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13/02/2024 | FRANCE | N°23TL02434

France | France, Cour administrative d'appel, 13 février 2024, 23TL02434


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse suivante :



Mme B... D..., née C..., agissant en qualité de représentante légale de son fils mineur A... D..., a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montpellier de prescrire une mesure d'expertise aux fins d'apprécier les conditions de la prise en charge de son fils par le centre hospitalier de Béziers à compter du 22 mai 2022, les séquelles résultant d'éventuels manquements et les préjudices subis.



Par une ordonnance n° 2302943 du 29 septem

bre 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande.



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse suivante :

Mme B... D..., née C..., agissant en qualité de représentante légale de son fils mineur A... D..., a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montpellier de prescrire une mesure d'expertise aux fins d'apprécier les conditions de la prise en charge de son fils par le centre hospitalier de Béziers à compter du 22 mai 2022, les séquelles résultant d'éventuels manquements et les préjudices subis.

Par une ordonnance n° 2302943 du 29 septembre 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 13 octobre 2023, Mme D..., représentée par Me Pons, demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du 29 septembre 2023 du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) d'ordonner une mesure d'instruction sous la forme d'une expertise en chirurgie viscérale et urologie pédiatrique ;

3°) de confier cette expertise à un expert en dehors du ressort de Béziers sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative chargé de :

- convoquer les parties et les entendre en leurs explications ;

- procéder à l'examen A... D... ;

- se faire communiquer l'entier dossier médical A... D... ; se faire communiquer tous dossiers médicaux concernant A... D..., les interventions, soins et traitements avant sa prise en charge par le docteur E... au sein du centre hospitalier de Béziers, et d'une manière générale tout dossier concernant son état de santé ;

- de manière générale, décrire l'état antérieur A... D... ;

- dire si les actes et soins prodigués à A... D... par le docteur E... au sein du centre hospitalier de Béziers ont été attentifs, diligents, et conformes aux règles de l'art et aux données acquises de la science à l'époque des faits, et dans la négative, analyser de façon détaillée et motivée la nature des erreurs, imprudences, manque de précaution nécessaire, négligences, maladresses et autres défaillances relevées ;

- dire si la réponse thérapeutique a été adaptée à la situation médicale A... D... ;

- donner un avis sur l'existence ou l'absence de lien de causalité entre le ou les manquements relevés et les séquelles présentées par A... D... ;

- préciser si le lien de causalité présente un caractère direct, exclusif ou si seule une perte de chance peut éventuellement être envisagée ;

- s'il s'agit d'une perte de chance, préciser dans quelle proportion (en pourcentage) celle-ci est à l'origine des séquelles présentées par A... D... ;

- indiquer les périodes pendant lesquelles la victime a été du fait de son déficit fonctionnel temporaire, dans l'incapacité totale ou partielle de poursuivre ses activités personnelles habituelles, en cas d'incapacité partielle, préciser le taux et la durée ;

- indiquer si après la consolidation, la victime subit un déficit fonctionnel permanent défini comme une altération permanente d'une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles ou mentales, ainsi que des douleurs permanentes ou tout autre trouble de santé, entraînant une limitation d'activité ou une restriction de participation à la vie en société subie au quotidien par la victime dans son environnement ; en évaluer l'importance et en chiffrer le taux en tenant compte d'un éventuel état antérieur ;

- décrire les soins futurs éventuels et leur coût ;

- décrire les souffrances physiques, psychiques ou morales découlant des atteintes subies pendant la maladie traumatique (avant consolidation), les évaluer distinctement sur une échelle de 0 à 7 ;

- dire si l'état de la victime est susceptible de modifications ou aggravation ;

- établir un état récapitulatif des postes énumérés dans la mission ;

- dire qu'à la fin de ses opérations, l'expert recueillera les ultimes observations des parties le tout devant être consigné dans son rapport, précédé d'un pré- rapport en donnant un délai aux parties qui ne soit pas inférieure à quinze jours pour faire valoir leurs observations.

