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03/04/2024 | FRANCE | N°24TL00085

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 03 avril 2024, 24TL00085


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse suivante :



Mme A... D..., épouse C..., représentée par Me Bidois, a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montpellier, premièrement, de prescrire une mesure d'expertise aux fins d'apprécier la qualité de sa prise en charge par le centre hospitalier de Carcassonne et l'étendue des préjudices qu'elle subit à la suite de l'opération réalisée le 6 mai 2021 pour la pose d'une prothèse totale du genou droit, et deuxièmement, de dire que l'expert adressera un pré-rappo

rt aux parties, recueillera leurs observations et dires pour rendre son rapport définitif.
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse suivante :

Mme A... D..., épouse C..., représentée par Me Bidois, a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montpellier, premièrement, de prescrire une mesure d'expertise aux fins d'apprécier la qualité de sa prise en charge par le centre hospitalier de Carcassonne et l'étendue des préjudices qu'elle subit à la suite de l'opération réalisée le 6 mai 2021 pour la pose d'une prothèse totale du genou droit, et deuxièmement, de dire que l'expert adressera un pré-rapport aux parties, recueillera leurs observations et dires pour rendre son rapport définitif.

Par une ordonnance n° 2304743 du 27 décembre 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 9 janvier 2024, Mme D... épouse C..., représentée par Me Bidois, demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du 27 décembre 2023 du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) d'ordonner une expertise médicale confiée à un expert sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative chargé de :

- prendre connaissance des renseignements nécessaires sur son mode de vie antérieur à l'accident et sa situation actuelle ;

- relever précisément ses antécédents médicaux ayant pu interférer avec le dommage ;

- préciser les motifs et les circonstances ayant conduit à l'acte de diagnostic et à l'acte de soins en cause ;

- décrire tous les soins dispensés, investigations et actes annexes réalisés, et préciser dans quelle structure et par qui ils ont été pratiqués ;

- à partir de ses déclarations, au besoin de celles de ses proches et de tout sachant, et des documents médicaux fournis, décrire en détail les lésions initiales, les modalités de traitement ;

- recueillir ses doléances, et au besoin de ses proches, et les transcrire fidèlement, l'interroger sur les conditions d'apparition des lésions, l'importance, la répétition et la durée des douleurs, la gêne fonctionnelle subie et leurs conséquences ;

- dire si les soins, investigations et actes annexes ont été conduits conformément aux règles de l'art et aux données acquises de la science médicale à l'époque où ils ont été pratiqués en particulier, et le cas échéant, dans l'établissement du diagnostic, dans le choix de l'indication chirurgicale et la réalisation de la technique chirurgicale, le cas échéant dans la surveillance et la prise en charge post chirurgicale, dans l'organisation du service et de son fonctionnement, dans le cas où un manquement fautif aux règles de l'art est retenu, indiquer si ce manquement a eu une incidence sur le dommage, dans l'affirmative indiquer si ce manquement est à l'origine totale et exclusive du dommage ou s'il constitue une perte de chance qu'il conviendra de chiffrer en se référant à la littérature médicale applicable en la matière ;

- en cas d'infection, dire si toutes les précautions ont été prises en ce qui concerne les mesures d'hygiène prescrites par la réglementation en matière de lutte contre les infections nosocomiales, préciser à quelle date ont été constatés les premiers signes, a été porté le diagnostic, a été mise en œuvre la thérapeutique ;

- préciser si le dommage est pluri factoriel (accident médical fautif, accident médical non fautif, infection nosocomiale), et la part respective imputable à chacune des causes retenues ;

- décrire au besoin un état antérieur en ne retenant que les antécédents qui peuvent avoir une incidence directe sur les lésions ou leurs séquelles ;

- se prononcer sur son état de santé actuel en précisant dans quelle mesure celui-ci est imputable à l'acte de soin en cause ;

- procéder contradictoirement à un examen clinique détaillé en fonction des lésions initiales et des doléances exprimées par l'intéressée ;

- à l'issue de cet examen et, au besoin après avoir recueilli l'avis d'un sapiteur d'une autre spécialité, analyser, dans un exposé précis et synthétique, la réalité des lésions initiales, la réalité de l'état séquellaire, l'imputabilité certaine des séquelles aux lésions initiales en précisant au besoin l'incidence d'un état antérieur ;

- évaluer le dommage subi concernant le déficit fonctionnel temporaire en indiquant les périodes pendant lesquelles elle a été, du fait de son déficit fonctionnel temporaire, dans l'incapacité totale ou partielle de poursuivre ses activités personnelles habituelles, en cas d'incapacité partielle préciser le taux et la durée, fixer la date de consolidation et, en l'absence de consolidation dire à quelle date il conviendra de la revoir, préciser dans quel cas les dommages prévisibles pour l'évaluation d'une éventuelle provision, et concernant le déficit fonctionnel permanent, indiquer si après consolidation elle subit un déficit fonctionnel permanent, évaluer l'altération permanente d'une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles mentales ou psychiques en en chiffrant le taux ;

