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31/01/2024 | FRANCE | N°23TL01768

France | France, Cour administrative d'appel, 31 janvier 2024, 23TL01768


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société à responsabilité limitée Albar Distribution a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montpellier de condamner la société anonyme d'économie mixte du marché d'intérêt national de Montpellier - la SOMIMON Mercadis - à lui verser une provision de 29 474, 60 euros en réparation du préjudice subi du fait de la destruction des marchandises confiées à cette dernière en vertu d'un contrat d'entreposage en palette privative conclu le 23 juin 202

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Par une ordonnance n° 2303429 du 6 juillet 2023, le juge des référés du tribunal ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée Albar Distribution a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montpellier de condamner la société anonyme d'économie mixte du marché d'intérêt national de Montpellier - la SOMIMON Mercadis - à lui verser une provision de 29 474, 60 euros en réparation du préjudice subi du fait de la destruction des marchandises confiées à cette dernière en vertu d'un contrat d'entreposage en palette privative conclu le 23 juin 2022.

Par une ordonnance n° 2303429 du 6 juillet 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a condamné la SOMIMON Mercadis à verser à la société Albar Distribution une provision de 29 474,60 euros assortie des intérêts au taux légal.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 21 juillet 2023 sous le n° 23TL01768, la SOMIMON Mercadis, représentée par Me Alvarez, demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier du 6 juillet 2023 ;

2°) de rejeter la demande de la société Albar Distribution ;

3°) à titre subsidiaire, de réformer cette ordonnance en ce qu'elle n'a pas subordonné le versement de la provision accordée à la constitution d'une garantie ;

4°) en tout état de cause, de mettre à la charge de la société Albar Distribution la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les conclusions indemnitaires auxquelles le premier juge a fait droit étaient irrecevables dès lors que le point 6 de l'article 7 du contrat d'entreposage conclu le 23 juin 2022 avec la société Albar Distribution stipulait que les parties s'engageaient à renoncer à la formation de tout recours à l'exception de ceux s'inscrivant dans le cadre de la police d'assurance souscrite par elle en sa qualité d'autorité concédante ;

- le société Albar Distribution n'avait pas lié le contentieux de sorte que ses conclusions indemnitaires étaient irrecevables ;

- les préjudices dont la société Albar Distribution se prévaut ayant donné lieu au versement d'une indemnité forfaitaire de 4 000 euros conformément aux stipulations de l'article 6 du contrat d'entreposage, les demandes indemnitaires présentées par elle devant le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier étaient dès lors sans objet ;

- dès lors qu'elle ne justifie ni de la réalité ni de l'étendue des pertes de marchandises alléguées, la société Albar Distribution ne démontre pas détenir une créance non sérieusement contestable au sens des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative ;

- la société Albar Distribution ne présentant pas de garanties suffisantes quant à la restitution des indemnités perçues à titre provisionnel, il y a lieu d'assortir cette condamnation d'une obligation de consignation des sommes correspondantes jusqu'au jugement de l'affaire au fond.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 septembre 2023, la société Albar distribution conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la SOMIMON Mercadis en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

II. Par une requête et un mémoire, enregistrés les 24 juillet et 24 octobre 2023 sous le n° 23TL01807, et des pièces enregistrées les 31 août et 18 septembre 2023, ces dernières n'ayant pas été communiquées, la SOMINON Mercadis, représentée par Me Alvarez, demande à la cour d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article R. 541-6 du code de justice administrative, le sursis à l'exécution de l'ordonnance du 6 juillet 2023 du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier et de mettre à la charge de la société Albar Distribution la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le moyen tiré de ce que les conclusions indemnitaires auxquelles le premier juge a fait droit étaient irrecevables en application des stipulations du point 6 de l'article 7 du contrat d'entreposage conclu le 23 juin 2022 est, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier l'annulation de l'ordonnance attaquée ;

- le moyen tiré de ce que la société précitée n'avait pas lié le contentieux avant que le premier juge fasse droit à ses demandes est, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier l'annulation de l'ordonnance attaquée ;

