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12/03/2013 | FRANCE | N°12PA00056

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 10ème chambre, 12 mars 2013, 12PA00056


Vu la requête, enregistrée le 6 janvier 2012, présentée par le préfet de police ; le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1105716 et 1110479/6-3 du 24 novembre 2011 en tant que, par celui-ci, le Tribunal administratif de Paris a fait droit à la demande de M. B...A...en annulant les décisions, contenues dans les arrêtés du 30 septembre 2010 et du 6 avril 2011, fixant le pays à destination duquel l'intéressé sera renvoyé ;

2°) de rejeter les conclusions des demandes présentées par M. A...devant le Tribunal administratif de Paris tend

ant à l'annulation de ces décisions ;

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Vu la requête, enregistrée le 6 janvier 2012, présentée par le préfet de police ; le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1105716 et 1110479/6-3 du 24 novembre 2011 en tant que, par celui-ci, le Tribunal administratif de Paris a fait droit à la demande de M. B...A...en annulant les décisions, contenues dans les arrêtés du 30 septembre 2010 et du 6 avril 2011, fixant le pays à destination duquel l'intéressé sera renvoyé ;

2°) de rejeter les conclusions des demandes présentées par M. A...devant le Tribunal administratif de Paris tendant à l'annulation de ces décisions ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la décision du 29 mars 2012 du président du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris accordant à M. A...le maintien de plein droit de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 février 2013 :

- le rapport de M. Paris, rapporteur,

- et les conclusions de M. Ouardes, rapporteur public ;

1. Considérant que par un arrêté du 7 mai 2009, le préfet de police a refusé à M.A..., ressortissant guinéen, la délivrance du titre de séjour que celui-ci sollicitait ; que ce refus de séjour était assorti, en application des dispositions alors en vigueur de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'une obligation de quitter le territoire français, laquelle fixait le pays à destination duquel M. A...devait être renvoyé ; que, saisi par M. A..., le Tribunal administratif de Paris a, par un jugement du 22 avril 2010, annulé la décision, contenue dans cet arrêté, fixant le pays à destination duquel l'intéressé devait être renvoyé, en tant que cette décision désignait le pays dont M. A...à la nationalité ; que le Tribunal a, par ailleurs, rejeté le surplus de la demande de M. A...et a enjoint au préfet de police de réexaminer la situation de celui-ci ; qu'à la suite de ce réexamen, le préfet de police a, par un nouvel arrêté du 30 septembre 2010, confirmé ses décisions antérieures refusant à M. A...la délivrance d'un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français, et a décidé que l'intéressé serait éloigné à destination de tout pays dans lequel il serait légalement admissible ; que M. A...a alors saisi le Tribunal administratif de Paris d'une première requête tendant à l'annulation de cet arrêté ; qu'à la suite d'une nouvelle demande formée par l'intéressé, le préfet de police a, par un autre arrêté du 6 avril 2011, de nouveau refusé à M. A...la délivrance d'un titre de séjour et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français, laquelle fixait le pays à destination duquel M. A...devait être renvoyé ; que ce dernier a saisi le Tribunal administratif de Paris d'une seconde requête tendant à l'annulation de cet arrêté du 6 avril 2011 ; que le préfet de police relève appel du jugement du Tribunal administratif de Paris en date du 24 novembre 2011 en tant que, par celui-ci, le Tribunal, après avoir joint les requêtes, a annulé les décisions, contenues dans les arrêtés du 30 septembre 2010 et du 6 avril 2011, fixant la Guinée comme pays de destination de M. A...; que ce dernier, par la voie de l'appel incident, relève appel du même jugement en tant que, par celui-ci, le Tribunal a rejeté le surplus de ses demandes ;

Sur l'appel principal du préfet de police :

2. Considérant, ainsi qu'il a été dit, que par un jugement du 22 avril 2010, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision, contenue dans l'arrêté du préfet de police du 7 mai 2009, fixant le pays dont M. A...a la nationalité comme pays à destination duquel il devait être renvoyé, au motif que l'intéressé établissait, par des documents suffisamment probants, être exposé à de graves risques pour sa vie en cas de retour dans son pays d'origine du fait de son engagement politique aux côtés des militants de l'Union pour le progrès et le renouveau ; que l'autorité absolue qui s'attache à la chose alors jugée par le Tribunal administratif de Paris et aux motifs qui en sont le soutien nécessaire, faisait obstacle, sauf changement des circonstances de fait ou de droit, à ce que le préfet de police décide à nouveau l'éloignement de M. A...vers la Guinée, pays dont il a la nationalité ;

3. Considérant que pour justifier les décisions des 30 septembre 2010 et 6 avril 2011, qui peuvent être regardées comme ordonnant l'éloignement de M.A..., notamment, vers le pays dont il a la nationalité, le préfet de police fait valoir, en premier lieu, que l'intéressé ne démontre pas l'actualité des risques encourus en cas de retour dans son pays d'origine, en deuxième lieu, que par une décision du 9 juillet 2009, la Cour nationale du droit d'asile a rejeté la demande de M. A...tendant à la reconnaissance de la qualité de réfugié et, enfin, que celui-ci a sollicité et obtenu, le 11 juin 2010, la délivrance d'un passeport guinéen auprès des autorités consulaires de son pays ;

