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08/02/2007 | FRANCE | N°05PA03530

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre - formation a, 08 février 2007, 05PA03530


Vu la décision du 27 juillet 2005, enregistrée à la cour le 25 août 2005, par laquelle le Conseil d'Etat a, d'une part, cassé l'ordonnance du 9 juillet 2004 par laquelle la présidente de la cinquième chambre de la cour avait rejeté en tant qu'irrecevable la requête présentée pour la société PALMIR et, d'autre part, renvoyé l'affaire devant la cour ;

Vu la requête, enregistrée le 18 décembre 2003, présentée pour la société PALMIR, dont le siège est 22 rue de l'Odéon à Paris (75006), par Me Robin-Illouz; la société PALMIR demande à la cour :

1°) d'annule

r le jugement n° 9706979/1 du 14 octobre 2003 par lequel le Tribunal administratif de P...

Vu la décision du 27 juillet 2005, enregistrée à la cour le 25 août 2005, par laquelle le Conseil d'Etat a, d'une part, cassé l'ordonnance du 9 juillet 2004 par laquelle la présidente de la cinquième chambre de la cour avait rejeté en tant qu'irrecevable la requête présentée pour la société PALMIR et, d'autre part, renvoyé l'affaire devant la cour ;

Vu la requête, enregistrée le 18 décembre 2003, présentée pour la société PALMIR, dont le siège est 22 rue de l'Odéon à Paris (75006), par Me Robin-Illouz; la société PALMIR demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9706979/1 du 14 octobre 2003 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 1990 à 1992 ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

……………………………………………………………………………………………………...

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la convention conclue le 10 mars 2004 entre la France et la Belgique ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 janvier 2007 :

- le rapport de M. Vincelet, rapporteur,

- les observations de Me Robin-Illouz, pour la société PALMIR,

- les conclusions de M. Jardin, commissaire du gouvernement,

et connaissance prise de la note en délibéré, enregistrée le 06 février 2007, présentée pour la société PALMIR, par Me Robin-Illouz ;

Considérant que la société anonyme PALMIR, qui a pour objet et activité la gestion d'un patrimoine mobilier et immobilier a, par l'intermédiaire de sa filiale de droit belge « la Compagnie Montjoie », acquis au cours de l'année 1989 en Belgique un immeuble locatif à usage de bureaux ; que le financement de cette acquisition a été réalisé pour partie par l'intermédiaire d'un prêt bancaire consenti à sa filiale et pour le reliquat par des avances en compte courant effectuées par la société requérante au profit de cette dernière ; que la société PALMIR s'est toutefois abstenue de réclamer à sa filiale le paiement des intérêts initialement prévus sur le remboursement desdites avances ; que lors de la vérification de sa comptabilité ayant porté sur les exercices 1990, 1991 et 1992, le vérificateur estima que cette renonciation constituait un transfert indirect de bénéfices à l'étranger au sens de l'article 57 du code général des impôts et en réintégra le montant par lui estimé dans les bases imposables de la société au titre de ces exercices ; que la société PALMIR demande l'annulation du jugement du 14 octobre 2003 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge des compléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie en conséquence de cette réintégration ; que, par décision du 27 juillet 2005, le Conseil d'Etat a annulé l'ordonnance du 9 juillet 2004 par laquelle la présidente de la 5ème chambre de la cour avait rejeté pour irrecevabilité la demande de la société PALMIR et a renvoyé à la cour le jugement de ladite demande ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que devant le tribunal, la requérante a tenté de justifier la contrepartie qu'elle entendait retirer de la pratique incriminée par le service par son souci de ne pas aggraver la situation de sa filiale et de préserver son actif immobilier ; que, pour estimer que l'avantage propre ainsi escompté n'était pas établi, les premiers juges ont pris en compte chacun de ces moyens ; qu'ils n'étaient pas tenus de répondre formellement à l'intégralité des arguments invoqués à leur appui ; qu'ainsi le jugement n'est pas entaché d'omission à statuer ;

Sur les conclusions en décharge des impositions contestées :

