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28/03/2024 | FRANCE | N°21TL03940

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 1ère chambre, 28 mars 2024, 21TL03940


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Le syndicat professionnel des pêcheurs petits métiers d'Occitanie a demandé au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 10 février 2017 de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer établissant les modalités de répartition du quota de thon rouge (Thunnus thynnus) accordé à la France pour la zone " océan Atlantique à l'est de la longitude 45° Ouest et Méditerranée " pour l'année 2017.



Par une décision n°409701 d

u 30 mars 2018, le Conseil d'Etat a transmis cette demande au tribunal administratif de Montpellier.



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat professionnel des pêcheurs petits métiers d'Occitanie a demandé au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 10 février 2017 de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer établissant les modalités de répartition du quota de thon rouge (Thunnus thynnus) accordé à la France pour la zone " océan Atlantique à l'est de la longitude 45° Ouest et Méditerranée " pour l'année 2017.

Par une décision n°409701 du 30 mars 2018, le Conseil d'Etat a transmis cette demande au tribunal administratif de Montpellier.

Par un jugement n°1801790 du 15 juillet 2021, le tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêté du 10 février 2017.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 20 septembre 2021 sous le n°21MA03940 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille et ensuite sous le n°21TL03940 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande du syndicat professionnel des pêcheurs petits métiers d'Occitanie.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors que le tribunal a omis de prononcer un non-lieu à statuer en conséquence de l'abrogation de l'arrêté attaqué par un arrêté du 6 juin 2017 ;

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, ni l'article 17 du règlement (UE) n°1380/2013 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2013, ni l'arrêt n°C-540/16 de la Cour de justice de l'Union européenne du 12 juillet 2018 n'imposent que les textes nationaux comprennent un critère environnemental à part entière ;

- le critère environnemental est pris en compte par deux des trois composantes du calcul des sous-quotas de pêche nationaux défini au III de l'article R. 921-35 du code rural et de la pêche maritime.

Par trois mémoires en défense, enregistrés le 18 février 2022, le 16 juin 2023 et le 15 septembre 2023, le syndicat professionnel des pêcheurs petits métiers d'Occitanie, représenté par Me Garcia, conclut au rejet de la requête et de l'intervention de la société coopérative maritime des pêcheurs de Sète-Mole, dite Sathoan, et à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de l'Etat et de la Sathoan sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'intervention de la Sathoan est irrecevable ;

- les moyens soulevés par le ministre et la Sathoan ne sont pas fondés ;

- l'arrêté attaqué n'a pas été précédé de la consultation de la commission consultative de la gestion des ressources halieutiques ;

- il méconnaît l'article 17 du règlement (UE) n°1380/2013 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2013, dès lors que le ministre n'a pas fait connaître la méthode de mise en œuvre des critères de répartition des quotas de pêche ;

- les articles R. 921-35 et R. 921-38 du code rural et de la pêche maritime méconnaissent l'article 17 du règlement (UE) n°1380/2013 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2013 et les articles 16 et 20 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, dès lors qu'ils prévoient les antériorités des producteurs comme critère de répartition ;

- l'arrêté contesté est entaché d'une erreur d'appréciation et d'une méconnaissance des règles de la concurrence ;

- il méconnaît le principe d'égalité.

Par quatre mémoires en intervention, enregistrés le 16 juin 2023, le 5 juillet 2023, le 18 septembre 2023 et le 23 octobre 2023, la société coopérative maritime des pêcheurs de Sète-Mole, dite Sathoan, représentée par Me Helfer et Me Léonard, conclut :

1°) à l'annulation du jugement du 15 juillet 2021 ;

2°) au non-lieu à statuer sur la demande du syndicat professionnel des pêcheurs petits métiers d'Occitanie ;

3°) à titre subsidiaire, au rejet des demandes de ce syndicat ;

4°) à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge du syndicat professionnel des pêcheurs petits métiers d'Occitanie sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- son intervention est recevable ;

- le mémoire présenté pour le syndicat professionnel des pêcheurs petits métiers d'Occitanie le 15 septembre 2023 est irrecevable, dès lors qu'il n'a pas été établi avec l'accord de son président ;

- le jugement est irrégulier dès lors que le tribunal a omis de prononcer un non-lieu à statuer en conséquence de l'abrogation de l'arrêté attaqué par un arrêté du 6 juin 2017 ;

- il est également irrégulier dès lors qu'elle n'a pas été appelée dans la cause, en sa qualité de bénéficiaire de sous-quotas de pêche en vertu de l'arrêté attaqué, impliquant une méconnaissance des droits de la défense et du principe du contradictoire ;

- l'article R. 921-35 du code rural et de la pêche maritime ne méconnaît pas les dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n°1380/2013 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2013 ;

- à titre subsidiaire, l'inconventionnalité de l'article R. 921-35 du code rural et de la pêche maritime n'implique pas nécessairement illégalité de l'arrêté attaqué.

