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05/12/2005 | FRANCE | N°02PA02524

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5eme chambre - formation b, 05 décembre 2005, 02PA02524


Vu la requête, enregistré le 15 juillet 2002, présentée pour M. Yvon X, demeurant ..., par la SCP Bachelier-Potier de La Varde ; M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9612091 en date du 7 mai 2002 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés mises à la charge de la SARL Operex et dont, en application de l'article 1745 du code général des impôts, il a été constitué débiteur solidaire ;

2°) de prononcer la décharge sollicitée ;

) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du ...

Vu la requête, enregistré le 15 juillet 2002, présentée pour M. Yvon X, demeurant ..., par la SCP Bachelier-Potier de La Varde ; M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9612091 en date du 7 mai 2002 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés mises à la charge de la SARL Operex et dont, en application de l'article 1745 du code général des impôts, il a été constitué débiteur solidaire ;

2°) de prononcer la décharge sollicitée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 novembre 2005 :

- le rapport de M. Pailleret, rapporteur,

- et les conclusions de M. Adrot, commissaire du gouvernement ;

Sur la nature de la demande :

Considérant que M. X a été déclaré solidairement tenu, sur le fondement de l'article 1745 du code général des impôts, avec la SARL Operex dont il était le gérant, au paiement des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles cette société a été assujettie au titre des années 1989 et 1990 et des pénalités y afférentes, par un arrêt de la Cour d'appel de Paris en date du 28 juin 1995 devenu définitif ; que la lettre adressée par l'intéressé au directeur des services fiscaux chargé de la direction nationale des vérifications de situations fiscales, le 3 novembre 1995, dans laquelle il contestait les impositions supplémentaires mises à la charge de la SARL Operex, en faisant valoir que l'administration n'apportait pas la preuve du bien-fondé des redressements, concernait l'assiette des impositions litigieuses telle que définie par l'article L. 190 du livre des procédures fiscales ; que, par suite, M. X n'est pas fondé à soutenir que sa lettre du 3 novembre 1995 constituait une demande en décharge solidaire qui relevait de la compétence de l'administration chargée du recouvrement à laquelle elle aurait du être transmise et que sa requête aurait dû être analysée par le Tribunal administratif de Paris, dont le jugement n'est, par ailleurs, entaché d'aucune omission à statuer sur les moyens invoqués, comme dirigée contre la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le receveur général des finances de Paris sur une telle demande ; qu'en l'absence de réclamation préalable, ses conclusions, d'ailleurs présentées au surplus pour la première fois en appel, tendant à la décharge de sa responsabilité solidaire, ne sont pas recevables ;

Sur les moyens relatifs à la régularité des conditions de mise en oeuvre de la responsabilité solidaire et à la production tardive de la créance d'impôt dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire de la SARL Operex :

Considérant que les moyens relatifs à la régularité des conditions de mise en oeuvre par l'administration de la responsabilité solidaire de M. X et à la production tardive de la créance auprès du syndic chargé de la liquidation judiciaire de la SARL Operex et qui mettent en cause l'exigibilité des cotisations d'impôt dont le recouvrement est poursuivi, se rattachent au contentieux du recouvrement et sont irrecevables dans le cadre de la présente instance qui, ainsi qu'il a été indiqué ci-dessus, ressortit au contentieux de l'assiette ; que M. X demeure, en revanche, recevable à contester la régularité et le bien-fondé des impositions mises à la charge de la SARL Oparex et au paiement desquelles il est solidairement tenu ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant que, pour écarter le moyen invoqué par M. X et tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, le tribunal administratif s'est fondé sur le motif que pour réintégrer le montant des commissions litigieuses, l'administration n'a pas prétendu que les conventions passées avec les courtiers dissimulaient la portée véritable d'un contrat et n'a pas cherché à restituer à l'opération son véritable caractère, mais s'est bornée à soutenir que les charges correspondantes étaient dépourvues de contreparties réelles ; qu'il y a lieu à défaut d'arguments nouveaux d'écarter le même moyen invoqué en appel, par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif ;

Sur le bien-fondé des impositions :

Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts : Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) ; qu'en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s'il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci ; qu'il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des créances de tiers, amortissements, provisions et charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité ; qu'en ce qui concerne les charges, le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée ; que dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive ;

Considérant que la SARL Operex éditait des brochures ou des revues d'information diverses pour le compte d'associations de parents d'élèves d'écoles privées, d'institutions d'enseignement catholique et de partis politiques qui avaient pour support des annonces publicitaires pour lesquelles elle avait recours notamment à des agents commerciaux et à des régies publicitaires ; qu'au cours des années en litige, elle a déduit de ses bénéfices imposables les sommes respectives de 2 435 351 F et 2 710 635 F à titre de commissions correspondant à la rémunération des agents commerciaux et régies publicitaires ; que le vérificateur ayant constaté, lors de la vérification de comptabilité de la société, le caractère fictif d'une grande partie de ces commissions, a réintégré dans ses résultats imposables les sommes respectives de 1 642 488 F et 2 046 922 F ; que M. X soutient que les sommes réintégrées dans les résultats imposables de la SARL Operex correspondaient bien à des commissions versées aux courtiers en contrepartie d'un travail effectif de démarchage ;

Considérant, d'une part, qu'il ressort des motifs du jugement du 10 novembre 1994 par lequel le Tribunal de grande instance de Paris statuant en matière correctionnelle a déclaré M. X coupable de soustraction frauduleuse à l'établissement ou au paiement total ou partiel de l'impôt sur les sociétés dû par la SARL Operex, que l'analyse des factures a montré que celles-ci avaient été établies, non par les agents commerciaux, mais par la société elle-même qui n'indiquait pas le nom des annonceurs et que parmi les agents commerciaux certains sont inconnus de l'administration, tandis que d'autres n'ont pas déclaré les commissions au titre des sommes encaissées ; que M. X a fait l'objet d'un renvoi en correctionnel en raison de fausses factures émises au nom de Provost ; que l'enquête fiscale portant sur les chèques comptabilisés et imputés sur les factures a révélé, à partir de la photocopie des chèques, que certains agents commerciaux n'avaient rien perçu alors que d'autres avaient encaissé des montants inférieurs à ceux facturés et que M. X avait, dans le même temps effectué des retraits en espèces de 545 000 F en 1989 et 525 000 F en 1990 ; qu'enfin la société n'avait pas produit, à titre de justificatif, d'ordre d'insertion ou de brochure ; qu'en se fondant sur ces constatations, le Tribunal de grande instance de Paris a considéré que l'importance des sommes, la nature et la persistance des procédés employés, -notamment la comptabilisation de règlements par chèques à l'ordre des courtiers alors qu'il s'agit de retraits en espèces effectués par le gérant-, démontrent le caractère frauduleux de la minoration des résultats déclarés, de même que l'inexactitude d'une comptabilité dénuée de toute valeur probante ; qu'il ressort des motifs de l'arrêt de la Cour d'appel de Paris en date du 28 juin 1995 confirmant la condamnation de M. X pour fraude fiscale que le tribunal de grande instance a exactement relaté les faits de la cause et que l'intéressé a reconnu au moins pour partie les faits qui lui sont reprochés et notamment ceux relatifs aux fausses factures émises au nom de Provost, ainsi qu'à diverses autres factures établies par lui-même ; que, dès lors, et ainsi que l'ont jugé à bon droit les premiers juges, l'administration est fondée dans cette mesure à opposer aux écritures de M. X, l'autorité absolue de la chose jugée attachée à ces constatations matérielles qui constituent le support de cet arrêt ;

Considérant, d'autre part, que l'administration fait valoir que les enquêtes effectuées par le service auprès des tribunaux de commerce ont révélé l'absence d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés de trois démarcheurs, des erreurs quant aux numéros figurant sur le registre ou encore des références à des activités radiées ; qu'elle soutient également, sans être contredite, que les factures, supposées émaner des agents commerciaux, toutes établies selon le même modèle, étaient en fait rédigées par la SARL Operex pour le compte des agents et signées de manière illisible et mentionnaient uniquement le nom de la brochure, sans aucune référence aux annonceurs démarchés, le chiffre d'affaires global réalisé, sans référence à une période précise et le taux de commission appliqué ; qu'elle fait également valoir que l'examen des photocopies de chèques, que la société prétend avoir remis aux courtiers, a permis d'établir que de nombreux règlements correspondaient à des opérations d'une nature autre que celle ressortant de l'examen de la comptabilité et de ses pièces justificatives ;