- le moyen tiré de ce que les demandes de la société intimée étaient privées de leur objet après le paiement de l'indemnité forfaitaire due en application des stipulations de l'article 6 du contrat d'entreposage est, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier l'annulation de l'ordonnance attaquée ;

- le moyen tiré de ce que la société Albar Distribution ne justifie ni de la réalité ni de l'étendue des pertes de marchandises alléguées est, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier l'annulation de l'ordonnance attaquée ;

- cette société ne présentant pas de garanties financières suffisantes, l'exécution de l'ordonnance attaquée risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables consistant en la perte définitive des sommes allouées à titre provisionnel ;

- la société intimée n'a plus d'existence réelle et effective de sorte que l'exécution de l'ordonnance attaquée risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables consistant en la perte définitive des sommes allouées à titre provisionnel.

Par deux mémoires, enregistrés les 19 septembre et 13 novembre 2023, ce dernier n'ayant pas été communiqué, la société Albar Distribution conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la SOMIMON Mercadis en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par un courrier du 17 janvier 2024 les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'ordonnance était susceptible d'être fondée sur l'incompétence de la juridiction administrative pour connaître d'une demande de provision tendant à la réparation d'un préjudice né de l'exécution d'un contrat de droit privé conclu entre l'usager d'un service public industriel et commercial et le gestionnaire de ce service.

Vu les autres pièces de ces dossiers.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. Par une ordonnance du 6 juillet 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a condamné la SOMIMON Mercadis à verser à la société Albar Distribution une provision de 29 474,60 euros assortie des intérêts au taux légal courant à compter du 13 juin 2023 en réparation du préjudice commercial subi. Par deux requêtes, enregistrées sous les n° 23TL01807 et n° 23TL01768, la SOMIMON Mercadis demande à la cour, respectivement, de surseoir à l'exécution de cette ordonnance et d'en prononcer l'annulation.

Sur la jonction :

2. Les requêtes n° 23TL01768 et n° 23TL01807 sont dirigées contre la même ordonnance et présentent les mêmes questions à juger. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule ordonnance.

Sur les conclusions de la requête n° 23TL01768 :

3. D'une part, aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie ". Le juge des référés ne peut être régulièrement saisi d'une demande tendant à l'obtention d'une provision dans les conditions prévues à l'article R. 541-1 du code de justice administrative que pour autant que celle-ci a pour fondement la réparation d'un préjudice se rattachant à un litige de fond qui n'échappe pas manifestement à la compétence de la juridiction administrative.

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 2331-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Sont portés devant la juridiction administrative les litiges relatifs : 1° Aux autorisations ou contrats comportant occupation du domaine public, quelle que soit leur forme ou leur dénomination, accordées ou conclus par les personnes publiques ou leurs concessionnaires (...) ". Les litiges relatifs à la passation et à l'exécution de contrats comportant occupation du domaine public relèvent, en vertu de l'article L. 2331-1 du code général de la propriété des personnes publiques, de la compétence du juge administratif. Il en va de même des litiges nés des contrats conclus entre un délégataire de service public et un tiers et comportant occupation du domaine public. Cependant, les litiges entre le gestionnaire d'un service public industriel et commercial et ses usagers, quand bien même l'activité de ce service a lieu sur le domaine public, relèvent de la compétence des juridictions judiciaires, ces litiges étant par nature détachables de l'occupation domaniale.

5. Enfin, aux termes de l'article L. 761-1 du code de commerce : " Les marchés d'intérêt national sont des services publics de gestion de marchés offrant à des grossistes et à des producteurs des services de gestion collective adaptés aux caractéristiques de certains produits agricoles et alimentaires. Ils répondent à des objectifs d'aménagement du territoire, d'amélioration de la qualité environnementale et de sécurité alimentaire. L'accès à ces marchés est réservé aux producteurs et aux commerçants. Le classement de marchés de produits agricoles et alimentaires comme marchés d'intérêt national ou la création de tels marchés est prononcé sur proposition des conseils régionaux par décret. Ces marchés peuvent être implantés sur le domaine public ou le domaine privé d'une ou plusieurs personnes morales de droit public ou sur des immeubles appartenant à des personnes privées. (...) ". La gestion et l'exploitation des marchés d'intérêt national présentent, eu égard à l'objet ainsi qu'aux conditions de leur organisation et de leur fonctionnement, le caractère de service public industriel et commercial.