Par ordonnance du 19 janvier 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 15 février 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (UE) n° 1380/2013 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2013 ;

- le règlement (UE) n° 2017/127 du Conseil du 20 janvier 2017 ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Lafon,

- les conclusions de M. Clen, rapporteur public,

- et les observations de Mme A..., coprésidente de l'association La plateforme de la petite pêche artisanale française.

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement du 15 juillet 2021, le tribunal administratif de Montpellier a fait droit à la demande du syndicat professionnel des pêcheurs petits métiers d'Occitanie tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 février 2017 de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, en charge des relations internationales sur le climat, établissant les modalités de répartition du quota de thon rouge (Thunnus thynnus) accordé à la France pour la zone " océan Atlantique à l'est de la longitude 45° Ouest et Méditerranée " pour l'année 2017. Le ministre de l'agriculture et de l'alimentation fait appel de ce jugement.

Sur l'intervention de la Sathoan :

2. La Sathoan, qui est une organisation de producteurs dans le secteur des pêches maritimes et des cultures marines, regroupant près de quatre-vingt-dix navires de pêche dont certains ont bénéficié de la répartition décidée par l'arrêté du 10 février 2017, et qui aurait en conséquence eu qualité pour former tierce-opposition contre le jugement attaqué, a intérêt à l'annulation de ce dernier. La circonstance qu'elle n'est pas intervenue en première instance, alors qu'elle aurait eu connaissance du contentieux engagé devant le tribunal administratif de Montpellier, ne lui interdit pas d'intervenir en appel. Ainsi l'intervention de la Sathoan, qui acquiert d'ailleurs la qualité de partie dans la présente instance, est recevable.

Sur la recevabilité du mémoire du syndicat professionnel des pêcheurs petits métiers d'Occitanie enregistré le 15 septembre 2023 :

3. Aux termes de l'article R. 431-2 du code de justice administrative : " Les requêtes et les mémoires doivent, à peine d'irrecevabilité, être présentés soit par un avocat, soit par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, lorsque les conclusions de la demande tendent au paiement d'une somme d'argent, à la décharge ou à la réduction de sommes dont le paiement est réclamé au requérant ou à la solution d'un litige né de l'exécution d'un contrat (...) ". L'article R. 431-4 du même code dispose que : " Dans les affaires où ne s'appliquent pas les dispositions de l'article R. 431-2, les requêtes et les mémoires doivent être signés par leur auteur et, dans le cas d'une personne morale, par une personne justifiant de sa qualité pour agir ". Selon l'article R. 431-5 du même code : " Les parties peuvent également se faire représenter : / 1° Par l'un des mandataires mentionnés à l'article R. 431-2 (...) ". Aux termes enfin de l'article R. 811-7 du même code : " Sous réserve des dispositions de l'article L. 774-8, les appels ainsi que les mémoires déposés devant la cour administrative d'appel doivent être présentés, à peine d'irrecevabilité, par l'un des mandataires mentionnés à l'article R. 431-2 (...) ".

4. Il résulte de ces dispositions et de l'ensemble des textes les régissant que les avocats et les avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ont qualité, devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, pour représenter les parties et signer en leur nom les requêtes et les mémoires sans avoir à justifier du mandat par lequel ils ont été saisis par leur client. Il s'en déduit que le mémoire présenté le 15 septembre 2023 pour le syndicat professionnel des pêcheurs petits métiers d'Occitanie est réputé avoir été produit dans le cadre de la représentation de ce syndicat par Me Garcia devant la cour. Ce mémoire précise d'ailleurs que le syndicat est " représenté par son président en exercice ", conformément à l'article 13 de ses statuts. Dans ces conditions, la production par la Sathoan d'une attestation par laquelle le président du syndicat professionnel des pêcheurs petits métiers d'Occitanie indique que ce mémoire a été établi sans son " accord " est sans incidence sur sa recevabilité. Par suite, la fin de non-recevoir opposée sur ce point par la Sathoan doit être écartée.

