La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/04/2022 | FRANCE | N°22PA00868

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 11 avril 2022, 22PA00868


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme SNCF Réseau a demandé au juge des référés du Tribunal administratif de Paris d'ordonner, sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, une expertise dans le cadre des travaux de prolongement de la ligne EOLE (RER E) à l'ouest de Paris, aux fins notamment pour l'expert de dresser le constat de la présence éventuelle de sulfure ou de soufre oxydable dans les déblais situés sur le site de Muids-en-France (Seine-Maritime) où ont été stockés les déchets pro

venant du creusement entre Courbevoie et la Porte Maillot des infrastructures s...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme SNCF Réseau a demandé au juge des référés du Tribunal administratif de Paris d'ordonner, sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, une expertise dans le cadre des travaux de prolongement de la ligne EOLE (RER E) à l'ouest de Paris, aux fins notamment pour l'expert de dresser le constat de la présence éventuelle de sulfure ou de soufre oxydable dans les déblais situés sur le site de Muids-en-France (Seine-Maritime) où ont été stockés les déchets provenant du creusement entre Courbevoie et la Porte Maillot des infrastructures souterraines du tronçon Haussmann Saint-Lazare - Nanterre et de savoir si les conditions de transport des déchets ont été adéquates et si leurs modalités de stockage dans les exutoires choisis ont été appropriées ;

Par une ordonnance n° 2126498/11-5 du 10 février 2022, le juge des référés désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a désigné Mme A... B... en qualité d'experte et décidé que les mesures d'expertise se dérouleront contradictoirement en présence de SNCF Réseau, du préfet des Yvelines, de la société Lafarge Granulats, de la société GSM, de la société Bouygues Travaux publics, de la société Razel-Bec, de la société Sefi Intrafor, de la société Eiffage Génie civil, de la société Eiffage Fondations, de la société Stec TPI, de la société Egis Rail, de la société Unisol, de la société des carrières Stref, et de la société Systra.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête enregistrée le 23 février 2022 sous le n° 22PA00868, la société par actions simplifiée Bouygues Travaux Publics, la société par actions simplifiée à associé unique Razel-Bec, la société par actions simplifiée Sefi-Intrafor, la société par actions simplifiée à associé unique Eiffage Génie civil et la société par actions simplifiée à associé unique Eiffage Fondations, représentées par Me Defradas, demandent à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du 10 février 2022 du juge des référés désigné par le président du Tribunal administratif de Paris en tant qu'elle a rejeté leurs conclusions aux fins de modification de la mission d'expertise ;

2°) de compléter la mission d'expertise par les points suivants :

- déterminer les causes des difficultés qui sont apparues en raison de déblais contenant de la pyrite. En particulier, dire si ces difficultés sont en tout ou partie imputables à la conception, la direction, la surveillance des travaux et/ou à leur exécution ;

- recueillir tous éléments permettant de déterminer si le dossier de consultation des entreprises et les pièces du marché GC-TUN contiennent une caractérisation suffisante des déchets que constituent les déblais, et/ou s'ils comprennent les informations nécessaires ou des mises en garde suffisantes en vue d'une telle caractérisation, et s'ils indiquent de manière pertinente la méthodologie à appliquer pour caractériser les déchets, compte tenu de leur éventuel potentiel acidogène et de l'ampleur des contraintes qui ont été rencontrées lors de la gestion des déchets ;

- donner son avis sur tous ces éléments ;

- se faire communiquer l'intégralité des pièces contractuelles de la convention de mandat conclue entre Réseau ferré de France et la société Systra ;

- se faire communiquer l'intégralité des pièces contractuelles du marché de maîtrise d'œuvre des infrastructures souterraines du tronçon Haussmann Saint-Lazare-Nanterre du prolongement de ligne EOLE (RER E) à l'ouest, confié par SNCF Réseau au groupement conjoint composé, d'une part, du sous-groupement solidaire constitué par les sociétés Setec TPI et Egis Rail et, d'autre part, de la société Agence Duthilleul ;

- se faire communiquer tous documents géotechniques établis par la maîtrise d'œuvre dans le cadre de ce marché ;

- déterminer la nature et la consistance des missions effectivement réalisées par la maîtrise d'œuvre, eu égard aux pièces du marché de maîtrise d'œuvre ;

- recueillir tous éléments permettant de déterminer si la société Systra et/ou la maîtrise d'œuvre ont suffisamment identifié la présence de pyrite dans les formations géologiques objets des travaux, analysé les possibilités et conditions de réemploi des déblais contenant de la pyrite, caractérisé le risque de phénomènes de drainage acide potentiellement lié aux déblais, alerté sur l'existence d'un tel risque, et procédé aux recommandations appropriées ;

- recueillir tous éléments permettant de déterminer si la société Systra et/ou la maîtrise d'œuvre ont effectué de manière suffisante, en phase réalisation, le contrôle et le suivi des méthodes utilisées pour caractériser les déchets que constituent les déblais, ainsi que le contrôle et le suivi de la caractérisation, de la traçabilité, du transport, du traitement et de l'élimination ou de la valorisation des déchets dans leurs exutoires ;

- donner son avis sur tous ces éléments ;

- rassembler les conditions et modalités qui sont prévues pour la caractérisation et la gestion des déchets que constituent les déblais, d'une part dans le marché GC-TUN conclu par SNCF Réseau et le groupement GC-TUN, d'autre part dans le contrat de sous-traitance conclu par la société Razel-Bec et la société Lafarge Granulats ;

