Vu la requête, enregistrée le 18 juin 2012, présentée pour la société Franoma, ayant son siège 28 avenue de Messine à Paris (75008), par MeC... ; la société Franoma demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1021433/1-1 du 11 avril 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2007 et des pénalités correspondantes ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 10 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 janvier 2014 :
- le rapport de M. Pagès, premier conseiler,
- et les conclusions de M. Ouardes, rapporteur public ;
1. Considérant que la société Franoma, aux droits de laquelle est venue la société Seurlin Immobilier en cours d'instance, relève appel du jugement du 11 avril 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2007 et des pénalités correspondantes ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que, d'une part, les premiers juges ont implicitement mais nécessairement répondu au moyen tiré de l'inapplicabilité de la procédure de répression des abus de droit à la remise en cause d'une option fiscale pour des motifs tirés d'un but exclusivement fiscal en jugeant que l'option pour le régime des sociétés mères avait été utilisée par la société Franoma à l'encontre de ses objectifs ; que, d'autre part, les premiers juges ont implicitement mais nécessairement répondu au moyen tiré de l'accroissement du bénéfice comptable en jugeant que les circonstances décrites par le service vérificateur retiraient tout intérêt économique à la prise de participation ; que, dès lors, la société requérante n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué est entaché de défaut de motivation ;
Sur le bien-fondé des impositions litigieuses :
3. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 145 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux impositions litigieuses : " 1. Le régime fiscal des sociétés mères, tel qu'il est défini à l'article 216, est applicable aux sociétés et autres organismes soumis à l'impôt sur les sociétés au taux normal qui détiennent des participations satisfaisant aux conditions ci-après : a) Les titres de participation doivent revêtir la forme nominative ou être déposés dans un établissement désigné par l'administration ; b) Les titres de participation doivent représenter au moins 5 % du capital de la société émettrice (...) ; c) Les titres de participation doivent avoir été conservés pendant un délai de deux ans (...) " ; qu'aux termes de l'article 216 du même code : " I. Les produits nets des participations ouvrant droit à l'application du régime des sociétés mères et visées à l'article 145, touchés au cours d'un exercice par une société mère, peuvent être retranchés du bénéfice net total de celle-ci, défalcation faite d'une quote-part de frais et charges (...) " ; qu'aux termes du I de l'article 219 du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : " (...) a ter. Pour l'application des premier et deuxième alinéas, constituent des titres de participation les parts ou actions de sociétés revêtant ce caractère sur le plan comptable. Il en va de même des actions acquises en exécution d'une offre publique d'achat ou d'échange par l'entreprise qui en est l'initiatrice ainsi que des titres ouvrant droit au régime des sociétés mères ou, lorsque leur prix de revient est au moins égal à 22 800 000 euros, qui remplissent les conditions ouvrant droit à ce régime autres que la détention de 5 % au moins du capital de la société émettrice, si ces actions ou titres sont inscrits en comptabilité au compte de titres de participation ou à une subdivision spéciale d'un autre compte du bilan correspondant à leur qualification comptable " ;
4. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction alors applicable : " Ne peuvent être opposés à l'administration des impôts les actes qui dissimulent la portée véritable d'un contrat ou d'une convention à l'aide de clauses : (...) b) qui déguisent soit une réalisation, soit un transfert de bénéfices ou de revenus (...) L'administration est en droit de restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse. En cas de désaccord sur les rectifications notifiées sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité consultatif pour la répression des abus de droit. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité dont les avis rendus feront l'objet d'un rapport annuel. Si l'administration ne s'est pas conformée à l'avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé de la rectification " ; qu'il résulte de ces dispositions que, lorsque l'administration use de la faculté qu'elles lui confèrent dans des conditions telles que la charge de la preuve lui incombe, elle est fondée à écarter comme ne lui étant pas opposables certains actes passés par le contribuable, dès lors qu'elle établit que ces actes revêtent un caractère fictif ou que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait pas passé de tels actes, aurait normalement supportées, eu égard à sa situation ou à ses activités réelles ;
5. Considérant que la totalité du capital de la société Franoma qui, constituée en 1989, avait pour objet social la réalisation de prestations de services et de conseil en gestion d'entreprise, notamment dans le secteur textile, a été rachetée le 27 décembre 2007 par la société Seurlin Immobilier, appartenant au groupe informel dirigé par M. A... B... ; que la société Franoma a acquis, le même jour, la totalité des titres de la société Sobefi, qu'elle a inscrits à l'actif de son bilan clos le 31 décembre 2007 au compte n° 5035 " valeurs mobilières de placement - actions et titres non cotés " ; que dès le 28 décembre 2007, la société Franoma a perçu de la société Sobefi, devenue sa filiale, un dividende de 2 982 000 euros ; qu'en outre, l'intéressée a constitué une provision pour dépréciation de titres à raison de sa participation dans le capital de la société Sobefi d'un montant de 2 852 578 euros à la clôture de l'exercice 2007, soit le 31 décembre 2007, neutralisant ainsi presque intégralement le produit résultant de la distribution du dividende ; qu'enfin la société Franoma, qui avait opté pour le régime de faveur des sociétés mères, a en conséquence retranché de son résultat imposable 95 % du dividende de 2 982 000 euros au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2007 ; que l'administration a remis en cause, sur le fondement de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, les déductions fiscales dont la société Franoma avait bénéficié au titre de l'exercice en litige en faisant application du régime des sociétés mères ;
