Vu la requête, enregistrée le 16 juillet 2004, présentée pour la SOCIETE ENEL SPA, société de droit italien dont le siège est 137, viale Margherita à Rome (Italie) demeurant au cabinet de Me Nicollela ; la SOCIETE ENEL SPA demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0116623/6 du 27 avril 2004 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la ville de Paris à lui verser la somme de 658 781 euros en réparation des préjudices subis du fait de son éviction de différents appels d'offres lancés pour l'illumination des ponts de Paris ;
2°) de condamner la ville de Paris à lui verser une somme totale de 506 332 euros en réparation des préjudices subis au titre du manque à gagner, du remboursement du montant des frais de soumission engagés pour répondre à l'appel d'offres, de l'atteinte à son image de marque et de la perte de chance de pénétrer le marché français ;
3°) à titre subsidiaire, de surseoir à statuer jusqu'à ce que la cour de justice des communautés européennes se soit prononcée sur la question préjudicielle de savoir si les articles 49 CE et suivants du Traité relatifs à la libre prestation des services et l'article 28 de la directive n° 93/37/CE doivent être interprétés en ce sens que, en l'absence de la certification d'une traduction d'un document de l'administration nationale concernant le respect des obligations sociales et en présence d'une attestation sur l'honneur établie par le responsable de l'entreprise, couvrant le respect de ces mêmes obligations, le fait du pouvoir adjudicateur de juger non valide l'offre de l'entreprise concernée sans avoir interpellé l'administration nationale compétente ayant édité le document et ou l'entreprise intéressée constitue une entrave à la libre circulation des services ;
4°) de condamner la ville de Paris à lui verser la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le traité de Rome instituant la Communauté économique européenne devenue la Communauté européenne ;
Vu la directive 93/37 CE du Conseil du 14 juin 1993 portant coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 avril 2007 :
- le rapport de M. Piot, rapporteur,
- les observations de Me Viegas substituant Me Nicollela pour la SOCIETE ENEL SPA,
- et les conclusions de M. Coiffet, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'en application des dispositions de l'article 52 du code des marchés publics, dans sa rédaction applicable en l'espèce, ne peuvent être admises à concourir à un appel d'offres, les personnes physiques ou morales qui, au 31 décembre de l'année précédant celle au cours de laquelle a eu lieu l'appel d'offres, n'ont pas souscrit les déclarations leur incombant en matière d'assiette d'impôts et de cotisations sociales ou n'ont pas effectué le paiement des impôts, taxes, majorations, pénalités ainsi que des cotisations sociales exigibles à cette date ; qu'aux termes de l'article 55 du même code : « Le candidat produit, pour justifier qu'il a satisfait aux obligations rappelées à l'article 52, un certificat délivré par les administrations et organismes compétents. (…) En ce qui concerne les impôts, taxes et cotisations sociales pour lesquels un certificat ne peut être délivré, le candidat fait, sous sa propre responsabilité, une déclaration sur l'honneur dûment datée et signée. Le candidat établi dans un Etat membre de l'Union européenne autre que la France doit produire un certificat établi par les administrations et organismes du pays d'origine. Pour les impôts, taxes et cotisations sociales pour lesquels il n'est pas délivré de certificat, il produit une attestation sur l'honneur, selon les mêmes modalités que celles qui sont prévues ci-dessus pour le candidat établi en France. (…) La candidature ou l'offre ne peut être prise en considération qu'à la condition formelle que les certificats, attestations ou déclarations prévus au présent article aient été produits au plus tard le jour de la date de remise des candidatures ou des offres et soient rédigés en langue française » ;
Considérant que la ville de Paris a, au cours de l'année 1999, lancé plusieurs appels d'offres en vue de l'illumination de seize ponts pour les festivités de l'an 2000 ; qu'en application des dispositions susmentionnées, la situation des candidats au regard de leurs obligations fiscales et sociales devait être appréciée au 31 décembre 1998 ; que la SOCIETE ENEL SPA, société de droit italien, a présenté sa candidature à différents appels d'offres ; qu'elle a, le 10 juin 1999, été écartée au motif que la déclaration sur l'honneur relative au paiement des impôts et cotisations sociales produite concernait l'année 1997 et non l'année 1998 ; que la SOCIETE ENEL SPA a, le 15 novembre 2001, demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner la ville de Paris à lui verser la somme de 658 781 euros en réparation des préjudices subis du fait de son éviction illégale de différents appels d'offres ; qu'à l'appui de sa candidature, la SOCIETE ENEL SPA avait produit plusieurs attestations de l'administration italienne se déclarant dans l'impossibilité de fournir les attestations fiscales demandées ; que la déclaration de candidature remise par ladite société comportait un paragraphe dans lequel cette dernière attestait sur l'honneur avoir satisfait à l'ensemble de ses obligations en matière de déclaration et de paiement des impôts et des cotisations sociales dans les conditions prévues aux articles 52 et 55 du code des marchés publics ; que cette déclaration concernait aussi l'année 1998 ; qu'en cours d'instance, la ville de Paris a demandé au tribunal de pratiquer une substitution de motifs en faisant valoir que l'attestation établie par l'Institut national de prévoyance sociale ( INPS ) concernant les cotisations sociales était rédigée en italien et que la traduction qui en avait été faite n'était pas conforme à la réglementation applicable ; que, pour ce motif, le Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande présentée par la SOCIETE ENEL SPA par un jugement en date du 27 avril 2004 dont elle fait appel ;
