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30/01/2024 | FRANCE | N°23TL02668

France | France, Cour administrative d'appel, 30 janvier 2024, 23TL02668


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse suivante :



La commune d'Antugnac a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montpellier de désigner un expert chargé d'établir l'origine des désordres qui affectent le réseau communal public d'eaux pluviales au droit de l'immeuble de M. C..., de déterminer les moyens d'y remédier, de prononcer, le cas échéant, les mesures temporaires de mise en sécurité de l'ouvrage public et d'évaluer le coût et le calendrier des travaux nécessaires pour remédier à ces désordre

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Par une ordonnance n° 2303430 du 2 novembre 2023, le juge des référés du tribuna...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse suivante :

La commune d'Antugnac a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montpellier de désigner un expert chargé d'établir l'origine des désordres qui affectent le réseau communal public d'eaux pluviales au droit de l'immeuble de M. C..., de déterminer les moyens d'y remédier, de prononcer, le cas échéant, les mesures temporaires de mise en sécurité de l'ouvrage public et d'évaluer le coût et le calendrier des travaux nécessaires pour remédier à ces désordres.

Par une ordonnance n° 2303430 du 2 novembre 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 16 novembre 2023 et le 8 janvier 2024, la commune d'Antugnac, représentée par Me d'Albenas, demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du 2 novembre 2023 du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) de rejeter la demande reconventionnelle de M. B... C... tendant à ce qu'elle lui verse la somme de 482 620 euros à titre de provision ;

3°) de désigner, sur le fondement des dispositions de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, un expert chargé de :

- se rendre sur les lieux ;

- décrire les désordres et malfaçons affectant le réseau communal d'eaux pluviales au droit de l'immeuble de M. C... ;

- préciser leur nature, leur date d'apparition et leur importance ;

- réunir les éléments d'information permettant de déterminer s'ils sont de nature à compromettre la solidité dudit réseau ou de le rendre impropre à sa destination ;

- donner un avis motivé sur les causes et origines des désordres et malfaçons et, dans le cas de causes multiples, évaluer les proportions relevant de chacune d'elles ;

- indiquer la nature des travaux nécessaires pour remédier à la situation actuelle et prévoir la durée des travaux et leurs coûts ;

- préconiser, le cas échéant, les mesures d'urgence provisoires à mettre en œuvre ;

- engager une médiation afin de concilier les parties, si faire ce peut et avec leur accord ;

- fournir tous les éléments techniques et de fait de nature à permettre à la juridiction de se prononcer sur les éventuelles responsabilités encourues et les préjudices subis.

Elle soutient que :

Sur la demande d'expertise :

- l'ordonnance du 2 novembre 2023 n'est pas fondée dans les faits ;

- le rapport d'expertise judiciaire en date du 25 janvier 2023 est largement contestable en ce qu'il ne démontre pas l'origine et la cause des désordres et se contente d'affirmer que le réseau d'eaux pluviales de la commune ne serait pas étanche et que ce défaut d'étanchéité serait à l'origine de l'état de l'immeuble de M. C... ;

- les avis techniques de M. A... sont erronés ;

- la méthodologie employée par l'expert est critiquable ;

- l'expertise présente une utilité certaine dans la perspective d'une action éventuelle en responsabilité portée devant le juge du fond dès lors que l'immeuble de M. C... a été construit sur le réseau public d'eaux pluviales et pourrait être à l'origine de la prétendue défaillance du réseau public relevée par l'expert.

Sur la demande reconventionnelle de M. C... :

- elle est irrecevable dès lors qu'elle reste manifestement liée aux désordres de l'immeuble de M. C... et ne présente pas de lien suffisant avec la demande d'expertise sur les désordres affectant l'ouvrage public ;

- elle est fondée sur un rapport partial et ne contient aucune démonstration de sa responsabilité ;

- les désordres qui ont affecté la propriété de M. C... résultent de sa propre faute ; l'obligation dont il se prévaut reste contestable de sorte que la demande de provision n'est pas fondée.