- comparer ces conditions et modalités et donner son avis sur celles-ci ;

- réunir les textes de valeur législative ou réglementaire, la doctrine administrative et les règles de l'art, et notamment ceux applicables à l'exploitation des carrières, prenant en compte la présence éventuelle de pyrite dans les matériaux et déchets utilisés en remblaiement, et préciser si, dans ce cadre, le caractère acidogène des remblais contenant de la pyrite est pris en compte et comment ce risque est géré ;

- identifier le ou les horizons géologiques d'où proviennent les déblais en cause ;

- évaluer l'éventuelle présence d'eaux souterraines dans ces horizons, en se fondant sur le niveau de nappe pendant l'exécution des travaux, tel que défini dans le dossier de consultation des entreprises et mesuré par les piézomètres du groupement GC-TUN ;

- indiquer comparativement si, à son avis, les informations qui figurent dans le dossier de consultation des entreprises et dans les documents contractuels du marché GC-TUN décrivent de manière suffisante les horizons géologiques d'où proviennent les déblais, compte tenu de l'ampleur des contraintes d'exécution rencontrées résultant du potentiel acidogène des déblais ;

- déterminer le temps de parcours des barges et autres moyens de transport qui ont été utilisés, depuis le chargement des déblais de chantier jusqu'à leur dépôt dans leur exutoire final, et déterminer si, à son avis, les transports effectués et les conditions dans lesquelles ils ont été réalisés ont eu une incidence sur la mobilisation du potentiel acidogène des déblais ;

- constater les moyens mis en œuvre par la société Lafarge Granulats pour évacuer les déblais vers d'autres sites ;

- déterminer, sur cette base, les éventuels surcoûts qui résultent uniquement du fait que l'identification du caractère acidogène des déblais est intervenue après leur admission dans leur exutoire final.

Elles soutiennent qu'il y a lieu de modifier la mission d'expertise en apportant les compléments proposés.

Par un mémoire enregistré le 6 avril 2022, la société par actions simplifiée Systra France, représentée par Me Hotellier, demande à la Cour de modifier deux chefs de mission d'expertise proposés par les sociétés requérantes en vue de recueillir tous éléments permettant de déterminer si elle-même ou la maîtrise d'œuvre devait ou pouvait, d'une part, identifier la présence de pyrite dans les formations géologiques objets des travaux et, d'autre part, d'effectuer en phase réalisation le contrôle et le suivi des méthodes utilisées pour caractériser les déchets.

La requête a été communiquée aux sociétés SNCF Réseau, Lafarge Granulats, GSM, Setec TPI, Egis Rail, Unisol et Stref et au préfet des Yvelines qui n'ont pas produit d'observations.

II. Par une requête enregistrée le 24 février 2022 sous le n° 22PA00894, la société anonyme SNCF Réseau, représentée par Me Nahmias, demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du 10 février 2022 du juge des référés désigné par le président du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de désigner Mme A... B... en qualité d'experte en vue de :

- se rendre sur les sites de stockage de Sandrancourt, Triel-sur-Seine et Muids si besoin ;

- préciser la localisation exacte des déblais EOLE sur ces trois sites ;

- mesurer le taux d'humidité au sein des déblais, tous les mètres au cours de l'extraction des déblais EOLE, avec une représentativité de mesures en relation avec la surface des différentes zones de stockage ;

- mesurer l'épaisseur totale de la couche des remblais EOLE reposant sur des matériaux non EOLE sur les sites de Sandrancourt, Triel-sur-Seine et Muids, la mesure de cette épaisseur devant être représentative de la situation observée ;

- mesurer à l'issue du retrait des déblais EOLE, le volume et le tonnage des matériaux non EOLE retirés par la société Lafarge Granulats sur les sites de Sandrancourt, Triel-sur-Seine et le cas échéant Muids, la distinction pouvant s'opérer entre la différence de couleur nette entre les matériaux ;

- comparer le tonnage total des matériaux EOLE extraits avec celui indiqué dans les registres des déchets la société Lafarge Granulats relatifs aux sites de Sandrancourt, Triel-sur-Seine et Muids ;

- quantifier le taux de sulfate, de soufre et le rapport entre le potentiel neutralisant et le potentiel acidifiant au sein des matériaux EOLE, de manière à confirmer la signature de ces matériaux, et comparer ces données aux résultats présentés par la société Lafarge Granulats dans les études qu'elle a réalisées sur ces matériaux, en adressant les échantillons à un laboratoire analytique agréé ;

- caractériser sur le plan chimique les déblais non EOLE, en collectant des déblais non EOLE à l'interface entre les déblais non EOLE et les déblais EOLE, puis à différentes profondeurs à partir de cette interface (le nombre de points de prélèvement devra tenir compte de la variabilité des matériaux sous-jacents non EOLE), en adressant les échantillons à un laboratoire analytique agréé afin de mesurer le soufre oxydable, les sulfates lixiviables ainsi que le rapport entre le potentiel neutralisant et le potentiel acidifiant des déblais ;

- collecter des échantillons d'eau souterraines au sein des piézomètres caractéristiques des différentes zones de stockage des déblais EOLE des sites de Sandrancourt, Triel-sur-Seine et Muids ;

