'aide au titre du dispositif " Repeuplement du cheptel apicole " dans le cadre du plan apicole européen 2020-2022, ainsi que la décision implicite de rejet du recours gracieux qu'il a formé le 10 août 2020. Ces décisions sont motivées par l'irrecevabilité de la demande présentée par M. A... sous format papier et non de façon dématérialisée sur la Plateforme d'acquisition de données ouverte sur le site internet de FranceAgriMer.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " (...) / La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes (...) / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux ". Il résulte de ces dispositions, destinées à garantir le caractère contradictoire de l'instruction, que la méconnaissance de l'obligation de communiquer un mémoire contenant des éléments nouveaux est en principe de nature à entacher la procédure d'irrégularité. Il n'en va autrement que dans le cas où il ressort des pièces du dossier que, dans les circonstances de l'espèce, cette méconnaissance n'a pas pu préjudicier aux droits des parties.

3. Il ressort des pièces de la procédure suivie devant le tribunal administratif que FranceAgriMer a produit le 16 décembre 2021 un premier mémoire en défense, qui a été communiqué à M. A..., puis, le 27 janvier 2022, un second mémoire en défense, qui n'a pas été communiqué. Dans la mesure où le tribunal ne s'est pas fondé sur un élément nouveau contenu dans ce second mémoire en défense pour rejeter la demande dont il était saisi ou faire droit aux prétentions de FranceAgriMer, l'absence de communication du mémoire n'a pas pu préjudicier aux droits des parties. Il s'ensuit que M. A... n'est pas fondé à soutenir que cette absence a porté atteinte aux droits de la défense et au droit à un procès équitable et entaché le jugement d'irrégularité.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 112-8 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute personne, dès lors qu'elle s'est identifiée préalablement auprès d'une administration, peut, dans des conditions déterminées par décret en Conseil d'Etat, adresser à celle-ci, par voie électronique, une demande, une déclaration, un document ou une information, ou lui répondre par la même voie. Cette administration est régulièrement saisie et traite la demande, la déclaration, le document ou l'information sans lui demander la confirmation ou la répétition de son envoi sous une autre forme ". L'article L. 112-9 du même code dispose que : " (...) Lorsqu'elle met en place un ou plusieurs téléservices, l'administration rend accessibles leurs modalités d'utilisation, notamment les modes de communication possibles. Ces modalités s'imposent au public. / Lorsqu'elle a mis en place un téléservice réservé à l'accomplissement de certaines démarches administratives, une administration n'est régulièrement saisie par voie électronique que par l'usage de ce téléservice. / Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'application du présent article ". Aux termes de l'article L. 112-10 du même code : " L'application des articles L. 112-8 et L. 112-9 à certaines démarches administratives peut être écartée, par décret en Conseil d'Etat, pour des motifs d'ordre public, de défense et de sécurité nationale, de bonne administration, ou lorsque la présence personnelle du demandeur apparaît nécessaire ". Ces dispositions créent, sauf lorsqu'y font obstacle les considérations mentionnées à l'article L. 112-10, un droit, pour les usagers, de saisir l'administration par voie électronique, sans le leur imposer. Elles ne font cependant pas obstacle à ce que le pouvoir réglementaire édicte une obligation d'accomplir des démarches administratives par la voie d'un téléservice.

5. Toutefois, le pouvoir réglementaire ne saurait édicter une telle obligation qu'à la condition de permettre l'accès normal des usagers au service public et de garantir aux personnes concernées l'exercice effectif de leurs droits. Il doit tenir compte de l'objet du service, du degré de complexité des démarches administratives en cause et de leurs conséquences pour les intéressés, des caractéristiques de l'outil numérique mis en œuvre ainsi que de celles du public concerné, notamment, le cas échéant, de ses difficultés dans l'accès aux services en ligne ou dans leur maniement.

