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21/05/2013 | FRANCE | N°12PA03599

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 10ème chambre, 21 mai 2013, 12PA03599


Vu la requête, enregistrée le 17 août 2012, présentée pour M. A... C..., demeurant..., par Me E... ; M. C... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1204059/9 du 7 mai 2012 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions, contenues dans l'arrêté du 2 mai 2012 du préfet du Val d'Oise, l'obligeant à quitter le territoire français et lui refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire ;

2°) d'annuler ces décisions ;

3°) d'enjoindre au préfet de lu

i délivrer une autorisation provisoire de séjour en application de l'article L. 512-4 du c...

Vu la requête, enregistrée le 17 août 2012, présentée pour M. A... C..., demeurant..., par Me E... ; M. C... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1204059/9 du 7 mai 2012 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions, contenues dans l'arrêté du 2 mai 2012 du préfet du Val d'Oise, l'obligeant à quitter le territoire français et lui refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire ;

2°) d'annuler ces décisions ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour en application de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

...................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 avril 2013 :

- le rapport de M. Paris, rapporteur,

- et les conclusions de M. Ouardes, rapporteur public ;

1. Considérant qu'à la suite de son interpellation par les services de police sur un marché, M.C..., ressortissant égyptien, s'est vu notifier, le 2 mai 2012, un arrêté du même jour par lequel le préfet du Val d'Oise l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui octroyer un délai de départ volontaire et a fixé le pays de destination ; que par un autre arrêté du même jour, le préfet du Val d'Oise a ordonné le placement l'intéressé dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire ; que M. C...relève appel du jugement en date du 7 mai 2012 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions, contenues dans le premier de ces arrêtés, l'obligeant à quitter le territoire français et refusant de lui octroyer un délai de départ volontaire ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un État membre de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) " ;

3. Considérant que si M. C...soutient que le motif de la décision attaquée tiré de ce qu'il se serait irrégulièrement maintenu en France serait entaché d'erreur matérielle, l'intéressé, qui avait au demeurant déclaré devant les services de police être entré en France sans visa, ne justifie pas de ses allégations selon lesquelles il serait entré sur le territoire sous couvert d'un passeport muni d'un visa d'une durée de validité de six mois ; qu'il ne ressort pas, en outre, des pièces du dossier, que M. C...soit titulaire d'un titre de séjour ; qu'ainsi, il se trouvait dans le cas prévu des dispositions précitées du 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans lequel l'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que l'arrêté contesté qui vise les dispositions, notamment, du 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et précise que M.C..., de nationalité égyptienne, ne peut justifier être entré de façon régulière sur le territoire français, est dépourvu de titre de séjour en cours de validité et n'en a, au demeurant, jamais sollicité, comporte ainsi l'exposé suffisant des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision qu'il contient, obligeant l'intéressé à quitter le territoire français ; qu'ainsi, cette dernière est suffisamment motivée au regard du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, seul applicable à la motivation des décisions portant obligation de quitter le territoire français ;

5. Considérant, en troisième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, eu égard en particulier aux motifs de la décision contestée, que le préfet n'aurait pas procédé à l'examen particulier de la situation personnelle de M. C...ou se serait cru en situation de compétence liée pour obliger l'intéressé à quitter le territoire français ;

6. Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

7. Considérant que M.C..., âgé de 27 ans à la date de la décision attaquée, soutient qu'il est entré en France à la fin de l'année 2011, qu'il y séjourne depuis lors de manière ininterrompue et que ses frères, oncles, tantes et cousins résident en France, certains d'entre eux étant ressortissants français et d'autres titulaires de titres de séjour, et qu'il est hébergé par son oncle ; que toutefois, M. C...n'apporte aucun commencement de justification, ni de la durée de sa présence en France, ni des liens personnels et affectifs qu'il entretiendrait avec les personnes dont il produit des documents d'identité ; que par ailleurs, s'il soutient que son père est décédé et qu'il ignore ce qu'est devenue sa mère, il n'apporte, non plus, aucun commencement de justification au soutien de ces allégations, tout comme il ne conteste pas être célibataire et sans charge de famille ; qu'ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision attaquée n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux objectifs poursuivis ; qu'elle n'a dès lors, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes motifs, cette décision n'est pas entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et familiale ;

En ce qui concerne la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire :

8. Considérant, en premier lieu, que par un arrêté du 16 avril 2012 régulièrement publié au recueil d'informations administratives de la préfecture du Val d'Oise du même jour, le préfet du Val d'Oise a donné à Mme B...D..., chef du département de l'immigration et de l'intégration, une délégation à l'effet de signer, notamment, les décisions portant obligation de quitter le territoire avec fixation ou non d'un délai de départ volontaire ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que la décision refusant d'octroyer un délai pour quitter le territoire français, contenue dans l'arrêté du 2 mai 2012, aurait été signée par une autorité ne disposant pas d'une délégation de signature régulière, ne peut qu'être écarté ;

9. Considérant, en deuxième lieu, que l'arrêté attaqué, qui vise les dispositions du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et précise qu'il existe un risque que M. C...se soustraie à la décision d'éloignement dès lors qu'étant dépourvu de passeport, il ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, contient ainsi l'exposé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire ; que cette décision est, ainsi, suffisamment motivée ;

10. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : 1° Si le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 (...) " ;

11. Considérant qu'aux termes de l'article 7 de la directive n° 2008/115/CE du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier : " 1. La décision de retour prévoit un délai approprié allant de sept à trente jours pour le départ volontaire, sans préjudice des exceptions visées aux paragraphes 2 et 4. Les États membres peuvent prévoir dans leur législation nationale que ce délai n'est accordé qu'à la suite d'une demande du ressortissant concerné d'un pays tiers. Dans ce cas, les États membres informent les ressortissants concernés de pays tiers de la possibilité de présenter une telle demande. / Le délai prévu au premier alinéa n'exclut pas la possibilité, pour les ressortissants concernés de pays tiers, de partir plus tôt. / 2. Si nécessaire, les États membres prolongent le délai de départ volontaire d'une durée appropriée, en tenant compte des circonstances propres à chaque cas, telles que la durée de séjour, l'existence d'enfants scolarisés et d'autres liens familiaux et sociaux. / 3. Certaines obligations visant à éviter le risque de fuite, comme les obligations de se présenter régulièrement aux autorités, de déposer une garantie financière adéquate, de remettre des documents ou de demeurer en un lieu déterminé, peuvent être imposées pendant le délai de départ volontaire. / 4. S'il existe un risque de fuite, ou si une demande de séjour régulier a été rejetée comme étant manifestement non fondée ou frauduleuse, ou si la personne concernée constitue un danger pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale, les États membres peuvent s'abstenir d'accorder un délai de départ volontaire ou peuvent accorder un délai inférieur à sept jours " ; que le 7) de l'article 3 de la même directive définit le risque de fuite comme " le fait qu'il existe des raisons, dans un cas particulier et sur la base de critères objectifs définis par la loi, de penser qu'un ressortissant d'un pays tiers faisant l'objet de procédures de retour peut prendre la fuite " ; que le treizième considérant de cette directive énonce : " Il convient de subordonner expressément le recours à des mesures coercitives au respect de principes de proportionnalité et d'efficacité en ce qui concerne les moyens utilisés et les objectifs poursuivis (...) " ;

12. Considérant que M. C...soutient que les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives au refus de délai de départ volontaire et définissant la notion de " risque de fuite " seraient incompatibles avec la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008, dans la mesure où le simple fait de se trouver en situation irrégulière sans avoir sollicité un titre de séjour ou de ne pas disposer de documents de voyage ne suffit pas à justifier un risque de fuite au sens de la directive et que le refus d'octroyer un délai doit rester l'exception ; qu'ainsi, ces dispositions méconnaîtraient ses objectifs et celui de proportionnalité ;

13. Considérant qu'en estimant que dans les cas énumérés au 3° précité du II de l'article L 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il existe, sauf circonstance particulière, un risque que l'étranger se soustraie à l'obligation de quitter le territoire français, le législateur, a, pour définir le risque fuite prévu par les dispositions précitées de la directive du 16 décembre 2008, retenu des critères objectifs qui ne sont pas incompatibles avec cette directive, notamment avec les objectifs de proportionnalité et d'efficacité poursuivis par celle-ci ; qu'elles ne créent pas une norme plus sévère que celle fixée par la directive précitée ; que le législateur a, de même, respecté la directive en réservant l'hypothèse d'une circonstance particulière propre à justifier, que même dans l'un des cas prévus au 3° du II de l'article L. 511-1 précité, l'obligation de quitter le territoire demeure assortie d'un délai de départ volontaire ; qu'ainsi, le moyen invoqué par M. C...doit être écarté ;

14. Considérant, en troisième lieu, que pour refuser à M. C...l'octroi d'un délai de départ volontaire, le préfet du Val d'Oise a considéré que le risque de fuite était établi aux motifs, d'une part, que l'intéressé ne pouvait justifier être entré régulièrement en France et n'avait pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour, et d'autre part, qu'il ne présentait pas de garanties de représentation suffisantes, en l'absence de passeport en sa possession, ni d'éléments de nature à justifier l'efficacité d'une mesure d'assignation à résidence ; que M. C..., qui avait déclaré aux services de police lors de son audition réalisée à la suite de son interpellation, être entré en France dépourvu de tout visa et être démuni de tout passeport ou document d'identité, ne justifie pas, non plus, devant le juge de l'excès de pouvoir, être titulaire d'un passeport, ni être entré régulièrement sur le territoire français ; que par ailleurs la production d'une attestation d'hébergement ne suffit pas à elle seule, à justifier de garanties suffisantes de représentation ; que M.C..., qui entrait donc dans le champ d'application des dispositions du 3° du II de l'article L. 511-1 précité, n'est pas fondé à soutenir, dans les circonstances de l'espèce, que la décision lui refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

15. Considérant, en dernier lieu, que le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de cette même décision sur sa situation personnelle doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux qui ont été développés précédemment au point 7 ;

16. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

D É C I D E :

Article 1er : la requête de M. C...est rejetée.

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N° 12PA03599


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 12PA03599
Date de la décision : 21/05/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: M. Timothée PARIS
Rapporteur public ?: M. OUARDES
Avocat(s) : SEGLA MARQUES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2013-05-21;12pa03599 ?
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