Par des mémoires en défense enregistrés le 20 décembre 2023 et le 23 janvier 2024, M. B... C..., représenté par la SCP Cabee-Biver, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la commune d'Antugnac d'une somme de 482 620 euros à titre de provision et d'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des entiers dépens.

Il fait valoir que :

- la commune d'Antugnac manifeste un comportement dilatoire et abusif en ne communiquant pas le rapport d'expert d'assurance en date du 25 octobre 2022 sur lequel elle se fonde pour solliciter une expertise ;

- l'expert judiciaire a parfaitement analysé les causes des désordres ;

- la demande de contre-expertise est dilatoire ;

- la critique de l'ordonnance du premier juge n'est pas pertinente dès lors notamment qu'elle est fondée sur le jugement rendu par le tribunal administratif de Montpellier en date du 23 novembre 2021, aux termes duquel il a clairement été jugé que l'expert judiciaire n'avait pas relevé la moindre cause propre à son immeuble à l'origine de l'état de péril imminent ;

- c'est à tort que la commune d'Antugnac soutient que l'arrêté de catastrophe naturelle confirme la causalité des désordres allégués par M. C... ;

- c'est à tort que la commune d'Antugnac justifie sa demande d'expertise au motif que l'immeuble empiète sur le réseau public, l'origine et les causes des désordres étant liées à une défaillance du réseau d'eaux pluviales communal ;

- c'est à tort que la commune considère que le jugement du 11 mars 2020 ne statue pas sur la responsabilité de la commune ;

- c'est à tort que la commune soutient qu'elle n'a pas rétabli l'alimentation d'eau à la demande de M. C... ;

- c'est à tort que la commune considère que la société Canatec a conclu à l'existence de fuite sur la seule base de photographies ;

- la commune d'Antugnac entre en contradiction avec ses propres déclarations dès lors qu'elle indique qu'il n'y avait aucune augmentation du débit du réseau public ;

- aucune mise en sécurité n'a été effectuée par la commune d'Antugnac ;

- l'existence d'une obligation à charge de la commune d'Antugnac est incontestable puisque l'expert conclut expressément que cette dernière est responsable des dommages qu'il a subis.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., propriétaire d'une maison habitation comportant deux logements, située 2 rue de la Garenne à Antugnac (Aude), a constaté le 23 septembre 2019 des fissures à l'extérieur et à l'intérieur de l'immeuble. Par une ordonnance n° 1905238 en date du 6 janvier 2020, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a ordonné à sa demande une expertise visant notamment à décrire les désordres affectant sa propriété, à rechercher l'origine et les causes de ces désordres, à indiquer la nature des travaux nécessaires pour remédier à la situation, à préconiser les mesures d'urgence provisoires à mettre en œuvre afin d'éviter une aggravation des désordres et à recueillir tous les éléments de nature à éclairer le tribunal dans son appréciation des responsabilités éventuellement encourues et des préjudices subis. L'expert désigné a rendu son rapport le 25 janvier 2023, rapport selon lequel les désordres ont été provoqués par le réseau d'eaux pluviales de la commune d'Antugnac. Celle-ci a alors demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montpellier d'établir l'origine des désordres qui affectent le réseau communal public d'eaux pluviales au droit de l'immeuble de M. C..., de déterminer les moyens d'y remédier, de prononcer, le cas échéant, les mesures temporaires de mise en sécurité de l'ouvrage public et d'évaluer le coût et le calendrier des travaux nécessaires pour remédier à ces désordres. Elle fait appel de l'ordonnance du 2 novembre 2023 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Sur les conclusions tendant à ce qu'une expertise soit ordonnée :

2. Aux termes de l'article R. 532-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, sur simple requête et même en l'absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction ". L'utilité d'une mesure d'instruction ou d'expertise qu'il est demandé au juge des référés d'ordonner sur le fondement de cette disposition doit être appréciée, d'une part, au regard des éléments dont le demandeur dispose ou peut disposer par d'autres moyens et, d'autre part, bien que ce juge ne soit pas saisi du principal, au regard de l'intérêt que la mesure présente dans la perspective d'un litige principal, actuel ou éventuel, auquel elle est susceptible de se rattacher.