- se faire communiquer les documents suivants : les résultats d'analyses pratiquées par la société Lafarge Granulats sur les matériaux EOLE arrivant sur le site de Muids ainsi que les analyses semestrielles réalisées par un organisme tiers (vérification arrivage, contrôle visuel olfactif, prélèvement aléatoire sur chargements, et sur les 3 prélèvements précédents), le registre garantissant que les matériaux EOLE sont autorisés au remblai, les rapports de suivi et de contrôle piézométrique relatifs au site de Muids, le plan de mouvements de terres relatif au site de Muids, le rapport de contrôle semestriel des matériaux d'apport avec réalisation d'analyses sur 3 chargements arrivant sur une demi-journée : pack ISDI, le plan de localisation des matériaux EOLE sur le site de Muids, le plan de maillage des sites de Sandrancourt, Triel-sur-Seine et Muids, le registre de contrôle des matériaux avec contrôle visuel pour le site de Muids, la méthodologie et les protocoles des essais de neutralisation réalisés en 2021, la méthodologie et les résultats de l'étude cinétique menée sur le site de Muids, les études de neutralisation ainsi que la méthodologie et les résultats des tests effectués pour les déblais du second drive et les déblais excavés des sites de Sandrancourt, Triel-sur-Seine et Muids, les résultats d'analyses des déblais excavés du site de Muids, pour le site de Triel-sur-Seine : courrier référencé UD78/2021/POC n° 55199 du 8 avril 2021 de la DRIEAT aux sociétés Lafarge Granulats et GSM, le porter à connaissance Triel-sur-Seine référencé CESIIF211101/RESIIF12948-02 ERG/AC en date du 2 août 2021 transmis le 16 août 2021 par les sociétés les sociétés Lafarge Granulats et GSM en réponse au courrier du 8 avril 2021 de la DRIEAT, le rapport d'inspection des installations classées du site de Triel-sur-Seine du 26 août 2021, pour le site de Muids : le résultat du traitement expérimental au liant hydraulique réalisé antérieurement à la détection du caractère évolutif des déblais ;

- se faire également communiquer tout autre document utile relatif aux modalités de stockage sur les sites de Sandrancourt, Triel-sur-Seine et Muids et les différents mouvements de terres constatés sur ces trois sites, aux dispositifs de surveillance mis en œuvre par la société Lafarge Granulats sur les sites de Sandrancourt, Triel-sur-Seine et Muids, aux procédés de caractérisation et de neutralisation des déchets mis en œuvre par la société Lafarge Granulats ;

- identifier, sur la base de l'analyse des documents portés à sa connaissance et des constats réalisés sur les sites de Sandrancourt, Triel-sur-Seine et Muids, les relations entre l'évolution des déblais EOLE et leurs conditions de transport et de stockage sur ces trois sites, notamment : la durée et les conditions de transport (mélange des sables et graviers avec les galettes, modalités de remplissage des barges, temps de transport à l'air libre...), le tri des matériaux en fonction des horizons géologiques traversés par le tunnelier, les modalités de stockage mises en œuvre (mailles dédiées aux déblais EOLE ou maille en mélange, remblayage au-dessus des côtes des plus hautes eaux, compactage, drainage des remblais et récupération des lixiviats pour éviter les problèmes de stabilité et augmenter la portance, couverture par des matériaux peu perméables ou terre végétale pour une remise en état maille/maille selon le phasage, stockage des terres en eau), les modalités de stockage provisoire mises en œuvre depuis la base jusqu'au déchargement complet des déblais EOLE sur les sites de Sandrancourt, Triel-sur-Seine et Muids, en passant par les postes de stockage intermédiaire, et décrire précisément les caractéristiques des différentes zones de remblayage gérées par la société Lafarge Granulats ;

- déterminer si les déblais EOLE ont été stockés sur des zones de remblayage et le cas échéant si ce stockage a fait l'objet d'une autorisation administrative ;

- identifier les caractéristiques en particulier géologiques des sites de Sandrancourt, Triel-sur-Seine et Muids (fond géochimique comparable ou neutralisant, remblayage soumis aux fluctuations de la nappe...) et leur caractère approprié pour la réception des déblais EOLE ;

- analyser les suivis piézométriques (qualité des eaux souterraines et relevés des niveaux piézométriques) depuis la date de délivrance des arrêtés préfectoraux d'autorisation d'exploitation des sites de Sandrancourt, Triel-sur-Seine et Muids et déterminer s'il existe un lien d'exclusivité entre les élévations des concentrations en sulfate et l'apport de matériaux EOLE sur les sites de Sandrancourt, Triel-sur-Seine et Muids, notamment par rapport au sens d'écoulement de la nappe, si des seuils d'alerte auraient pu être fixés pour déclencher une action rapide, s'il existe un impact actuel sur les cibles liées au dépôt des déblais EOLE ;

- étudier la pertinence des réseaux piézométriques des sites de Sandrancourt, Triel-sur-Seine et Muids pour surveiller l'impact du remblayage avec les matériaux EOLE (nombre de piézomètres, profondeur et nappes interceptées...) compte tenu des cibles identifiées ;

- comparer les résultats de caractérisation des déblais EOLE produits par la société Lafarge Granulats et ceux qui auront été obtenus par l'experte ;

- mesurer l'évolution des déblais EOLE depuis leur réception sur les sites de Sandrancourt, Triel-sur-Seine et Muids ;

- dire s'il existe une relation entre la concentration en sulfate dans les eaux souterraines et l'évolution éventuelle des matériaux EOLE ;