S'agissant de la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant, en premier lieu, que la notification de redressements du 8 juin 1993 précisait que la compagnie Montjoie avait bénéficié de la part de la contribuable, pour les trois années concernées, d'avances sans intérêt et rappelait qu' en vertu de l'article 57 du code général des impôts, un avantage consenti dans ces conditions était présumé constituer un transfert de bénéfices à l'étranger ; que cette notification, qui comportait ainsi les motifs de fait et de droit à la base des redressements, mentionnait par ailleurs leurs montants pour chaque année ; que, dès lors, elle était suffisamment motivée ;

Considérant, en second lieu, que la commission départementale des impôts, qui n'était pas compétente pour se prononcer sur la question de droit tenant à la qualification des avances litigieuses, a toutefois donné un avis, ainsi qu'il lui incombait, sur la matérialité et l'appréciation des faits à l'origine des redressements ; que la circonstance que l'avis émis ne reprenne pas l'ensemble des arguments de la contribuable est sans incidence sur la motivation des redressements et n'est en tout état de cause pas susceptible d'établir que la spécificité de sa situation a été ignorée ;

S'agissant du bien-fondé des redressements :

Sur le terrain de la loi fiscale :

Considérant qu'aux termes de l'article 5-4 de la convention du 10 mars 1964 conclue entre la France et la Belgique : « Lorsqu'une entreprise exploitée par un résident de l'un des deux Etats contractants est sous la dépendance ou possède le contrôle d'une entreprise exploitée par un résident de l'autre Etat contractant, ou que les deux entreprises se trouvent sous la dépendance d'une même personne ou d'un même groupe, et que l'une de ces deux entreprises consent ou impose à l'autre entreprise des conditions différentes de celles qui seraient effectivement faites à des entreprises indépendantes, tous bénéfices qui auraient du normalement apparaître dans les comptes de l'une de ces entreprises, mais qui ont été de la sorte transférés, directement ou indirectement, à l'autre entreprise peuvent être incorporés aux bénéfices imposables de la première entreprise. Dans cette éventualité la double imposition des bénéfices ainsi transférés sera évité conformément à l'esprit de la convention et les autorités compétentes des Etats contractants s'entendront, s'il est nécessaire, pour fixer le montant des bénéfices transférés » ; que ces stipulations permettaient au service de faire application des dispositions de l'article 57 du code général des impôts, rendues applicables à l'impôt sur les sociétés par l'article 209 du même code, et aux termes duquel : « Pour l'établissement de l'impôt sur le revenu dû par les entreprises qui sont sous la dépendance ou qui possèdent le contrôle d'entreprises situées hors de France, les bénéfices indirectement transférés à ces dernières, soit par voie de majoration ou minoration des prix d'achat ou de vente, soit par tout autre moyen, sont incorporés aux résultats accusés par les comptabilités… » ; que ces dispositions, sous réserve que l'administration ait établi l'existence d'un pouvoir de contrôle entre la société située en France et l'entreprise située hors de France ainsi que des majorations ou minorations de prix, ou des moyens analogues de transfert de bénéfices, instituent une présomption pesant sur la société PALMIR, laquelle ne peut obtenir par la voie contentieuse la décharge de l'imposition établie en conséquence qu'en apportant la preuve des faits dont elle se prévaut pour démontrer qu'il n'y a pas eu transfert de bénéfices ;

Considérant, d'une part, que la société PALMIR possédait 55 pour cent du capital de sa filiale belge « compagnie Montjoie » ; que cette dernière était, par suite, et ainsi qu'il est au demeurant constant, sous la dépendance de la contribuable ;

Considérant, d'autre part, que l'administration établit qu'au cours des trois années en cause, la société PALMIR s'est abstenue de réclamer à sa filiale les intérêts normalement dus lors du remboursement des avances consenties ; qu'ainsi la contribuable est présumée avoir réalisé, au sens des dispositions précitées de l'article 57 du code général des impôts, un transfert de bénéfices à une entreprise située hors de France ; qu'il lui incombe, dès lors, de prouver que ce transfert comportait pour elle une contrepartie suffisante et ne s'écartait pas d'une gestion commerciale normale ;

Considérant qu'à l'effet d'établir l'avantage qu'elle a personnellement retiré de l'aide financière accordée à sa filiale, la requérante soutient que l'absence de perception d'intérêts a, d'une part, évité d'aggraver la situation de cette dernière et lui a ainsi permis de récupérer une part importante de sa créance, d'autre part, qu'elle a permis la préservation de l'actif immobilier en évitant la mise en oeuvre à son encontre, par la banque prêteuse, d'une action en comblement du passif de sa filiale ;