Considérant qu'après avoir affirmé que la déclaration de candidature remise par la SOCIETE ENEL SPA comportait un paragraphe dans lequel cette dernière attestait sur l'honneur avoir satisfait à l'ensemble des obligations en matière de déclaration et de paiement des impôts et des cotisations sociales dans les conditions prévues par les articles 52 et 55 du code des marchés publics et que ladite société était fondée à soutenir que le motif retenu par la ville de Paris pour écarter sa candidature était entaché d'une erreur de droit, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à être indemnisée du préjudice subi à raison de son éviction des appels d'offres au motif que l'attestation de l'INPS du 19 avril 1999 relative aux cotisations sociales était rédigée en italien et était accompagnée d'une traduction en langue française dont l'auteur était inconnu ; qu'ainsi, si les premiers juges étaient en droit, ainsi qu'ils l'ont fait, de pratiquer une substitution de motifs en cours d'instance, ils ont entaché leur jugement d'une contrariété de motifs dès lors qu'ils ont admis la recevabilité de l'attestation sur l'honneur produite, alors qu'au regard des dispositions précitées, elle ne pouvait être retenue qu'en cas d'impossibilité de la société requérante d'obtenir une attestation de l'organisme social ; que, par suite, la société requérante est fondée à demander l'annulation du jugement attaqué ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la SOCIETE ENEL SPA devant le Tribunal administratif de Paris ;
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que l'imprimé de déclaration de candidature utilisé par la SOCIETE ENEL SPA mentionnait que les différents certificats et attestations devaient être rédigés en langue française et précisait que l'acceptation des documents rédigés dans une autre langue était subordonnée à la condition qu'ils soient accompagnés d'une traduction en langue française dont l'exactitude devait être certifiée par un expert auprès des tribunaux et indiquent le nom et l'adresse du traducteur ; que l'attestation de l'INPS du 19 avril 1999 relative aux cotisations sociales était rédigée en italien et accompagnée d'une traduction en langue française dont l'auteur est inconnu ; qu'ainsi, et alors même qu'elle était rédigée sur papier à en tête dudit organisme et qu'elle avait été directement adressée par ledit organisme à la ville, cette attestation ne satisfaisait pas aux conditions requises ; que, dès lors, la commission d'appel d'offres, qui était tenue de vérifier le caractère probant des attestations qui lui étaient soumises, n'a pas méconnu les dispositions du dernier alinéa de l'article 55 du code des marchés publics en écartant pour ce motif la candidature de la SOCIETE ENEL SPA ; qu'ainsi, la décision critiquée n'est pas entachée d'erreur de droit ;
Considérant, en deuxième lieu, que, contrairement à ce que soutient la société requérante, le document litigieux ne pouvait pas être regardé comme une traduction certifiée exacte dès lors qu'il ne comportait ni le nom ni l'adresse d'un traducteur assermenté ; que la circonstance qu'il émane de l'INPS ne permet pas de le regarder pour autant comme émanant d'un traducteur assermenté ; qu'ainsi, la décision litigieuse n'est pas entachée d'erreur de fait ;
Considérant, en troisième lieu, que l'article 28 de la directive 93/37 CE du Conseil du 14 juin 1993 susvisé n'imposait pas à la commission d'appel d'offres de demander des précisions et des informations pour examiner le dossier de candidature de la SOCIETE ENEL SPA ; que ledit article est suffisamment clair ; que dès lors il n'y a pas lieu de saisir la Cour de justice des communautés européennes d'une question préjudicielle sur ce point ;
Considérant, en quatrième lieu, que s'agissant d'une irrégularité purement formelle, le vice dont était entachée la candidature emportait automatiquement et nécessairement le rejet de la candidature ; que, par suite, la commission d'appel d'offres n'a pas méconnu le principe communautaire de proportionnalité ;
Considérant, en cinquième lieu, que la ville de Paris soutient sans être contredite que la candidature d'une autre société dont le dossier était également entaché d'un vice de forme a été rejetée ; que, par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que le principe communautaire d'égalité aurait été méconnu ;
Considérant, enfin, que le fait d'exiger une traduction certifiée exacte par un expert ne constitue pas une discrimination au regard des stipulations de l'article 59 du traité instituant la Communauté économique européenne, devenu l'article 49 du traité instituant la Communauté européenne ; que cette exigence ne fait pas obstacle à la candidature d'une entreprise originaire d'un pays non francophone ; qu'elle est proportionnée au but poursuivi qui est de permettre à la personne responsable du marché de comprendre sans inexactitude le contenu des documents déposés par les candidats étrangers par rapport aux autres candidats ; qu'ainsi, et sans qu'il y a ait lieu davantage de saisir la Cour de justice des communautés européennes d'une question préjudicielle sur ce point, la commission d'appel d'offres n'a pas méconnu le principe communautaire de libre prestation de services ;
Considérant qu'en l'absence de toute illégalité fautive de la décision de la commission d'appel d'offres écartant la candidature de société requérante, la responsabilité de la ville de Paris ne peut être retenue ; qu'ainsi, la SOCIETE ENEL SPA n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que la ville de Paris a rejeté sa demande d'indemnisation ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la ville de Paris, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à verser à la SOCIETE ENEL SPA la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu en revanche dans les circonstances de l'espèce, par application des mêmes dispositions, de condamner la SOCIETE ENEL SPA à payer la somme de 1 500 euros à la ville de Paris au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement susvisé en date de 27 avril 2004 du Tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande présentée par la SOCIETE ENEL SPA devant le Tribunal administratif de Paris et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.
Article 3 : La SOCIETE ENEL SPA versera à ville de Paris une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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N° 04PA02524