Vu I°), sous le n°0500912, la requête, enregistrée le 7 mars 2005, présentée pour la société CENTRALE D'INVESTISSEMENTS, dont le siège est 41, avenue de l'Opéra à Paris (75002), par Me Streinchenberger ; la société CENTRALE D'INVESTISSEMENTS demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n°9711892 du 4 janvier 2005 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de retenue à la source qui lui ont été notifiés au titre des exercices 1990 et 1991 et des pénalités y afférentes ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées et des pénalités y afférentes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative ;
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Vu II°), sous le n°0501634, la requête, enregistrée le 20 avril 2005, présentée par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; Le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n°9711892 du 4 janvier 2005 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il a déchargé la société Centrale d'Investissements des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle avait été assujettie au titre des exercices clos en 1990 et 1991 ;
2°) de remettre à la charge de la société Centrale d'Investissements les cotisations d'impôt sur les sociétés à concurrence des montants dégrevés en première instance ;
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la convention franco-luxembourgeoise du 1er avril 1958 modifiée notamment par l'échange de lettres en date du 8 septembre 1970 ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 mars 2007 ;
- le rapport de Mme Isidoro, rapporteur,
- les observations de Me Gode, pour la Société Centrale d'Investissements,
- et les conclusions de M. Bataille, commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes n°0501634 présentée par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE et n°0500912 présentée par la société CENTRALE D'INVESTISSEMENTS sont relatives au même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
En ce qui concerne le bénéfice du « report en arrière » ; sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens :
Sur la recevabilité de la demande de « report en arrière » :
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 220 quinquies du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : « I. Par dérogation aux dispositions des troisième et quatrième alinéa du I de l'article 209, le déficit constaté au titre d'un exercice ouvert à compter du 1er janvier 1984 par une entreprise soumise à l'impôt sur les sociétés peut, sur option, être considéré comme une charge déductible du bénéfice de l'antépénultième exercice et, le cas échéant, de celui de l'avant-dernier exercice puis de celui de l'exercice précédent, dans la limite de la fraction non distribuée de ces bénéfices et à l'exclusion des bénéfices exonérés en application des articles 44 bis à 44 septies et 207 à 208 sexies ou qui ont ouvert droit au crédit d'impôt prévu aux articles 220 quater et 220 quater A ou qui ont donné lieu à un impôt payé au moyen d'avoirs fiscaux ou de crédits d'impôts. Cette option porte, pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 1985, sur les déficits reportables à la clôture d'un exercice en application des troisième et quatrième alinéas du I de l'article 209. / Le déficit imputé dans les conditions prévues au premier alinéa cesse d'être reportable sur les résultats des exercices suivant celui au titre duquel il a été constaté. (…) IV. Un décret fixe les conditions d'application du présent article, notamment les obligations déclaratives des entreprises ...» ; que le I. de l'article 46 quater-0 W de l'annexe III au code général des impôts, pris pour l'application de ces dispositions, précise que « l'entreprise qui exerce l'option prévue au premier alinéa du I. de l'article 220 quinquies du code général des impôts doit joindre à la déclaration de résultat de l'exercice au titre duquel cette option a été exercée, une déclaration conforme au modèle fixé par l'administration ... » ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales : « Les réclamations relatives aux impôts, contributions, droits et taxes, redevances, soultes et pénalités de toute nature, établis ou recouvrés par les agents de l'administration, relèvent de la juridiction contentieuse lorsqu'elles tendent à obtenir soit la réparation d'erreurs commises dans l'assiette ou le calcul des impositions, soit le bénéfice d'un droit résultant d'une disposition législative ou réglementaire. (…) » ; qu'aux termes de l'article R. * 190-1 du même livre : « Le contribuable qui désire contester tout ou partie d'un impôt qui le concerne doit d'abord adresser une réclamation au service territorial, selon le cas, de l'administration des impôts ou de l'administration des douanes et droits indirects dont dépend le lieu d'imposition. (…) » et qu'aux termes de l'article R.* 196-3 du livre précité : « Dans le cas où le contribuable fait l'objet d'une procédure de reprise ou de redressement de la part de l'administration des impôts, il dispose d'un délai égal à celui de l'administration pour présenter ses propres réclamations. » ;
