Vu la requête, enregistrée le 26 octobre 2001, présentée pour la SARL VERGAN, dont le siège est 3 route de Longjumeau à Chilly Mazarin (91380), par Me Andrieu ; la SARL VERGAN demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 972248 en date du 26 juin 2001 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la décharge, d'une part, des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1988, 1989, 1990 et 1991 et, d'autre part, des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er avril 1987 au 31 mars 1991 par avis de mise en recouvrement du 8 décembre 1994 ;
2°) de prononcer la décharge desdits droits et desdites cotisations et pénalités, dont ces impositions ont été assorties, et le sursis à exécution du jugement ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 avril 2005 :
- le rapport de M. Pailleret, rapporteur,
- les observations de Me ANDRIEU, avocat, pour la SARL VERGAN;
- et les conclusions de M. Adrot, commissaire du gouvernement ;
Considérant que la SARL VERGAN, qui exploite une discothèque sous l'enseigne commerciale « L'Acropol », a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant, en matière d'impôt sur les sociétés, sur les exercices clos en 1988, 1989, 1990 et 1991 et, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, sur la période du 1er avril 1987 au 31 mars 1991 ; qu'après avoir écarté sa comptabilité comme non probante, le vérificateur a reconstitué ses recettes et réintégré divers frais financiers ; que la SARL VERGAN relève appel du jugement en date du 26 juin 2001, par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande en décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie à l'issue de ce contrôle ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'il résulte des termes mêmes du jugement attaqué, que le tribunal administratif, répondant aux moyens soulevés par la SARL VERGAN, a motivé en droit et en fait sa décision ; qu'ainsi, et alors même que les premiers juges n'auraient pas, dans leur jugement, fait référence à l'ensemble des arguments de la requérante et aient implicitement mais nécessairement jugé inutile l'expertise sollicitée, le moyen tiré d'une insuffisante motivation de ce jugement doit être rejeté ;
Sur les impositions résultant de la reconstitution des recettes :
En ce qui concerne la régularité de la procédure et la charge de la preuve :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'un redressement, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. Toutefois la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou le redressement est soumis au juge... ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que toutes les bandes de l'une des deux caisses enregistreuses portent, pour les quatre exercices vérifiés, le millésime de l'année 1987 et ne peuvent être regardées comme justifiant le détail des recettes, alors qu'il n'est pas contesté qu'ainsi que l'ont relevé les premiers juges, cette caisse était utilisée le vendredi et le samedi, journées durant lesquelles la discothèque exploitée par la SARL VERGAN réalise l'essentiel de son chiffre d'affaires et que cette anomalie empêchait toute comparaison entre les bandes produites comme documents justificatifs et le registre où étaient reportés les cumuls journaliers de recettes ; qu'en outre, le service a produit devant les premiers juges un procès-verbal d'audition du gérant de la société, établi dans la cadre d'une enquête judiciaire, qui s'il n'a pas été contresigné par celui-ci, constate néanmoins que l'intéressé a admis l'emploi régulier de personnels rémunérés en espèces sur les recettes quotidiennes et non déclarés ; que, dans ces conditions, en raison des lacunes graves et répétées entachant la comptabilité de la SARL VERGAN et portant sur l'ensemble des exercices vérifiés, le vérificateur a pu à bon droit écarter cette comptabilité comme non probante ;
Considérant que, si aux termes de l'article L. 13 A du livre des procédures fiscales : Le défaut de présentation de la comptabilité est constaté par procès-verbal que le contribuable est invité à contresigner ..., ces prescriptions ne constituent pour le service qu'une simple faculté destinée à lui faciliter l'administration de la preuve mais dont l'absence de mise en oeuvre est sans conséquence sur la régularité de la procédure ; que, dès lors, le moyen tiré par la SARL VERGAN de l'absence d'établissement régulier d'un procès-verbal constatant le défaut de présentation de la comptabilité est inopérant ;
