Vu la requête, enregistrée le 22 août 2012, présentée pour la société Victorly, dont le siège est 4 rue de l'Arrivée à Paris (75015), par Me Maisse-Boulanger ; la société Victorly demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1011550/2-1 du 19 juin 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la réduction, d'une part du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période comprise entre le 1er janvier 2004 et le 31 décembre 2006, d'autre part des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2004 et en 2005 ;
2°) de prononcer la réduction de ces impositions ;
3°) de mettre à la charge de l'État une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 mars 2013 :
- le rapport de Mme Petit, rapporteur,
- et les conclusions de M. Ouardes, rapporteur public ;
1. Considérant que la société Victorly, qui exploite un restaurant " pizzeria ", a fait l'objet d'une vérification de comptabilité en matière de taxe sur la valeur ajoutée et d'impôt sur les sociétés à l'issue de laquelle le vérificateur a, notamment, écarté la comptabilité comme comportant de graves irrégularités et a procédé à la reconstitution du chiffre d'affaires selon la méthode dite des liquides ; qu'à l'issue de ce contrôle, la société Victorly a été assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles à cet impôt au titre des exercices clos en 2004 et 2005 ; qu'un complément de taxe sur la valeur ajoutée lui a également été réclamé au titre de la période comprise entre le 1er janvier 2004 et le 31 décembre 2006 ; que par un jugement du 19 juin 2012, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la réduction de ces impositions ; que la société Victorly fait appel de ce jugement ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Considérant que dans le cas où la vérification de comptabilité d'une société a été effectuée, soit, comme il est de règle, dans ses propres locaux, soit, si son dirigeant ou représentant l'a expressément demandé, dans les locaux du comptable auprès duquel sont déposés les documents comptables, il appartient au contribuable qui allègue que les opérations de vérification ont été conduites sans qu'il ait eu la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur de justifier que ce dernier se serait refusé à un tel débat, soit avec les mandataires sociaux, soit avec leurs conseils, préposés ou mandataires de droit et de fait ; qu'ainsi, en se bornant à soutenir que la question du caractère anormal de la marge commerciale n'aurait pas été évoquée pendant la vérification de comptabilité, la société requérante n'apporte pas la preuve qu'elle aurait été privée de son droit à un débat oral et contradictoire ; que, par ailleurs, la circonstance que le caractère anormal du taux de marge, invoqué en défense par l'administration, n'a pas été mentionné dans la proposition de rectification n'est pas davantage de nature à entacher d'irrégularité la procédure d'imposition ;
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne la valeur probante de la comptabilité :
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Victorly utilisait, pour les besoins de sa comptabilité, un logiciel informatique qui procédait à l'enregistrement global des recettes journalières et mensuelles ; que les pièces justificatives des recettes prenaient la forme de doubles des tickets d'additions remis aux clients ; que ces doubles n'étant pas établis selon une numérotation chronologique, ils ne peuvent à eux seuls justifier de l'enregistrement de la totalité des recettes ; qu'au surplus, le vérificateur a relevé un pourcentage de bouteilles de vin offertes très élevé, des incohérences dans les pourcentages d'achats revendus de bouteilles et un coefficient de marge sensiblement inférieur à la moyenne constatée dans la profession ; que, dans ces conditions, la comptabilité tenue par la société Victorly doit être regardée comme comportant de graves irrégularités ; que c'est ainsi à bon droit que le vérificateur a pu écarter cette comptabilité et procéder à une reconstitution du chiffre d'affaires ;
En ce qui concerne la charge de la preuve :
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsqu'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'un redressement, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quelque soit l'avis rendu par la commission. Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière, lorsque le litige ou le redressement est soumis au juge " ; que la comptabilité comportant de graves irrégularités et les impositions ayant été établies conformément à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires rendu le 29 mai 2008, il appartient à la société requérante d'apporter la preuve de l'exagération des bases imposables retenues par l'administration ;
En ce qui concerne le chiffre d'affaires :