- comparer le cas échéant les résultats d'analyses des sondages effectués sur le site de Sandrancourt avec les résultats d'analyses provenant d'autres exutoires gérés par la société Lafarge Granulats dans lesquels ont été stockés des déblais EOLE (Triel-sur-Seine ou Muids), de nature à caractériser la mise en œuvre de conditions de stockage inappropriées sur le site de Sandrancourt ;

- décrire avec précision la chaîne de responsabilités des différents intervenants au projet EOLE ;

- déterminer s'il existe des facteurs aggravants de l'oxydation de la pyrite dans la chaîne de traitement des déblais ;

- déterminer si les solutions choisies par le groupement GC-TUN et la société Lafarge Granulats étaient de nature à éliminer le risque d'oxydation des déblais EOLE, au regard de la connaissance de la présence de pyrite dans les sous-sols franciliens ;

- dire si le phénomène d'oxydation de la pyrite était prévisible et/ou documenté scientifiquement et règlementairement ;

- dire si les déblais EOLE pouvaient bien être considérés comme inertes en dépit de leur teneur en pyrite et si des mesures de compactage et/ou de stockage auraient dû être mises en œuvre par la société Lafarge Granulats pour minorer leur risque d'oxydation ;

- évaluer les conséquences financières de l'évacuation des déblais EOLE et chiffrer les divers préjudices subis par les intervenants au projet ;

- faire, s'il y a lieu, toutes autres constatations nécessaires, entendre tout sachant, se faire assister de tout sapiteur, enregistrer les observations de tout intéressé et annexer à son rapport tous les documents utiles.

Elle soutient que :

S'agissant de la régularité de l'ordonnance attaquée :

- si elle a introduit deux requêtes en référé-constat dont l'objet était de faire réaliser des constats sur les sites de Sandrancourt et des Trois-Cèdres, situé à Triel-sur-Seine et Carrières-sur-Seine, et ont donné lieu à deux ordonnances des 26 octobre 2021 et

10 février 2022, la requête en référé-instruction qui a donné lieu à l'ordonnance attaquée avait un objet plus large : la demande portait sur l'analyse détaillée des résultats des constats déjà effectués ou à venir et des documents communiqués afin d'apprécier si les modalités de stockage des déblais étaient appropriées et conformes à la réglementation ; elle portait aussi sur les éléments portant sur la recherche de responsabilité des intervenants susceptible d'être recherchée ; elle ne concernait pas le seul site de Muids ;

S'agissant du bien-fondé de la demande :

- l'oxydation des déblais contenant de la pyrite a été constatée en novembre 2020 sur le site de Sandrancourt et est donc susceptible de se produire sur les autres sites de stockage ;

- il y a lieu de déterminer si les conditions de stockage sont appropriées ;

- le groupement GC-TUN et la société Lafarge Granulats ont été informés de l'enjeu environnemental lié à la formation géologique du sous-sol ;

- la participation de l'Etat se justifie en raison des prescriptions des arrêtés préfectoraux ;

- le périmètre de l'expertise concerne les trois sites de stockage et l'ensemble des lieux depuis la prise en charge des déblais au tunnelier jusqu'à leur exutoire final ;

- la mission doit inclure l'analyse complète du transport, du tri et du stockage des déblais ainsi que l'étude des mesures de surveillance de la qualité des eaux souterraines et des sols mises en œuvre sur les trois sites de stockage.

Par un mémoire enregistré le 21 mars 2022, la société par actions simplifiée Lafarge Granulats, représentée par Me Le Roy-Gleizes, conclut, par la voie d'un appel incident, à l'annulation de l'ordonnance de référé n° 2126498/11-5 du 10 février 2022 et demande à la Cour :

1°) de nommer un collège d'experts, composé d'un expert en pollution des sols, d'un expert en tunnelier et d'un expert en économie de la construction ou gestion de projets ;

2°) de modifier la mission demandée, dans l'hypothèse où il est fait droit à la demande de SNCF Réseau, en particulier de :

- étudier les conditions d'extraction des matériaux, les conditions d'excavation, de réduction de granulométrie, de déstructuration de la matrice solide, de mise sous forme de boue, de brassage intensif des matériaux accompagnées d'une exposition à l'air et l'eau sur la station de traitement des boues de Courbevoie, les conditions de traitement à la chaux des fractions fines dans les matériaux référencés " Galette " ;

- tenir compte, pour comparer les résultats de caractérisation des déblais EOLE réalisés par la société Lafarge Granulats et ceux qui auront été obtenus par l'expert, de l'évolution temporelle entre les deux études ;

- déterminer si les missions contractuelles de chacun des intervenants auraient dû, au regard des règles de l'art, être complétées par d'autres missions et si les différents intervenants ont respecté leurs missions contractuelles et le cas échéant celles qui auraient dû être les leurs au titre des règles de l'art ;

- dire si SNCF Réseau avait fait réaliser les études nécessaires permettant d'identifier la présence de pyrite dans les horizons traversés, si SNCF Réseau, l'assistant à maitre d'ouvrage ou le maître d'œuvre avaient connaissance des impacts environnementaux que la présence de pyrite produirait ;

- dire si SNCF Réseau avait informé les différents intervenants du fait que les déblais contiendraient de la pyrite et les avait alertés sur les impacts induits, si les membres du groupement GC-TUN avaient informé la société Lafarge Granulats de la présence importante de pyrite et des impacts induits ;

3°) de mettre à la charge de SNCF Réseau les frais liés aux opérations d'expertise.