Sur la régularité du jugement :

5. En premier lieu, l'arrêté du 6 juin 2017 du ministre de l'agriculture et de l'alimentation établissant les modalités de répartition du quota de thon rouge (Thunnus thynnus) accordé à la France pour la zone " océan Atlantique à l'est de la longitude 45° Ouest et Méditerranée " pour l'année 2017, qui précise que l'arrêté du 10 février 2017 est " abrogé et remplacé par le présent arrêté ", a pour seul objet de modifier sur certains points mineurs, et à compter de son intervention, l'arrêté annulé par le tribunal administratif de Montpellier. Il en résulte que le ministre de l'agriculture et de l'alimentation et la Sathoan ne sont pas fondés à soutenir que la demande présentée par le syndicat professionnel des pêcheurs petits métiers d'Occitanie devant le tribunal était devenue sans objet. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement contesté serait irrégulier au motif qu'il n'a pas prononcé un non-lieu à statuer doit être écarté.

6. En second lieu, aux termes de l'article R. 832-1 du code de justice administrative : " Toute personne peut former tierce opposition à une décision juridictionnelle qui préjudicie à ses droits, dès lors que ni elle ni ceux qu'elle représente n'ont été présents ou régulièrement appelés dans l'instance ayant abouti à cette décision ". Lorsqu'il est saisi d'un recours pour excès de pouvoir contre une décision procédant à la répartition de quotas nationaux de captures ou d'efforts de pêche, qui ne présente pas un caractère réglementaire, le tribunal administratif doit appeler dans l'instance le ministre compétent ainsi que les bénéficiaires de la répartition. Toutefois l'absence de communication à ces derniers est sans influence sur la régularité du jugement. Il leur est seulement loisible, si le jugement rendu préjudicie à leurs droits, de former tierce-opposition contre ce jugement devant le tribunal administratif. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué, procédant de ce que la Sathoan, bénéficiaire de la répartition décidée par l'arrêté du 10 février 2017, n'a pas été appelée dans l'instance devant le tribunal, méconnaissant les droits de la défense et le principe du contradictoire, doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

7. Aux termes de l'article 16 du règlement (UE) n° 1380/2013 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2013 relatif à la politique commune de la pêche, modifiant les règlements (CE) n° 1954/2003 et (CE) n° 1224/2009 du Conseil et abrogeant les règlements (CE) n° 2371/2002 et (CE) n° 639/2004 du Conseil et la décision 2004/585/CE du Conseil : " Possibilités de pêche / (...) / 6. Chaque État membre arrête la méthode d'attribution aux navires battant son pavillon des possibilités de pêche qui lui ont été allouées et qui ne sont pas soumises à un système de concessions de pêche transférables, par exemple en créant des possibilités de pêche individuelles. Il informe la Commission de la méthode d'attribution retenue (...) ". Selon l'article 17 du même règlement : " Critères d'attribution des possibilités de pêche par les États membres / Lors de l'attribution des possibilités de pêche dont ils disposent visées à l'article 16, les États membres utilisent des critères transparents et objectifs, y compris les critères à caractère environnemental, social et économique. Les critères à utiliser peuvent notamment porter sur l'impact de la pêcherie sur l'environnement, les antécédents en matière de respect des prescriptions, la contribution à l'économie locale et le relevé des captures. Les États membres s'efforcent, dans le cadre des possibilités de pêche qui leur ont été allouées, de proposer des incitations destinées aux navires de pêche qui déploient des engins sélectifs ou qui utilisent des techniques de pêche ayant des incidences réduites sur l'environnement, notamment une faible consommation d'énergie et des dommages limités aux habitats ".

