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24/04/2003 | FRANCE | N°00PA01792

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4eme chambre, 24 avril 2003, 00PA01792


VU la requête, enregistrée au greffe de la cour le 8 juin 2000 sous le n°'00PA01792, pour la SOCIÉTÉ AIR FRANCE, dont le siège social est ..., par Me Z..., avocat ; la SOCIÉTÉ AIR FRANCE demande à la cour :

1') d'annuler le jugement n° 992606 en date du 6 avril 2000 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du ministre de l'intérieur en date du 9 décembre 1997 infligeant à la compagnie une amende d'un montant de 10 000 F ;

2') de décharger la compagnie du paiement de cette amende ou de la réduire

à un montant symbolique ;

3') d'enjoindre au ministre de rembourser ladite ...

VU la requête, enregistrée au greffe de la cour le 8 juin 2000 sous le n°'00PA01792, pour la SOCIÉTÉ AIR FRANCE, dont le siège social est ..., par Me Z..., avocat ; la SOCIÉTÉ AIR FRANCE demande à la cour :

1') d'annuler le jugement n° 992606 en date du 6 avril 2000 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du ministre de l'intérieur en date du 9 décembre 1997 infligeant à la compagnie une amende d'un montant de 10 000 F ;

2') de décharger la compagnie du paiement de cette amende ou de la réduire à un montant symbolique ;

3') d'enjoindre au ministre de rembourser ladite somme avec une astreinte de 500 F par jour à compter du 16ème jour de la notification du jugement ;

4') de condamner l'Etat à verser à la compagnie la somme de 6 000 F au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

..........................................................................................................

VU les autres pièces du dossier ;

VU la convention relative à l'aviation civile internationale signée à Chicago le 7 décembre 1944 ;

VU la convention d'application de l'accord de Schengen du 14 juin 1985 entre les gouvernements des Etats de l'Union économique Benelux, de la République fédérale d'Allemagne et de la République française relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes, signée à Schengen le 19 juin 1990 ;

VU le code de l'aviation civile ;

VU l'ordonnance n°452658 du 2 novembre 1945 modifiée, relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France ;

VU le décret n° 93180 du 8 février 1993 ;

VU la décision du conseil constitutionnel n° 92307 DC du 25 février 1992 ;

VU le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 avril 2003 :

- le rapport de M. LERCHER, premier conseiller,

- et les conclusions de M. HAIM, commissaire du Gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 20 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, dans sa rédaction issue de la loi du 26 février 1992 :''I Est punie d'une amende d'un montant maximum de 10 000 F l'entreprise de transport aérien ou maritime qui débarque sur le territoire français, en provenance d'un autre Etat, un étranger non ressortissant d'un Etat membre de la Communauté économique européenne et démuni du document de voyage et, le cas échéant, du visa requis par la loi ou l'accord international qui lui est applicable à raison de sa nationalité. / Le manquement est constaté par un procès-verbal établi par un fonctionnaire appartenant à l'un des corps dont la liste est définie par décret en Conseil d'Etat. Copie du procès-verbal est remise à l'entreprise de transport intéressée. Le manquement ainsi relevé donne lieu à une amende prononcée par le ministre de l'intérieur. L'amende peut être prononcée autant de fois qu'il y a de passagers concernés. Son montant est versé au Trésor public par l'entreprise de transport. / L'entreprise de transport a accès au dossier et est mise à même de présenter ses observations écrites dans un délai d'un mois sur le projet de sanction de l'administration. La décision du ministre, qui est motivée, est susceptible d'un recours de pleine juridiction. / Le ministre ne peut infliger d'amende à raison de faits remontant à plus d'un an. / II L'amende prévue au premier alinéa du présent article n'est pas infligée : /1') lorsque l'étranger non-ressortissant d'un Etat membre de la Communauté économique européenne qui demande l'asile a été admis sur le territoire français ou lorsque la demande d'asile n'était pas manifestement infondée ; / 2') lorsque l'entreprise de transport établit que les documents requis lui ont été présentés au moment de l'embarquement ou lorsque les documents présentés ne comportent pas un élément d'irrégularité manifeste. ' ;

Considérant qu'il résulte tant de ces dispositions, adoptées en vue de donner leur plein effet aux dispositions de l'article 26 de la convention de Schengen, signée le 19 juin 1990, que de l'interprétation qu'en a donné le Conseil constitutionnel dans sa décision susvisée du 25 février 1992, qu'elles font obligation aux transporteurs aériens de s'assurer, au moment des formalités d'embarquement, que les voyageurs ressortissants d'Etats non membres de l'Union européenne sont en possession de documents de voyage, le cas échéant revêtus des visas exigés par les textes, leur appartenant, non falsifiés et valides ; que si ces dispositions n'ont pas pour objet et ne sauraient avoir pour effet de conférer au transporteur un pouvoir de police aux lieu et place de la puissance publique, elles lui imposent de vérifier que l'étranger est muni des documents de voyage et des visas éventuellement requis et que ceux-ci ne comportent pas des éléments d'irrégularité manifeste, décelables par un examen normalement attentif des agents de l'entreprise de transport ; qu'en l'absence d'une telle vérification, à laquelle le transporteur est d'ailleurs tenu de procéder en vertu de l'article L.322-2 du code de l'aviation civile, le transporteur encourt l'amende administrative prévue par les dispositions précitées ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, le 17 août 1997, la COMPAGNIE NATIONALE AIR FRANCE, devenue SOCIÉTÉ AIR FRANCE, a embarqué sur le vol Conakry- Paris Y... Charles de Gaulle, une passagère, en transit pour New-York, se disant Mme X... AMINATA, en possession d'un passeport guinéen complété par un feuillet diplomatique ; qu'à l'escale de Y..., la compagnie, constatant que le passeport présenté était falsifié, a remis la passagère aux autorités de police ; que, par décision en date du 9 décembre 1997, le ministre de l'intérieur a, sur le fondement des dispositions précitées de l'article 20 bis de l'ordonnance modifiée du 2 novembre 1945, infligé à la COMPAGNIE NATIONALE AIR FRANCE, devenue SOCIÉTÉ AIR FRANCE, une amende d'un montant de 10 000 F, pour avoir laissé débarquer sur le territoire français d'un vol en provenance de Conakry, une passagère présentant un passeport guinéen manifestement falsifié ; que, par jugement en date du 6 avril 2000, le tribunal administratif de Versailles, estimant que la falsification était manifeste, a rejeté la requête de la compagnie AIR FRANCE tendant à l'annulation de cette décision et à la décharge de cette amende ;

