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07/08/2003 | FRANCE | N°02PA03901

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4eme chambre, 07 août 2003, 02PA03901


Vu le recours et le mémoire ampliatif, enregistrés au greffe de la Cour le 18 novembre 2002 et le 27 janvier 2003 sous le n°02PA03901, présentés au nom de l'Etat pour le MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS, DU LOGEMENT, DU TOURISME ET DE LA MER, par la SCP LYON-CAEN- FABIANI-THIRIEZ, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; le MINISTRE demande à la Cour :

1') d'annuler le jugement n° ''''''''en date du 25 juillet 2002 par lequel le tribunal administratif de Paris, faisant droit à la demande de la Société Turkish Airlines, société de droit turc, a 1') annul

la décision en date du 1er juin 1999, par laquelle le MINISTRE DE...

Vu le recours et le mémoire ampliatif, enregistrés au greffe de la Cour le 18 novembre 2002 et le 27 janvier 2003 sous le n°02PA03901, présentés au nom de l'Etat pour le MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS, DU LOGEMENT, DU TOURISME ET DE LA MER, par la SCP LYON-CAEN- FABIANI-THIRIEZ, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; le MINISTRE demande à la Cour :

1') d'annuler le jugement n° ''''''''en date du 25 juillet 2002 par lequel le tribunal administratif de Paris, faisant droit à la demande de la Société Turkish Airlines, société de droit turc, a 1') annulé la décision en date du 1er juin 1999, par laquelle le MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS, DU LOGEMENT, DU TOURISME ET DE LA MER a infligé à la société une amende d'un montant de 20.000 F (3.048,98 euros), 2') condamné l'Etat à verser à la compagnie la somme de 200 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

2') de rejeter la demande de la Société Turkish Airlines ;

3') de condamner la Société Turkish Airlines à verser à l'Etat la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

............................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention relative à l'aviation civile internationale signée à Chicago le 7 décembre 1944, et notamment son annexe 16 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le nouveau code pénal ;

Vu le code de l'aviation civile ;

Vu l'arrêté du ministre de l'équipement, des transports et du logement du 17 décembre 1997 portant restriction de l'aérodrome de Paris-Charles-de-Gaulle ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 juillet 2003 :

- le rapport de M. LERCHER, premier conseiller,

- les observations de Me Z..., avocat, pour le MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS, DU LOGEMENT, DU TOURISME ET DE LA MER, et celles de Me X..., avocat, pour la Société Turkish Airlines,

- et les conclusions de M. HAIM, commissaire du Gouvernement ;

Considérant, d'une part, que le code de l'aviation civile dispose, dans son article R.221-3 : L'utilisation d'un aérodrome ouvert à la circulation aérienne publique peut, à toute époque, être soumise à certaines restrictions ou temporairement interdites, si les conditions de circulation aérienne sur l'aérodrome ou dans l'espace aérien environnant, ou des raisons d'ordre public le justifient. Ces conditions font l'objet d'avis aux navigateurs aériens. (...) ; dans son article R. 226-1 : Sur proposition de la commission nationale de prévention des nuisances sonores, le ministre chargé de l'aviation civile peut prononcer une amende administrative à l'encontre du responsable du vol, propriétaire, exploitant technique ou exploitant commercial d'un aéronef, qui ne respecte pas ou ne fait pas respecter par l'un de ses préposés ou mandataires les mesures qu'il a prises par arrêté en application de l'article R.221-3 et fixant sur un aérodrome : 1° Les restrictions permanentes ou temporaires d'usage de certains types d'aéronefs en fonction de la classification acoustique, de leur capacité en siège et de leur masse maximale certifiée au décollage ; dans son article R. 226-2 : Les manquements aux mesures énumérées à l'article R. 226-1 sont constatés par les fonctionnaires et agents visés à l'article L. 150-13. Ces manquements font l'objet de procès-verbaux qui, ainsi que le montant maximum de l'amende encourue, sont notifiés à la personne concernée et communiqués au ministre chargé de l'aviation civile. La personne concernée est invitée à présenter ses observations dans un délai d'un mois à compter de cette notification. - A l'expiration de ce délai, le ministre chargé de l'aviation civile saisit la commission nationale de prévention des nuisances sonores qui lui fait une proposition sur les suites à donner aux affaires dont elle a été saisie. - La personne concernée doit avoir connaissance de l'ensemble des éléments de son dossier. Elle doit pouvoir être entendue par la commission avant que celle-ci ne fasse sa proposition et se faire représenter ou assister par la personne de son choix ; dans son article R. 226-3 : Les amendes administratives sont prononcées par le ministre chargé de l'aviation civile et ne peuvent excéder, par manquement constaté, un montant de 10.000 F pour une personne physique et de 50.000 F pour une personne morale. Aucune amende ne peut être prononcée plus de deux ans après la constatation d'un manquement. ; dans son article R. 226-4 : Les amendes administratives font l'objet d'une décision motivée notifiée à la personne concernée. Ces amendes sont recouvrées comme les créances de l'Etat étrangère à l'impôt et au domaine. Elles peuvent faire l'objet d'un recours de pleine juridiction. ;