6. Considérant qu'il résulte de l'ensemble des travaux préparatoires du régime fiscal des sociétés mères, en particulier des travaux préparatoires de l'article 27 de la loi du 31 juillet 1920 portant fixation du budget général de l'exercice 1920, de l'article 53 de la loi du 31 décembre 1936 portant réforme fiscale, de l'article 45 de la loi n° 52-401 du 14 avril 1952 portant loi de finances pour 1952, des articles 20 et 21 de la loi n° 65-566 du 12 juillet 1965 modifiant l'imposition des entreprises et des revenus de capitaux mobiliers et de l'article 9 de la loi de finances pour 2001, ainsi que de la circonstance que le bénéfice de ce régime fiscal a toujours été subordonné à une condition de détention des titres depuis l'origine ou de durée minimale de détention, et, depuis 1936, à une condition de seuil de participation minimale dans le capital des sociétés émettrices, que le législateur, en cherchant à supprimer ou à limiter la succession d'impositions susceptibles de frapper les produits que les sociétés mères perçoivent de leurs participations dans des sociétés filles et ceux qu'elles redistribuent à leurs propres actionnaires, a eu comme objectif de favoriser l'implication de sociétés mères dans le développement économique de sociétés filles pour les besoins de la structuration et du renforcement de l'économie française ; que le fait d'acquérir des sociétés ayant cessé leur activité initiale et liquidé leurs actifs dans le but d'en récupérer les liquidités par le versement de dividendes exonérés d'impôt sur les sociétés en application du régime de faveur des sociétés mères, sans prendre aucune mesure de nature à leur permettre de reprendre et développer leur ancienne activité ou d'en trouver une nouvelle, va à l'encontre de cet objectif ;
7. Considérant, d'une part, qu'il n'est pas contesté que la société Sobefi dont la société Franoma a fait l'acquisition en décembre 2007 avait cessé toute activité, que ses actifs étaient constitués uniquement de liquidités et qu'elle n'employait aucun salarié ; que, d'autre part, la société Franoma ne critique pas sérieusement les allégations de l'administration selon lesquelles, après la distribution des dividendes de sa filiale, qui a privé cette dernière de la quasi-totalité des moyens de poursuivre son activité, elle n'a pris aucune mesure de nature à favoriser son développement ; que d'ailleurs, la constitution d'une provision correspondant à la dépréciation presque totale de la valeur des titres de cette filiale révèle que la société Franoma anticipait l'absence de poursuite par sa filiale d'une activité économique susceptible de générer des bénéfices ultérieurs ; que si la société requérante fait valoir qu'elle poursuivait un but économique du fait de l'appréhension d'une trésorerie importante, les opérations décrites au point 5 ont eu au contraire un effet négatif sur sa trésorerie dès lors qu'elle a déboursé la somme de 3 000 454 euros pour l'achat des titres de la société Sobefi alors qu'elle n'a perçu au titre des dividendes versés par cette dernière que la somme de 2 982 000 euros ; que si la société requérante se prévaut également de l'augmentation de son bénéfice comptable, les dividendes étant supérieurs aux provisions, celle-ci ne s'est pas traduite par un réel enrichissement économique ; qu'enfin, la circonstance que le service a, dans le cadre d'une autre procédure, procédé à la réintégration d'une commission d'intermédiation dans les résultats de la société Seurlin Immobilier en sa qualité de société tête de groupe est sans incidence sur l'existence d'un abus de droit imputable à la société Franoma ; qu'ainsi, l'administration apporte la preuve, qui lui incombe en l'espèce, de ce que les opérations décrites au point 5 ont été inspirées par un but exclusivement fiscal et ont méconnu les objectifs poursuivis par le législateur quand il a institué le régime des sociétés mères, de sorte qu'elles constituent un abus de droit ;
8. Considérant, en dernier lieu, que, contrairement à ce que soutient la société requérante, il ne résulte ni de l'article L. 64 précité du livre des procédures fiscales ni d'aucune autre disposition législative et réglementaire que l'administration ne pourrait pas appliquer la procédure de répression des abus de droit à un régime d'exonération optionnel, lorsqu'il est choisi dans des conditions contraires à ses objectifs ; que la société requérante n'est en tout état de cause pas fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de l'instruction du 27 avril 1993 publiée sous la référence BOI 4H-12-93 qui ne contient aucune interprétation formelle de la loi fiscale de nature à faire obstacle à l'application de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ;
Sur les majorations pour abus de droit :
9. Considérant qu'il résulte des écritures mêmes de la société requérante qu'elle ne demande la décharge de la majoration de 80 % qui a assorti les redressements litigieux en matière d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2007 qu'en se bornant à soutenir qu'elle n'a pas commis d'abus de droit mais sans articuler aucun moyen propre à cette majoration ; qu'il suit de ce qui a été dit aux points 1 à 8 que ces conclusions ne peuvent qu'être rejetées ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Franoma, aux droits de laquelle est venue en cours d'instance la société Seurlin Immobilier, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, les conclusions de la société requérante tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société Franoma, aux droits de laquelle est venue la société Seurlin Immobilier, est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Seurlin Immobilier et au ministre de l'économie et des finances. Copie en sera adressée à la direction du contrôle fiscal Ile-de-France Ouest.
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N° 12PA02588