Elle soutient que :

- la société Lafarge Holcim Granulats, devenue en janvier 2022 la société Lafarge Granulats, a signé le 21 janvier 2019 un contrat de sous-traitance avec le groupement GC-TUN qui lui a confié la gestion des déblais issus du creusement du tunnel de Haussmann Saint-Lazare à Courbevoie et de la gare Porte Maillot ;

- en novembre 2020 il est apparu que les déblais évacués et enfouis sur l'exutoire autorisé de Sandrancourt s'oxydaient au contact de l'air ;

- SNCF Réseau et les autorités ont été avisées, des investigations ont été menées et les déchets n'ont plus été considérés comme inertes, la présence de pyrite étant constatée sur les sites de Sandrancourt, Muids et Triel-sur-Seine ;

- de nouvelles prescriptions ont été édictées et une solution technique a été cherchée, créant un préjudice financier et un risque administratif pour la société qui a introduit une demande d'indemnisation.

Par un mémoire enregistré le 5 avril 2022, la société par actions simplifiée GSM, représentée par Me Garancher, formule protestations et réserves d'usage.

Par un mémoire enregistré le 6 avril 2022, la société par actions simplifiée Systra France, représentée par Me Hotellier, demande à la Cour de modifier la demande formulée par la société requérante en vue de déterminer les causes techniques des difficultés apparues en raison des déblais contenant de la pyrite et leur imputabilité aux différents intervenants au projet Eole.

La requête a été communiquée aux sociétés Bouygues Travaux Publics, Razel-Bec, Sefi-Intrafor, Eiffage Génie civil, Eiffage Fondations, Setec TPI, Egis Rail, Unisol, à la société des carrières Stref et au préfet des Yvelines, qui n'ont pas produit d'observations.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu le code de justice administrative.

Vu la décision par laquelle la présidente de la Cour a désigné M. Le Goff, président de chambre, pour statuer sur les demandes de référé.

Considérant ce qui suit :

1. La société SNCF Réseau réalise les travaux de prolongement de la ligne EOLE (RER E) vers l'ouest de Paris. Elle a confié au groupement d'entreprises GC-TUN, composé des société Bouygues Travaux publics, mandataire du groupement, Razel-Bec, Sefi-Intrafor, Eiffage Génie civil et Eiffage Fondations, les travaux de génie civil portant sur la réalisation du tunnel entre la gare Saint-Lazare et Courbevoie ainsi que la construction de la gare souterraine de la Porte Maillot.

2. Par une ordonnance du 10 février 2022 du juge des référés du Tribunal administratif de Paris a ordonné l'expertise sollicitée par SNCF Réseau et désigné Mme B... en qualité d'experte.

3. Les sociétés Bouygues Travaux Publics, Razel-Bec, Sefi-Intrafor, Eiffage Génie civil et Eiffage Fondations, d'une part, et la société SNCF Réseau, d'autre part, ont formé des requêtes dirigées contre cette ordonnance qui se rapportent à une même opération de travaux et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre afin d'y statuer par une même ordonnance.

4. La société Lafarge Granulats conclut, par la voie d'un appel incident, à l'annulation de l'ordonnance de référé du 10 février 2022 et demande à la Cour de nommer un collège d'experts, composé d'un expert en pollution des sols, d'un expert en tunnelier et d'un expert en économie de la construction ou gestion de projets et, dans l'hypothèse où il est fait droit à la demande de SNCF Réseau, de modifier la mission demandée.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

5. Il ressort des pièces du dossier que la demande de SNCF Réseau présentée dans le cadre de l'article R. 532-1 du code de justice administrative concernait les trois sites de localisation des déblais à l'origine du litige situés à Sandrancourt, Triel-sur-Seine et Muids et que les conclusions présentées tendaient à ce que les opérations d'expertise soient menées sur les trois sites et à ce que le champ de l'expertise porte sur l'ensemble des déblais en cause. Toutefois le premier juge n'a pas visé ces conclusions ni répondu à celles-ci. La société SNCF Réseau est dès lors fondée à soutenir que l'ordonnance attaquée est entachée d'une omission à statuer.

6. Il suit de là que, compte tenu de la globalité des questions soumises à expertise, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens relatifs à la régularité de l'ordonnance, l'ordonnance du 10 février 2022 du juge des référés du Tribunal administratif de Paris doit être annulée.

7. Il appartient à la Cour de statuer par la voie de l'évocation sur la demande présentée par SNCF Réseau devant le Tribunal administratif de Paris.

Sur le bien-fondé de la demande de SNCF Réseau et des sociétés Bouygues Travaux Publics, Razel-Bec, Sefi-Intrafor, Eiffage Génie civil et Eiffage Fondations :

8. Aux termes de l'article R. 532-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, sur simple requête et même en l'absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction. Il peut notamment charger un expert de procéder, lors de l'exécution de travaux publics, à toutes constatations relatives à l'état des immeubles susceptibles d'être affectés par des dommages ainsi qu'aux causes et à l'étendue des dommages qui surviendraient effectivement pendant la durée de sa mission (...) ".

