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11/04/2003 | FRANCE | N°01PA03460

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2eme chambre, 11 avril 2003, 01PA03460


VU le recours, enregistré le 30 octobre 2001 au greffe de la cour, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le ministre demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9518215/1-5 en date du 21 mai 2001 en tant que le tribunal administratif de Paris a, d'une part, fait droit à la demande de la société Orfimar tendant à la décharge des compléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos les 30 juin 1990 et 31 décembre 1990 et, d'autre part, condamné l'Etat à payer à cette société une somme

de 5.000 F au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

2°)...

VU le recours, enregistré le 30 octobre 2001 au greffe de la cour, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le ministre demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9518215/1-5 en date du 21 mai 2001 en tant que le tribunal administratif de Paris a, d'une part, fait droit à la demande de la société Orfimar tendant à la décharge des compléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos les 30 juin 1990 et 31 décembre 1990 et, d'autre part, condamné l'Etat à payer à cette société une somme de 5.000 F au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

2°) à titre principal, de remettre intégralement les impositions contestées à la charge de la société Orfimar ;

Classement CNIJ : 19-01-03-01-02-01

C 19-01-03-01-02-03

3°) à titre subsidiaire, de remettre les impositions contestées à la charge de la société Orfimar à hauteur de 2.064.331 F de droits au titre de l'exercice clos le 30 juin 1990 et de 396.428 F au titre de l'exercice clos le 31 décembre 1990 ainsi que les intérêts de retard y afférents ;

.........................................................................................................

VU les autres pièces du dossier ;

VU le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

VU le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu à l'audience publique du 28 mars 2003 :

- le rapport de M. LE GOFF, premier conseiller,

- les observations de Me X..., avocat, pour la société Orfimar,

- et les conclusions de M. BATAILLE, commissaire du Gouvernement ;

Considérant que la société anonyme Orfimar, créée le 21 novembre 1986 et ayant pour objet social une activité de services, conseils, assistance de gestion, exploitation et concession de brevets vis-à-vis de sociétés, s'était placée sous le bénéfice du régime d'exonération des bénéfices prévu par l'article 44 quater du code général des impôts alors applicable ; qu'à la suite d'une vérification de sa comptabilité portant sur l'exercice clos le 30 juin 1990 et d'un contrôle sur pièces portant sur l'exercice clos le 31 décembre 1990, l'administration a remis en cause la nature de l'activité principalement exercée par la société ainsi que les autres conditions prévues par l'article 44 bis du code général des impôts auquel renvoie l'article 44 quater du même code et par suite l'application du régime d'exonération pour lesdits exercices ; que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE fait régulièrement appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Paris, statuant sur la demande formée par la société Orfimar tendant à la décharge des compléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos les 30 juin 1990 et 31 décembre 1990, a fait droit à celle-ci ;

Considérant qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales : Avant l'engagement d'une des vérifications prévues aux articles L. 12 et L. 13, l'administration des impôts remet au contribuable la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ; les dispositions contenues dans la charte sont opposables à l'administration ; que le paragraphe 5 du chapitre III de cette charte indique que si le vérificateur a maintenu totalement ou partiellement les redressements envisagés, des éclaircissements supplémentaires peuvent vous être fournis si nécessaire par l'inspecteur principal... Si après ces contacts des divergences importantes subsistent, vous pouvez faire appel à l'interlocuteur départemental qui est un fonctionnaire de rang élevé spécialement désigné par le directeur dont dépend le vérificateur ;

