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02/10/2003 | FRANCE | N°99PA03116

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5eme chambre a, 02 octobre 2003, 99PA03116


VU la requête, enregistrée au greffe de la cour le 9 septembre 1999, présentée pour Mme Sonja X, demeurant ..., par Me Cuadrado, avocat ; Mme X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9412904/1 du 29 juin 1999 en tant que le tribunal administratif de Paris n'a fait droit que partiellement à sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, et des pénalités y afférentes, auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1988 et 1989 ;

2°) de prononcer la décharge totale de ces impositions ;

3°) et de co

ndamner l'Etat, d'une part, à lui verser les intérêts moratoires prévus par l'article ...

VU la requête, enregistrée au greffe de la cour le 9 septembre 1999, présentée pour Mme Sonja X, demeurant ..., par Me Cuadrado, avocat ; Mme X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9412904/1 du 29 juin 1999 en tant que le tribunal administratif de Paris n'a fait droit que partiellement à sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, et des pénalités y afférentes, auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1988 et 1989 ;

2°) de prononcer la décharge totale de ces impositions ;

3°) et de condamner l'Etat, d'une part, à lui verser les intérêts moratoires prévus par l'article L.208 du livre des procédures fiscales et, d'autre part, à lui verser une somme de 70.000 F au titre des frais irrépétibles ;

..................................................................................................................

VU les autres pièces du dossier ;

VU la convention fiscale conclue entre la France et la Suisse le 9 septembre 1966 ;

VU le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

VU le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 septembre 2003 :

- le rapport de Mme Lecourbe, premier conseiller,

- les observations de Me Jurges, avocat pour Mme X,

- et les conclusions de Mme Escaut, commissaire du Gouvernement ;

Considérant que Mme X demande l'annulation du jugement en date du 29 juin 1999 en tant que le tribunal administratif de Paris ne lui a accordé qu'une décharge partielle des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1988 et 1989 à raison d'une part d'une plus-value réalisée lors de la cession de valeurs mobilières et d'autre part de la perception d'indemnités de licenciement ;

Sur la détermination du domicile fiscal :

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 4 B du code général des impôts : Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A : a. Les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ; b. Celles qui exercent en France une activité professionnelle salariée ou non, à moins qu'elles ne justifient que cette activité y est exercée à titre accessoire ; c. Celles qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 4.2 de la convention conclue le 9 septembre 1966 entre la France et la Suisse en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôt sur le revenu et sur la fortune : Lorsque ... une personne physique est considérée comme résident de chacun des Etats contractants, le cas est résolu d'après les règles suivantes : a) Cette personne est considérée comme résident de l'Etat contractant où elle dispose d'un foyer d'habitation permanent, cette expression désignant le centre des intérêts vitaux, c'est à dire le lieu avec lequel ses relations personnelles sont les plus étroites ; b) Si l'Etat contractant où cette personne a le centre de ses intérêts vitaux ne peut pas être déterminé, ou si elle ne dispose d'un foyer d'habitation permanent dans aucun des Etats contractants, elle est considérée comme résident de l'Etat contractant où elle séjourne de façon habituelle ; c) Si cette personne séjourne de façon habituelle dans chacun des Etats contractants ou si elle ne séjourne de façon habituelle dans aucun d'eux, elle est considérée comme résident de l'Etat contractant dont elle possède la nationalité ... ;

Considérant que Mme X, de nationalité suisse, exerçait le métier de styliste en France où elle avait son domicile fiscal depuis de nombreuses années ; que s'il n'est pas contesté qu'à partir du 1er janvier 1989, son domicile fiscal était en Suisse, l'administration a considéré qu'elle avait encore son domicile fiscal en France le 28 décembre 1988 lorsqu'elle a perçu la plus-value résultant de la cession des parts sociales de la société Emmanuel Ungaro ainsi que l'indemnité de licenciement versée par ladite société ; que Mme X soutient au contraire qu'elle a transféré son domicile fiscal en Suisse dès le 1er septembre 1988 ; qu'il résulte de l'instruction qu'à supposer même que le foyer de Mme X ne puisse plus être considéré comme étant en France à compter du 1er septembre 1988, l'intéressée y exerçait encore, entre septembre et décembre 1988, une profession salariée et y avait le centre de ses intérêts économiques dès lors que ses revenus provenaient de son activité salariée en France et qu'elle était encore propriétaire de 47 % du capital de la société Emmanuel Ungaro ; que, par suite, Mme X doit être regardée comme ayant eu son domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A du code général des impôts jusqu'à la fin de l'année 1988 ;