- dire si des douleurs permanentes existent et comment elles ont été prises en compte dans le taux retenu. Au cas où elles ne l'auraient pas été compte tenu du barème médico-légal utilisé, majorer ledit taux en considération de l'impact de ces douleurs sur les fonctions physiologiques, sensorielles, mentales et psychiques ;

- décrire les conséquences de ces altérations permanentes et de ces douleurs sur la qualité de vie ;

- dans l'hypothèse d'un état antérieur préciser en quoi l'accident a eu une incidence sur cet état antérieur et décrire les conséquences ;

- indiquer le cas échéant si l'assistance constante ou occasionnelle d'une aide humaine (étrangère ou non à la famille) a été et/ou est nécessaire pour accomplir les actes de la vie quotidienne ; décrire précisément les besoins en tierce personne ; préciser la nature de l'aide à prodiguer et sa durée quotidienne ;

- dire si des douleurs permanentes existent et comment elles ont été prises en compte dans le taux retenu. Au cas où elles ne l'auraient pas été compte tenu du barème médico-légal utilisé, majorer ledit taux en considération de l'impact de ces douleurs sur les fonctions physiologiques, sensorielles, mentales et psychiques ;

- décrire les conséquences de ces altérations permanentes et de ces douleurs sur la qualité de vie ;

- dans l'hypothèse d'un état antérieur préciser en quoi l'accident a eu une incidence sur cet état antérieur et décrire les conséquences ;

- indiquer le cas échéant si l'assistance constante ou occasionnelle d'une aide humaine (étrangère ou non à la famille) a été et/ou est nécessaire pour accomplir les actes de la vie quotidienne ; décrire précisément les besoins en tierce personne ; préciser la nature de l'aide à prodiguer et sa durée quotidienne ;

- décrire les soins futurs et les aides techniques compensatoires en précisant la fréquence de leur renouvellement ;

- donner son avis sur d'éventuels aménagements nécessaires pour permettre, le cas échéant, d'adapter son logement et/ ou son véhicule à son handicap ;

- décrire les souffrances physiques, psychiques ou morales découlant de blessures subies pendant la maladie traumatique (avant consolidation), les évaluer distinctement dans une échelle de 1 à 7 ;

- décrire et donner un avis sur l'existence, la nature et l'importance du préjudice esthétique, en distinguant éventuellement le préjudice temporaire et définitif. Evaluer distinctement les préjudices temporaire et définitif de 1 à 7 ;

- décrire et donner un avis sur l'existence, la nature et l'importance du préjudice esthétique, en distinguant éventuellement le préjudice temporaire et définitif. Evaluer distinctement les préjudices temporaire et définitif de 1 à 7 ;

- indiquer s'il a existé ou s'il existera un préjudice sexuel (perte ou diminution de la libido, impuissance ou frigidité, perte de fertilité) ;

- dire si elle subit une perte d'espoir ou de chance de normalement réaliser un projet de vie familiale ;

- indiquer elle est empêchée en tout ou partie de se livrer à des activités spécifiques de sport ou de loisir ;

- dire si elle subit des préjudices permanents exceptionnels correspondant à des préjudices atypiques directement liés aux handicaps permanents ;

- dire si son état est susceptible de modifications en aggravation ;

- établir un état récapitulatif de l'ensemble des postes énumérés dans la mission ;

- dire que l'expert pourra s'adjoindre tout spécialiste de son choix, à charge pour lui d'en informer préalablement le magistrat chargé du contrôle des expertises ;

- dire que l'expert, après avoir répondu aux dires des parties devra transmettre aux représentants de ces dernières et à la juridiction qui a procédé à sa désignation, son rapport définitif.

Elle soutient que :

- les complications apparues à la suite de l'intervention du 6 mai 2021 ont dû donner lieu à une reprise chirurgicale au centre hospitalier universitaire de Toulouse ;

- l'expertise sollicitée est utile dès lors que la responsabilité du centre hospitalier de Carcassonne est susceptible d'être engagée et que l'expertise déjà réalisée ne présente pas les garanties d'une expertise judiciaire alors d'ailleurs que les experts désignés ont manqué d'objectivité.

Par un mémoire en défense enregistré le 9 février 2024, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, représenté par Me Fitoussi, d'une part, déclare ne pas s'opposer à l'organisation des opérations d'expertise sous les plus expresses réserves quant à sa responsabilité, d'autre part, demande que soit désigné un collège d'expert médicaux judiciaires spécialisés en chirurgie orthopédique et en infection et que la mission d'expertise soit complétée.