Considérant que si la méconnaissance de l'exigence d'une rencontre avec l'interlocuteur départemental posée par la charte des droits et obligations du contribuable vérifié a le caractère d'une irrégularité substantielle portant atteinte aux droits et obligations reconnus par la charte au contribuable vérifié, celle-ci n'impose pas que l'interlocuteur départemental informe le contribuable du résultat de ses démarches ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Orfimar ayant demandé la saisine de l'interlocuteur départemental, l'entretien a eu lieu le 20 mai 1992 et a été suivi d'un entretien le 1er juillet 1992 avec le vérificateur et l'inspecteur principal ; que par lettre du 30 septembre suivant, ceux-ci ont fait connaître à la société leurs conclusions tandis que l'interlocuteur départemental lui adressait le 1er octobre une lettre lui rappelant qu'il avait été répondu à ses critiques concernant les conséquences fiscales et financières des redressements et lui indiquant d'autre part que les redressements étaient suspendus dans l'attente de la décision de l'administration centrale à la suite de la réclamation dont elle était saisie ; qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que les premiers juges se sont fondés sur le fait que les impositions contestées ont été mises en recouvrement sans que l'interlocuteur départemental ait informé le contribuable des suites données à la saisine de l'administration centrale pour considérer que la société Orfimar a été privée d'une garantie offerte par la charte du contribuable vérifié et, par suite, pour la décharger des compléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos les 30 juin 1990 et 31 décembre 1990 ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société Orfimar tant devant le tribunal administratif de Paris que devant la cour ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que la notification de redressement en date du 2 décembre 1991 portant sur l'exercice clos le 30 juin 1990, qui faisait connaître au contribuable la nature, les motifs et le montant du rehaussement en ce qui concerne l'impôt sur les sociétés tant au taux commun qu'au taux réduit, permettait ainsi à la société Orfimar de comprendre les raisons pour lesquelles l'exonération dont elle entendait bénéficier était remise en cause et de présenter à cet égard ses observations ; qu'ainsi la notification de redressement est suffisamment motivée au regard des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;

Considérant, en deuxième lieu, d'une part, que si la société Orfimar a produit deux attestations selon lesquelles, au cours de la vérification qui portait sur les exercices antérieurs, l'agent des impôts aurait emporté des documents comptables se rapportant à l'exercice clos le 31 décembre 1990 et non soumis à la vérification en cours, ces attestations émanent l'une de l'expert-comptable de la société et l'autre d'un salarié de la société, que ce dernier a établie plusieurs années après les faits, elles n'ont été produites qu'en 1995 à l'appui de la demande présentée devant le tribunal administratif, alors que ce fait n'avait été relevé ni lors de la discussion qui a suivi la notification de redressement, ni durant la phase de réclamation, enfin les faits relevés ne sont pas identiques ; que, dans ces circonstances, les faits relatés ne peuvent être tenus pour établis ; qu'en outre, ces faits ne peuvent être mis en relation avec la circonstance que des éléments résultant des documents joints à la déclaration de résultats de l'entreprise ont fondé le redressement litigieux, dès lors que l'administration était en droit de les examiner dans ses locaux ; que, d'autre part, si pour procéder au redressement portant sur la remise en cause, au titre de l'exercice clos le 31 décembre 1990, de la taxation au taux réduit du produit résultant de la redevance de licence d'exploitation de la marque française Cartomat, notifié le 2 décembre 1991, l'administration a utilisé les éléments qu'elle avait recueillis au cours de la vérification de comptabilité de l'entreprise effectuée du 10 juin 1991 au 10 octobre 1991 au titre des exercices clos les 31 décembre 1988, 31 décembre 1989 et 30 juin 1990, il résulte de l'instruction qu'elle n'a pas pour autant procédé à une nouvelle vérification de comptabilité de l'entreprise mais s'est bornée à se livrer, dans les locaux du service, à un contrôle sur pièces des déclarations du contribuable en matière d'impôt sur les sociétés ; qu'au surplus, demeure sans incidence la double circonstance que la notification de redressement comporte la mention des droits et pénalités résultant du contrôle et qu'au stade de l'homologation du rôle et de la mise en recouvrement de l'imposition, la mention d'un contrôle sur place ait pu être portée par erreur ; qu'il suit de là que le moyen tiré de ce que l'administration aurait engagé irrégulièrement une vérification de comptabilité au titre de l'exercice clos le 31 décembre 1990 ne peut qu'être écarté ;

Considérant, en troisième lieu, que lorsque l'administration conteste la qualité d'entreprise nouvelle au regard de l'article 44 quater du code général des impôts, elle ne requalifie pas un acte juridique et n'a donc, en tout état de cause, pas l'obligation de recourir à la procédure de répression des abus de droit prévue à l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ;

Sur le bien-fondé des impositions :