Considérant, d'autre part, que l'article 1° de l'arrêté du 17 décembre 1997 du ministre de l'équipement, des transports et du logement susvisé, pris en application de l'article R.221-3 du code de l'aviation civile, dispose : I - Sous réserve des dispositions spécifiques prévues au IV, V et VI du présent article, aucun aéronef équipé de turboréacteurs non conformes aux normes énoncées à l'annexe 16 de la convention du 7 décembre 1944 susvisée, volume 1 , 2° partie, chapitre 3, ne peut : - atterrir entre 23 h 30 et 6 h 15 heures locales d'arrivée sur l'aire de stationnement ; - décoller entre 23 h 15 et 6 h, heures locales de départ de l'aire de stationnement. (...) IV - Les dispositions du I du présent article ne font pas obstacle à l'atterrissage ou au décollage, à titre exceptionnel, des aéronefs suivants : - aéronefs programmés sur les plates-formes parisiennes en dehors des horaires mentionnés au I du présent article et qui ont été retardés pour des raisons purement techniques, ou des raisons indépendantes de la volonté du transporteur ; (...) Toutefois, les responsables du vol, propriétaires exploitants techniques ou exploitants commerciaux des aéronefs précédemment énumérés doivent justifier leur décision d'atterrissage ou de décollage par lettre recommandée avec accusé de réception, adressée sous quarante-huit heures au ministre chargé de l'aviation civile, direction générale de l'aviation civile.

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par décision en date du 1er juin 1999, MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS, DU LOGEMENT, DU TOURISME ET DE LA MER a, sur le fondement des dispositions précitées, infligé à la Société Turkish Airlines une amende d'un montant de 20.000 F (3.048,98 euros), pour avoir fait décoller de l'aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle, le 21 octobre 1998 à 23 h 30, un aéronef équipé de turboréacteurs non conformes aux normes énoncées à l'annexe 16, volume 1, 2° partie, chapitre 3 de la convention relative à l'aviation civile internationale ; que, eu égard aux conditions de circulation des aéronefs des lignes internationales sur les aérodromes parisiens, la circonstance que le procès-verbal d'infraction a été dressé par M. Christian Y..., agent habilité en vertu de l'article L. 150-13 du code de l'aviation civile , sur la base d'enregistrements des mouvements d'aéronefs de la base de données de l'établissement Aéroports de Paris, dont la fiabilité n'est pas contestée, le 30 novembre 1998, date à laquelle le manquement dont s'agit n'était pas prescrit, ne saurait avoir pour effet d'ôter audit procès-verbal toute valeur probante ; qu'ainsi, le MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS, DU LOGEMENT, DU TOURISME ET DE LA MER est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges se sont fondés sur l'absence de valeur probante du procès-verbal pour faire droit à la demande de la Societe Turkish Airlines ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la Societe Turkish Airlines tant devant le tribunal administratif de Paris que devant la cour ;

Sur la légalité externe :

Considérant que la décision du ministre est suffisamment motivée, tant en ce qui concerne le principe de l'amende que son montant ;

Considérant que la décision attaquée n'émane pas d'un tribunal au sens de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'ainsi la requérante n'est pas fondée à invoquer la méconnaissance de ces stipulations ; que la participation du rapporteur au débat de la commission nationale de prévention des nuisances sonores qui ont conduit à la proposition de sanction faite au ministre n'a constitué une méconnaissance ni du principe d'impartialité ni de celui des droits de la défense ; qu'aux termes du 3° alinéa de l'article R. 226-6 du code de l'aviation civile, la commission peut valablement délibérer si au moins huit de ses membres sont présents, le président ayant voix prépondérante en cas de partage ; que le moyen tiré de ce que les exploitants d'aéronefs ne sont pas suffisamment représentés au sein de la commission nationale de prévention des nuisances sonores est inopérant ;

