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05/11/2007 | FRANCE | N°07PA00256

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre - formation b, 05 novembre 2007, 07PA00256


Vu la requête, enregistrée le 19 janvier 2007, présentée pour la société BOUCHERIE DU MARCHE, dont le siège est 51 rue du Commandant Berge à Meaux (77100), par Me Merten-Lentz ; la société BOUCHERIE DU MARCHE demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 05-0534/1 en date du 7 novembre 2006 par laquelle le président du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à la restitution de la taxe sur les achats de viande à laquelle elle a été assujettie au titre des années 2001 à 2003 pour un montant de 46 456 euros ;

2°) de prononcer la restit

ution des droits de taxe sur les achats de viande qu'elle a acquittés au titre de...

Vu la requête, enregistrée le 19 janvier 2007, présentée pour la société BOUCHERIE DU MARCHE, dont le siège est 51 rue du Commandant Berge à Meaux (77100), par Me Merten-Lentz ; la société BOUCHERIE DU MARCHE demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 05-0534/1 en date du 7 novembre 2006 par laquelle le président du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à la restitution de la taxe sur les achats de viande à laquelle elle a été assujettie au titre des années 2001 à 2003 pour un montant de 46 456 euros ;

2°) de prononcer la restitution des droits de taxe sur les achats de viande qu'elle a acquittés au titre des années 2001 à 2003 assortis des intérêts moratoires ;

3°) de saisir la Cour de justice des communautés européennes d'une question préjudicielle portant sur l'interprétation de l'article 87 du traité instituant la communauté européenne au regard du dispositif mis en place à compter du 1er janvier 2001 ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

……………………………………………………………………………………………………..

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le traité instituant la communauté européenne ;

Vu la sixième directive 77/388/CEE du conseil des communautés européennes du 17 mai 1977 ;

Vu la loi n° 2000-1353 du 30 décembre 2000, notamment son article 35 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 octobre 2007 :

- le rapport de M. Pailleret, rapporteur,

- et les conclusions de M. Adrot, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la société BOUCHERIE DU MARCHE a demandé la restitution de la taxe sur les achats de viande instituée par les dispositions de l'article 302 bis ZD du code général des impôts, dans sa rédaction issue de l'article 35 de la loi de finances rectificative pour 2000, qu'elle a acquittée au titre des années 2001 à 2003, au motif que cette aide constituait une aide d'Etat entrant dans le champ d'application de l'article 87 du traité instituant la communauté européenne dont le dispositif n'avait pas été notifié préalablement à la commission européenne conformément aux stipulations de l'article 88-3 du même traité ; que la société relève appel de l'ordonnance en date du 7 novembre 2006, par laquelle le président du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande en application des dispositions de l'article R. 222-1-6 du code de justice administrative ;

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

Considérant en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 222 ;1 du code de justice administrative : « Les présidents de tribunal administratif (…) et les présidents de formation de jugement des tribunaux (…) peuvent, par ordonnance : (…) 6° Statuer sur les requêtes relevant d'une série, qui présentent à juger en droit et en fait, pour la juridiction saisie, des questions identiques à celles qu'elle a déjà tranchées ensemble par une même décision passée en force de chose jugée (…) » ; et qu'aux termes de l'article R. 611-7, 2ème alinéa du même code : « Les dispositions du présent article ne sont pas applicables lorsqu'il est fait application des dispositions des articles R. 122-12, R. 222-1 (…) » ;

Considérant que ces dispositions permettent au juge de statuer par ordonnance, sans avoir à faire application, ni des dispositions de l'article L. 5 du code de justice administrative prévoyant une instruction contradictoire, ni de celles de l'article R. 611-7 prévoyant d'informer les parties en cas de moyen relevé d'office, sur les requêtes relevant d'une série, dès lors que ces contestations ne présentent à juger que des questions qu'il a déjà tranchées par une décision passée en force de chose jugée et que les données de fait susceptibles de varier d'une affaire à l'autre sont sans incidence sur le sens de la solution à donner aux litiges ; que le président du Tribunal administratif de Melun a fait usage à bon droit des pouvoirs qu'il tient du 6° de l'article R. 222 ;1 du code de justice administrative dès lors que la demande dont l'avait saisi la société BOUCHERIE DU MARCHE relevait d'une série qui n'appelait pas de nouvelle appréciation ou qualification de faits et présentait à juger en droit des questions identiques à celles déjà tranchées par sa juridiction dans un précédent jugement, en date du 6 avril 2006, passé en force de chose jugée ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article R. 711-2 du code de justice administrative : Toute partie est avertie, (…), du jour où l'affaire sera appelée à l'audience. ; qu'aux termes de l'article R. 742-6 du même code : Les ordonnances ne sont pas prononcées en audience publique. ; que, dès lors, la société BOUCHERIE DU MARCHE n'est pas fondée à soutenir qu'elle aurait du être convoquée à l'audience ;

