Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SASU Upsilon Formation a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Melun, statuant sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, de condamner la Caisse des dépôts et consignations à lui verser, à titre de provision sur les sommes qui lui sont dues au titre de virements effectués à tort sur le compte de la Caisse des dépôts, la somme de 359 709, 42 euros assortie des intérêts au taux légal et avec capitalisation des intérêts.
Par une ordonnance n° 2306071 du 9 février 2024, le juge des référés du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 27 février 2024, la SASU Upsilon Formation, représentée par Me Hounsa, demande à la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) de condamner la Caisse des dépôts et consignation à lui verser la somme provisionnelle de 359 709, 42 euros majorée des intérêts de retard au taux légal avec capitalisation des intérêts, à compter du 23 novembre 2022, sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard ou, à défaut, de renvoyer l'affaire devant le tribunal des conflits ;
3°) de mettre à la charge de la Caisse des dépôts et consignations la somme de 30 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le juge des référés du tribunal administratif de Paris s'est déclaré à tort incompétent, la Caisse des dépôts et Consignations, qui a confisqué les sommes en cause, étant une personne morale de droit public ;
- la somme en litige ayant été versée à tort à la Caisse des dépôts et consignations par un organisme qui détenait les fonds en cause, l'obligation de la caisse de lui restituer cette somme, en application des dispositions de l'article 1302-1 du code civil n'est pas sérieusement contestable ;
- la décision de la Caisse des dépôts de refuser le paiement de la somme qu'elle a reçue à tort méconnaît le droit de propriété garanti par l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et par l'article 545 du code civil ;
- la circonstance que le contrôle effectué par la caisse des dépôts pourrait déboucher sur une décision de remboursement des sommes réglées en contrepartie des formations exécutées n'est pas de nature à remettre en cause le caractère non sérieusement contestable de l'obligation de la caisse à son endroit ;
- la Caisse des dépôts et consignations ne saurait utilement de prévaloir de l'inéligibilité au financement du compte personnel de formation des formations proposées par la société requérante pour justifier de la décision du refus de paiement, qui n'a fait l'objet d'aucune notification, n'est pas datée et doit être regardée comme une décision de refus de restituer une somme, qui est manifestement illégale pour les mêmes raisons que celles précédemment exposées et en raison de la violation du principe " non bis in idem " dès lors qu'une décision de déférencement a déjà été prise le 26 septembre 2022.
Par un mémoire en défense enregistré le 24 décembre 2024, la Caisse des dépôts et consignations, représentée par Me Nahmias, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la société requérante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir :
- qu'il appartient à la Caisse des dépôts et consignations de veiller à la protection des deniers publics dans le cadre des dispositifs relatifs à la formation professionnelle et que l'article R. 6333-6 du code du travail ainsi que les conditions d'utilisation de la plateforme " mon compte formation " prévoient la possibilité de refuser le paiement des prestations ou de demander le remboursement de sommes indument versées ;
- que, en l'espèce : les fonds lui ayant été versé directement par un établissement bancaire, laissant penser que ce dernier a entendu ainsi respecter ses obligations en matière de lutte contre la fraude et le blanchiment d'argent, une procédure de contrôle a été ouverte et la société requérante n'a pas produit les justificatifs qui lui ont été demandés dans le délai requis ; le service fait n'étant pas établi, la question du caractère suffisant des pièces produites excède l'office du juge des référés ;
- une décision de refus de paiement, qui est datée et a été notifiée à la société requérante contrairement à ce qu'elle soutient a été prise le 5 octobre 2023 ;
- les autres moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code du travail ;
- la loi du 24 mai 1872 relative au Tribunal des conflits ;
- le décret n° 2015-233 du 27 février 2015 ;
- le code de la justice administrative
La présidente de la cour a désigné Mme Menasseyre, présidente de la 8ème chambre, pour statuer en qualité de juge des référés de la cour administrative d'appel de Paris.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie ". Il résulte de ces dispositions que, pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude.
