Vu enregistré le 10 avril 2002 au greffe de la cour, le recours présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande à la cour :
1°) à titre principal, d'annuler le jugement n° 9507382 /1 en date du 22 octobre 2001 par lequel le Tribunal administratif de Paris a prononcé la décharge des compléments d'impôt sur le revenu auxquels Mme Colette X a été assujettie au titre des années 1989 à 1991 et de rejeter la demande présentée par Mme X au tribunal administratif ;
2°) à titre subsidiaire, de rétablir Mme X aux rôles supplémentaires de l'impôt sur le revenu au titre des années 1989 à 1991 à hauteur des impositions déchargées par le tribunal administratif, en tenant compte, pour l'année 1990, d'une réduction de la base imposable dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers de 348 150 F et de réformer en ce sens le jugement attaqué ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 novembre 2005 :
- le rapport de M. Bossuroy, rapporteur,
- les observations de Me Ginter pour Mme X,
- et les conclusions de M. Magnard, commissaire du gouvernement ;
Considérant que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE fait appel du jugement du 22 octobre 2001 par lequel le Tribunal administratif de Paris a prononcé la décharge des compléments d'impôt sur le revenu auxquels Mme X a été assujettie au titre des années 1989 à 1991, au motif que la direction nationale d'enquêtes fiscales n'était pas compétente pour effectuer le contrôle des déclarations fiscales de l'intéressée ; qu'il soutient à titre principal que le tribunal a omis de répondre à l'un des moyens de défense présentés en première instance par l'administration et, à titre subsidiaire, que la direction nationale d'enquêtes fiscales était compétente ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant, en premier lieu, que, contrairement à ce que soutient le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE, le mémoire de l'administration enregistré au greffe du tribunal administratif le 20 septembre 2001 ne peut être regardé comme soulevant explicitement le moyen tiré de ce que la direction nationale d'enquêtes fiscales était compétente pour contrôler l'activité de quirataire exercée par Mme X et, par voie de conséquence, ses déclarations de revenu global ; que le moyen du ministre relatif à la régularité du jugement attaqué doit dès lors être écarté ;
Sur la compétence de la direction nationale d'enquêtes fiscales :
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 376 de l'annexe II au code général des impôts, alors applicable : « … Les fonctionnaires territorialement compétents pour vérifier la situation fiscale d'une exploitation ou d'une entreprise, ou celle qui résulte d'une activité professionnelle, qu'un contribuable ou l'un des membres de son foyer fiscal dirige ou exerce, en droit ou en fait, directement ou par personne interposée et sous quelque forme juridique que ce soit, peuvent également contrôler les déclarations de revenu global souscrites par ce contribuable « ; qu'aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 31 janvier 1969, dans sa rédaction alors en vigueur, issue de l'article 1er de l'arrêté du 17 mars 1983 : « … La direction nationale d'enquêtes fiscales assure pour l'ensemble du territoire national, conformément aux directives fixées par le directeur général des impôts et concurremment avec les autres services des impôts compétents : … En tant que de besoin, la vérification de la situation fiscale des entreprises et des exploitations, quels que soient leur statut juridique et leur activité, ainsi que le contrôle des déclarations de revenu global des contribuables et des membres de leur foyer fiscal qui dirigent, en droit ou en fait, directement ou par personne interposée et sous quelque forme juridique que ce soit, ces entreprises et ces exploitations » ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 8 quater du code général des impôts : « Chaque membre des copropriétés de navires régies par le chapitre IV de la loi n° 67-5 du 3 janvier 1967 modifiée portant statut des navires et autres bâtiments de mer est personnellement soumis à l'impôt sur le revenu à raison de la part correspondant à ses droits dans les résultats déclarés par la copropriété » ; qu'aux termes de l'article 35 du même code : « Présentent également le caractère de bénéfices industriels et commerciaux, pour l'application de l'impôt sur le revenu, les bénéfices réalisés par les personnes physiques désignées ci-après : ... 7° membres des copropriétés de navires mentionnées à l'article 8 quater » ; qu'aux termes de l'article 61 A du même code : « Les résultats à déclarer par les copropriétés mentionnées aux articles 8 quater et 8 quinquies sont déterminés dans les conditions prévues pour les exploitants individuels soumis au régime du bénéfice réel, avant déduction respectivement de l'amortissement du navire, du cheval de course ou de l'étalon. Les copropriétés sont tenues aux obligations qui incombent à ces exploitants » ; qu'enfin aux termes de l'article 39 E du même code : « Chaque membre des copropriétés de navire mentionnées à l'article 8 quater amortit le prix de revient de sa part de propriété suivant les modalités prévues à l'égard des navires ; pour la détermination des plus values, les amortissements pratiqués viennent en déduction du prix de revient... » ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions que les bénéfices industriels et commerciaux imposables d'un copropriétaire de navire doivent être déterminés en deux étapes, d'abord au niveau de la copropriété, laquelle doit tenir la comptabilité des opérations d'exploitation du navire, dont elle n'a que la jouissance et qui ne figure donc pas à l'actif de son bilan, ensuite au niveau du copropriétaire, lequel doit comptabiliser, outre sa quote-part des résultats de l'exploitation de la copropriété, ses propres opérations patrimoniales d'acquisition des quirats, les charges d'amortissement et le cas échéant d'emprunt supportées à ce titre, ainsi que le produit de leur cession éventuelle ; qu'il suit de là que le propriétaire d'un quirat doit être regardé comme se livrant à une exploitation, au sens des dispositions précitée de l'article 3 de l'arrêté du 31 janvier 1969 ; que la direction nationale d'enquêtes fiscales était par suite compétente pour procéder au contrôle des déclarations souscrites par Mme X en sa qualité de quirataire ; qu'en vertu des dispositions tant de l'article 376 de l'annexe II au code général des impôts que de l'arrêté du 31 janvier 1969, cette direction pouvait étendre légalement ses opérations de contrôle aux autres éléments du revenu global de la contribuable ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur l'incompétence de la direction nationale d'enquêtes fiscales pour prononcer la décharge des impositions litigieuses ; qu'il appartient toutefois à la cour administrative d'appel saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel d'examiner les autres moyens soulevés par Mme X tant devant la cour que devant le tribunal administratif ;