Par un mémoire en défense enregistré le 19 février 2024, le centre hospitalier de Carcassonne, représenté par Me Zandotti, conclut au rejet de la requête dès lors que la demande d'expertise est dépourvue d'utilité compte tenu de l'existence d'un rapport d'expertise établi par des experts indépendants mandatés par la commission de conciliation et d'indemnisation amiable du Languedoc-Roussillon.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... D..., épouse C..., a fait l'objet d'une intervention chirurgicale pratiquée le 6 mai 2021 au centre hospitalier de Carcassonne en vue de procéder à la pose d'une prothèse totale du genou droit. Un problème de cicatrisation au niveau de la plaie sur le genou droit ayant été constaté, elle a été admise à nouveau au centre hospitalier de Carcassonne du 5 juin 2021 au 3 juillet 2021. Le 18 juillet 2021, elle a été admise à l'hôpital Purpan du centre hospitalier universitaire de Toulouse pour y faire l'objet le 19 juillet 2021 d'une intervention chirurgicale de remplacement de sa prothèse du genou droit. Une infection par staphylocoque ayant été détectée, un traitement antibiotique pour une durée de trois mois lui a été prescrit et Mme D... a également été victime d'une embolie pulmonaire accompagnée de thromboses et de deux épisodes de phlébites nécessitant un traitement anticoagulant. Le 21 janvier 2022, Mme D... a saisi la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux du Languedoc-Roussillon d'une demande d'indemnisation. Les médecins chargés d'une expertise par la commission ont rendu leur rapport le 24 novembre 2022 et ont conclu qu'aucune faute, maladresse ou erreur de la part du centre hospitalier de Carcassonne n'avait été commise lors de sa prise en charge et ont exclu le caractère nosocomial de l'infection. Mme D... a alors formé une demande d'expertise auprès du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier aux fins d'apprécier la qualité de sa prise en charge par le centre hospitalier de Carcassonne et l'étendue des préjudices qu'elle subit à la suite de l'opération réalisée le 6 mai 2021. Elle relève appel de l'ordonnance du 27 décembre 2023 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande.

Sur l'utilité de la mesure demandée :

2. Aux termes de l'article R. 532-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, sur simple requête et même en l'absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction (...) ". Cette utilité doit être appréciée, d'une part, au regard des éléments dont le demandeur dispose ou peut disposer par d'autres moyens et, d'autre part, bien que ce juge ne soit pas saisi du principal, au regard de l'intérêt que la mesure présente dans la perspective d'un litige principal, actuel ou éventuel, auquel elle est susceptible de se rattacher. Il appartient ainsi au juge des référés, saisi d'une demande d'expertise dans le cadre d'une action en réparation des conséquences dommageables d'un acte médical, d'apprécier son utilité au vu des pièces du dossier, notamment, le cas échéant, du rapport de l'expertise prescrite par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, et au regard des motifs de droit et de fait qui justifient, selon le demandeur, la mesure sollicitée.

3. Il résulte de l'instruction que, dans le cadre de la demande d'indemnisation de Mme D..., la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux du Languedoc-Roussillon a désigné le docteur B..., chirurgien orthopédique et traumatologique, et le docteur E..., spécialisé en maladies infectieuses, afin de réaliser une expertise médicale ayant pour objet notamment d'apprécier les conditions de prise en charge de Mme D... lors de son hospitalisation au centre hospitalier de Carcassonne. Le rapport, rendu le 24 novembre 2022, conclut qu'aucune faute, maladresse ou erreur de la part du centre hospitalier de Carcassonne n'avait été commise lors de sa prise en charge et a exclu le caractère nosocomial de l'infection.

4. Les deux experts susmentionnés ont examiné l'ensemble des pièces médicales du dossier et apporté une réponse à tous les points de leur mission, notamment l'appréciation des soins prodigués à l'occasion de l'hospitalisation de Mme D... au centre hospitalier de Carcassonne et la possibilité qu'elle ait été victime d'une infection nosocomiale. Contrairement à ce que la requérante soutient, en indiquant en page 7 du rapport que l'intéressée avait remis des photographies non datées, les experts se sont bornés à une constatation de fait ne révélant aucun manque d'objectivité. De même si les experts estiment en page 11 qu'il est permis de penser que la requérante était informée des risques, ils précisent bien qu'il n'y a pas eu de document de consentement éclairé remis par le médecin ayant réalisé l'intervention et leur analyse ne révèle pas plus le manque d'objectivité invoqué. Si de manière plus générale la requérante fonde sa demande de nouvelle expertise judiciaire sur la circonstance que l'expertise réalisée n'aurait pas été ordonnée par un juge, elle n'apporte aucune autre précision sur les garanties dont elle aurait été privée alors qu'une expertise diligentée à la demande d'une commission régionale de conciliation et d'indemnisation présente les mêmes garanties procédurales qu'une expertise judiciaire. Le seul fait que cette expertise n'a pas été ordonnée par une autorité juridictionnelle n'est donc pas de nature à rendre utile une expertise prescrite par la juridiction administrative. Dès lors, la mesure d'expertise demandée est dépourvue du caractère utile requis par les dispositions précitées.

5. Il résulte de ce qui précède que Mme D..., épouse C..., n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a refusé de faire droit à sa demande d'expertise.

O R D O N N E :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme A... D..., épouse C..., au centre hospitalier de Carcassonne et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales. Copie en sera adressée à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Aude.

Fait à Toulouse, le 3 avril 2024.

Le président,

signé

J-F. MOUTTE

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités, en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

2

N°24TL00085


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Numéro d'arrêt : 24TL00085
Date de la décision : 03/04/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Avocat(s) : BIDOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 07/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-03;24tl00085 ?
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