Considérant que M. X n'apporte en regard de ces constatations aucun élément de nature à établir que les sommes litigieuses correspondaient bien à des commissions versées aux courtiers en contrepartie d'un travail effectif de démarchage ; qu'il ne justifie donc pas, dans son principe comme dans son montant de l'exactitude des écritures de charge en litige ; que c'est dès lors à bon droit, et sans qu'il y ait lieu d'ordonner la mesure d'instruction sollicitée, que les premiers juges, qui n'ont pas méconnu les règles concernant la dévolution de la charge de la preuve, ont retenu que M. X n'était pas fondé à contester la réintégration des sommes en cause dans les résultats imposables de la SARL Operex ;

Sur les pénalités de mauvaise foi :

Considérant que les dispositions de l'article 1729 du code général des impôts prévoient que les insuffisances, omissions ou inexactitudes relevées dans les déclarations souscrites ou dans les actes présentés sont sanctionnées par l'intérêt de retard mentionné à l'article 1727 du même code, assorti d'une majoration de 40 % si la mauvaise foi du contribuable est établie et de 80 % en cas de manoeuvres frauduleuses ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment de la notification de redressements adressée à la SARL Operex le 31 juillet 1992, que l'administration a suffisamment précisé les éléments de droit et de fait sur lesquels elle se fondait pour faire application des dispositions du 1 de l'article 1729 du code général des impôts ;

Considérant d'une part, qu'ainsi qu'il a été indiqué ci-dessus, M. X a été déclaré solidairement tenu, avec la SARL Operex redevable légal, au paiement des impôts fraudés et à celui des pénalités fiscales y afférentes par un arrêt de la Cour d'appel de Paris en date du 28 juin 1995, devenu définitif ; que si les pénalités pour mauvaise foi mises à la charge de la SARL Operex à la suite de la vérification de comptabilité dont elle avait fait l'objet et au paiement desquelles M. X est ainsi solidairement tenu, constituent des accusations en matière pénale , de même que les pénalités pour mauvaise foi auquelles il a été personnellement assujetti à raison des revenus réputés distribués par la SARL Operex, ces pénalités sont compatibles avec les stipulations de l'article 6 paragraphe 1 de la convention européenne des droits de l'homme, le juge de l'impôt pouvant exercer un plein contrôle sur leur bien-fondé même si les dispositions applicables à ces pénalités ne lui confèrent pas un pouvoir de modulation de leur taux ;

Considérant d'autre part que si M. X soutient que l'assujettissement à ces pénalités ne serait pas conforme au paragraphe 7 de l'article 14 du pacte international relatif aux droits civils et politiques qui stipule que nul ne peut être poursuivi ou puni en raison d'une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté au condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de chaque pays , il résulte des termes de ces stipulations que la règle Non bis in idem qu'elles énoncent ne trouvent à s'appliquer que dans le cas où une même infraction pénale ayant déjà donné lieu à un jugement définitif de condamnation ou d'acquittement ferait l'objet d'une nouvelle poursuite et, le cas échéant, d'une condamnation devant ou par une juridiction répressive ; que ces stipulations ne font donc pas obstacle à l'application de pénalités afférentes, les unes, au complément d'impôt sur les sociétés dont la SARL Operex est légalement redevable et dont M. X a été constitué débiteur solidaire, les autres, au complément d'impôt sur le revenu auquel M. X a été assujetti à la suite d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle, ces pénalités sanctionnant des infractions fiscales qui se rattachent à des procédures et des matières imposables différentes ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante soit condamné à payer à M. X la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. X est rejetée.

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N° 02PA02524


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5eme chambre - formation b
Numéro d'arrêt : 02PA02524
Date de la décision : 05/12/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Prés SOUMET
Rapporteur ?: M. Bruno PAILLERET
Rapporteur public ?: M. ADROT
Avocat(s) : POTIER DE LA VARDE

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2005-12-05;02pa02524 ?
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