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18/10/2006 | FRANCE | N°05PA02757

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3eme chambre - formation a, 18 octobre 2006, 05PA02757


Vu la requête, enregistrée le 12 juillet 2005, présentée pour l'ETABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG, dont le siège est ..., par Me Houdart ; l'ETABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 97-3833/1 du 12 mai 2005 par lequel le Tribunal administratif de Melun a retenu à tort la compétence du juge administratif et condamné l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG légalement substitué à l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris pour ses anciennes activités transfusionnelles ;

2°) à titre subsidiaire, de réformer le jugement du Tribunal adminis

tratif de Melun en ce que la somme de 15 000 euros a été allouée à Mme YX en ré...

Vu la requête, enregistrée le 12 juillet 2005, présentée pour l'ETABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG, dont le siège est ..., par Me Houdart ; l'ETABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 97-3833/1 du 12 mai 2005 par lequel le Tribunal administratif de Melun a retenu à tort la compétence du juge administratif et condamné l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG légalement substitué à l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris pour ses anciennes activités transfusionnelles ;

2°) à titre subsidiaire, de réformer le jugement du Tribunal administratif de Melun en ce que la somme de 15 000 euros a été allouée à Mme YX en réparation des troubles dans les conditions d'existence résultant de sa contamination virale C, et de ramener à une plus juste proportion le montant de l'indemnité allouée ;

……………………………………………………………………………………………………...

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l'ordonnance n°2005-1087 du 1er septembre 2005 relative aux établissements publics nationaux à caractère sanitaire et aux contentieux en matière de transfusion sanguine ;

Vu la loi n°52-854 du 21 janvier 1952 modifiée relative aux établissements agréés en vue de la préparation des produits sanguins ;

Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002, notamment son article 102 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 octobre 2006 :

- le rapport de Mme Pierart, rapporteur,

- les observations de Me Perinetti, pour l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG,

- et les conclusions de Mme Folscheid, commissaire du gouvernement ;

Sur la compétence de la juridiction administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article 15 de l'ordonnance du 1er septembre 2005 susvisée prise en application de la loi du 9 décembre 2004 de simplification du droit : « Les demandes tendant à l'indemnisation des dommages résultant de la fourniture de produits sanguins labiles ou de médicaments dérivés du sang élaborés par les personnes morales de droit public mentionnées à l'article 11 de la présente ordonnance ou par des organismes dont les droits et obligations ont été transférés à l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG en vertu d'une convention conclue en application de l'article 18 de la loi du 1er juillet 1998 visée ci-dessus ou dans les conditions fixées au I de l'article 60 de la loi de finances rectificative du

30 décembre 2000 visée ci-dessus relèvent de la compétence des juridictions administratives quelle que soit la date à laquelle est intervenu le fait générateur des dommages dont il est demandé réparation. Les juridictions judiciaires saisies antérieurement à l'entrée en vigueur de la présente ordonnance de demandes pour lesquelles elles étaient compétentes le demeurent après cette entrée en vigueur. »

Considérant qu'il résulte de ces dispositions d'application immédiate, en l'absence de saisine de la juridiction judiciaire antérieure à l'entrée en vigueur de ladite ordonnance, que la présente cour est compétente pour connaître d'une action en responsabilité dirigée contre la Fondation nationale de transfusion sanguine dans les droits et obligations de laquelle l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG est désormais légalement substitué ; qu'il y a lieu, par suite, de réformer le jugement du Tribunal administratif de Melun du 12 mai 2005 en ce qu'il a rejeté les conclusions de Mme X dirigées contre la Fondation nationale de transfusion sanguine comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître ; que l'article 1er du dispositif dudit jugement doit donc être annulé ;

Sur la responsabilité :

Considérant qu'en vertu de la loi du 21 janvier 1952 modifiée par la loi du 2 août 1961, les centres de transfusion ont le monopole des opérations de contrôle médical des prélèvements sanguins, du traitement, du conditionnement et de la fourniture aux utilisateurs des produits sanguins ; qu'eu égard, tant à la mission qui leur est ainsi confiée qu'aux risques que présente la fourniture de produits sanguins, les centres de transfusion sont responsables, même en l'absence de faute, des conséquences dommageables de la mauvaise qualité des produits fournis ;

Considérant qu'aux termes de l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 susvisée : « En cas de contestation relative à l'imputabilité d'une contamination par le virus de l'hépatite C antérieure à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, le demandeur apporte des éléments qui permettent de présumer que cette contamination a pour origine une transfusion de produits sanguins labiles ou une injection de médicaments dérivés du sang. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que cette transfusion ou cette injection n'est pas à l'origine de la contamination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Le doute profite au demandeur. Cette disposition est applicable aux instances en cours n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable. » ;