Considérant, cependant, que Mme X a aussi été soumise à l'impôt sur le revenu et aux impôts communaux et cantonaux en Suisse à partir du 1er septembre 1988 ; qu'il convient dès lors de déterminer son domicile fiscal au regard des critères énoncés par l'article 4.2 précité de la convention franco-suisse ; que la notion de foyer d'habitation permanent retenue par ce texte doit être définie en fonction d'éléments d'appréciation relatifs à la personne du contribuable et non à son patrimoine ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'au cours de la période litigieuse de la fin de l'année 1988, Mme X occupait une résidence à Klosters en Suisse où elle avait procédé à un déménagement de meubles provenant de Paris en juillet 1988 et où elle employait deux personnes depuis l'été 1988 ; qu'elle produit un certificat de résidence précisant qu'elle y est domiciliée depuis le 1er septembre 1988 ; qu'elle est d'ailleurs, depuis cette date, inscrite sur les listes électorales de la commune ; qu'il n'est pas contesté qu'elle partageait sa vie avec un résident suisse et qu'elle justifie avoir été suivie régulièrement, entre août et décembre 1988, par un médecin suisse ; que, par suite, alors même que Mme X avait conservé un appartement à Paris qu'elle occupait régulièrement et qu'elle était toujours, à l'époque, salariée de la société Charles Jourdan, mais dans la mesure où elle disposait d'une grande liberté d'organisation de son travail et avait loué un atelier à Klosters, les liens personnels de Mme X avec la Suisse étaient plus étroits que ceux qu'elle avait pu conserver avec la France à compter du mois de septembre 1988 ; qu'ainsi, elle doit être regardée comme ayant eu en Suisse, dès le mois de septembre 1988, son domicile fiscal au sens des dispositions précitées de la convention franco-suisse ;

Sur le bien-fondé des impositions :

Considérant que Mme X a perçu, au cours des années 1988 et 1989 en litige, des salaires de la société Charles Jourdan et deux indemnités de licenciement d'une part de la société Emmanuel Ungaro en 1988 et d'autre part de la société Charles Jourdan en 1989 et a réalisé une plus-value lors de la cession des parts sociales de la société Emmanuel Ungaro le 28 décembre 1988 ; qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, Mme X ayant eu son domicile fiscal en Suisse à compter du 1er septembre 1988, l'imposition des sommes en cause est régie par les stipulations de la convention fiscale franco-suisse ;

Considérant qu'aux termes de l'article 15 de la convention fiscale franco-suisse : ...5. Les gains provenant de l'aliénation de tous biens autres que ceux qui sont mentionnés aux paragraphes 1, 2 et 3 ne sont imposables que dans l'Etat dont le cédant est un résident ; qu'aux termes de l'article 17 de la même convention : 1...les salaires, traitements et autre rémunérations similaires qu'un résident d'un Etat contractant reçoit au titre d'un emploi salarié ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que l'emploi ne soit exercé dans l'autre Etat contractant. Si l'emploi y est exercé, les rémunérations reçues à ce titre sont imposables dans cet autre Etat. 2. Nonobstant les dispositions du paragraphe 1, les rémunérations qu'un résident d'un Etat contractant reçoit au titre d'un emploi salarié exercé dans l'autre Etat contractant ne sont imposables que dans le premier Etat si : a) Le bénéficiaire séjourne dans l'autre Etat pendant une période ou des périodes n'excédant pas au total 183 jours au cours de l'année fiscale considérée ... et aux termes de l'article 23 de cette même convention : Les éléments du revenu d'un résident d'un Etat contractant, qui ne sont pas expressément mentionnés dans les articles précédents de la présente convention, ne sont imposables que dans cet Etat ;