9. Il résulte de l'instruction que le litige trouve son origine dans une quantité très importante de déblais issus d'une opération de construction souterraine d'une ligne de chemin de fer d'intérêt régional de plusieurs kilomètres et d'une gare souterraine d'intérêt régional, issus de couches de sous-sol francilien spécifiques et dont les conditions de transport, de tri, de conservation et de stockage sont au centre de questions relatives à l'environnement. Les faits exposés par les sociétés requérantes peuvent donner lieu à un litige susceptible de relever de la compétence de la juridiction administrative. Ainsi, présentent un caractère utile les conclusions de la société SNCF Réseau et des autres sociétés qui ont déposé la requête n° 22PA00868 tendant à ce que soit prescrite une mesure d'expertise, à ce que celle-ci concerne les trois sites d'évacuation des déblais de creusement de la ligne EOLE, à ce que la mission d'expertise permette, notamment avec la communication de documents, dans la seule limite du secret des affaires, et les analyses et mesures de surveillance nécessaires, de décrire la chaîne de responsabilité des intervenants et d'une manière générale de déterminer les diverses conséquences de l'évacuation des déblais.

10. En ce qui concerne la communication de documents à l'expert, il y a lieu de faire droit aux demandes de la société Lafarge Granulats tendant à la communication des analyses géologiques menées avant le chantier, des études environnementales préalables, des retours d'expérience des creusements précédents de tronçons du RER A et, d'une manière générale, des documents permettant de quantifier la présence de pyrite dans les horizons géologiques traversés. Par ailleurs, en ce qui concerne la présence de pyrite, il y lieu de retenir le questionnement soulevé par la société Lafarge Granulats sur le point de savoir si le phénomène d'oxydation de la pyrite était prévisible et la demande présentée par la société Systra France en vue de recueillir tous éléments relatifs à la présence de pyrite est également retenue pour déterminer la mission d'expertise.

11. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu d'ordonner la mesure d'expertise sollicitée par SNCF Réseau et par les sociétés Bouygues Travaux Publics, Razel-Bec, Sefi-Intrafor, Eiffage Génie civil et Eiffage Fondations aux fins précisées à l'article 2 du dispositif de la présente ordonnance, sans qu'il y ait lieu de désigner un collège d'experts, l'experte désignée pouvant, en tant que de besoin, se faire assister d'un sapiteur après y avoir été autorisée par la présidente de la Cour auprès de laquelle elle devra justifier de sa demande.

ORDONNE :

Article 1er : L'ordonnance n° 2126498/11-5 du 10 février 2022 du juge des référés du Tribunal administratif de Paris est annulée.

Article 2 : Mme A... B..., exerçant 75 rue de Lourmel à Paris (75015), est désignée en qualité d'experte, pour procéder aux opérations d'expertise en présence de SNCF Réseau, du préfet des Yvelines, de la société Lafarge Granulats, de la société GSM, de la société Bouygues Travaux publics, de la société Razel-Bec, de la société Sefi-Intrafor, de la société Eiffage Génie civil, de la société Eiffage Fondations, de la société Setec TPI, de la société Egis Rail, de la société Unisol, de la société des carrières Stref et de la société Systra France, avec pour mission de :

1) se rendre sur les sites de stockage de Sandrancourt, Triel-sur-Seine et Muids si besoin ;

2) préciser la localisation exacte des déblais EOLE sur ces trois sites ;

3) mesurer le taux d'humidité au sein des déblais, tous les mètres au cours de l'extraction des déblais EOLE, avec une représentativité de mesures en relation avec la surface des différentes zones de stockage ;

4) mesurer l'épaisseur totale de la couche des remblais EOLE reposant sur des matériaux non EOLE sur les sites de Sandrancourt, Triel-sur-Seine et Muids, la mesure de cette épaisseur devant être représentative de la situation observée ;

5) mesurer à l'issue du retrait des déblais EOLE, le volume et le tonnage des matériaux non EOLE retirés par la société Lafarge Granulats sur les sites de Sandrancourt, Triel-sur-Seine et le cas échéant Muids, la distinction pouvant s'opérer entre la différence de couleur nette entre les matériaux ;

6) quantifier le taux de sulfate, de soufre et le rapport entre le potentiel neutralisant et le potentiel acidifiant au sein des matériaux EOLE, de manière à confirmer la signature de ces matériaux, et comparer ces données aux résultats présentés par la la société Lafarge Granulats dans les études qu'elle a réalisées sur ces matériaux, en adressant les échantillons à un laboratoire analytique agréé ;

7) caractériser sur le plan chimique les déblais non EOLE, en collectant des déblais non EOLE sous l'interface entre les déblais non EOLE et les déblais EOLE, puis à différentes profondeurs à partir de cette interface (le nombre de points de prélèvement devra tenir compte de la variabilité des matériaux sous-jacents non EOLE), en adressant les échantillons à un laboratoire analytique agréé afin de mesure le soufre oxydable, les sulfates lixiviables ainsi que le rapport entre le potentiel neutralisant et le potentiel acidifiant des déblais ;

8) collecter des échantillons d'eau souterraines au sein des piézomètres caractéristiques des différentes zones de stockage des déblais EOLE des sites de Sandrancourt, de Triel-sur-Seine et de Muids ;