4°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Béziers les entiers dépens et la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

S'agissant de la régularité de l'ordonnance attaque :

- elle est entachée d'une erreur dans la qualification juridique des faits et des pièces produites ;

- elle est entachée d'une erreur de droit au regard de l'article R. 421-5 du code de justice administrative en ce que son courrier du 30 mai 2022 ne constitue pas une demande indemnitaire préalable et par conséquent les voies et les délais de recours ne lui sont pas opposables ;

- la procédure d'instruction est incomplète et irrégulière dès lors que le juge des référés aurait dû demander au centre hospitalier de Béziers la communication de la prétendue réclamation indemnitaire préalable ; en s'abstenant d'ordonner toutes les mesures utiles à la solution du litige, le juge des référés a entaché son ordonnance d'une irrégularité ;

S'agissant de l'utilité de la mesure :

- l'expertise est utile dès lors qu'il y a manifestement eu un retard fautif de diagnostic de l'appendicite de son fils qui a alors eu le temps de dégénérer en péritonite généralisée, compliquée d'un syndrome occlusif grêlique, avec toutes les conséquences qui en ont découlé, ainsi que des préjudices importants.

Par un mémoire en défense enregistré le 19 janvier 2024, le centre hospitalier de Béziers, représenté par Me Zandotti, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de Mme D... d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D... s'est présentée le 22 mai 2022 au service des urgences pédiatriques du centre hospitalier de Béziers accompagnée de son fils, A... D..., qui souffrait de maux de ventre et de vomissement. Le 23 mai 2022, après avoir été examiné par un médecin du centre hospitalier, A... D... a été renvoyé chez lui avec une prescription médicamenteuse. Le 24 mai 2022, l'état de son fils ne s'étant pas amélioré, Mme D... est retournée avec lui au service des urgences pédiatriques du centre hospitalier de Béziers. L'enfant a passé une échographie permettant de détecter une occlusion intestinale et a été orienté vers l'hôpital Lapeyronie de Montpellier où il a été pris en charge, où a été détectée une péritonite à la suite d'une appendicite avec occlusion intestinale et où il a subi une intervention chirurgicale le 28 mai 2022. Par un courrier du 30 mai 2022, Mme D... a adressé une réclamation au centre hospitalier de Béziers qui a été rejetée le 10 janvier 2023. Mme D... a formé le 15 mai 2023 une demande auprès du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier aux fins de prescrire une mesure d'expertise en vue d'apprécier les conditions de la prise en charge de son fils par le centre hospitalier de Béziers à compter du 22 mai 2022, les séquelles résultant d'éventuels manquements et les préjudices subis. Elle relève appel de l'ordonnance du 29 septembre 2023 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande en se fondant sur l'irrecevabilité d'une éventuelle requête au fond en raison du caractère définitif du rejet de sa réclamation préalable du 30 mai 2022.

Sur la régularité de l'ordonnance :

2. Hormis dans le cas où le juge de première instance aurait méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Mme D... ne peut donc utilement soutenir pour contester la régularité de l'ordonnance attaquée que le juge des référés aurait commis une erreur dans la qualification juridique des faits et des pièces produites et une erreur de droit au regard de l'article R. 421-5 du code de justice administrative dans l'appréciation de la recevabilité d'une requête au fond qui conditionne celle de l'utilité de la demande d'expertise en ce que son courrier du 30 mai 2022 ne constitue pas une demande indemnitaire préalable et que donc les voies et les délais de recours ne lui sont pas opposables, dès lors qu'une telle critique tend en réalité à remettre en cause le bien-fondé de ladite ordonnance. Par ailleurs, la circonstance que le juge des référés ait admis le caractère tardif d'une éventuelle requête au fond en se fondant sur le seul courrier de rejet du centre hospitalier sans procéder à une mesure d'instruction afin d'obtenir la communication de la réclamation préalable de Mme D... ne constitue pas plus une cause d'irrégularité.

