Vu la requête, enregistrée le 12 juillet 2011, présentée pour la SARL Le Bistrot Lorrain, dont le siège est 17 place du 8 mai 1945 à Paris (10ème), par Me Misslin ; la SARL Le Bistrot Lorrain demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0814818/1-3 du 13 mai 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2002 et 2003 ainsi que du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2003 ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions ;
3°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761- 1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 décembre 2012 :
- le rapport de Mme Petit, rapporteur,
- et les conclusions de M. Ouardes, rapporteur public ;
1. Considérant que la société Le Bistrot lorrain, qui exploite un " restaurant-pizzeria ", a fait en 2005 l'objet d'une vérification de comptabilité portant, en matière d'impôt sur les sociétés sur les exercices clos en 2002 et 2003 et en matière de taxe sur la valeur ajoutée, sur la période correspondant aux années 2002 et 2003 ; que le vérificateur a estimé que la comptabilité n'était pas probante et a procédé à une reconstitution du chiffre d'affaires ; qu'il a également réintégré au résultat imposable de l'exercice clos en 2003 une dépense qui avait été comptabilisée parmi les charges de cet exercice ; que les redressements ont été notifiés à la société selon la procédure de taxation d'office prévue aux 2° et 3° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales en ce qui concerne, d'une part, l'impôt sur les sociétés dû au titre de l'exercice clos en 2002 et d'autre part, la taxe sur la valeur ajoutée afférente à plusieurs mois de la période correspondant aux années 2002 et 2003 ; qu'ils ont été notifiés en revanche selon la procédure contradictoire en ce qui concerne l'impôt sur les sociétés dû au titre de l'exercice clos en 2003 et les autres mois des années 2002 et 2003 en matière de taxe sur la valeur ajoutée ; que par un jugement du 13 mai 2011, le Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de la société Le Bistrot lorrain tendant à la décharge de ces impositions ; que la requérante fait appel de ce jugement ;
Sur les impositions établies selon la procédure contradictoire :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable : " Sous peine de nullité de l'imposition, la vérification sur place des livres ou documents comptables ne peut s'étendre sur une durée supérieure à trois mois en ce qui concerne : 1° Les entreprises industrielles et commerciales ou les contribuables se livrant à une activité non commerciale dont le chiffre d'affaires ou le montant annuel des recettes brutes n'excède pas les limites prévues au I de l'article 302 septies A du code général des impôts " ;
3. Considérant que la société requérante soutient que ces dispositions ont été méconnues par le vérificateur ; que, toutefois, ce moyen est inopérant en ce qui concerne l'impôt sur les sociétés dû au titre de l'exercice clos en 2002, dès lors que la requérante se trouvait, en ce qui concerne cette imposition, en situation de taxation d'office et que cette situation de taxation d'office n'a pas été révélée par la vérification de comptabilité, ainsi que pour les compléments de taxe sur la valeur ajoutée issus de redressements notifiés selon la procédure de taxation d'office ; qu'il est en revanche opérant en ce qui concerne l'impôt sur les sociétés afférent à l'exercice clos en 2003 et les autres compléments de taxe sur la valeur ajoutée ;
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la première intervention du vérificateur sur place ayant eu lieu le 17 mars 2005, la durée de trois mois prévue par les dispositions de l'article L. 52 précité du livre des procédures fiscales, dont il est constant qu'elles étaient applicables au litige, expirait le 17 juin 2005 ; que la dernière intervention sur place du vérificateur a eu lieu le 16 juin 2005, sous la forme d'une " réunion de synthèse ; que lors de cette réunion de synthèse, le vérificateur a remis à la société requérante une liste de documents et de justificatifs à produire, notamment des factures d'achat de marchandises ; que certains de ces document ont été fournis par la société le 4 août suivant ; qu'une nouvelle " réunion de synthèse " s'est tenue le 31 août 2005 ; que la proposition de rectification a été adressée à la société Le Bistrot lorrain le 12 septembre 2005 ;
5. Considérant que si une partie des pièces justificatives sollicitées le 16 juin 2005 avait déjà été demandée par le vérificateur antérieurement, il résulte de l'instruction que cette première demande avait été faite le 13 juin 2005 ; que cette demande a ainsi été formulée à une date telle que les documents en cause ne pouvaient être examinés que plus de trois mois après le début des opérations de vérification ; que, dans ces conditions, la vérification de comptabilité est irrégulière au regard des dispositions de l'article L 52 du livre des procédures fiscales ; que tous les redressement notifiés le 12 septembre 2005, selon la procédure contradictoire, sont, par suite, irréguliers, y compris ceux relatifs à l'exercice 2003, les données obtenues par le vérificateur ayant nécessairement, même si elles concernaient l'exercice 2002, été utilisées, au moins par extrapolation, pour la reconstitution du chiffre d'affaires de l'exercice 2003 ; que, par suite, la société requérante est fondée à demander la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2003 ainsi que des complément de taxe sur la valeur ajoutée issus des redressements notifiés selon la procédure contradictoire, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens relatifs à ces impositions ;
Sur les impositions résultant d'une taxation d'office :
6. Considérant que pour écarter la comptabilité comme non probante, le vérificateur a relevé, en premier lieu, l'absence de bandes de caisse enregistreuse pour la période comprise entre janvier et octobre 2002 ; que, toutefois, la société requérante produit devant la Cour la totalité de ces bandes de caisse et fait valoir, sans être sérieusement contestée, que celles-ci avaient été conservées par l'ancien gérant, qui avait exploité l'établissement jusqu'en octobre 2002 ; que ces bandes de caisse ne présentent pas d'anomalies significatives ; que, par ailleurs, si le vérificateur a constaté des discordances entre le montant des recettes enregistrées au grand livre et celui apparaissant sur les bandes de caisse enregistreuse, ces discordances ne concernent que les mois de novembre et décembre 2002, qui correspondent au début de la nouvelle gérance de l'établissement, et se sont traduites par un montant déclaré supérieur à celui résultant des bandes de caisse enregistreuse ; que l'absence d'inventaire des stocks à l'ouverture de l'exercice 2002, les anomalies relevées par le vérificateur en ce qui concerne les dates de certaines bandes de caisse, les imprécisions dans la désignation de certaines recettes, notamment celles provenant des ventes à emporter, ainsi que les imprécisions dans les inventaires des stocks ne présentent pas, dans les circonstances de l'espèce, un caractère de gravité suffisant pour justifier le rejet de la comptabilité ;
7. Considérant que, dans ces conditions, le surplus des impositions en litige étant fondé sur la seule reconstitution des recettes de la société requérante, celle-ci doit être regardée comme apportant, par sa comptabilité, la preuve de l'exagération des bases imposables retenues par l'administration ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société requérante est fondée à demander la décharge de la totalité des impositions en litige ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le versement à la société requérante de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D É C I D E :
Article 1er : La société Le Bistrot Lorrain est déchargée des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2002 et 2003 ainsi que du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2003.
Article 2 : Le jugement n° 0814818/1-3 du 13 mai 2011 du Tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 3 : L'État versera à la société Le Bistrot Lorrain la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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N° 11PA03166