Considérant que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires a été saisie du désaccord entre l'administration et la société ; que les bases d'imposition retenues sont conformes à l'avis émis par la commission ; que, si la société soutient que la commission se serait prononcée à leur sujet dans des conditions irrégulières, en tant qu'elle n'aurait pas eu la même composition au cours des trois séances qu'elle a consacrées à l'examen de l'affaire, il résulte de l'instruction et notamment des mentions des procès-verbaux desdites séances, qu'après avoir examiné à deux reprises les réclamations de la société lors des séances des 20 octobre 1992 et 2 juillet 1993, et estimé que la comptabilité était dépourvue de caractère probant, la commission, s'estimant insuffisamment informée en ce qui concerne la reconstitution des recettes, a demandé un supplément d'instruction ; qu'au cours d'une ultime séance, en date du 15 mars 1994, elle a entièrement repris l'étude de l'affaire ; que la circonstance qu'elle n'a pas eu exactement la même composition lors des trois séances est sans influence sur la régularité de l'avis que la commission a émis le 15 mars 1994 ; qu'il suit de là que la commission a été régulièrement consultée sur le désaccord opposant la société à l'administration et qu'en conséquence, par application des dispositions précitées de l'article L 192 du livre des procédures fiscales, il appartient à la société d'apporter la preuve de l'exagération des bases d'imposition retenues par l'administration ;
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :
Considérant que pour reconstituer les recettes de l'entreprise, le vérificateur a, à partir du dépouillement des factures d'achat, chiffré par catégorie et par exercice, les quantités de boissons achetées, puis, compte tenu des stocks, les quantités consommées ; que les quantités d'achats consommés ont été divisées par 7 cl pour obtenir le nombre des consommations servies ; que le chiffre d'affaires lié aux boissons alcoolisées a été obtenu en multipliant ce nombre par le prix de la consommation, soit 50 F ; que les boissons consommées comprises dans le prix du billet d'entrée des vendredis, samedis et dimanches ont été exclues ; que, par ailleurs, au regard du nombre important des sodas, jus de fruit et sirops achetés en bouteilles de 1,5 litre, le service a, suivant l'avis émis par la commission départementale des impôts, estimé que 13 % des sodas achetés en petites bouteilles d'un quart de litre devaient être vendus sans adjonction d'alcool et généraient ainsi un chiffre d'affaires lié à la vente de boissons non alcoolisées ; que la circonstance que les paramètres de cette reconstitution aient été modifiés à plusieurs reprises en cours de procédure, puis devant la commission départementale des impôts afin de tenir compte d'observations de la société, n'est pas de nature à établir, eu égard à la part d'approximation que comporte nécessairement toute méthode de reconstitution extra-comptable, que cette méthode serait excessivement sommaire ou radicalement viciée dans son principe ; que le tribunal a écarté les critiques formulées par la société à l'encontre de cette méthode en relevant, d'une part, que le service pouvait retenir comme dose d'alcool servie dans les verres une quantité de 7 cl, dès lors que cette quantité résulte d'un affichage destiné à la clientèle, sur les lieux mêmes de l'exploitation, d'autre part, qu'un pourcentage d'offerts et de pertes a été pris en compte par le vérificateur pour le calcul de la base d'imposition et, enfin, que, si la société avait développé une série de calculs, visant à démontrer que tous les alcools étaient servis avec soda, et qu'aucune boisson non alcoolisée n'était servie comme consommation ordinaire, de telles circonstances devaient être regardées comme parfaitement invraisemblables s'agissant du fonctionnement d'une discothèque ; que la société reprend en termes identiques, dans sa requête d'appel, l'ensemble de ces griefs sans présenter d'éléments justificatifs nouveaux, autre qu'un procès-verbal de constat d'huissier sans portée utile, de nature à établir la véracité de ses allégations et à démontrer que la méthode qu'elle propose fondée sur de nouveaux coefficients aurait abouti à un résultat plus fiable que celle mise en oeuvre par le service ; que, dans ces conditions, la SARL VERGAN ne peut être regardée comme apportant la preuve qui lui incombe de l'exagération de l'évaluation par l'administration de ses bases d'imposition ;