9) se faire communiquer les documents suivants : les analyses géologiques décrivant la nature et la composition des différents horizons géologiques traversés par le tunnelier, les études environnementales réalisées préalablement aux travaux ayant permis de caractériser l'impact potentiel de ces matériaux, les études de risques sur la pyrite réalisées par le maître d'ouvrage et/ou le maître d'œuvre, notamment par les laboratoires d'expertise membres des groupes Setec et Egis, les études et retours d'expérience sur la gestion et l'évolution des déblais issus de creusement dans les horizons yprésiens, en particulier sur la ligne du RER A, d'une manière générale, l'ensemble des études réalisées par le maître d'ouvrage et le maître d'œuvre, pour quantifier la présence de pyrite dans les horizons géologiques traversés, et pour en qualifier le risque d'impact environnemental, le plan de management des risques du DCE, les résultats d'analyses pratiquées par la société Lafarge Granulats, les résultats d'analyses pratiquées par la société Lafarge Granulats sur les matériaux EOLE arrivant sur le site de Muids ainsi que les analyses semestrielles réalisées par un organisme tiers (vérification arrivage, contrôle visuel olfactif, prélèvement aléatoire sur chargements, et sur les 3 prélèvements précédents), le registre garantissant que les matériaux EOLE sont autorisés au remblai sur le site de Muids, les rapports de suivi et de contrôle piézométrique relatifs au site de Muids, le rapport de contrôle semestriel des matériaux d'apport avec réalisation d'analyses sur 3 chargements arrivant sur une demi-journée : pack ISDI sur le site de Muids, le plan de localisation des matériaux EOLE sur le site de Muids, le plan de maillage des sites de Sandrancourt, Triel-sur-Seine et Muids, le registre de contrôle des matériaux avec contrôle visuel pour le site de Muids, les résultats d'analyses des déblais excavés du site de Muids, pour le site de Triel-sur-Seine : courrier référencé UD78/2021/POC n° 55199 du 8 avril 2021 de la DRIEAT aux sociétés Lafarge Granulats et GSM, le porter à connaissance Triel-sur-Seine référencé CESIIF211101/RESIIF12948-02 ERG/AC en date du 2 août 2021 transmis le 16 août 2021 par les sociétés Lafarge Granulats et GSM en réponse au courrier du 8 avril 2021 de la DRIEAT à l'exception des éléments relevant du secret industriel, le rapport de l'inspection des installations classées du site de Triel-sur-Seine du 26 août 2021, pour les sites de Sandrancourt et Triel-sur-Seine : le résultat du traitement expérimental au liant hydraulique réalisé, en présence du groupement GC-TUN, qui avait pour seul objectif d'améliorer la portance des déblais (la problématique de la pyrite n'étant pas détectée à cette date), antérieurement à la détection du caractère évolutif des déblais ;

10) se faire également communiquer tout autre document utile relatif à la phase d'élaboration du projet EOLE (dossier administratif au titre de la loi sur l'eau, documents soumis à l'enquête publique, ...), aux modalités d'extraction des matériaux par le tunnelier, aux natures et aux pourcentages d'additifs organiques ou minéraux utilisés pour assurer la stabilité du front lors de l'excavation et permettre de modifier la rhéologie et améliorer la pompabilité du mélange lors du marinage, aux natures et aux pourcentages d'additifs organiques ou minéraux utilisés dans le procédé de traitement des boues sur la plateforme de Courbevoie, aux modalités de stockage sur les sites de Sandrancourt, Triel-sur-Seine et Muids et les différents mouvements de terres constatés sur ces trois sites, aux dispositifs de surveillance mis en œuvre par la société Lafarge Granulats sur les sites de Sandrancourt, Triel-sur-Seine et Muids, aux procédés de caractérisation des déchets mis en œuvre par la société Lafarge Granulats ;

11) identifier, sur la base de l'analyse des documents portés à sa connaissance et des constats réalisés sur les sites de Sandrancourt, Triel-sur-Seine et Muids, les relations entre l'évolution des déblais EOLE et la rupture avec les conditions géologiques anoxiques où ils étaient situés avant creusement, les conditions d'excavation, de réduction de granulométrie, de déstructuration de la matrice solide, de mise sous forme de boue, de brassage intensif des matériaux accompagnées d'une exposition à l'air et à l'eau sur la station de traitement des boues de Courbevoie, les conditions de traitement à la chaux des fractions fines dans les matériaux référencés " Galette ", les conditions de transport et de stockage sur les sites de Sandrancourt, Triel-sur-Seine et Muids, notamment : la durée et les conditions de transport (mélange des sables et graviers avec les galettes, modalités de remplissage des barges, temps de transport à l'air libre...), le tri des matériaux en fonction des horizons géologiques traversés par le tunnelier, les modalités de stockage mises en œuvre ;

12) identifier les caractéristiques en particulier géologiques des sites de Sandrancourt, Triel-sur-Seine et Muids (fond géochimique comparable ou neutralisant, remblayage soumis aux fluctuations de la nappe...) et leur caractère approprié pour la réception des déblais EOLE ;

13) analyser les suivis piézométriques (qualité des eaux souterraines et relevés des niveaux piézométriques) depuis 2018 sur les sites de Sandrancourt, Triel-sur-Seine, Muids et déterminer s'il existe un lien d'exclusivité entre les élévations des concentrations en sulfate et l'apport de matériaux EOLE sur ces sites et déterminer s'il existe un lien d'exclusivité entre les élévations des concentrations en sulfate, et l'apport de matériaux EOLE sur ces sites notamment par rapport au sens d'écoulement de la nappe, si des seuils d'alerte auraient pu être fixés pour déclencher une action rapide et s'il existe un impact actuel sur les cibles liées au dépôt des déblais EOLE ;

14) étudier la pertinence des réseaux piézométriques des sites de Sandrancourt, Triel-sur-Seine et Muids pour surveiller l'impact du remblayage avec les matériaux EOLE (nombre de piézomètres, profondeur et nappes interceptées...) compte tenu des cibles identifiées ;

15) comparer les résultats de caractérisation des déblais EOLE réalisés par la société Lafarge Granulats (pack ISDI et teneur en pyrite) et ceux qui auront été obtenus par l'experte, en tenant compte de l'évolution temporelle entre les deux études ;