Considérant qu'il résulte de la combinaison des dispositions précitées des articles 209.I et 220 quinquies du code général des impôts que le déficit constaté au titre d'un exercice peut être considéré comme une charge déductible du bénéfice de l'antépénultième exercice et le cas échéant de celui de l'avant dernier exercice puis de celui de l'exercice précédent y compris dans le cas où ce bénéfice d'imputation ne résulte que de rehaussements apportés par l'administration aux résultats déclarés à la condition que la demande d'imputation soit exercée dans les délais de réclamation et dans les formes prescrites par l'article R.* 190-1 du livre précité ; qu'il suit de là qu'une entreprise, à laquelle ont été notifiés des redressements consécutifs à une vérification de comptabilité opérée par l'administration qui ont eu pour effet de rectifier les résultats fiscaux qu'elle a déclarés au titre des exercices sur lesquels a porté le contrôle, est en droit de souscrire la déclaration d'option de « report en arrière » de déficits, laquelle vaut réclamation au sens de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales, dans les formes, conditions et délais fixés par l'article R.* 196-3 précité du livre des procédures fiscales, sans qu'y fassent obstacle les dispositions susrappelées de l'article 46 quater 0-W du code général des impôts ; que, toutefois, cette déclaration, qui doit respecter les formes requises par les dispositions de l'article R.* 190-1 du livre des procédures fiscales, ne peut être formulée pour la première fois devant le juge de l'impôt ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société CENTRALE D'INVESTISSEMENTS, qui a déclaré au titre des exercices clos en 1990, 1991 et 1992 un résultat fiscal positif, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité qui a eu pour conséquence de rendre déficitaire l'exercice clos en 1992 ; que les redressements ont été notifiés le 26 juillet 1994 et l'impôt sur les sociétés auquel a été assujettie la société requérante au titre des exercices clos en 1990 et 1991 mis en recouvrement le 31 décembre 1996 ; que la société CENTRALE D'INVESTISSEMENTS n'a pas demandé le bénéfice du report en arrière dans sa réclamation adressée à l'administration le 4 février 1997 et l'a demandé pour la première fois dans sa demande introductive d'instance enregistrée le 12 août 1997 au Tribunal administratif de Paris ; que cette demande, qui ne respectait pas les conditions posées par l'article R.* 190-1 du livre des procédures fiscales était, par suite, irrecevable nonobstant la circonstance qu'elle ait été formulée dans le délai prévu par l'article R.* 196-3 du livre précité et que les dispositions de l'article 46 quater 0 W de l'annexe III au code général des impôts ne puissent être opposées au contribuable dont le déficit est la conséquence d'un contrôle opéré par l'administration ; que c'est par suite à tort que les premiers juges y ont accédé dans leur jugement attaqué qui doit être réformé sur ce point ;
Considérant toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société CENTRALE D'INVESTISSEMENTS tant devant le Tribunal administratif de Paris que devant la Cour ;
En ce qui concerne la demande de report en arrière :
Considérant que dès lors que la demande de « report en arrière » était irrecevable en vertu des dispositions susrappelées de l'article R.* 190-1 du livre des procédures fiscales pour les raisons exposées ci-avant, la société CENTRALE D'INVESTISSEMENTS n'est pas fondée à demander à bénéficier du report en arrière du déficit constaté au titre de l'exercice 1992 ;
En ce qui concerne le bien-fondé des retenues à la source :
En ce qui concerne le bien-fondé des retenues à la source au regard de la loi interne :