4. Considérant toutefois que, alors que le préfet de police ne produit aucun commencement de justification au soutien de ses allégations selon lesquelles les circonstances auraient changé, M. A...produit pour sa part un jugement du 9 février 2009 le condamnant pour des délits à caractère politique et décernant un mandat d'arrêt contre lui, divers documents faisant état du climat d'insécurité général en Guinée et de la persistance, dans des fonctions d'autorité, de personnalités représentant des mouvements susceptibles de commettre des exactions à son encontre, ainsi qu'un certificat médical du 8 février 2010, attestant la persistance des graves séquelles psychologiques dont il souffre à la suite des actes de torture commis à son encontre ;

5. Considérant en outre que la circonstance que la Cour nationale du droit d'asile ait, postérieurement au jugement du Tribunal administratif de Paris du 22 avril 2010, rejeté la demande d'asile formée par M. A...est sans incidence sur l'appréciation du juge de l'excès de pouvoir de la réalité des risques encourus par l'intéressé ; qu'au demeurant, alors que M. A...s'était auparavant déjà vu débouter de demandes tendant à la qualité de réfugié, la Cour nationale du droit d'asile s'est fondée sur l'inexistence de faits nouveaux par rapport à sa précédente décision ;

6. Considérant qu'il ressort par ailleurs des pièces du dossier et, en particulier, d'un jugement du Tribunal administratif de Paris du 18 novembre 2010, que M. A...s'est vu refuser par la préfecture de police, à plusieurs reprises, la possibilité même de demander un titre de séjour, au motif qu'il était dépourvu de passeport ; qu'ainsi, la demande et l'obtention par l'intéressé d'un passeport, auprès des autorités consulaires de son pays, ne saurait être regardée comme révélant le fait que celui-ci se serait volontairement placé sous la protection diplomatique de son pays ni, par voie de conséquence et en tout état de cause, révéler l'absence de persistance des risques encourus ;

7. Considérant dans ces conditions, en l'absence de circonstances de droit ou de fait nouvelles, que l'autorité absolue de la chose jugée par le Tribunal administratif de Paris le 22 avril 2010 faisait obstacle à ce que le préfet décide à nouveau d'éloigner M. A...vers la Guinée ; que c'est par suite à bon droit que les premiers juges ont considéré que, en tant qu'elles désignaient le pays dont M. A...a la nationalité, les décisions, contenues dans les arrêtés des 30 septembre 2010 et 6 avril 2011 fixant le pays à destination duquel M. A...sera renvoyé, étaient entachées d'erreur de droit ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de police n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé ses décisions fixant le pays dont M. A...a la nationalité comme pays à destination duquel l'intéressé sera renvoyé ;

Sur l'appel incident de M.A... :

9. Considérant que si M. A...soutient qu'il réside en France depuis l'année 2002 et qu'il est bien intégré, les seuls documents qu'il produit, à savoir des comptes rendus médicaux établis en 2004, 2006 et 2010, ainsi que les pièces des différentes procédures menées par l'intéressé devant l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et devant les juridictions de l'ordre administratif, ne suffisent pas à démontrer, ni le caractère habituel de sa présence sur le territoire depuis le temps qu'il allègue, ni son intégration dans la société française ; qu'il ressort en outre des pièces du dossier que l'épouse de l'intéressé ainsi que ses quatre enfants résident toujours dans son pays d'origine ; que, dès lors, M. A...n'est pas fondé à soutenir que les décisions de refus de séjour et d'obligation de quitter le territoire français contenues dans les arrêtés attaqués aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux objectifs poursuivis ; qu'ainsi, ces décisions n'ont pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes motifs, ces décisions ne sont pas entachées d'erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur la situation personnelle et familiale de l'intéressé ;

10. Considérant, de plus, que les risques encourus par M. A...en cas de retour dans son pays d'origine sont sans incidence sur ces mêmes décisions, qui n'ont ni pour objet, ni pour effet, de fixer le pays à destination duquel il sera éloigné ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté le surplus de ses demandes ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

12. Considérant que le présent arrêt, qui rejette la requête du préfet de police et l'appel incident formé par M.A..., n'appelle aucune autre mesure d'exécution que celles déjà prononcées par le Tribunal administratif de Paris ; que, dans ces circonstances, les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées par M. A...sur le fondement des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État, au profit de Me Lagrue, avocat de M.A..., la somme de 1 500 euros en application de ces dispositions, sous réserve que Me Lagrue renonce à la part contributive de l'État ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête du préfet de police et les conclusions d'appel incident présentées par M. A... sont rejetées.

Article 2 : L'État versera à Me Lagrue la somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que l'intéressée renonce à la somme correspondant à la part contributive de l'État.

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N° 12PA00056


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 12PA00056
Date de la décision : 12/03/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: M. Timothée PARIS
Rapporteur public ?: M. OUARDES
Avocat(s) : LAGRUE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2013-03-12;12pa00056 ?
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