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24/04/2003 | FRANCE | N°01PA00466

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4eme chambre, 24 avril 2003, 01PA00466


VU la requête, enregistrée au greffe de la cour le 7 février 2001 sous le n°'01PA0466, pour la SOCIÉTÉ AIR FRANCE, dont le siège social est ..., par Me Z..., avocat ; la SOCIÉTÉ AIR FRANCE demande à la cour :

1') d'annuler le jugement n° 992590 en date du 7 décembre 2000 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du ministre de l'intérieur en date du 22 décembre 1997 infligeant à la compagnie une amende d'un montant de 10 000 F ;

2') de décharger la compagnie du paiement de cette amende ou de la

réduire à un montant symbolique ;

3') d'enjoindre au ministre de rembourser l...

VU la requête, enregistrée au greffe de la cour le 7 février 2001 sous le n°'01PA0466, pour la SOCIÉTÉ AIR FRANCE, dont le siège social est ..., par Me Z..., avocat ; la SOCIÉTÉ AIR FRANCE demande à la cour :

1') d'annuler le jugement n° 992590 en date du 7 décembre 2000 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du ministre de l'intérieur en date du 22 décembre 1997 infligeant à la compagnie une amende d'un montant de 10 000 F ;

2') de décharger la compagnie du paiement de cette amende ou de la réduire à un montant symbolique ;

3') d'enjoindre au ministre de rembourser ladite somme avec une astreinte de 500 F par jour à compter du 16ème jour de la notification du jugement ;

4') de condamner l'Etat à verser à la compagnie la somme de 12 000 F (1 829,39 euros) au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

..............................................................................................

VU les autres pièces du dossier ;

VU la convention relative à l'aviation civile internationale signée à Chicago le 7 décembre 1944 ;

VU la convention d'application de l'accord de Schengen du 14 juin 1985 entre les gouvernements des Etats de l'Union économique Benelux, de la République fédérale d'Allemagne et de la République française relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes, signée à Schengen le 19 juin 1990 ;

VU le code de l'aviation civile ;

VU l'ordonnance n°452658 du 2 novembre 1945 modifiée, relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France ;

VU le décret n° 93180 du 8 février 1993 ;

VU la décision du conseil constitutionnel n° 92307 DC du 25 février 1992 ;

VU le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 avril 2003 :

- le rapport de M. LERCHER, premier conseiller,

- et les conclusions de M. HAIM, commissaire du Gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 20 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, dans sa rédaction issue de la loi du 26 février 1992 :''I Est punie d'une amende d'un montant maximum de 10 000 F l'entreprise de transport aérien ou maritime qui débarque sur le territoire français, en provenance d'un autre Etat, un étranger non ressortissant d'un Etat membre de la Communauté économique européenne et démuni du document de voyage et, le cas échéant, du visa requis par la loi ou l'accord international qui lui est applicable à raison de sa nationalité. / Le manquement est constaté par un procès-verbal établi par un fonctionnaire appartenant à l'un des corps dont la liste est définie par décret en Conseil d'Etat. Copie du procès-verbal est remise à l'entreprise de transport intéressée. Le manquement ainsi relevé donne lieu à une amende prononcée par le ministre de l'intérieur. L'amende peut être prononcée autant de fois qu'il y a de passagers concernés. Son montant est versé au Trésor public par l'entreprise de transport. / L'entreprise de transport a accès au dossier et est mise à même de présenter ses observations écrites dans un délai d'un mois sur le projet de sanction de l'administration. La décision du ministre, qui est motivée, est susceptible d'un recours de pleine juridiction. / Le ministre ne peut infliger d'amende à raison de faits remontant à plus d'un an. / II L'amende prévue au premier alinéa du présent article n'est pas infligée : /1') lorsque l'étranger non-ressortissant d'un Etat membre de la Communauté économique européenne qui demande l'asile a été admis sur le territoire français ou lorsque la demande d'asile n'était pas manifestement infondée ; / 2') lorsque l'entreprise de transport établit que les documents requis lui ont été présentés au moment de l'embarquement ou lorsque les documents présentés ne comportent pas un élément d'irrégularité manifeste. ' ;

Considérant qu'il résulte tant de ces dispositions, adoptées en vue de donner leur plein effet aux dispositions de l'article 26 de la convention de Schengen, signée le 19 juin 1990, que de l'interprétation qu'en a donné le Conseil constitutionnel dans sa décision susvisée du 25 février 1992, qu'elles font obligation aux transporteurs aériens de s'assurer, au moment des formalités d'embarquement, que les voyageurs ressortissants d'Etats non membres de l'Union européenne sont en possession de documents de voyage, le cas échéant revêtus des visas exigés par les textes, leur appartenant, non falsifiés et valides ; que si ces dispositions n'ont pas pour objet et ne sauraient avoir pour effet de conférer au transporteur un pouvoir de police aux lieu et place de la puissance publique, elles lui imposent de vérifier que l'étranger est muni des documents de voyage et des visas éventuellement requis et que ceux-ci ne comportent pas des éléments d'irrégularité manifeste, décelables par un examen normalement attentif des agents de l'entreprise de transport ; qu'en l'absence d'une telle vérification, à laquelle le transporteur est d'ailleurs tenu de procéder en vertu de l'article L. 322-2 du code de l'aviation civile, le transporteur encourt l'amende administrative prévue par les dispositions précitées ;