6. Il résulte de l'instruction que la SOMIMON Mercadis s'est vu confier, par un décret n° 65-434 du 8 juin 1965, l'aménagement et la gestion du marché d'intérêt national de Montpellier. Par un contrat d'entreposage conclu le 23 juin 2022 avec la société Albar Distribution, la SOMIMON Mercadis a pris l'engagement de stocker, dans les chambres froides du marché Gare, cinq palettes contenant des produits de la mer. Aux termes de l'article 8 de ce contrat, la satisfaction de cet engagement impliquait notamment la jouissance paisible des lieux dans lesquels étaient entreposées les marchandises ainsi que le maintien d'une température comprise entre moins 18 et moins 21 degrés Celsius.

7. Par conséquent, en sollicitant du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier la condamnation de la SOMIMON Mercadis à lui verser une provision de 29 474, 60 euros en réparation des préjudices subis du fait de la destruction des marchandises entreposées à la suite d'une inondation elle-même consécutive à la survenue d'un épisode cévenol, la société Albar Distribution a entendu se prévaloir des obligations découlant, pour la SOMIMON Mercadis, des stipulations du contrat d'entreposage lui garantissant la jouissance paisible des lieux. Or, ces stipulations revêtent le caractère d'obligations de droit privé instituées au profit d'un usager du service public industriel et commercial que constitue, en l'espèce, la gestion du marché d'intérêt national. Par conséquent, le présent litige est par nature détachable de l'occupation du domaine public et, par voie de conséquence, c'est à tort que le premier juge s'est implicitement mais nécessairement reconnu compétent pour connaître de la demande de la société Albar Distribution.

8. Dès lors, il y a lieu d'annuler l'ordonnance du 6 juillet 2023 du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier en tant qu'elle condamne la SOMIMON Mercadis à verser à la société Albar Distribution une provision de 29 474,60 euros assortie des intérêts au taux légal courant à compter du 13 juin 2023 et, statuant par voie d'évocation, de rejeter la demande de cette dernière société comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

Sur les conclusions de la requête n° 23TL01807 :

9. Dès lors qu'il est statué par la présente ordonnance sur la requête n° 23TL01768 de la SOMIMON Mercadis tendant à l'annulation de l'ordonnance du 6 juillet 2023 du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier, il n'y a plus lieu, pour la cour, de statuer sur les conclusions de la requête enregistrée sous le n° 23TL01807 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de cette même ordonnance en application des dispositions de l'article R. 541-6 du code de justice administrative.

Sur les frais liés à l'instance :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SOMIMON Mercadis la somme demandée par la société Albar Distribution au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En outre, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la société Albar Distribution une quelconque somme en application de ces mêmes dispositions.

ORDONNE :

Article 1er : L'ordonnance n° 2303429 du 6 juillet 2023 du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier est annulée en tant qu'elle condamne la SOMIMON Mercadis à verser à la société Albar Distribution une provision de 29 474, 60 euros assortie des intérêts au taux légal courant à compter du 13 juin 2023.

Article 2 : La demande présentée par la société Albar Distribution tendant à ce que la SOMIMON Mercadis soit condamnée à lui verser une provision de 29 474, 60 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 23 mai 2023 et de la capitalisation de ces intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la destruction des marchandises confiées en vertu d'un contrat d'entreposage conclu le 23 juin 2022 est rejetée comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à la société à responsabilité limitée Albar Distribution et à la société anonyme d'économie mixte du marché d'intérêt national de Montpellier (SOMIMON Mercadis).

Fait à Toulouse, le 31 janvier 2024.

Le juge d'appel des référés,

Éric Rey-Bèthbéder

La République mande et ordonne au préfet de l'Hérault, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

N°23TL01768 - N°23TL01807 2


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