Considérant, en premier lieu, que Mme X a vendu en décembre 1988 les parts de la société Emmanuel Ungaro qu'elle détenait ; qu'en application des stipulations précitées de l'article 15-5 de la convention franco-suisse, la plus-value résultant de cette cession était imposable en Suisse où l'intéressée avait alors son domicile fiscal ; que, par suite, Mme X est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de l'imposition de ladite plus-value à laquelle elle a été assujettie en France au titre de l'année 1988 ;

Considérant, en deuxième lieu, que Mme X a perçu, au cours des années 1988 et 1989, des salaires versés par la société Charles Jourdan pour un emploi basé à Paris ; qu'en application des stipulations précitées de l'article 17 de la convention franco-suisse, c'est à bon droit que l'administration a imposé ces salaires en France ;

Considérant, en dernier lieu, que Mme X a perçu deux indemnités à l'occasion des licenciements dont elle a fait l'objet, respectivement par la société Emmanuel Ungaro en 1988 et par la société Charles Jourdan en 1989 ; que, d'une part, il résulte de l'instruction, et notamment du rôle essentiel de Mme X dans la naissance, en 1965, et le développement de la société Emmanuel Ungaro ainsi que des conditions de son licenciement alors qu'elle était âgée de 56 ans, que la part de l'indemnité ayant pour objet de réparer un préjudice autre que celui résultant de la perte de salaire doit être évaluée à 50 % et non à 30 % ainsi que l'a jugé le tribunal administratif de Paris dans le jugement attaqué ; que la qualification donnée à l'indemnité en cause par l'administration dans le cadre d'opérations de contrôle des déclarations de la société Emmanuel Ungaro ne saurait, en tout état de cause, être assimilée à une prise de position de l'administration au regard de l'imposition de la requérante et ne peut être invoquée sur le fondement de l'article L 80 B du livre des procédures fiscales ; que, d'autre part, en ce qui concerne l'indemnité de licenciement versée par la société Charles Jourdan, en fixant à 50 % la part de l'indemnité ayant pour objet de réparer un préjudice autre que celui résultant de la perte de salaire, le tribunal n'a pas fait, eu égard à l'âge de l'intéressée lors de son licenciement, à ses possibilités de reconversion et à son ancienneté dans le poste, une inexacte appréciation des circonstances de l'espèce ; qu'en application des dispositions combinées des articles 17 et 23 de la convention franco-suisse, seule la part des indemnités litigieuses assimilable à des salaires était imposable en France ; que, par suite, Mme X est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris n'a pas fait droit à sa demande de décharge des impositions supplémentaires à l'impôt sur le revenu résultant desdites indemnités de licenciement à concurrence d'une réduction complémentaire de sa base d'imposition, au titre de l'année 1988, à hauteur de 20 % de l'indemnité versée par la société Emmanuel Ungaro, soit la somme de 1.320.000 F (soit 201.232,70 euros) ;

Sur les conclusions tendant au versement d'intérêts moratoires :

Considérant qu'en l'absence de litige né et actuel avec le comptable du Trésor, les conclusions tendant au paiement des intérêts moratoires sont dépourvues d'objet et, par suite, irrecevables ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative, de condamner l'Etat à payer à Mme X une somme de 2.000 euros au titre des frais exposés par celle-ci en appel et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La base de l'impôt sur le revenu assignée à Mme X au titre de l'année 1988 est réduite, d'une part, à hauteur de la plus-value de cession des titres de la société Emmanuel Ungaro et, d'autre part, à hauteur de la somme de 201.232,70 euros (soit 1.320.000 F).

Article 2 : Mme X est déchargée des droits et pénalités correspondant à la réduction de la base d'imposition définie à l'article 1er.

Article 3 : L'Etat versera à Mme X une somme de 2.000 euros en application de l'article L 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme X est rejeté.

Article 5 : Le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 29 juin 1999 est annulé en tant qu'il est contraire au présent arrêt.

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N° 99PA03116


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5eme chambre a
Numéro d'arrêt : 99PA03116
Date de la décision : 02/10/2003
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pré SICHLER-GHESTIN
Rapporteur ?: Mme LECOURBE
Rapporteur public ?: Mme ESCAUT
Avocat(s) : CUADRADO

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2003-10-02;99pa03116 ?
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