Vu la requête, enregistrée le 24 janvier 2012, présentée pour la SARL Bee Fly, dont le siège est au 118/130 avenue Jean Jaurès à Paris Cedex 19 (75169), par Me Moinet ; la SARL Bee Fly demande à la Cour :
1°) de réformer le jugement n° 1002798/2-3 du 24 novembre 2011 en tant que, par celui-ci, le Tribunal administratif de Paris a rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2003 et 2004 ainsi que des pénalités correspondantes ;
2°) de prononcer la décharge des impositions et des pénalités restant en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 janvier 2013 :
- le rapport de M. Paris, rapporteur,
- et les conclusions de M. Ouardes, rapporteur public ;
1. Considérant que la SARL Bee Fly, qui exerce une activité de commercialisation de chaussures, a fait l'objet, du 22 mai au 27 septembre 2006, d'une vérification de sa comptabilité portant sur les exercices clos les 31 décembre 2003 et 31 décembre 2004 ; que par une proposition de rectification du 27 octobre 2006, l'administration fiscale l'a informée, notamment, des rectifications envisagées de son résultat imposable à l'impôt sur les sociétés au titre de ces mêmes exercices ; qu'à l'issue de la procédure contradictoire, après saisine du supérieur hiérarchique et avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelle à cet impôt, ainsi que les pénalités correspondantes, ont été mises en recouvrement le 7 août 2008 ; qu'à la suite de la décision du 18 décembre 2009 rejetant la seconde réclamation préalable qu'elle avait formée le 19 juin 2009, la SARL Bee Fly a saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à la décharge de ces impositions et de ces pénalités ; que par un jugement du 24 novembre 2011, le tribunal a, d'une part, donné acte à la SARL Bee Fly du désistement partiel des conclusions de sa requête et a, d'autre part, rejeté le surplus de la demande ; que la SARL Bee Fly relève appel de ce jugement en tant que, par celui-ci, le tribunal a rejeté le surplus de sa demande ;
Sur le bien fondé des impositions en litige :
En ce qui concerne les provisions pour créances douteuses :
2. Considérant que l'administration fiscale a rapporté au résultat imposable de la SARL Bee Fly des sommes de 188 970 euros au titre de l'exercice clos en 2003 et de 63 114 euros au titre de l'exercice clos en 2004, correspondant à des provisions initialement déduites du bénéfice imposable à raison du caractère douteux de créances détenues par la société sur des tiers ; que la SARL Bee Fly fait valoir que, contrairement à ce qu'a estimé le service, les pièces qu'elle produit justifient de manière suffisante du caractère probable, à la clôture des exercices considérés, du non recouvrement des créances dont le montant a été inscrit en provision ;
3. Considérant qu'aux termes du I de l'article 39 du code général des impôts : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, (...) notamment (...) 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice " ;
4. Considérant que la SARL Bee Fly fait valoir qu'elle tient un dossier pour chaque client sur lequel elle détient des créances dont le montant a été inscrit en provision et que des lettres de relance ont été adressées à ces clients ; qu'elle produit, devant le juge de l'impôt, un tableau retraçant le montant de ces créances ; que, toutefois, la circonstance qui ressort de ce tableau, que les créances y figurant n'aient toujours pas été acquittées à la date du 21 juillet 2010, à supposer d'ailleurs que ce tableau permette à lui seul de l'établir, ne suffit pas à justifier du caractère probable, à la date de clôture des exercices 2003 et 2004, du risque de non recouvrement ; qu'en outre, alors que l'administration fiscale a admis, à la suite de l'entrevue avec le supérieur hiérarchique, le caractère déductible d'un certain nombre de provisions pour créances douteuses constituées par le contribuable et, en particulier, le caractère déductible des provisions pour l'ensemble des créances de faible montant qui n'avaient pas été recouvrées avant l'exercice clos en 2003, la société n'apporte aucune autre précision, ni ne produit aucun autre élément, tel par exemple que des courriers de relance ou des éléments sur le caractère notoirement difficile de la situation de ses débiteurs, pour justifier que des événements en cours à la clôture de ces exercices rendaient probables le risque de non recouvrement de ces créances ; que, dans ces circonstances, c'est à bon droit que l'administration fiscale a rapporté au résultat imposable de la SARL Bee Fly le montant des provisions en litige ;
En ce qui concerne les charges engagées pour la mise en place d'une structure de production de chaussures :