Sur les revenus de capitaux mobiliers :
Considérant qu'à l'occasion de la vérification de comptabilité de la société ANTILLAISE DE TOURIME MARITIME (ATM), l'administration a constaté que cette société avait cédé le 23 novembre 1989 et le 28 décembre 1990 à plusieurs de ses associés, dont Mme X, des actions de la société anonyme SIRETO, aux prix unitaires respectifs de 187,50 F et 100 F ; que le service a estimé que ces actions ayant été vendues à un prix inférieur à leur valeur vénale, évaluée respectivement à 6 250 F et 19 516 F, la société avait accompli un acte anormal de gestion et a réintégré aux résultats imposables de l'entreprise la différence entre le prix de cession et la valeur vénale ; que cette différence a par ailleurs été qualifiée de revenu distribué entre les mains des associés acquéreurs des titres ; que Mme X, qui avait acquis 28 titres en 1989 et 75 titres en 1990, a ainsi été imposée sur les sommes respectives de 169 750 F et 1 456 200 F ;
Considérant qu'il résulte toutefois de l'instruction que les cessions en cause des actions SIRETO résultent de l'application d'une convention conclue en 1985 entre, d'une part, la société ATM et, d'autre part, ses associés et la société ORFIMAR, aux termes de laquelle il était notamment permis à ceux-ci de racheter à la société des titres qu'elle aurait acquis dans les quatre années précédentes au même prix que celui auquel la société les avait elle-même acquis ; que si cette clause était défavorable à la société ATM en ce qu'elle la privait de plus-values potentielles, il résulte de l'instruction que la société avait été amenée à y souscrire pour obtenir l'entrée dans son capital d'un investisseur extérieur, la société ORFIMAR, alors qu'elle connaissait de graves difficultés financières ; qu'il n'est pas établi que, comme le soutient le ministre, la société aurait été alors en mesure de faire appel à un autre investisseur dans des conditions plus favorables pour elle ; qu'ainsi le prix de cession des actions de la société SIRETO, dont la requérante ne conteste pas qu'il était inférieur à leur valeur vénale même si elle critique l'évaluation retenue par l'administration, ne peut être regardé, à supposer même que, comme le fait également valoir le ministre, le manque à gagner subi par la société ATM en 1989 et 1990 à l'occasion de la cession des titres SIRETO se serait avéré finalement supérieur à l'apport en capital réalisé en 1985 par la société ORFIMAR, comme un avantage consenti aux associés sans contrepartie dès lors que ce prix résulte de l'application d'une clause que la société ATM avait intérêt à accepter en 1985 ; qu'il y a lieu par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la contribuable relatifs à ce chef de redressement, de réduire les bases d'impositions assignées à Mme X dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers d'une somme de 169 750 F au titre de l'année 1989 et d'une somme de 1 456 200 F au titre de l'année 1990 ;
Sur l'amortissement des quirats :
Considérant, d'une part, qu'aux termes dispositions de l'article 39 C du code général des impôts : « L'amortissement des biens donnés en location est réparti sur la durée normale d'utilisation suivant les modalités fixées par décret en Conseil d'Etat » et qu'aux termes de l'article 31 de l'annexe II au même code, pris pour l'application de l'article 39 « si la location est consentie, directement ou indirectement, par une personne physique, le montant de l'amortissement ne peut excéder le montant du loyer perçu pendant l'exercice considéré diminué des autres charges afférentes au bien donné en location » ; que les dispositions précitées de l'article 31 de l'annexe II sont applicables aux amortissements des parts de copropriétés de navire lorsque celui-ci fait l'objet d'un contrat d'affrètement « coque nue » : que l'administration a appliqué le plafonnement prévu par l'article 31 aux amortissements pratiqués par Mme X au motif que le navire dont elle était copropriétaire faisait l'objet d'un contrat d'affrètement de cette nature ; que la requérante ne justifie ni même n'allègue que le navire aurait été affrété selon d'autres modalités ;
Considérant, d'autre part, que le moyen tiré de ce que la requérante aurait été en droit de pratiquer un amortissement dégressif sur une durée de huit ans est inopérant dès lors que le redressement portant sur l'amortissement des quirats ne procède pas de la remise en cause de ces modalités d'amortissement ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a prononcé la décharge totale des compléments d'impôt sur le revenu auxquels Mme X a été assujettie au titre des années 1989 à 1991 ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation » ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à verser à Mme X la somme de 1 500 € sur le fondement des dispositions précitées du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : Le complément d'impôt sur le revenu et les pénalités y afférentes auxquels Mme X a été assujettie au titre de l'année 1991 est remis à sa charge.
Article 2 : Les compléments d'impôt sur le revenu et les pénalités y afférentes auxquels Mme X a été assujettie au titre des années 1989 et 1990 sont remis à sa charge à concurrence des bases qui lui avaient été initialement assignées diminuées, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, des sommes respectives de 169 750 F et 1 456 200 F.
Article 3 : Le jugement du Tribunal administratif de Paris en date du 22 octobre 2001 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est rejeté.
Article 5 : L'Etat est condamné à payer à Mme X la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article L 761 du code de justice administrative.
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N°02PA01238