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16/05/2023 | FRANCE | N°23TL00588

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 16 mai 2023, 23TL00588


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse suivante :

Mme C... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montpellier de condamner le centre communal d'action sociale de Montpellier à lui verser une provision de 12 480 euros et de mettre à la charge de ce centre une somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par une ordonnance n° 2300342 du 28 février 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :


Par une requête et un mémoire enregistrés les 22 mars et 12 avril 2023 sous le n° 23TL00...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse suivante :

Mme C... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montpellier de condamner le centre communal d'action sociale de Montpellier à lui verser une provision de 12 480 euros et de mettre à la charge de ce centre une somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par une ordonnance n° 2300342 du 28 février 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 22 mars et 12 avril 2023 sous le n° 23TL00588, Mme B..., représentée par Me Betrom, demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du 28 février 2023 du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) de condamner le centre communal d'action sociale de Montpellier à lui verser une provision de 12 480 euros ;

3°) de mettre à la charge du centre communal d'action sociale de Montpellier une somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande de provision au motif que le taux d'incapacité permanente partielle serait incertain ;

- la créance de l'établissement public n'est pas sérieusement contestable car la jurisprudence administrative reconnaît le droit des agents victimes d'accidents de service à obtenir réparation des préjudices personnels extrapatrimoniaux subis, même en l'absence de faute de l'administration ;

- le montant de la provision s'élève à 12 480 euros en application du barème Mornet à la date de la fixation du taux d'incapacité permanente partielle.

Par un mémoire en défense enregistré le 3 avril 2023, le centre communal d'action sociale de Montpellier, représenté par Me Constans, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de Mme B... d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la requête d'appel de Mme B... est irrecevable dès lors qu'elle ne présente pas de moyens distincts de ceux contenus dans sa requête initiale ;

- la provision ne revêt pas un caractère non sérieusement contestable dès lors que la requérante conteste elle-même la fixation du taux d'incapacité permanente partielle par une demande de référé-expertise introduite dans le même temps auprès du tribunal ; ce taux est ainsi susceptible d'être revu à la baisse ;

- la requérante n'établit pas être dans une situation d'urgence qui justifierait le versement d'une provision ;

- le barème Mornet n'est pas invocable devant les juridictions administratives et le montant de la provision demandé n'est dès lors pas justifié.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., anciennement fonctionnaire employée par le centre communal d'action sociale de Montpellier en qualité d'agent social dans un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes, a été victime de violentes douleurs lombaires consécutives à un faux mouvement en exerçant ses fonctions le 12 janvier 2020. Cet accident a été reconnu imputable au service et la date de consolidation de l'intéressée a été fixée au 16 novembre 2021 par une décision du centre communal d'action sociale en date du 15 novembre 2022. Mme B... fait appel de l'ordonnance du 28 février 2023 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier, saisi sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, a rejeté sa demande tendant à ce que le centre communal d'action sociale de Montpellier lui verse une provision de 12 480 euros.

Sur la fin de non-recevoir :

2. Aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. / L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours".

3. Il résulte de l'instruction que la requête d'appel de Mme B..., qui n'est pas la reproduction intégrale et exclusive de ses écritures de première instance, comporte une critique de l'ordonnance attaquée. Il s'ensuit que la fin de non-recevoir invoquée par le centre communal d'action sociale de Montpellier tirée du défaut de motivation de la requête d'appel doit être écartée.

Sur la demande de provision :

4. D'une part, aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie. ". Il résulte de ces dispositions que, pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude. Dans ce cas, le montant de la provision que peut allouer le juge des référés n'a d'autre limite que celle résultant du caractère non sérieusement contestable de l'obligation dont les parties font état. Dans l'hypothèse où l'évaluation du montant de la provision résultant de cette obligation est incertaine, le juge des référés ne doit allouer de provision, le cas échéant assortie d'une garantie, que pour la fraction de ce montant qui lui paraît revêtir un caractère de certitude suffisant.