5. Considérant que pour reconstituer les recettes de la société requérante, l'administration a appliqué la méthode dite des liquides qui a consisté pour chacun des exercices vérifiés à déterminer en dépouillant les tickets servant d'addition, répartis sur une période de référence, à savoir les mois de mars et novembre 2004 et juillet 2005, la part des recettes liquides dans les recettes totales ; que par application de ce taux au montant total des recettes liquides, reconstituées à partir des factures d'achat, une fois déduits la consommation du personnel et du gérant, les pertes et offerts, l'administration a pu déterminer un montant de recettes totales, qui a servi de base au calcul de la taxe sur la valeur ajoutée et des recettes omises ; que si la société requérante soutient que l'examen par sondage des doubles des tickets remis aux clients a porté sur une période trop courte, elle n'explicite pas en quoi les caractéristiques de l'exploitation auraient exigé une période de référence plus longue ; que, par ailleurs, le vérificateur pouvait, sans vicier sa méthode de reconstitution, utiliser pour les besoins de celle-ci des éléments de la comptabilité, notamment les factures d'achats et les doubles des tickets remis aux clients, alors même qu'il a estimé que cette comptabilité comportait de graves irrégularités ;
6. Considérant qu'en se bornant à soutenir qu'elle pratiquait volontairement une politique d'offerts très généreuse, la société requérante n'établit pas l'insuffisance des pourcentages d'offerts retenus par le vérificateur ;
7. Considérant que la société Victorly ne peut utilement invoquer, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, le bénéfice de la doctrine contenue dans la documentation administrative référencée 4G- 3342 du 25 juin 1988, qui préconise l'utilisation de plusieurs méthodes de reconstitution, dès lors qu'elle constitue une simple recommandation aux agents et qu'elle ne comporte aucune interprétation formelle de la loi fiscale ;
8. Considérant qu'il résulte que ce qui précède que la société requérante n'établit pas l'exagération du montant du chiffre d'affaires retenu par l'administration ;
En ce qui concerne les apports en compte courant du gérant :
9. Considérant qu'aux termes du 2 de l'article 38 du code général des impôts, applicable à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 de ce code : " Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt, diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés " ; qu'il appartient au contribuable de justifier tant du montant des dettes inscrites au passif de son bilan, au nombre desquelles figurent les sommes portées au crédit des comptes courants ouverts dans ses écritures, que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité ; que l'administration a réintégré au résultat imposable de l'exercice 2005 une somme de 5 000 euros figurant au crédit du compte courant d'associé de M. Ly, gérant de la société Victorly ; que la requérante ne justifie pas que cette somme correspondrait, comme elle l'affirme, à un apport effectué par M. Ly par le moyen d'un chèque émis à son profit, et que, par suite, elle aurait été débitrice de ce montant à l'égard de son gérant ;
Sur les pénalités de mauvaise foi :
10. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'État entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) " ; qu'il incombe à l'administration d'apporter la preuve du bien-fondé de l'application de ces sanctions ; que les droits en litige ont été assortis de cette majoration de 40 % ; que l'administration fait valoir, sans être sérieusement contestée, que, pour toute la période concernée par le litige, la société requérante a imputé chaque année sur ses déclarations mensuelles de taxe sur la valeur ajoutée des montants de taxe sur la valeur ajoutée déductible supérieurs à ceux qu'elle pouvait réellement imputer et qu'elle n'a pas régularisé cette situation, alors qu'elle ne pouvait ignorer le caractère anormal du solde créditeur croissant du compte de taxe sur la valeur ajoutée déductible ; que l'administration relève par ailleurs, s'agissant de l'impôt sur les sociétés, l'importance des rehaussements et le caractère répété des irrégularités affectant la comptabilité ainsi que des minorations du chiffre d'affaires ; que, ce faisant, elle établit suffisamment l'intention délibérée d'éluder l'impôt et, par suite, la mauvaise foi de la société requérante : que la société requérante ne peut utilement se prévaloir de la doctrine administrative référencée 13 N 1223 n° 1 du 14 juin 1996, qui ne contient pas d'interprétation de la loi fiscale différente de celle qui a été faite par le présent arrêt ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Victorly n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande ; que ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la société Victorly est rejetée.
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N° 12PA03641