Considérant, en premier lieu, qu'il est constant que la voyageuse en question a fait l'objet d'une interruption de transit à l'escale de Y... ; que la SOCIÉTÉ AIR FRANCE soutient cependant en appel que le transit ne constitue pas un débarquement au sens de l'article 20 bis de l'ordonnance modifiée du 2 novembre 1945 ; que, toutefois, l'interruption du transit a été le fait de la SOCIETE AIR FRANCE elle-même, dont les agents ont empêché la voyageuse dont s'agit de réembarquer sur le vol prévu à destination de New-York avant de la remettre aux autorités de police de l'aéroport ; que la voyageuse s'est trouvée, de ce fait, débarquée sur le territoire national, au sens des dispositions précitées de l'ordonnance, sans être munie des documents de voyage réguliers requis pour entrer en France ; que la SOCIETE AIR FRANCE n'est donc pas fondée à soutenir que l'article 20 bis de l'ordonnance modifiée du 2 novembre 1945 ne s'appliquerait pas dans le cas de l'espèce ;

Considérant, en deuxième lieu, que la SOCIÉTÉ AIR FRANCE soutient également en appel que les premiers juges ont fait une interprétation extensive des obligations qui pèsent sur les compagnies de transport et une mauvaise interprétation des faits de l'espèce, en ce que l'usurpation n'était ni manifeste ni visible à l'oeil nu par un non spécialiste dépourvu d'instruments de contrôle ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier et notamment de l'examen de la photocopie et de la photographie agrandie du passeport et du feuillet diplomatique dont il était accompagné qui figurent au dossier que la falsification était manifeste et susceptible d'être décelée par un examen normalement attentif d'un agent d'embarquement, sans recourir à du matériel spécialisé ; qu'au surplus, la circonstance que la falsification a été décelée par des agents travaillant pour le compte de la SOCIETE AIR FRANCE au moment du réembarquement à Y..., suffit à établir le défaut d'un tel examen par les agents chargés de l'embarquement à Conakry ;

Considérant, en troisième lieu, que la circonstance que les agents d'AIR FRANCE seraient l'objet de pressions parfois violentes et agressives de passagers lorsqu'ils se livrent à des contrôles des documents de voyage n'est pas de nature à exonérer la société du respect des obligations qui résultent pour elle des dispositions précitées de l'article 20 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ;

Considérant, cependant, que, si la société a failli aux obligations qui découlent pour elle des dispositions de l'article 20 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 en ne s'assurant pas au départ du vol de Conakry, que la passagère était en possession d'un document de voyage lui permettant de se rendre au lieu de destination finale de son voyage, à savoir les Etats-Unis, elle a en revanche coopéré avec les autorités de police en leur remettant cette passagère après avoir elle-même décelé l'usurpation de passeport à l'escale de Paris ; qu'il y a lieu de prendre en considération cette circonstance, de ramener le montant de l'amende infligée à la société Air France à 762,25 euros (soit 5 000 F), de prononcer en conséquence la décharge de l'amende infligée par la décision attaquée à hauteur de 762,25 euros et de réformer le jugement du tribunal administratif de Versailles en ce qu'il a de contraire au présent arrêt ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : 'Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ' ; et qu'aux termes de l'article L. 911-3 du même code : 'Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet ' ;

Considérant que l'exécution du présent arrêt implique nécessairement le remboursement par l'Etat de la somme de 762,25 euros (5 000 F) à la SOCIÉTÉ AIR FRANCE ; qu'il y a lieu, dès lors, d'enjoindre à l'Etat de rembourser cette somme à la requérante, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'en revanche, il n'y a pas lieu de prononcer une astreinte à l'encontre de l'Etat ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la SOCIÉTÉ AIR FRANCE, qui n'est pas la partie perdante dans le cadre de la présente instance, soit condamnée à verser à l'Etat, sur leur fondement, la somme de 762,25 euros (5 000 F) qu'il demande ; qu' il n'y a pas lieu de condamner l'Etat (ministre de l'intérieur) à verser à la SOCIÉTÉ AIR FRANCE, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 829,39 euros (12 000 F) qu'elle demande au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : Le montant de l'amende infligée à la SOCIÉTÉ AIR FRANCE par la décision du ministre de l'intérieur en date du 2 février 2000 est ramené à 762,25 euros. La SOCIÉTÉ AIR FRANCE est déchargée du paiement de l'amende qui lui a été infligée par cette décision à hauteur de 762,25 euros.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés

locales de reverser à la SOCIÉTÉ AIR FRANCE la somme de 762,25 euros (5 000 F) dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Versailles en date du 6 avril 2000 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Les conclusions des parties tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

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N° 00PA01792

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4eme chambre
Numéro d'arrêt : 00PA01792
Date de la décision : 24/04/2003
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. MERLOZ
Rapporteur ?: M. LERCHER
Rapporteur public ?: M. HAIM
Avocat(s) : VISY ;

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2003-04-24;00pa01792 ?
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