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12/03/2013 | FRANCE | N°12PA02128

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 10ème chambre, 12 mars 2013, 12PA02128


Vu la requête, enregistrée le 14 mai 2012, présentée par le préfet de police, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1204923/8 du 23 mars 2012 en tant que, par celui-ci, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Paris a fait droit à la demande de M. B...A...en annulant la décision du 19 mars 2012 plaçant l'intéressé en rétention administrative ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A...devant le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Paris ;

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Vu la requête, enregistrée le 14 mai 2012, présentée par le préfet de police, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1204923/8 du 23 mars 2012 en tant que, par celui-ci, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Paris a fait droit à la demande de M. B...A...en annulant la décision du 19 mars 2012 plaçant l'intéressé en rétention administrative ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A...devant le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Paris ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 février 2013 :

- le rapport de M. Paris, rapporteur,

- et les conclusions de M. Ouardes, rapporteur public ;

1. Considérant que M.A..., ressortissant tunisien né le 9 novembre 1982, a été condamné le 19 mars 2012 par le Tribunal de grande instance de Paris, à titre de peine principale, à une interdiction du territoire national pour une durée de deux ans ; que cette condamnation a, en outre, été assortie de l'exécution provisoire ; que, le même jour, M. A... a été placé dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire en application de l'article L. 555-1 du code de l'entré et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que M. A...a alors saisi le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à l'annulation, en premier lieu, de la décision non écrite ordonnant son placement dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, en deuxième lieu, de la décision non écrite lui refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire et, enfin, de la décision non écrite refusant son assignation à résidence ; que, par un jugement du 23 mars 2012, le magistrat délégué a annulé la décision de placement en rétention administrative, au motif que celle-ci n'était pas motivée, et a rejeté le surplus des conclusions de la requête de M.A... ; que le préfet de police relève appel de ce jugement en tant que, par celui-ci, ce magistrat a annulé la décision de placement en rétention administrative ;

Sur le moyen d'annulation retenu par le premier juge :

2. Considérant, qu'aux termes de l'article L. 555-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'interdiction du territoire prononcée à titre de peine principale et assortie de l'exécution provisoire entraîne de plein droit le placement de l'étranger dans des lieux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, dans les conditions définies au présent titre, pendant le temps strictement nécessaire à son départ. Le deuxième alinéa de l'article L. 551-2 et l'article L. 553-4 sont applicables " ;

3. Considérant que si le placement d'un étranger dans des lieux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire prévu par ces dispositions, alors même qu'il n'est pas formalisé par une décision écrite, n'en révèle pas moins l'existence d'une décision administrative dont la légalité est susceptible d'être déférée au juge de l'excès de pouvoir, les dispositions de l'article L. 555-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile se bornent à renvoyer, en ce qui concerne les garanties procédurales applicables au prononcé de cette décision, au deuxième alinéa de l'article L. 551-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile aux termes duquel " L'étranger est informé dans une langue qu'il comprend et dans les meilleurs délais qu'à compter de son arrivée au lieu de rétention, il peut demander l'assistance d'un interprète, d'un conseil ainsi que d'un médecin. Il est également informé qu'il peut communiquer avec son consulat et avec une personne de son choix " ; qu'elles ne rendent pas applicables à cette décision, en revanche, le premier alinéa du même article L. 551-2 qui prévoient notamment que la décision de placement prise par l'autorité administrative " est écrite et motivée " ; qu'il en résulte que le législateur a nécessairement entendu écarter, pour une telle décision, l'obligation de motivation qui résulte des dispositions de l'article 1er de loi du n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

4. Considérant, par suite, que c'est à tort que le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Paris a annulé comme dépourvue de motivation la décision, révélée par les agissements de l'autorité administrative, ordonnant le placement de M. A...dans des lieux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire ;

5. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. A...devant le Tribunal administratif de Paris pour contester cette décision ;

Sur les autres moyens invoqués par M.A... :

6. Considérant, en premier lieu, que M. A...soutenait, devant le premier juge, que la décision non écrite ordonnant son placement dans des lieux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire serait illégale, dès lors, en premier lieu, que les dispositions du 3° de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont incompatibles avec les objectifs fixés par l'article 15 et le point 16 du préambule de la directive 2008/115/CE 16 décembre 2008, en deuxième lieu, que cette décision ne respecte pas le principe de proportionnalité qui résulte des mêmes objectifs de cette directive et, en troisième lieu, que le délai de sept jours imparti à l'autorité administrative par cette dernière n'a pas, non plus, été respecté ;

7. Considérant qu'aux termes de l'article 2 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 : " 2. Les États membres peuvent décider de ne pas appliquer la présente directive aux ressortissants de pays tiers : (...) b) faisant l'objet d'une sanction pénale prévoyant ou ayant pour conséquence leur retour, conformément au droit national " ;

8. Considérant que les dispositions du premier alinéa de l'article L. 555-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile préexistaient à la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité, dont l'objet était, notamment, d'assurer la transposition dans l'ordre juridique interne des objectifs de la directive 2008/115/CE, et que ces dispositions n'ont pas été modifiées par cette loi ; que le législateur doit ainsi être regardé comme ayant entendu faire usage de la faculté ouverte aux États membres par le point 2 de son article 2, de ne pas appliquer cette directive, et notamment son chapitre IV relatif aux rétentions à des fins d'éloignement, aux décisions prises par l'autorité administrative ordonnant le placement dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire des ressortissants des pays tiers faisant l'objet d'une sanction pénale prévoyant leur retour ; que, par suite, les dispositions de la directive 2008/115/CE ne sont pas applicables à la situation de M.A... ; que les moyens qu'il invoque doivent, dès lors, être écartés ;

9. Considérant, enfin, que la décision de placer M. A...en rétention dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pendant le temps nécessaire à son départ de France n'a pas porté par elle-même atteinte au droit de l'intéressé à mener une vie privée et familiale normale ; qu'il s'ensuit que doivent être écartés, tant le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que celui tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision litigieuse sur la situation personnelle et familiale de M. A...;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Paris a annulé la décision, révélée par les agissements de l'administration, ordonnant le placement de M. A...dans des lieux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire ;

D É C I D E :

Article 1er : L'article 1er du jugement du magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Paris en date du 23 mars 2012 est annulé.

Article 2 : Les conclusions de la demande présentée par M. A...devant le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Paris tendant à l'annulation de la décision ordonnant son placement en rétention administrative sont rejetées.

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N° 12PA02128


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 12PA02128
Date de la décision : 12/03/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: M. Timothée PARIS
Rapporteur public ?: M. OUARDES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2013-03-12;12pa02128 ?
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