6. Aux termes de l'article D. 654-116 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Le programme national d'aide au secteur de l'apiculture mentionné aux articles 55 et 215 du règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 et approuvé dans les conditions prévues à l'article 57 de ce règlement et à l'article 5 du règlement d'exécution (UE) n° 2015/1368 de la Commission du 6 août 2015 est mis en œuvre par l'Etablissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer). / A ce titre, le directeur général de l'établissement détermine notamment, après avis du conseil spécialisé intéressé : / 1° Les modalités de demande des aides, les conditions d'éligibilité aux aides, la procédure et les critères de sélection des demandes, le montant des aides attribuables et leurs modalités de paiement (...) ". La partie III de la décision INTV-SANAEI-2019-17 du 3 octobre 2019 de la directrice générale de FranceAgriMer relative aux modalités de mise en œuvre du programme apicole triennal français 2020-2022 précise que : " Les dispositifs d'aides directes aux apiculteurs (soutien aux investissements) / (...) / 2. Le dispositif de soutien au repeuplement du cheptel apicole / (...) / e. Dépôt des demandes de paiement unique / Le dépôt des demandes est entièrement dématérialisé et est uniquement effectué sur PAD (Plateforme d'acquisition de données). / Chaque année, PAD est ouvert sur le site internet de FranceAgriMer entre le 1er mars N et le 1er août N+1. / Aucune demande ne sera prise en compte après le 1er août suivant immédiatement la fin de la campagne, soit : / - le 1er août 2020 pour la 1ère année du PAE 2020/2022 (...) ".

7. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'eu égard à son objet, au public concerné et aux caractéristiques de l'outil numérique mis en œuvre, la directrice générale de FranceAgriMer ne pouvait légalement édicter l'obligation de recourir, pour le dépôt des demandes de paiement unique s'inscrivant dans le dispositif de soutien au repeuplement du cheptel apicole, au téléservice mentionné dans sa décision du 3 octobre 2019 sans prévoir des dispositions spécifiques pour que bénéficient d'un accompagnement les personnes qui ne disposent pas d'un accès aux outils numériques ou qui rencontrent des difficultés dans le maniement de ce service. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que ce téléservice aurait fait l'objet de dysfonctionnements de nature à justifier la mise en place, par la directrice générale, d'une solution de substitution. M. A... n'est, par suite, pas fondé à soutenir que la décision du 3 octobre 2019 est entachée d'illégalité en tant qu'elle ne comporte pas de telles dispositions.

8. En second lieu, la seule circonstance, à la supposer établie, que M. A... ne disposerait pas, à son domicile et au siège de son exploitation, d'une connexion internet et qu'il ne maîtriserait pas l'outil informatique ne permet pas, alors qu'il ne démontre pas être dépourvu de solutions lui permettant un accès aux outils numériques, de regarder les décisions attaquées comme entachées d'illégalité.

9. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par FranceAgriMer, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de FranceAgriMer, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de quelque somme que ce soit sur leur fondement. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... le versement à FranceAgriMer de la somme de 1 000 euros en application de ces dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête présentée par M. A... est rejetée.

Article 2 : M. A... versera à FranceAgriMer la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer).

Délibéré après l'audience du 28 mars 2024, où siégeaient :

- M. Barthez, président,

- M. Lafon, président assesseur,

- Mme Restino, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 avril 2024.

Le rapporteur,

N. Lafon

Le président,

A. Barthez

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°22TL21933 2


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22TL21933
Date de la décision : 25/04/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Actes législatifs et administratifs - Validité des actes administratifs - Forme et procédure - Questions générales - Instruction des demandes.

Agriculture et forêts - Exploitations agricoles - Aides de l’Union européenne.

Postes et communications électroniques - Communications électroniques - Internet.


Composition du Tribunal
Président : M. Barthez
Rapporteur ?: M. Nicolas Lafon
Rapporteur public ?: M. Clen
Avocat(s) : ROCA

Origine de la décision
Date de l'import : 05/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2024-04-25;22tl21933 ?
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