Vu la requête, enregistrée le 11 octobre 1999, présentée pour la société BOOY CLEAN WALLONIE, dont le siège est ... BELGIQUE, par Me X... ; la société BOOY CLEAN WALLONIE demande à la cour :
1°) de réformer le jugement n° 9507049/6 du Tribunal administratif de Paris en date du18 mai 1999 en ce qu'il a rejeté ses demandes ;
2°) de condamner EDF à lui verser la somme de 220 millions de francs belges ou sa contre valeur en francs français à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi ainsi que la somme de 2 millions de francs belges ou sa contre valeur en francs français au titre des frais irrépétibles, le tout majoré des intérêts au taux légal à compter du 15 juin 1994 ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 décembre 2004 :
- le rapport de Mme Brotons, rapporteur,
- les observations de Me X..., pour la société BOOY CLEAN WALLONIE,
- et les conclusions de M. Coiffet, commissaire du gouvernement ;
Considérant que, par marché négocié à commandes conclu le 8 juin 1983 pour une durée de trois ans, EDF a chargé la société BOOY CLEAN WALLONIE du nettoyage par lançage des plaques tubulaires des générateurs de vapeur des centrales nucléaires ; que ce contrat a été renouvelé le 31 décembre 1986 puis le 19 septembre 1989, divers avenant ayant pour effet de prolonger les relations contractuelles des deux sociétés jusqu'au 31 décembre 1993 ; qu'à la suite de manquements constatés au cours d'opérations réalisées par son cocontractant et à la demande de l'autorité de tutelle chargée de s'assurer de la sûreté des installations nucléaires, EDF a mis en oeuvre, au cours de l'année 1991, sur la base des données techniques recueillies auprès de ses prestataires, un processus de qualification destiné à vérifier la qualité de leurs interventions ; que la réussite aux tests de qualification définis à cette fin conditionnait l'attribution de tout nouveau marché ; que la société BOOY CLEAN WALLONIE échouait à ces tests à quatre reprises, entre décembre 1991 et novembre 1992 ; qu'en revanche, la société Wallonie Maintenance, créée le 26 janvier 1993 à l'initiative d'anciens salariés démissionnaires de la société BOOY CLEAN WALLONIE, s'est qualifiée en juin 1993 ; que la société BOOY CLEAN WALLONIE a alors, d'une part, cessé toute participation aux tests de qualification, d'autre part, intenté avec succès une action en concurrence déloyale à l'encontre de la société Wallonie Maintenance devant le tribunal de commerce de Charleroi ; que par demande formée devant le tribunal de commerce de Bobigny, puis devant le tribunal administratif de Paris, elle a recherché la condamnation d'EDF à réparer les préjudices résultant de la perte de marchés, en France et à l'étranger, à raison du non respect, par EDF, de ses obligations contractuelles de discrétion à l'égard des tiers et des fautes délictuelles commises pour manquement à son devoir de confidentialité et violation de la règle d'égalité des candidats à un appel d'offres ; qu'elle fait appel du jugement du tribunal administratif de Paris en date du 18 mai 1999 en ce qu'il a rejeté l'ensemble de ses demandes ;
Sur la recevabilité de la demande :
Considérant qu'aux termes de l'article 39 du cahier des clauses administratives prestations applicable aux différents contrats conclus depuis 1983 entre la société BOOY CLEAN WALLONIE et EDF : Les litiges auxquels peuvent donner lieu entre les parties l'interprétation et l'exécution du contrat sont résolus par le tribunal compétent en cas d'échec d'une tentative de règlement amiable ; qu'il résulte de l'instruction que, par lettre du 3 mai 1993, la société requérante informait son cocontractant que les agissements dont elle avait eu connaissance et qui mettaient en cause certains agents d'EDF étaient de nature à lui porter préjudice et lui demandait l'organisation d'une rencontre afin d'en tirer toutes les conséquences ; qu'un refus lui étant opposé, elle réitérait sa demande par lettre du 11 mai 1993 en invoquant les relations contractuelles qui liaient les deux sociétés ainsi que les règles de loyauté qui s'imposaient aux agents d'EDF ; qu'enfin, EDF confirmant son refus, elle l'informait, par lettre du 24 mai 1993, de son intention d'engager une procédure à son encontre, en vue d'obtenir réparation de son préjudice ; qu'il suit de là que la société BOOY CLEAN WALLONIE doit être regardée comme ayant tenté de recourir à une procédure de règlement amiable, au sens des dispositions de l'article 39 précité du cahier des clauses administratives, avant de saisir le tribunal compétent ; que, dès lors EDF n'est pas fondée à soutenir que l'action en responsabilité contractuelle, engagée par la société requérante devant le tribunal administratif de Paris, était irrecevable ;
Sur la responsabilité et sur le préjudice indemnisable :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de l'action en responsabilité extra contractuelle :