Considérant, en premier lieu, que si effectivement pour des motifs structurels et conjoncturels tenant respectivement à l'inadaptation de l'immeuble concerné et à ses défauts de construction ainsi qu'à la baisse du marché, le rendement locatif de l'immeuble a été inférieur à celui escompté et si cette situation a gravement obéré la trésorerie de la compagnie « Montjoie », la requérante n'établit pas, faute de comparaison précise reposant sur des données justifiées, que le montant des intérêts abandonnés était inférieur à celui de la différence entre le principal des avances récupéré grâce à cet abandon et celui qui l'aurait été si tel n'avait pas été le cas ; que les comparaisons prospectives établies par la contribuable à l'aide de paramètres inconnus d'elle au cours des années en cause sont dépourvues de pertinence ;

Considérant, en deuxième lieu, que la société PALMIR n'établit pas davantage le surcroît de préjudice financier qui aurait pu résulter pour elle d'une action en garantie et en comblement du passif de sa filiale susceptible d'être diligentée à son encontre par l'établissement prêteur, par rapport à celui résultant de l'abandon des intérêts, même si une telle action pouvait induire la vente forcée de l'immeuble, dès lors d'une part que le pourcentage de sa participation au capital de sa filiale même majoritaire, était limité à 55 pour cent et d'autre part que de ses dires mêmes, le marché immobilier était alors déprimé ;

Considérant, en troisième lieu, que la circonstance, même établie, que le versement d'intérêts aurait été initialement prévu est sans incidence, dès lors que ceux-ci n'ont pas été perçus ;

Considérant, enfin, que l'atteinte qui aurait été portée au renom de la société PALMIR en cas de liquidation de sa filiale n'est pas établie ; que la requérante ne prouve pas, par suite, la réalité de la contrepartie qu ‘elle a retiré de l'abandon des intérêts ; qu'elle ne peut dès lors obtenir le dégrèvement des impositions sur le terrain de la loi fiscale ;

Sur le terrain de la doctrine administrative :

Considérant que la requérante se prévaut, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de l'interprétation censée avoir été donnée par le service de l'article 57 du code général des impôts aux paragraphes 14 et 16, ainsi que 23 de son instruction référencée sous le numéro « 4 A 1211 » ;

Considérant, d'une part, que les deux premiers paragraphes ne font que rappeler que la présomption de transfert indirect de bénéfices résultant de l'article 57 du code ne peut s'appliquer qu'à la condition que le service démontre préalablement le lien de dépendance entre les entreprises et la matérialité des opérations constitutives du transfert ; qu'au nombre de ces dernières, est d'ailleurs expressément cité l'octroi de prêts sans intérêts ; que ces paragraphes, qui ont été respectés en l'espèce dès lors que le service a préalablement rapporté la double preuve qui lui incombait, ne font que commenter la loi fiscale sans l'interpréter ;

Considérant, d'autre part, que l'article 23 de la même instruction se borne, après avoir au demeurant mentionné la jurisprudence favorable à l'administration, à citer un arrêt du 13 janvier 1967, par lequel le Conseil d'Etat n'a pas admis la présomption de transfert invoquée dans le cas d'une aide financière accordée par une société mère française à sa filiale étrangère, au profit de laquelle elle avait apporté sa caution bancaire, dès lors que la société mère établissait la contrepartie qu'elle avait retirée de cette pratique ; que l'instruction n'a fait sur ce point que rendre compte des nuances de la jurisprudence sans interpréter davantage la loi fiscale ; que la société ne peut ainsi, en tout état de cause obtenir un dégrèvement sur le terrain de la doctrine ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société PALMIR n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris, qui ne s'est pas mépris sur la dévolution de la charge de la preuve, a rejeté sa demande ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société PALMIR est rejetée.

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N° 05PA00938

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N° 05PA03530


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre - formation a
Numéro d'arrêt : 05PA03530
Date de la décision : 08/02/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme LACKMANN
Rapporteur ?: M. Alain VINCELET
Rapporteur public ?: M. JARDIN
Avocat(s) : VÉRONIQUE ROBIN-ILLOUZ

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2007-02-08;05pa03530 ?
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