Sur l'utilité de la mesure demandée :

3. Aux termes de l'article R. 532-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, sur simple requête et même en l'absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction. Il peut notamment charger un expert de procéder, lors de l'exécution de travaux publics, à toutes constatations relatives à l'état des immeubles susceptibles d'être affectés par des dommages ainsi qu'aux causes et à l'étendue des dommages qui surviendraient effectivement pendant la durée de sa mission. (...) " L'utilité d'une mesure d'instruction ou d'expertise qu'il est demandé au juge des référés d'ordonner sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative doit être appréciée, d'une part, au regard des éléments dont le demandeur dispose ou peut disposer par d'autres moyens et, d'autre part, bien que ce juge ne soit pas saisi du principal, au regard de l'intérêt que la mesure présente dans la perspective d'un litige principal, actuel ou éventuel, auquel elle est susceptible de se rattacher. A ce dernier titre, il ne peut faire droit à une demande d'expertise si cette dernière est formulée à l'appui de prétentions indemnitaires dont il est établi qu'elles sont irrecevables ou prescrites et, dans l'hypothèse où est opposée une forclusion ou une prescription, il lui incombe de prendre parti sur ces points.

4. Aux termes de l'article R. 421-1 du même code : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée (...) " et de l'article R. 421-5 du même code : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision. ". Aux termes de l'article L. 1142-7 du code de la santé publique : " La commission régionale peut être saisie par toute personne s'estimant victime d'un dommage imputable à une activité de prévention, de diagnostic ou de soins, ou, le cas échéant, par son représentant légal. Elle peut également être saisie par les ayants droit d'une personne décédée à la suite d'un acte de prévention, de diagnostic ou de soins. (...) / La saisine de la commission suspend les délais de prescription et de recours contentieux jusqu'au terme de la procédure prévue par le présent chapitre. ". Il résulte de la combinaison de ces dispositions que la notification par un établissement public de santé d'une décision rejetant la demande indemnitaire d'un patient ne fait courir le délai de recours contentieux que si elle comporte la double indication que le tribunal administratif peut être saisi dans le délai de deux mois et que ce délai est interrompu en cas de saisine de la commission de conciliation et d'indemnisation dans ce même délai.

5. Mme D... soutient que son courrier du 30 mai 2022 ne saurait être regardé comme un recours préalable indemnitaire. Toutefois ce courrier qui indique comme objet " demande de réclamation ", précise que la responsabilité du centre hospitalier de Béziers est engagée en raison de la prise en charge défaillante A... D... et demande expressément en conséquence à l'établissement public " une participation financière ". Adressé à l'attention du directeur du centre hospitalier de Béziers, il a été regardé comme tel par le centre hospitalier qui par le courrier en réponse du 10 janvier 2023 a refusé de l'indemniser et a mentionné les voies et délais de recours auprès de la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux mais aussi les voies et délais de recours contentieux. Dans ces conditions, Mme D... n'est pas fondée à soutenir que son courrier du 30 mai 2022 ne constitue pas une réclamation indemnitaire préalable dont le rejet, notifié le 14 janvier 2023, a entraîné le déclenchement du délai de recours qui a donc expiré deux mois plus tard. Ce délai était ainsi expiré le 15 mai 2023 date à laquelle la requérante a présenté sa demande de référé alors qu'elle n'avait entretemps saisi ni la commission de conciliation, ni le tribunal d'une demande au fond.

6. Dans ces conditions, le caractère définitif de la décision de rejet du 10 janvier 2023 fait obstacle à ce que Mme D... introduise une action recevable en responsabilité à l'encontre de l'établissement public hospitalier en vue d'obtenir réparation des préjudices qu'aurait subis son fils lors de la prise en charge dont il a fait l'objet au centre hospitalier de Béziers. Par suite la mesure d'expertise que la requérante sollicite ne présente pas le caractère d'utilité exigé par l'article R. 532-1 du code de justice administrative.

7. Il résulte de ce qui précède que l'appelante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le versement d'une somme soit mise à la charge du centre hospitalier de Béziers, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme D... une somme au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du centre hospitalier de Béziers tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme B... D... et au centre hospitalier de Béziers. Copie en sera adressée à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault.

Fait à Toulouse, le 13 février 2024.

Le président,

J-F. MOUTTE

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la solidarité et de la santé, en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

N°23TL02434 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Numéro d'arrêt : 23TL02434
Date de la décision : 13/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Avocat(s) : VERBATEAM

Origine de la décision
Date de l'import : 18/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-13;23tl02434 ?
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