Sur les impositions résultant de la réintégration de frais financiers :
Considérant qu'il a été constaté, au cours de la vérification de comptabilité, qu'au terme d'un contrat de location-gérance conclu entre la SARL VERGAN et X, son gérant, la société s'engageait en fin de contrat à rendre les locaux en bon état d'entretien et reconnaissait que toutes les améliorations qui auraient été apportées à cette date par le gérant libre resteraient acquises au bailleur sans indemnité ; que, par avenant du 23 novembre 1987, la SARL VERGAN a été autorisée à effectuer à sa charge des travaux pour un montant maximum de 6 000 000 F hors taxes, ledit avenant stipulant qu'en cas de résiliation ou d'un non renouvellement du contrat de gérance imputable au propriétaire, le bailleur lui verserait une indemnité égale à la valeur résiduelle comptable des travaux ; que la SARL VERGAN a contracté d'importants emprunts pour financer lesdits travaux moyennant des frais financiers également très élevés ; que X, gérant de la SARL VERGAN étant lui-même locataire des locaux, qui appartenaient à la SCI VEVA, dont il était le dirigeant, le contrat de location conclu avec cette société prévoyait également la reprise des immobilisations pour leur valeur nette comptable ; que, compte tenu de l'importance des travaux affectant le gros-oeuvre, le service a considéré qu'ils incombaient normalement au propriétaire et que, compte tenu de la situation financière de l'entreprise largement grevée par les frais financiers découlant de ces travaux, ainsi que des liens existant entre la SCI VEVA, propriétaire du fonds de commerce à usage de discothèque, et la SARL VERGAN, exploitant du fonds, la prise en charge par celle-ci des dépenses correspondantes excédait, à hauteur des pourcentages évalués par le vérificateur, le cadre d'une gestion normale ; qu'il résulte de l'examen de la notification de redressement du 25 novembre 1991, que la SARL VERGAN disposait de tous les éléments, notamment chiffrés, lui permettant de contester utilement les redressements en cause ; que, l'administration n'a pas entendu écarter le contrat et l'avenant en cause au motif qu'ils seraient fictifs ou auraient été conclus à des fins exclusivement fiscales, mais s'est bornée, comme elle était en droit de le faire pour justifier les réintégrations litigieuses, à interpréter leurs stipulations ; que, ce faisant, l'administration ne peut être regardée comme ayant mis en oeuvre, fût-ce implicitement, la procédure de répression des abus de droit prévue à l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ; qu'il résulte, enfin, des termes du jugement attaqué, que le tribunal n'a, contrairement à ce que soutient la société requérante, pas inversé la charge de la preuve, mais s'est borné à constater, qu'à supposer que la société ait entendu soutenir que les dépenses refusées à ce titre correspondraient à des travaux qui seraient susceptibles d'être pris en charge par le locataire, elle n'apportait au soutien de cette affirmation aucune précision particulière permettant d'en apprécier la pertinence ;
Sur les pénalités de mauvaise foi :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, en se fondant sur la nature et l'importance des omissions de recettes ainsi que sur la fréquence des manquements constatés sur quatre années, l'administration doit être regardée comme établissant l'absence de bonne foi de la SARL VERGAN, de nature à justifier l'application des pénalités prévues par l'article 1729 du code général des impôts ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL VERGAN n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande ;
Sur la demande de sursis à exécution du jugement :
Considérant que le présent arrêt se prononçant sur le fond du litige, la demande de sursis à exécution du jugement attaqué est devenue sans objet ;
D E C I D E:
Article 1er : La requête de la SARL VERGAN est rejetée.
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N° 01PA03413