5. Considérant qu'à l'issue des informations recueillies au cours des opérations de contrôle, l'administration fiscale a constaté que des sommes de 79 764 euros au titre de l'exercice clos en 2003 et de 164 372 euros au titre de l'exercice clos en 2004, comptabilisées par le débit du compte de la classe 6 " voyages et déplacements " et le crédit des comptes de la classe 4 ouverts aux noms de chacun des trois associés dans la comptabilité de la SARL Bee Fly, correspondaient non à des déplacements des associés mais à des rémunérations et à des frais divers engagés par un tiers, M. Amri Abdellah, en vertu d'un contrat signé le 15 janvier 2003 entre la société et l'intéressé, confiant à celui-ci la réalisation de diverses missions dans le cadre d'un projet de création d'une unité de fabrication de chaussures au Maroc ; que le service, estimant, d'une part, que la SARL Bee Fly ne justifiait pas de la correction de l'inscription en comptabilité de ces charges et, d'autre part, que celles-ci ne pouvaient être regardées comme ayant été engagées dans l'intérêt de l'entreprise, les a rapportées au résultat imposable de la société ;
6. Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) " ; qu'il appartient au contribuable, pour l'application de ces dispositions, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité ; que le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée ; que dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive ;
7. Considérant ainsi que le fait valoir en défense le ministre de l'économie et des finances et que le reconnaît la SARL Bee Fly, que les charges en litige n'ont pas été inscrites, dans la comptabilité de la société, comme contrepartie de créances détenues par M. Amri sur la société, mais ainsi qu'il a été dit ci-dessus au crédit des comptes courants ouverts au nom des trois associés dans la comptabilité de la société, en contrepartie du débit d'un compte de la classe 6 sous un libellé " voyages et déplacement " ; que pour rapporter la preuve qui lui incombe de la correction de l'inscription en comptabilité de ces dettes envers ses associés, la SARL Bee Fly se prévaut des stipulations du contrat conclu avec M. Amri le 15 janvier 2003 et de l'avenant à ce contrat signé le 27 février 2004, dont il ressort que les rémunérations et frais dus à M. Amri seraient payés indifféremment par la société ou par ses associés, ceux-ci étant caution solidaire du règlement des charges correspondantes ; que, toutefois, contrairement à ce que soutient la SARL Bee Fly, il ne résulte, ni de ces stipulations qui se bornent à prévoir une responsabilité solidaire, ni d'aucun autre élément au dossier, que l'inscription des charges engagées pour la mission de M. Amri au crédit d'un compte ouvert au nom des associés, au demeurant selon un libellé n'identifiant pas la nature des charges en cause, aurait eu pour effet de libérer la société de la dette qu'elle pouvait avoir contractée envers l'intéressé ; que, alors d'ailleurs que le courrier d'un avocat marocain en date du 1er mars 2010, produit par la SARL Bee Fly, révèle que les sommes dues à M. Amri, à tout le moins pour une partie d'entre elles, n'ont pas été acquittées, la société n'établit pas que les associés se seraient effectivement substitués à elle pour le versement à l'intéressé du montant des rémunérations et des frais qui lui auraient été dus ; que, dans ces circonstances, la société requérante n'établit pas que les créances détenues sur elle par M. Amri auraient été transférées aux associés, ni, par voie de conséquence, l'existence d'une contrepartie à l'inscription en comptabilité, au profit des associés, des sommes en litige ;
8. Considérant, par ailleurs, que si la SARL Bee Fly soutient que la comptabilisation des frais dont elle était redevable à M. Amri au crédit des comptes courants d'associés serait le fruit d'une erreur comptable commise de bonne foi, qui serait la conséquence d'une interprétation erronée des stipulations du contrat du 15 janvier 2003 ainsi que de son avenant, et de la volonté de ne pas grever la trésorerie sociale, il résulte directement des arguments qu'elle fait ainsi valoir que cette erreur comptable avait un caractère délibéré ; qu'elle est, ce faisant, opposable au contribuable, quelle qu'ait été l'incidence de cette comptabilisation erronée sur la détermination du bénéfice imposable ;
9. Considérant, ainsi, que c'est à bon droit que l'administration fiscale a rapporté les charges en litige au bénéfice imposable de la SARL Bee Fly ;
Sur le bien-fondé des pénalités en litige :
10. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'État entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré " ;
11. Considérant que pour assigner à la SARL Bee Fly la pénalité de 40 % prévue par ces dispositions à raison des rectifications relatives aux charges engagées pour la construction d'une unité de production au Maroc, l'administration fiscale s'est fondée sur le fait que la société ne fournissait aucun élément précis et probant de nature à justifier de la réalité des prestations réalisées par M. Amri, sur ce que le mode de comptabilisation des frais n'apparaissait pas sous un libellé clair et précis en comptabilité et sur ce que la société se serait ainsi indûment endettée envers ses associés ;
12. Considérant, toutefois, que la SARL Bee Fly produit des procès-verbaux d'assemblée générale des 3 janvier 2003, 12 février 2004 et 30 juin 2004, qui font explicitement état de la volonté de la société d'implanter une unité de production au Maroc ; qu'elle produit également le contrat conclu le 15 janvier 2003 avec un intermédiaire marocain, M. Amri, qui détaille les missions assignées à celui-ci en vue de la création de cette unité de production, ainsi que la rémunération prévue pour ces missions et prévoit le principe du remboursement des frais de l'intéressé dans la limite de 10% du budget global de la mission ; que ces documents sont en outre accompagnés de plusieurs factures, libellées au nom de " M. Amri - Bee Fly ", établies par des avocats en 2003 et 2004, attestant la réalisation de consultations juridiques, en lien notamment avec la signature du contrat, mais aussi d'éléments montrant que M. Amri a reçu une formation de technicien d'encadrement en Italie et a eu recours à des services d'une société italienne pour une assistance technique pour l'ouverture d'une usine de chaussures ; que d'autres éléments produits par la SARL Bee Fly font également état de l'engagement par M. Amri de frais pour la réalisation d'études d'architectes en vue de la construction d'une usine, dont les plans sont fournis, ainsi que de prospections réalisées auprès des autorités marocaines pour l'obtention d'un terrain en vue de la construction d'une usine et de l'obtention de devis établis dans la perspective de l'acquisition de machines-outils devant servir à la production de chaussures ; que, sans qu'y fasse obstacle la circonstance, invoquée par le ministre de l'économie et des finances, que les prestations réalisées par M. Amri n'aient pas donné lieu à facturation, ces éléments constituent un faisceau d'indices suffisant permettant de considérer que les prestations prévues par le contrat ont bien été réalisées, nonobstant la circonstance que le projet de construction envisagé n'ait pas abouti ;
13. Considérant, en outre, le ministre de l'économie et des finances ne conteste pas, dans le dernier état de ses écritures, que l'enregistrement de ces charges au crédit du compte courant des associés résultait d'une erreur comptable qui pouvait être due, tant à une interprétation erronée du contrat conclu entre la société, les associés et M. Amri, qu'à la volonté des associés de ne pas obérer la trésorerie sociale ; que si, ainsi qu'il a été dit, cette erreur comptable procédait, de ce fait, d'une démarche intentionnelle et est dès lors, par voie de conséquence, opposable au contribuable, elle n'est en revanche pas de nature à révéler une intention délibérée, de la part des contribuables, d'éluder l'impôt ;
14. Considérant par suite, dans ces circonstances, que l'administration fiscale ne rapporte pas la preuve du bien-fondé de la pénalité litigieuse ;
15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL Bee Fly est seulement fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de la pénalité pour manquement délibéré qui lui a été assignée à raison des rectifications résultant des charges engagées pour la construction d'une usine de production de chaussures ; que, l'État n'étant pas dans la présente instance la partie perdante au principal, les conclusions présentées par la SARL Bee Fly tendant à l'application de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
D É C I D E :
Article 1er : La SARL Bee Fly est déchargée de la pénalité de 40% prévue à l'article 1729 du code général des impôts qui lui a été assignée au titre des exercices clos en 2003 et 2004 à raison des rectifications résultant des charges engagées pour la construction d'une usine de production de chaussures.
Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 1002798/2-3 en date du 24 novembre 2011 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la SARL Bee Fly est rejeté.
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N° 12PA00447