Considérant que l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG, qui dans le dernier état de ses écritures ne conteste pas le principe de sa responsabilité, demande la réformation du jugement du 12 mai 2005 en ce que les premiers juges ont retenus sa responsabilité dans la contamination virale C de Mme X à raison de sa substitution légale à l'Assistance publique - hôpitaux de Paris et non à raison de la fourniture de produits sanguins par le poste de transfusion sanguine géré par la Fondation nationale de transfusion sanguine ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment, du rapport de l'expert désigné par le juge des référés du Tribunal administratif de Melun, remis le 13 décembre 1999, ainsi que du complément d'expertise ordonné par jugement avant dire droit du 7 mai 2003 que le donneur de l'un des lots de produits sanguins administrés à Mme X, lors de l'intervention chirurgicale qu'elle a subie le 12 novembre 1986 à l'hôpital Jean Rostand, et fournis par le poste de transfusion de l'hôpital Saint Antoine géré à l'époque des faits par la Fondation nationale de transfusion sanguine, a été décelé séropositif pour le virus de l'hépatite C en 1992 ; que cependant il n'a pas pu être établi que ce donneur ait été séropositif dès 1986 ; qu'ainsi le lien de causalité entre le produit sanguin en cause fourni par la Fondation nationale de transfusion sanguine et la contamination de Mme X, s'il ne peut être exclu, ne peut pour autant être retenu avec certitude ; que, par ailleurs, l'enquête transfusionnelle menée sur le site de transfusion sanguine de Bicêtre n'a pas abouti en ce qui concerne les six produits préparés par le centre de transfusion du Kremlin Bicêtre relevant de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris ; que, dans ces conditions, l'origine des produits administrés par l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris n'étant pas justifiée, L'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG doit être regardé comme n'établissant pas plus l'innocuité de ces produits sanguins que l'innocuité de ceux provenant de la Fondation nationale de transfusion sanguine ; qu'ainsi la responsabilité de l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG dans la contamination virale C de Mme X doit être engagée tant en ce qu'il vient aux droits et obligations de la Fondation nationale de transfusion sanguine qu'en ce qu'il vient aux droits et obligations de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris ;

Sur la réparation :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme X, née en 1960, a présenté à la suite de l'intervention chirurgicale subie en 1986 une hépatite chronique C peu fibrosante, détectée en avril 1994 et confirmée par une ponction biopsie du foie réalisée en juin 1994 ; qu'un traitement par Interféron lui a été prescrit pour une durée de six mois ; que ce traitement assez bien toléré s'est révélé efficace et a abouti à la disparition persistante de la cytolyse et de l'ARN du virus de l'hépatite C ; que l'expert ne relève, lors de l'examen de l'intéressée le 17 décembre 1998, aucune séquelle évidente de la maladie hépatique ; que si Mme X, gardienne de la paix, a fait l'objet d'un arrêt de travail d'un an de mars 1994 à mars 1995 puis d'une reprise à mi-temps jusqu'en septembre 1998, elle a depuis cette date repris son activité à temps complet ; que l'expert évalue à 2 sur une échelle de 1 à 7 les souffrances endurées incluant les douleurs dues à la ponction biopsie et l'angoisse devant la maladie virale ; qu'il apprécie à 3 sur une même échelle le préjudice lié aux conséquences de la maladie sur les conditions d'existence de l'intéressée en retenant l'abandon de la pratique du sport et la perte de son compagnon ; qu'il précise en outre, contrairement aux allégations de la victime, que le risque de contamination sexuelle est nul ; que, compte tenu de l'ensemble de ces circonstances, les premiers juges n'ont pas fait une inexacte appréciation de l'ensemble des préjudices subis par Mme X et des troubles de toute nature dans ses conditions d'existence en lui allouant la somme de

15 000 euros ; qu'il y a lieu, en conséquence, de rejeter tant les conclusions de l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG tendant à la minoration de cette indemnité que celles présentées par Mme X tendant à sa majoration ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'ETABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer à Mme X la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : L'article 1er du jugement du 12 mai 2005 du Tribunal administratif de Melun est annulé.

Article 2 : L'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG, venant aux droits de la Fondation nationale de transfusion sanguine ainsi que de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris, est déclaré responsable de la contamination de Mme X par le virus de l'hépatite C.

Article 3 : Le surplus des conclusions de l'ETABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG et les conclusions incidentes de Mme X sont rejetés.

Article 4 : Les conclusions de Mme X tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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N° 05PA02757


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3eme chambre - formation a
Numéro d'arrêt : 05PA02757
Date de la décision : 18/10/2006
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme CARTAL
Rapporteur ?: Mme Odile PIERART
Rapporteur public ?: Mme FOLSCHEID
Avocat(s) : CABINET HOUDART

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2006-10-18;05pa02757 ?
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