Considérant que contrairement à ce que soutient la Société Turkish Airlines, un délai d'un mois et non de 48 heures lui était ouvert pour présenter ses observations sur le manquement qui lui était reproché ; qu'il appartenait à la Société Turkish Airlines, qui ne pouvait ignorer l'heure de décollage de son propre appareil, de faire valoir, si elle s'y croyait fondée, avant tout constat de manquement et dans les 48 heures du vol lui-même, les motifs qui justifiaient que lui soit fait application, à titre exceptionnel, d'une des clauses dérogatoires visées au IV de l'article 1° du l'arrêté du 17 décembre 1997 cité ci-dessus ; que la circonstance qu'aucune date ne figurait sur la lettre d'accompagnement du constat d'infraction n'est pas de nature à rendre la notification irrégulière ;

Considérant que la Société Turkish Airlines a reçu notification de la décision du 1er juin 1999, par laquelle le ministre de l'équipement des transports et du logement lui a infligé une amende d'un montant de 20.000 F (3.048,98 euros), accompagnée de la proposition motivée de la commission nationale de prévention des nuisances sonores ; que la société n'est pas fondée à soutenir qu'elle aurait dû recevoir le procès-verbal de tenue de séance de la commission ; qu'il résulte de tout ce qui précède que les moyens tirés de l'irrégularité de la procédure doivent être écartés ;

Sur la légalité interne :

Considérant que l'amende dont s'agit pouvait légalement, eu égard à sa nature contraventionnelle et à son montant, qui n'excède pas le montant maximum des amendes contraventionnelles, être instituée par une disposition réglementaire du code de l'aviation civile ; que la circonstance que la durée de la prescription ait été fixée à deux ans n'est pas de nature, à elle seule, à rendre illégales les dispositions réglementaires instituant l'amende et fixant son montant ;

Considérant que la Société Turkish Airlines soutient que le retard de décollage qui lui est reproché est la conséquence du retard à l'arrivée à Paris-Charles-de-Gaulle d'un vol en provenance d' Istanbul ; que si la société a expliqué par cette circonstance la cause de son retard au décollage, elle n'a jamais contesté la réalité même dudit retard ; mais que cet aléa non imprévisible de la circulation aérienne ne justifie pas par lui-même la nécessité qu'avait la Société Turkish Airlines de faire décoller le vol sanctionné après la limité horaire autorisée ;

Considérant que la Société Turkish Airlines soutient que le vol sanctionné était affrété par elle-même et par la société Air France ; mais que cette allégation n'est pas établie par les pièces du dossier ;

Considérant que la Société Turkish Airlines soutient que le montant de l'amende qui lui a été infligée est disproportionné et discriminatoire et a revêtu un caractère automatique ; mais que l'amende susceptible d'être infligée à la Société Turkish Airlines, personne morale, est de 50.000 F, alors que le ministre ne lui a infligé qu'une amende de 20.000 F pour tenir compte des circonstances dans lesquelles la société s'est rendue coupable du retard par rapport à l'heure limite de décollage ; que, dans ces conditions, ce moyen ne peut qu'être écarté ; qu'il n'y a pas lieu pour la Cour de réduire le montant de l'amende ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS, DU LOGEMENT, DU TOURISME ET DE LA MER, est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé sa décision en date du 1er juin 1999 ; qu'il y lieu de rejeter la demande présentée par la Societe Turkish Airlines devant le tribunal administratif ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions susvisées de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans le cadre de la présente instance, soit condamné sur leur fondement à verser une somme à la Société Turkish Airlines ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la Société Turkish Airlines à verser à l'Etat, en application de ces dispositions, une somme de 1.000 euros au titre des frais qu'il a exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 9914324 du tribunal administratif de Paris en date du 25 juillet 2002 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la Société Turkish Airlines devant le tribunal administratif de Paris et ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La Société Turkish Airlines versera à l'Etat une somme de 1.000 euros en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions du recours du MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS, DU LOGEMENT, DU TOURISME ET DE LA MER est rejeté.

2

N° 02PA03901

Classement CNIJ : 01-02-01-03-03

B 01-03-01-02-01-01-02

65-03-04-05

6

N° 02PA03901


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4eme chambre
Numéro d'arrêt : 02PA03901
Date de la décision : 07/08/2003
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. MERLOZ
Rapporteur ?: M. LERCHER
Rapporteur public ?: M. HAIM
Avocat(s) : BESSIS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2003-08-07;02pa03901 ?
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