Considérant que, par décision en date du 22 décembre 1997, le ministre de l'intérieur a, sur le fondement des dispositions précitées de l'article 20 bis de l'ordonnance modifiée du 2 novembre 1945, infligé à la COMPAGNIE NATIONALE AIR FRANCE, devenue SOCIÉTÉ AIR FRANCE, une amende d'un montant de 10 000 F (1 524,49 euros), pour avoir, le 25 avril 1997, laissé débarquer sur le territoire français d'un vol en provenance de Florence, un passager démuni de document de voyage ; que, par jugement en date du 7 décembre 2000, le tribunal administratif de Versailles, estimant que l'absence de document de voyage était établie et que la compagnie Air France n'apportait pas la preuve que les autorités italiennes l'auraient contrainte à embarquer ce passager, a rejeté la requête de la compagnie AIR FRANCE tendant à l'annulation de cette décision et à la décharge de cette amende ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :

Considérant que la SOCIÉTÉ AIR FRANCE soutient en appel que les premiers juges ont fait une interprétation extensive des obligations qui pèsent sur les compagnies de transport et une mauvaise interprétation des faits de l'espèce, en ce que le passager, qui avait voyagé sur un parcours Florence /Bruxelles/ Glasgow/ Bruxelles/ Florence, entièrement accompli sur des vols Sabena, et refoulé successivement du Royaume-Uni et d'Italie a été réembarqué par les autorités italiennes, constatant sa nationalité française, à destination de Paris sur un vol Air France ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le dénommé X... Rachid, qui s'est déclaré à son arrivée en France, le 25 septembre 1997, de nationalité algérienne, a voyagé entre le Royaume-Uni, la Belgique et l'Italie les 24 et 25 septembre 1997 sous couvert d'un passeport français falsifié établi au nom de Y... Steeve Thierry ; qu'il est arrivé à Glasgow , au Royaume-Uni, le 24 septembre 1997 sur un vol Sabena SN 687, en provenance de Florence via Bruxelles ; qu'il a été refoulé par les autorités britanniques et remis sur un vol Sabena SN 688 à destination de Florence, via Bruxelles, le 25 septembre 1997 ; qu'à son arrivée à Florence, en Italie, il a été refoulé par les autorités italiennes, lesquelles, le présumant de nationalité française, l'ont remis sur un vol Air France AF 681 à destination de Paris, le 25 septembre 1997 ; que l'arrivée de ce passager à Paris, qui n'avait pas choisi de venir en France et qui ne voyageait pas sur des vols Air France au départ de son périple, est consécutive à la mise en oeuvre de deux procédures successives de réadmission dont la responsabilité ne saurait être imputée, dans les circonstances de l'espèce, à la société Air France ; qu'ainsi, la SOCIÉTÉ AIR FRANCE est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du ministre de l'intérieur en date du 22 décembre 1997 ; qu'il y a lieu, en conséquence, de prononcer la décharge de l'amende de 10 000 F (1 524,49 euros) qui lui a été infligée par cette décision ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : 'Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ' ; et qu'aux termes de l'article L. 911-3 du même code : 'Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet ' ;

Considérant que l'annulation de la décision attaquée et la décharge du paiement de l'amende infligée par cette décision à la société requérante prononcées par le présent arrêt impliquent nécessairement le remboursement par l'Etat des sommes qui lui ont été versées par la SOCIÉTÉ AIR FRANCE en exécution de cette sanction ; qu'il y a lieu, dès lors, d'enjoindre à l'Etat de rembourser à la requérante la somme que celle-ci lui aurait déjà versée à ce titre, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'en revanche, il n'y a pas lieu de prononcer une astreinte à l'encontre de l'Etat ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la SOCIÉTÉ AIR FRANCE, qui n'est pas la partie perdante dans le cadre de la présente instance, soit condamnée à verser à l'Etat, sur leur fondement, la somme de 762,25 euros (5 000 F) qu'il demande ; qu'en revanche, il y a lieu de condamner l'Etat (ministre de l'intérieur) à verser à la SOCIÉTÉ AIR FRANCE, sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 829,39 euros (12 000 F) qu'elle demande au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Versailles en date du 7 décembre 2000 et la décision du ministre de l'intérieur en date du 22 décembre 1997 sont annulés. La SOCIÉTÉ AIR FRANCE est déchargée du paiement de l'amende qui lui a été infligée par cette décision.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales de reverser à la SOCIÉTÉ AIR FRANCE la somme de 1 524,49 euros (10 000 F) dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat (ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales) versera à la SOCIÉTÉ AIR FRANCE une somme de 1 829,39 euros (12 000 F) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

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N° 01PA00466


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4eme chambre
Numéro d'arrêt : 01PA00466
Date de la décision : 24/04/2003
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. MERLOZ
Rapporteur ?: M. LERCHER
Rapporteur public ?: M. HAIM
Avocat(s) : VISY ;

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2003-04-24;01pa00466 ?
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