Considérant qu'aux termes de l'article 40 de l'annexe II au code général des impôts : « Pour chaque période d'imposition retenue en vue de l'établissement de l'impôt sur les sociétés, la masse imposable des revenus distribués est déterminée dans les conditions prévues aux articles 41 à 47 » ; qu'aux termes de l'article 47 de la même annexe : « Tout redressement du bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés au titre d'une période sera pris en compte au titre de la même période pour le calcul des sommes distribuées. » ; qu'aux termes de l'article 109 du code général des impôts : « 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. Les sommes imposables sont déterminées pour chaque période retenue pour l'établissement de l'impôt sur les sociétés par la comparaison des bilans de clôture de ladite période et de la période précédente selon des modalités fixées par décret en conseil d'Etat. » ; qu'aux termes du 1 de l'article 219 du même code : « (…) c. Le taux de l'impôt sur les sociétés est porté à 42 % pour les distributions, au sens du présent code, effectuées par les entreprises au cours des exercices ouverts à compter du 1er janvier 1989. » et qu'aux termes de l'article 119 bis du code précité : « 1. Sous réserve des dispositions de l'article 125 A, les revenus de capitaux mobiliers entrant dans les prévisions des articles 118, 119 et 238 septies B et 1678 bis donnent lieu à l'application d'une retenue à la source dont le taux est fixé par l'article 187-1. (…) » ;
Considérant que la société CENTRALE D'INVESTISSEMENTS soutient que l'abandon des intérêts d'emprunt qu'elle a consenti à sa filiale, la société Argenteuil Investissements, n'est pas constitutif de revenus distribués au sens des articles 40 et 47 de l'annexe II au code général des impôts précités dès lors que ces sommes figurent désormais à l'actif de sa filiale dont elle détient l'intégralité du capital et que ces sommes n'ont pas été désinvesties ; que, toutefois, il est constant que les sommes que la société CENTRALE D'INVESTISSEMENTS a, sans motif particulier, renoncé à percevoir, ont bénéficié à une personne morale distincte de la société requérante, la société Argenteuil Investissements à laquelle les sommes concernées ont été effectivement transférées ; que la seule circonstance que la société Argenteuil Investissements soit une filiale de la société requérante n'est pas de nature à écarter la qualification de revenu distribué au sens des dispositions précitées ; qu'ainsi, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration a, sur le fondement de la loi fiscale interne, procédé aux redressements litigieux en matière de retenue à la source ;
En ce qui concerne le bien-fondé des retenues à la source au regard de la convention franco-luxembourgeoise :
Considérant que la société CENTRALE D'INVESTISSEMENTS soutient qu'à supposer même que l'abandon des intérêts qu'elle n'a pas facturés à sa filiale, puisse être qualifié de revenus distribués au sens des dispositions de l'article 109.1.1° du code général des impôts, il ne peut donner lieu à l'application de la retenue à la source en vertu des stipulations combinées des articles 8 et 18 de la convention franco-luxembourgeoise du 1er avril 1958 qui prévoient l'imposition dans l'Etat du domicile fiscal du bénéficiaire des revenus réputés distribués, soit en l'espèce le Grand-Duché du Luxembourg où est situé le siège de la société Argenteuil Investissements ;
Considérant, toutefois, qu'ainsi que le relève l'administration en défense, la République française et le Grand-Duché du Luxembourg, ont, par un avenant signé à Paris le 8 septembre 1970, régulièrement entré en vigueur, décidé que la convention du 1er avril 1958 ne devait pas s'appliquer aux sociétés holdings au sens de la législation particulière luxembourgeoise ; que l'administration soutient, sans être sérieusement contredite par la société CENTRALE D'INVESTISSEMENTS qui ne prétend pas que les sommes en cause ont été imposées au Luxembourg, que la société Argenteuil Investissements est une société holding au sens des dispositions du droit luxembourgeois, et notamment de la loi du 31 juillet 1929 ; qu'ainsi, les stipulations de la convention du 1er avril 1958 ne lui étant pas applicables, la société requérante ne peut utilement invoquer les stipulations des articles 8 et 18 de cette convention pour faire obstacle à la retenue à la source pratiquée en France sur les revenus réputés distribués ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a prononcé la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles la société CENTRALE INVESTISSEMENTS a été assujettie au titre des exercices clos en 1990 et 1991 et que cette dernière n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté le surplus des conclusions de sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la société CENTRALE D'INVESTISSEMENTS la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La société CENTRALE D'INVESTISSEMENTS est rétablie au rôle de l'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice 1990 et de l'exercice 1991 à concurrence des montants dégrevés en première instance.
Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Paris en date du 4 janvier 2005 est annulé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : La requête de la société CENTRALE D'INVESTISSEMENTS est rejetée.
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Nos 05PA00912;05PA01634