Considérant qu'aux termes de l'article 8-2 du cahier des clauses administratives applicables aux contrats conclus depuis 1983 entre la société BOOY CLEAN WALLONIE et EDF : Dans la présente clause, le mot partie inclut non seulement les salariés d'EDF et du titulaire, mais encore toute personne physique ou morale mandatée par l'un ou par l'autre pour participer à l'exécution du contrat. Toute partie qui, à l'occasion de l'exécution du contrat, a reçu de l'autre partie communication à titre confidentiel, de renseignements, documents ou objets quelconques, est tenue de maintenir confidentielle cette communication. Ces informations confidentielles ne pourront être communiquées par une partie à d'autres personnes que celles qui ont qualité pour en connaître, sans l'autorisation de l'autre. Chacune des parties est tenue de ne divulguer aucune information de nature confidentielle qui, émanant de l'autre partie, pourrait parvenir à sa connaissance à l'occasion du contrat. Sont en toute hypothèse considérés comme confidentiels par nature le savoir-faire, les spécifications de conception et de réalisation, les procédés de fabrication et les moyens de contrôle, les logiciels, les données économiques et commerciales propriété de l'une ou l'autre des parties, ainsi que leur organisation et leur fonctionnement interne. Toute partie doit, sans délai, avertir l'autre de toute disposition ou incident pouvant laisser présumer l'existence d'une violation de l'obligation de confidentialité ci-dessus... ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par lettre du 13 octobre 1992, la société Wallonie Maintenance demandait à EDF l'autorisation de participer aux tests de qualification ; que cette lettre était signée, au nom de la société Wallonie Maintenance, par une personne qui jusque là exerçait les fonctions de responsable des tests de qualification au sein de la société BOOY CLEAN WALLONIE ; qu'il n'est pas contesté que les services d'EDF ont adressé à l'intéressé, postérieurement au 13 octobre 1992, les compte-rendus de synthèse des tests de qualification passés par la société BOOY CLEAN WALLONIE ; que, ce faisant, EDF a manqué à l'obligation de confidentialité définie par l'article 8-2 précité du cahier des clauses administratives annexé au contrat passé avec la société BOOY CLEAN WALLONIE ; qu'il suit de là que la société requérante est fondée à rechercher la responsabilité d'EDF à raison de ce manquement ; que, par contre, la société BOOY CLEAN WALLONIE ne peut utilement invoquer le témoignage d'un de ses anciens salariés, rédigé en 1995, eu égard au lien de subordination qui liait l'intéressé à la société, pour soutenir qu'EDF aurait encouragé la création, par certains de ses cadres, d'une société concurrente ; que, par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction qu'EDF aurait illégalement favorisé la société Wallonie Maintenance, alors même qu'il est constant que d'autres concurrents ont obtenu, quelques mois après cette société, et notamment dès le mois d'août 1993 en ce qui concerne la société STMI, leur qualification pour participer à l'appel d'offres ;
Considérant que le préjudice dont la société BOOY CLEAN WALLONIE demande réparation, en ce qu'il résulte de la perte de marchés tant en France qu'à l'étranger, est dépourvu de lien direct avec la faute contractuelle commise par EDF, alors même qu'il est constant que la société requérante connaissait, dès avant 1992, des difficultés liées à des tensions internes et à une dégradation de la qualité de ses prestations ; qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice résultant de la dépossession dont la société requérante a fait l'objet du fait du manquement d'EDF à son obligation contractuelle de confidentialité, en fixant l'indemnité due de ce chef à la somme de 100 000 euros ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'ordonner une mesure d'instruction complémentaire que la société BOOY CLEAN WALLONIE est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes ; qu'il y a lieu de réformer ce jugement et de condamner EDF à verser à la société requérante une somme de 100 000 euros ;
Sur les intérêts :
Considérant que la société BOOY CLEAN WALLONIE a droit aux intérêts de la somme de 100 000 euros à compter du 15 juin 1994, date à laquelle elle a saisi le Tribunal de commerce de Bobigny en vue d'obtenir réparation de ses préjudices par EDF ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de cet article font obstacle à ce que la société BOOY CLEAN WALLONIE, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, soit condamnée à verser à EDF une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, par contre, il y a lieu, sur leur fondement, de condamner EDF à verser à la société BOOY CLEAN WALLONIE la somme de 5 000 euros ; qu'il n'y a toutefois pas lieu de majorer cette somme des intérêts au taux légal ;
DÉCIDE :
Article 1er : EDF est condamnée à verser à la société BOOY CLEAN WALLONIE une somme de 100 000 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 15 juin 1994.
Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Paris en date du 18 mai 1999 est réformé en ce qu'il est contraire à l'article 1er du présent arrêt.
Article 3 : EDF versera à la société BOOY CLEAN WALLONIE une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la société BOOY CLEAN WALLONIE et les conclusions d'EDF tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
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