5. D'autre part, les dispositions qui instituent, en faveur des fonctionnaires victimes d'accidents de service ou de maladies professionnelles, une rente d'invalidité en cas de mise à la retraite et une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité, déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les intéressés peuvent prétendre, au titre des conséquences patrimoniales de l'atteinte à l'intégrité physique, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Elles ne font, en revanche, obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui a enduré, du fait de l'accident ou de la maladie, des dommages ne revêtant pas un caractère patrimonial, tels que des souffrances physiques ou morales, un préjudice esthétique ou d'agrément ou des troubles dans les conditions d'existence, obtienne de la collectivité qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la collectivité, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette collectivité ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien lui incomberait.

S'agissant de l'obligation non-sérieusement contestable :

6. Il résulte du rapport d'expertise médicale établi le 7 septembre 2022 par le docteur A..., qui a été suivi par l'avis du conseil médical émis le 21 octobre 2022 et par une décision en date du 15 novembre 2022 du centre communal d'action sociale de Montpellier, que Mme B..., dont l'état est consolidé au 16 novembre 2021, reste atteinte, du fait de cet accident imputable au service, d'une incapacité permanente partielle de 8 %. Ce déficit fonctionnel est en lien direct avec l'accident et constitue, en lui-même, un préjudice extrapatrimonial au nombre de ceux qui ouvrent droit à indemnisation, quel que soit le fondement sur lequel la responsabilité de l'administration est engagée. En l'état de l'instruction, la seule circonstance que l'intéressée ait, parallèlement à sa requête en référé provision, obtenu du tribunal administratif de Montpellier l'organisation d'une expertise médicale n'ôte pas à l'obligation de l'établissement public le caractère non sérieusement contestable, qui résulte des pièces médicales produites, alors même que l'expertise médicale sollicitée aurait notamment pour objet de modifier le taux du déficit fonctionnel permanent attaché aux séquelles constatées, le centre communal d'action sociale ne contestant pas sérieusement le taux de 8 % fixé par la première expertise. La circonstance invoquée en défense selon laquelle il n'y aurait pas d'urgence au versement d'une telle provision est sans incidence, les dispositions précitées du code de justice administrative ne prévoyant pas une telle condition.

S'agissant du montant de la provision :

7. Eu égard à la situation de la requérante, âgée de 55 ans à la date de consolidation, de son état de santé, au taux de 8 % d'incapacité retenu par le médecin expert et au caractère simplement indicatif du barème Mornet, il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en fixant sa réparation à hauteur de 8 000 euros. Il suit de là qu'en l'état de l'instruction la créance dont se prévaut Mme B... à l'encontre du centre communal d'action sociale de Montpellier présente un caractère non sérieusement contestable à hauteur de 8 000 euros. Il y a lieu de condamner cet établissement public à lui verser une provision de ce montant. Si le centre communal d'action sociale fait valoir qu'il sera éventuellement contraint d'engager ultérieurement une procédure de recouvrement de cette somme qui pourrait s'avérer complexe, il ne demande pas ainsi de manière expresse la constitution d'une garantie alors qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'il y ait lieu de subordonner le versement de la provision à une telle garantie.

8. Il résulte de ce qui précède que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que par l'ordonnance attaquée du 28 février 2023 le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

10. Il y a lieu de mettre à la charge du centre communal d'action sociale de Montpellier la somme de 1 200 euros au titre des frais exposés par Mme B... et non compris dans les dépens. En revanche, Mme B... n'étant pas la partie perdante à l'instance, les conclusions présentées par le centre communal d'action sociale de Montpellier sur le fondement des mêmes dispositions ne peuvent être que rejetées.

O R D O N N E :

Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier du 28 février 2023 est annulée.

Article 2 : Le centre communal d'action sociale de Montpellier est condamné à verser à Mme B... une provision de 8 000 euros.

Article 3 : Le centre communal d'action sociale de Montpellier versera à Mme B... une somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4: Les conclusions du centre communal d'action sociale de Montpellier tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme C... B... et au centre communal d'action sociale de Montpellier.

Fait à Toulouse, le 16 mai 2023.

Le président,

J-F. MOUTTE

La République mande et ordonne au préfet de l'Hérault, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

N°23TL00588 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Numéro d'arrêt : 23TL00588
Date de la décision : 16/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Avocat(s) : BETROM

Origine de la décision
Date de l'import : 21/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-05-16;23tl00588 ?
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