Considérant, en premier lieu, que la date de la mise en recouvrement de l'impôt établi par voie de rôle est celle de la décision administrative homologuant le rôle conformément aux dispositions de l'article 1659 du code général des impôts et non celle de la réception de l'avis d'imposition délivré au contribuable ; qu'il résulte de l'instruction que le rôle dans lequel sont compris les compléments d'impôt sur les sociétés qui ont été assignés à la société Orfimar au titre des exercices clos les 30 juin 1990 et 31 décembre 1990 a été rendu exécutoire le 26 décembre 1994 et lesdits compléments mis en recouvrement le 31 décembre 1994, soit le jour même où expirait le délai de prescription prévu à l'article L. 169 du livre des procédures fiscales ; que ce délai n'a pu être suspendu par la lettre susmentionnée de l'interlocuteur départemental du 1er octobre 1992 qui ne constitue pas une prise de position formelle opposable à l'administration sur le fondement de l'article L. 80 B du même livre ; que, dès lors, en l'absence de toute règle imposant à l'administration de notifier au contribuable la décision d'homologation du rôle, les impositions litigieuses ont été régulièrement établies, sans que la circonstance que les avis d'imposition correspondants ne lui sont parvenus qu'après l'expiration de ce délai ait d'incidence ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 44 quater du code général des impôts, alors applicable : Les entreprises créées du 1er janvier 1983 au 31 décembre 1986, soumises de plein droit ou sur option à un régime réel d'imposition de leurs résultats et répondant aux conditions prévues aux 2° et 3° du II et au III de l'article 44 bis, sont exonérées d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés à raison des bénéfices industriels et commerciaux qu'elles réalisent à compter de la date de leur création jusqu'au terme du trente-cinquième mois suivant celui au cours duquel cette création est intervenue. Les bénéfices réalisés au cours des vingt-quatre mois suivant la période d'exonération précitée ne sont retenus dans les bases de l'impôt sur le revenu et de l'impôt sur les sociétés que pour la moitié de leur montant ;

Considérant que si les bénéfices des entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés sont, quelle que soit la nature de leur activité, imposés, en vertu de l'article 209-I du code général des impôts, en tant que bénéfices industriels et commerciaux, il résulte néanmoins des travaux préparatoires de l'article 7 de la loi n° 83-1179 du 29 décembre 1983 portant loi de finances pour 1984 dont sont issues les dispositions précitées de l'article 44 quater, que le législateur a entendu réserver le régime prévu audit article aux entreprises dont l'activité est de nature industrielle ou commerciale, et en exclure, quelle que soit leur forme juridique, les entreprises exerçant des professions ou des activités d'une autre nature ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Orfimar a eu pour activité principale, à compter du début de son activité et au cours des exercices litigieux, l'achat, la gestion et la cession de valeurs mobilières, alors que son objet social prévoyait qu'elle développe une activité de services, conseils, assistance de gestion, exploitation et concession de brevets vis-à-vis de sociétés ; que, dès lors, sans qu'il soit besoin d'examiner si, par ailleurs, elle remplissait l'une des autres conditions prévues aux 2° et 3° du II et au III de l'article 44 bis du code général des impôts, en raison de la nature non commerciale de cette activité, elle n'était pas en droit de bénéficier de l'exonération prévue à l'article 44 quater précité du même code en faveur des entreprises industrielles et commerciales nouvelles créées avant le 31 décembre 1986 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est fondé, d'une part, à soutenir que c'est à tort que, par l'article 2 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a fait droit à la demande de la société Orfimar tendant à la décharge des compléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos les 30 juin 1990 et 31 décembre 1990 et, d'autre part, à demander le rétablissement des impositions litigieuses ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant, en premier lieu, que les dégrèvements substantiels accordés en première instance à la société Orfimar justifient à eux seuls la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 5.000 F (762,25 euros) au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens, prononcée par l'article 3 du jugement attaqué dont le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE n'est, dès lors, pas fondé à demander l'annulation ;

Considérant, en second lieu, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à verser à la société Orfimar la somme qu'elle demande au titre des frais exposés en appel ;

D E C I D E :

Article 1er : L'article 2 du jugement du tribunal administratif de Paris en date du 21 mai 2001 est annulé.

Article 2 : Les compléments d'impôt sur les sociétés auxquels la société Orfimar a été assujettie au titre des exercices clos les 30 juin 1990 et 31 décembre 1990 restant en litige sont remis à sa charge.

Article 3 : Le surplus des conclusions du recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est rejeté.

Article 4 : Les conclusions de la société Orfimar tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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N° 01PA03460


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2eme chambre
Numéro d'arrêt : 01PA03460
Date de la décision : 11/04/2003
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. COUZINET
Rapporteur ?: M. LE GOFF
Rapporteur public ?: M. BATAILLE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2003-04-11;01pa03460 ?
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