8. Aux termes de l'article L. 921-2 du code rural et de la pêche maritime : " Les autorisations mentionnées à l'article L. 921-1 sont délivrées par l'autorité administrative ou sous son contrôle, pour une durée déterminée, en tenant compte des trois critères suivants : / - l'antériorité des producteurs ; / - les orientations du marché ; / - les équilibres économiques (...) ". L'article L. 921-4 du même code dispose que : " L'autorité administrative procède à la répartition de quotas de captures et d'efforts de pêche, institués en vertu de la réglementation de l'Union européenne ou nationale, en sous-quotas affectés soit à des organisations de producteurs ou à leurs unions qui en assurent la gestion, soit à des navires ou à des groupements de navires lorsque ces derniers n'adhèrent pas à une organisation de producteurs. Cette répartition est valable pour une période maximale de douze mois. Les droits résultant de ces sous-quotas ne sont pas cessibles ". Aux termes de l'article R. 921-35 du même code, dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté attaqué : " I.- Les quotas de captures et les quotas d'effort de pêche peuvent être répartis annuellement par le ministre chargé des pêches maritimes et de l'aquaculture marine en sous-quotas, entre les organisations de producteurs, les groupements de navires ou les navires n'appartenant ni à un groupement de navires, ni à une organisation de producteurs. / II.- Sur demande de l'un des membres de la commission consultative de la gestion des ressources halieutiques mentionnée à l'article D. 921-5, et après avis de cette commission, le ministre peut, dans un délai de deux mois, procéder à la répartition de tout quota de captures ou d'effort de pêche non réparti selon les modalités prévues à la présente section. / III.- Le calcul de chaque sous-quota est effectué en tenant compte de trois composantes : / 1° L'antériorité des producteurs, calculée selon les modalités définies aux articles R. 921-38 et R. 921-39 ; / 2° L'orientation du marché, déterminée selon les modalités définies à l'article R. 921-49 ; / 3° Les équilibres socio-économiques appréciés selon les modalités définies à l'article R. 921-50 ".

9. Il résulte des dispositions citées au point 7, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, en particulier dans son arrêt du 12 juillet 2018 " Spika " UAB e.a. contre Zuvininkystes tarnyba prie Lietuvos Respublikos zemes ukio ministerijos (aff. C-540/16), que, selon l'article 16, paragraphe 6, du règlement du 11 décembre 2013, chaque Etat membre arrête la méthode d'attribution aux navires battant son pavillon des possibilités de pêche qui lui ont été allouées et qu'il bénéficie d'une marge d'appréciation dans la mise en œuvre de ce règlement. La Cour a également considéré, dans le même arrêt, que dans le cadre de l'exercice de cette marge d'appréciation, les Etats membres sont tenus d'utiliser, en vertu de l'article 17 du règlement, des critères " transparents et objectifs ". Ces derniers doivent, en vertu du même article 17, intégrer des critères à caractère environnemental, social et économique.

10. Ni les dispositions précitées de l'article R. 921-35 du code rural et de la pêche maritime, qui retiennent les composantes tenant à l'antériorité des producteurs, à l'orientation du marché et aux équilibres socio-économiques pour la répartition des quotas nationaux de pêche attribués à la France, ni celles auxquelles renvoie l'article R. 921-35, n'intègrent, même par l'intermédiaire de ces composantes, un critère à caractère environnemental. A ce titre, le ministre ne peut utilement se prévaloir du principe même des quotas et des autorisations de pêche, qui, s'il vise à garantir la durabilité de la ressource et de l'activité, ne constitue pas un critère d'attribution. Il en est de même de la circonstance que la répartition des quotas peut être assortie, en vertu de l'article R. 921-49 du code rural et de la pêche maritime, de limites périodiques de captures, de débarquements et d'effort de pêche favorisant une meilleure valorisation en fonction des orientations du marché et des quotas résultant de la réglementation européenne. Par ailleurs, en accordant au ministre la possibilité de fixer des critères d'accès à la pêcherie, le cas échéant en fonction des différents métiers et engins de pêche, des façades maritimes d'immatriculation des navires des producteurs, des zones de pêche ou des lieux de débarquements, l'article R. 921-50 du même code ne fait référence à aucun critère à caractère environnemental. Enfin, le ministre n'établit pas que la possibilité, prévue par l'article R. 921-48 du code rural et de la pêche maritime, d'une affectation aux producteurs de la réserve nationale des antériorités, qui est alimentée notamment par une partie des antériorités de navires faisant l'objet d'un arrêt définitif d'activité ou d'un changement de producteur, " en fonction de critères à caractère environnemental, social et économique ", assure l'intégration dans la répartition des quotas de pêche d'un critère à caractère environnemental conforme aux exigences de l'article 17 du règlement (UE) n° 1380/2013 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2013. Dans ces conditions, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Montpellier a estimé que cet article a été méconnu par les dispositions de l'article R. 921-35 du code rural et de la pêche maritime.