2. Il résulte de l'instruction que la SASU Upsilon Formation propose des actions de formation non certifiantes d'aide à la création et à la reprise d'entreprise (ACRE) sur la plateforme dématérialisée dénommée " Mon Compte Formation ", dont la gestion est assurée par la Caisse des dépôts et consignations, également en charge du compte personnel de formation en vertu de l'article L. 6323-9 du code du travail. Après mise en œuvre d'une procédure contradictoire engagée le 6 mai 2022, la Caisse des dépôts et consignations a, par décision du 26 septembre 2022, prononcé le déréférencement de la société pour une durée de neuf mois. Il résulte également de l'instruction que la société Upsilon Formation a souhaité procéder à la clôture de son compte auprès de son organisme bancaire, la SAS Blank, au mois d'août 2022. Alors que l'article 8 des conditions générales d'utilisation du contrat conclu avec cette société stipulait que : " en cas de clôture sur initiative de la SFPMEI pour utilisation abusive du Compte Blank et/ou suspicion d'activités illicites, les fonds seront renvoyés selon les instructions de la SFPMEI et peuvent par conséquent être renvoyés vers les comptes de provenance des fonds perçus par le Client ", la SAS Blank a versé la somme de 359 709,42 euros, correspondant au solde créditeur du compte ouvert auprès d'elle par la SASU Upsilon Formation, à la Caisse des dépôts et consignations, en provenance de laquelle venaient les fonds perçus par la SASU Upsilon Formation. Estimant que ces fonds lui reviennent, la SASU Upsilon Formation a vainement assigné les société Okali, Blank et la Caisse des dépôts et consignations devant le juge judiciaire aux fins de voir ordonner la restitution de cette somme. Elle relève appel de l'ordonnance du 9 février 2024 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la Caisse des dépôts et consignations à lui verser cette somme.
3. L'article R. 6333-6 du code du travail permet à la Caisse des dépôts et consignations, lorsqu'elle constate un manquement de l'un des prestataires mentionnés à l'article L. 6351-1 aux engagements qu'il a souscrits, de prononcer un avertissement à son endroit, de refuser le paiement des prestations, de demander le remboursement des sommes qu'elle lui a indûment versées et de suspendre temporairement son référencement sur le service dématérialisé mentionné à l'article L. 6323-9.
4. Il résulte de l'instruction que les sommes en cause correspondent à des sommes initialement versées par la Caisse des dépôts et consignations à la SASU Upsilon Formation au titre d'actions de formation en vue de l'accompagnement à la création et à la reprise d'entreprises, dont la Caisse des dépôts conteste désormais l'éligibilité au compte personnel de formation dans le cadre de la mobilisation par les titulaires de comptes de leurs droits, et qui ont été directement et spontanément reversées à la Caisse des dépôts et consignations par l'organisme bancaire de la société. Le déréférencement de la société, prononcé le 26 septembre 2022, pour une durée de neuf mois à compter de la réception de cette décision, et non, contrairement à ce qui est soutenu, pour le passé, et fondé sur le fait que les actions de formation ACRE antérieurement proposées par la société n'étaient pas éligibles, n'a pas été contesté par cette dernière et est devenu définitif. Au vu de ces éléments la créance dont se prévaut la SASU Upsilon Formation au titre des sommes en cause ne peut, en l'état, être regardée comme n'étant pas sérieusement contestable.
5. Enfin, dès lors que la présente décision n'est pas fondée sur une incompétence de la juridiction administrative pour connaître du présent litige, portant sur la seule obligation que la SASU Upsilon Formation estime détenir à l'endroit de la Caisse des dépôts et consignations, il ne saurait être fait droit à ses conclusions subsidiaires tendant à l'application des dispositions de l'article 32 du 27 février 2015 relatif au Tribunal des conflits et aux questions préjudicielles destinées à la prévention des conflits.
6. Il résulte de ce tout ce qui précède que les conclusions par lesquelles la SAS Institut national des formations professionnelles demande au juge d'appel des référés d'annuler l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Melun et de condamner la Caisse des dépôts et consignations à lui verser une provision doivent être rejetées. Doivent également être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions qu'elle présente au titre des frais d'instance. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la société une somme de 1 500 euros, à verser à la Caisse des dépôts et consignations au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
ORDONNE :
Article 1er : La requête de la SASU Upsilon Formation est rejetée.
Article 2 : La SASU Upsilon Formations versera une somme de 1 500 euros à la Caisse des dépôts et consignations au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la SASU Upsilon Formation et à la Caisse des dépôts et consignations.
Fait à Paris, le 30 avril 2025
La juge d'appel des référés,
A. Menasseyre
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 24PA00979 2