3. Il appartient au juge des référés, saisi en application de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, d'apprécier l'utilité de la mesure d'expertise demandée au vu des pièces du dossier, notamment des expertises déjà réalisées, et des motifs de droit et de fait qui justifient, selon la demande, cette mesure. Ainsi, la seule circonstance qu'une expertise ait déjà été réalisée ne dispense pas le juge d'apprécier l'utilité d'une nouvelle expertise demandée. Dans l'hypothèse où une telle expertise a déjà été ordonnée et que le juge des référés se trouve saisi d'une nouvelle demande portant sur le même objet, cette recherche porte sur l'utilité qu'il y aurait à compléter ou étendre les missions faisant l'objet de la première expertise. Si la nouvelle demande a en réalité pour objet de contester la manière dont l'expert a rempli sa mission ou les conclusions de son rapport, elle relève du tribunal administratif saisi du fond du litige, à qui il reste loisible d'ordonner, s'il l'estime nécessaire, toute mesure d'instruction.

4. Le rapport d'expertise judiciaire du 25 janvier 2023 conclut que l'origine et les causes des désordres sont liées à une défaillance du réseau d'eaux pluviales communal. Pour l'expert la présence importante d'eau, causée par le défaut d'étanchéité du réseau d'eaux pluviales communal, affouille les sols d'assise et génère des tassements différentiels qui ont engendré les désordres avérés sur les constructions de M. C... alors qu'existe une liaison entre l'ouvrage public et la construction. Si la commune fait valoir que sa demande d'expertise est utile dès lors qu'elle permettra de connaître les causes des désordres du réseau elle ne fait cependant référence à aucune action qu'elle entendrait introduire et pour laquelle cette mesure d'instruction serait utile alors que son argumentation consiste en réalité à une critique des conclusions du rapport remis le 31 janvier 2023 dans la perspective de l'action de celui-ci. Le tribunal administratif de Montpellier pourra apprécier, s'il est saisi au fond et s'estime insuffisamment éclairé, la nécessité d'ordonner éventuellement une nouvelle expertise portant notamment sur le point invoqué par la commune. Par suite, en l'état de la procédure, l'expertise demandée ne revêt pas un caractère utile au sens des dispositions précitées de l'article R. 532-1 du code de justice administrative.

5. Il résulte de ce qui précède que la commune d'Antugnac n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Sur les conclusions tendant à l'octroi d'une provision :

6. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie ". Si de telles conclusions peuvent être présentées dans le cadre d'une instance introduite devant le juge des référés statuant sur une demande d'expertise dans le cadre des dispositions de l'article R. 532-1 du même code, c'est à la condition qu'elles présentent un lien suffisant avec la demande principale, compte tenu en particulier de l'office du juge des référés, et qu'elles ne revêtent pas le caractère d'une prétention nouvelle ou d'un litige distinct.

7. En l'espèce, alors que la demande principale de la commune d'Antugnac se limite à l'organisation d'une mesure d'expertise au titre des défaillances observées sur son réseau public d'eaux pluviales, la demande de M. C... tend à la condamnation de la commune à lui verser, à titre de provision, la somme de 482 620 euros correspondant aux coûts des travaux en vue de remédier aux malfaçons et désordres de sa propriété évalués précédemment par l'expert judiciaire. Dans ces conditions, cette demande ne peut être regardée comme présentant un lien suffisant avec l'objet de la demande d'expertise et doit, dès lors, être rejetée.

Sur les frais liés au litige :

8. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par M. C... au titre des frais qu'il a exposés et non compris dans les dépens.

O R D O N N E :

Article 1er : La requête de la commune d'Antugnac est rejetée.

Article 2 : Les conclusions reconventionnelles présentées par M. C... et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la commune d'Antugnac et à M. B... C....

Fait à Toulouse, le 30 janvier 2024

Le président,

J-F. MOUTTE

La République mande et ordonne au préfet de l'Aude, en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

N° 23TL02668 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Numéro d'arrêt : 23TL02668
Date de la décision : 30/01/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Avocat(s) : TERRITOIRES AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 04/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-30;23tl02668 ?
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