Au fond :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 87 du traité instituant la communauté européenne : « 1. Sauf dérogations prévues par le présent traité, sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre Etats membres, les aides accordées par les Etats au moyen de ressources d'Etat sous quelque forme que ce soit, qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions (...) » ; qu'aux termes de l'article 88 du même traité : « 1. La commission procède avec les Etats membres à l'examen permanent des régimes d'aides existant dans ces Etats (...) 2. Si (...) la commission constate qu'une aide accordée par un Etat ou au moyen de ressources d'Etat, n'est pas compatible avec le marché commun, (...) elle décide que l'Etat intéressé doit la supprimer ou la modifier dans le délai qu'elle détermine (...) 3. La commission est informée en temps utiles pour présenter ses observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des aides. Si elle estime qu'un projet n'est pas compatible avec le marché commun, (...) elle ouvre sans délai la procédure prévue au paragraphe précédent. L'Etat membre ne peut mettre à exécution les mesures projetées avant que cette procédure ait abouti à une décision finale » ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions que, s'il ressortit à la compétence exclusive de la commission de décider, sous le contrôle de la Cour de justice des communautés européennes, si une aide de la nature de celles visées par l'article 87 du traité est ou non, compte tenu des dérogations prévues par ledit traité, compatible avec le marché commun, il incombe, en revanche, aux juridictions nationales de sanctionner, le cas échéant, l'invalidité de dispositions de droit national qui auraient institué ou modifié une telle aide en méconnaissance de l'obligation, qu'impose aux Etats membres la dernière phrase du 3, paragraphe précité, de l'article 88 du traité, d'en notifier à la commission, préalablement à toute mise à exécution, le projet ; que l'exercice de ce contrôle implique, notamment, de rechercher si les dispositions dont l'application est contestée concourent à l'attribution d'aides qui, ainsi qu'il est énoncé au paragraphe 1, précité, de l'article 87 du traité, « affectent les échanges entre Etats membres » ;

Considérant que l'article 1er de la loi du 26 décembre 1996, codifié à l'article 302 bis ZD du code général des impôts, a institué à compter du 1er janvier 1997, une taxe sur les achats de viande due par les personnes qui réalisent des ventes au détail de viandes dont le produit était affecté à un fonds ayant pour objet de financer le service de collecte et d'élimination des cadavres d'animaux et des saisies d'abattoirs reconnus impropres à la consommation humaine et animale, c'est-à-dire les activités définies comme mission de service public par l'article 264 du code rural, ledit fonds étant géré par le centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles (CNASEA) ; que l'article 35 de la loi du 30 décembre 2000 portant loi de finances rectificative pour 2000, dont les dispositions sont entrées en vigueur le 1er janvier 2001, a, au I., étendu le champ d'application de cette taxe aux achats d'autres produits à base de viandes, modifié le seuil d'imposition pour le porter à 5 000 000 F au lieu de 2 500 000 F et relevé les taux d'imposition et, au II., clairement supprimé, à compter du 1er janvier 2001, l'affectation au CNASEA du produit de cette taxe lequel a été affecté par la loi de finances pour 2001 au budget général de l'Etat ; qu'il résulte clairement du texte même de ces dispositions, et sans qu'il soit besoin de se référer aux travaux parlementaires dont elles sont issues et eu égard au principe d'universalité budgétaire, que, depuis le 1er janvier 2001, il n'existe aucun lien d'affectation contraignant entre la taxe sur les achats de viande dont le produit n'est pas affecté à une catégorie particulière de dépenses, mais au budget général de l'Etat, et le service public de l'équarrissage dont le financement est assuré par une dotation budgétaire versée à ce dernier à cette fin ; que, dès lors, ainsi que l'a jugé la Cour de justice des communautés européennes dans son arrêt du 27 [C-S1]octobre 2005 aff. 266/04 Distribution Casino France SAS et autres, cette nouvelle taxe ne peut-être regardée comme faisant partie intégrante d'une mesure d'aide et son dispositif n'avait donc pas à être préalablement notifié à la commission européenne ; que, par suite, à supposer même que, comme le soutient la requérante, la dépense budgétaire puisse être qualifiée d'aide de l'Etat, la société BOUCHERIE DU MARCHE ne peut invoquer, au soutien de sa demande en décharge de l'imposition litigieuse, une prétendue méconnaissance par les autorités nationales, à l'occasion de la promulgation de l'article 35 de la loi du 30 décembre 2000, des obligations que leur imposent la première et la dernière phrase du paragraphe 3 de l'article 93 du traité instituant la communauté européenne, devenu l'article 88 du même traité ;

Considérant, en second lieu, que si le principe du pollueur-payeur inscrit à l'article 174 paragraphe 2 du traité instituant la communauté européenne est selon la jurisprudence de la Cour de justice des communautés européennes un critère permettant d'apprécier l'existence d'une aide d'Etat au sens de l'article 87 du traité instituant la communauté européenne, ce critère ne peut, en tout état de cause, être utilement invoqué par la société requérante dès lors que, comme il a été dit ci-avant, il n'existe aucun lien d'affectation contraignant entre la taxe instituée à l'article 35 de la loi de finances rectificative pour 2000 et les mesures d'aide éventuellement accordées par l'Etat au titre du service public de l'équarrissage ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'article 302 bis ZD du code général des impôts dans sa rédaction issue dudit article 35 imputerait aux entreprises qui réalisent des ventes au détail de viandes le financement du coût du service public de l'équarrissage qui ne lui incomberait pas, ne peut qu'être écarté ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de faire droit à ses conclusions tendant à ce que la Cour de justice des communautés européennes soit saisie d'une question préjudicielle, que la société BOUCHERIE DU MARCHE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le président du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à la restitution de la taxe sur les achats de viande qu'elle a acquittée au titre des années 2001 à 2003 ; que sa demande tendant au paiement d'intérêts moratoires doit, par conséquent, être rejetée ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation » ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à la société BOUCHERIE DU MARCHE la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés par celle-ci et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société BOUCHERIE DU MARCHE est rejetée.

[C-S1] suite troïka

2

N° 07PA00256


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre - formation b
Numéro d'arrêt : 07PA00256
Date de la décision : 05/11/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Prés SOUMET
Rapporteur ?: M. Bruno PAILLERET
Rapporteur public ?: M. ADROT
Avocat(s) : MERTEN LENTZ

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2007-11-05;07pa00256 ?
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