16) mesurer l'évolution des déblais EOLE depuis leur réception sur les sites de Sandrancourt, Triel-sur-Seine et Muids ;

17) dire s'il existe une relation entre la concentration en sulfate dans les eaux souterraines et l'évolution éventuelle des matériaux EOLE ;

18) comparer le cas échéant les résultats d'analyses des sondages effectués sur le site de Sandrancourt avec les résultats d'analyses provenant d'autres exutoires gérés par la société Lafarge Granulats dans lesquels ont été stockés des déblais EOLE (Triel-sur-Seine ou Muids), de nature à caractériser la mise en œuvre de conditions de stockage sur le site de Sandrancourt ;

19) décrire avec précision les missions contractuelles des différents intervenants au projet EOLE ;

20) déterminer si les missions contractuelles de chacun des intervenants auraient dû, au regard des règles de l'art, être complétées par d'autres missions ;

21) déterminer si les différents intervenants ont respecté leurs missions contractuelles, et le cas échéant les missions qui auraient dû être les leurs au titre des règles de l'art ;

22) donner de manière générale toutes précisions et informations utiles permettant à la juridiction de se prononcer sur la chaîne de responsabilités des différents intervenants au projet EOLE ;

23) déterminer s'il existe des facteurs aggravants de l'oxydation de la pyrite dans la chaîne de production et de traitement des déblais ;

24) déterminer si les solutions choisies par les différents intervenants étaient de nature à éliminer le risque d'oxydation des déblais EOLE, au regard de la connaissance de la présence de pyrite dans les sous-sols franciliens ;

25) dire si le phénomène d'oxydation de la pyrite était prévisible et/ou documenté scientifiquement (y compris en interne à SNCF Réseau ou dans les études réalisées par le Laboratoire d'étude et de recherche sur les matériaux pour le compte de la SGP sur ces mêmes horizons) et réglementairement, notamment au regard des recommandations de l'AFTES et du CETU sur la gestion des déblais ;

26) dire si SNCF Réseau a fait réaliser les études nécessaires permettant d'identifier la présence de pyrite dans les horizons traversés ;

27) dire si SNCF Réseau, l'assistant à maîtrise d'ouvrage et/ou le maître d'œuvre avaient connaissance de la présence et des quantités de pyrite retrouvée dans les matériaux EOLE ;

28) dire si SNCF Réseau, l'assistant à maîtrise d'ouvrage et/ou le maître d'œuvre avaient connaissance des impacts environnementaux que la présence de pyrite allait générer ;

29) dire si SNCF Réseau avait informé les différents intervenants du fait que les déblais allaient contenir de la pyrite et les a alertés sur les impacts environnementaux induits ;

30) dire si les membres du Groupement GC-TUN avaient informé la société Lafarge Granulats de la présence importante de pyrite ainsi que des impacts environnementaux induits ;

31) dire si les différents intervenants ont sciemment omis de transmettre des informations dont ils disposaient permettant de prendre la mesure des conséquences de la présence de pyrite ;

32) dire si la réglementation environnementale impose la mise en œuvre de mesures spécifiques de remblaiement pour l'élimination ou la valorisation de déblais inertes ;

33) dire si les déblais EOLE pouvaient bien être considérés comme inertes en dépit de leur teneur en pyrite et, d'une part, si des mesures d'information et des exigences particulières de gestion (transport, mise en œuvre, conditions de stockage) devaient être formulées par SNCF Réseau et sa maîtrise d'œuvre, d'autre part, si des mesures de compactage et/ou de stockage auraient dû être mises en œuvre par la société Lafarge Granulats pour minorer leur risque d'oxydation ;

34) évaluer les conséquences financières de l'évacuation des déblais EOLE et chiffrer les divers préjudices subis par les intervenants au projet, notamment en exécution des arrêtés préfectoraux édictés à l'encontre de la société Lafarge Holcim Granulats sur les sites de Sandrancourt, Triel-sur-Seine et Muids ;

35) faire toutes autres constatations nécessaires, s'il y a lieu, faire entendre tout sachant, se faire assister de tout sapiteur, enregistrer les observations de tout intéressé et annexer à son rapport tous les documents utiles.

Article 3 : L'experte remplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-1 à R. 621-14 du code de justice administrative.

Article 4 : L'experte déposera son rapport au greffe en deux exemplaires au plus tard le 31 août 2022. Des copies seront notifiées aux parties par l'experte. Avec leur accord, cette notification pourra s'opérer sous forme électronique.

Article 5 : Tous droits et moyens des parties, sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent jugement, sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 6 : La présente ordonnance sera notifiée à la société SNCF Réseau, au préfet des Yvelines, à la société Lafarge Granulats, à la société GSM, à la société Bouygues Travaux publics, à la société Razel-Bec, à la société Sefi-Intrafor, à la société Eiffage Génie civil, à la société Eiffage Fondations, à la société Setec TPI, à la société Egis Rail, à la société Unisol, à la société des carrières Stref, à la société Systra France et à Mme A... B..., experte.

Fait à Paris, le 11 avril 2022.

Le juge des référés,

R. LE GOFF

La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°s 22PA00868-22PA00894


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Numéro d'arrêt : 22PA00868
Date de la décision : 11/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Avocat(s) : FOLEY HOAG

Origine de la décision
Date de l'import : 19/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-04-11;22pa00868 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award