11. Il ressort des pièces du dossier et il n'est d'ailleurs pas sérieusement contesté que l'arrêté du 10 février 2017 établissant les modalités de répartition du quota de thon rouge (Thunnus thynnus) accordé à la France pour la zone " océan Atlantique à l'est de la longitude 45° Ouest et Méditerranée " pour l'année 2017 a été pris sur le fondement de l'article R. 921-35 du code rural et de la pêche maritime. Il en résulte que cet arrêté, dont il n'est en tout état de cause pas établi qu'il aurait pris en compte un critère à caractère environnemental, est privé de base légale et que le ministre de l'agriculture et de l'alimentation et la Sathoan ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier l'a annulé.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du syndicat professionnel des pêcheurs petits métiers d'Occitanie, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de quelque somme que ce soit sur leur fondement. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement au syndicat professionnel des pêcheurs petits métiers d'Occitanie de la somme de 2 000 euros en application de ces dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : L'intervention de la Sathoan est admise.

Article 2 : La requête présentée par le ministre de l'agriculture et de l'alimentation est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par la Sathoan sont rejetées.

Article 4 : L'Etat versera au syndicat professionnel des pêcheurs petits métiers d'Occitanie la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, au syndicat professionnel des pêcheurs petits métiers d'Occitanie, à la société coopérative maritime des pêcheurs de Sète-Mole, dite Sathoan, à l'association La plateforme de la petite pêche artisanale française, au comité départemental des pêches maritimes et des élevages marins du Var et à la Prud'homie des pêches de la Ciotat.

Délibéré après l'audience du 14 mars 2024, où siégeaient :

- M. Barthez, président,

- M. Lafon, président assesseur,

- Mme Restino, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2024.

Le rapporteur,

N. Lafon

Le président,

A. Barthez

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°21TL03940 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21TL03940
Date de la décision : 28/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

395-04 - THON ROUGE - ARRÊTÉ ÉTABLISSANT LES MODALITÉS DE RÉPARTITION DU QUOTA - MÉTHODE DE RÉPARTITION - APPLICATION DU RÈGLEMENT (UE) N° 1380/2013 DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL DU 11 DÉCEMBRE 2013 QUI PRÉVOIT, EN SON ARTICLE 16, QUE CHAQUE ETAT MEMBRE ARRÊTE LA MÉTHODE D'ATTRIBUTION DES SOUS-QUOTAS ET QU'IL BÉNÉFICIE À CE TITRE D'UNE MARGE D'APPRÉCIATION ET, EN SON ARTICLE 17, QUE, DANS LE CADRE DE L'EXERCICE DE CETTE MARGE D'APPRÉCIATION, LES ETATS MEMBRES SONT TENUS D'UTILISER DES CRITÈRES « TRANSPARENTS ET OBJECTIFS » - INTÉGRATION D'UN CRITÈRE ENVIRONNEMENTAL - EXISTENCE ET MODALITÉS.

395-04 Il résulte des articles 16 et 17 du règlement (UE) n° 1380/2013 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2013 que chaque Etat membre arrête la méthode d'attribution des possibilités de pêche qui lui ont été allouées et qu'il bénéficie d'une marge d'appréciation dans la mise en œuvre de ce règlement, que dans le cadre de l'exercice de cette marge d'appréciation, les Etats membres sont tenus d'utiliser des critères « transparents et objectifs » et que ces derniers doivent intégrer en particulier un critère à caractère environnemental. Ni les dispositions de l'article R. 921-35 du code rural et de la pêche maritime, qui retiennent les composantes tenant à l'antériorité des producteurs, à l'orientation du marché et aux équilibres socio-économiques pour la répartition des quotas nationaux de pêche attribués à la France, ni celles auxquelles renvoie l'article R. 921-35, n'intègrent, même par l'intermédiaire de ces composantes, un critère à caractère environnemental. La méconnaissance, par cet article, des dispositions de l'article 17 du règlement du 11 décembre 2013, entraîne l'annulation de l'arrêté ministériel du 10 février 2017 établissant les modalités de répartition du quota de thon rouge accordé à la France pour la zone « océan Atlantique à l'est de la longitude 45° Ouest et Méditerranée » pour l'année 2017, qui a été pris sur son fondement.


Composition du Tribunal
Président : M. Barthez
Rapporteur ?: M. Nicolas Lafon
Rapporteur public ?: M. Clen
Avocat(s) : HELFER

Origine de la décision
Date de l'import : 28/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2024-03-28;21tl03940 ?
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